EXAMEN DES ARTICLES

Article unique
Allongement du troisième cycle des études de médecine générale et contenu de la quatrième année

Cet article tend, d'une part, à fixer la durée minimale du troisième cycle des études de médecine à quatre ans et, d'autre part, à affecter la quatrième année du troisième cycle de médecine générale à la réalisation de stages en pratique ambulatoire, en régime d'autonomie supervisée et en priorité dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins.

I. Le dispositif proposé : l'allongement du troisième cycle de médecine générale envisagé depuis plusieurs années afin d'accroître le caractère professionnalisant de la formation

A. D'une durée de trois ans, le troisième cycle de médecine générale résultant de la réforme de 2017 fait figure d'exception

1. La réforme de 2017 a profondément remanié le troisième cycle des études de médecine

Réformé en 2016 et 2017, le troisième cycle des études de médecine comprend désormais quarante-quatre diplômes d'études spécialisées (DES), remplaçant les anciens DES et DES complémentaires (DESC) dont le chevauchement s'avérait particulièrement complexe. L'étudiant obtient, après soutenance avec succès d'une thèse d'exercice, le diplôme d'État de docteur en médecine 1 ( * ) et, après validation de l'ensemble de la formation, d'un DES 2 ( * ) permettant la qualification et l'exercice dans chacune des spécialités : le post-internat ne sert plus comme complément de formation initiale.

La durée du troisième cycle des études de médecine est comprise entre trois et six ans et fixée, pour chaque spécialité, par les maquettes de formation définies par arrêté 3 ( * ) . À l'exception des spécialités dont la durée est de trois ans, qui ne comprennent que les deux premières, le troisième cycle est organisé en trois phases :

- une phase 1 dite « socle » visant l'acquisition des connaissances de base de la spécialité et des compétences transversales nécessaires à l'exercice de la profession ;

- une phase 2 dite « d'approfondissement » visant l'acquisition approfondie des connaissances et des compétences nécessaires à l'exercice de la spécialité suivie ;

- une phase 3 dite « de consolidation » visant la consolidation de l'ensemble des connaissances et compétences nécessaires à l'exercice de la spécialité 4 ( * ) .

Des formations complémentaires sont accessibles aux étudiants, qui permettent l'acquisition de compétences spécifiques :

- 32 options , spécifiques à l'une des quarante-quatre spécialités et ouvrant droit à un exercice complémentaire de surspécialité au sein de la spécialité 5 ( * ) ;

- 26 formations spécialisées transversales (FST) 6 ( * ) , communes à plusieurs spécialités et ouvrant droit, là encore, à un exercice complémentaire de sur-spécialité 7 ( * ) .

Enfin, deux statuts distincts sont, depuis la réforme, applicables aux étudiants de troisième cycle : si le statut d'interne 8 ( * ) , antérieur à la réforme, s'applique toujours aux étudiants des phases 1 et 2 du troisième cycle, un nouveau statut de docteur junior 9 ( * ) est désormais accordé aux étudiants de la phase 3, dite de consolidation. Adapté à l'autonomie renforcée, bien que progressive, attendue des étudiants de cette dernière phase, le statut de docteur junior bénéficie notamment d'une rémunération revalorisée.

Ces statuts sont applicables à l'ensemble des étudiants d'une même phase de troisième cycle , sans distinction de spécialité ou de mode d'exercice. L'article L. 632-5 du code de l'éducation dispose, à cet égard, que « quelle que soit la discipline d'internat, les internes sont soumis aux mêmes dispositions statutaires et perçoivent la même rémunération ».

Les statuts d'interne et de docteur junior

1° Autonomie

Le docteur junior , inscrit pour la durée de la phase 3 sur un tableau spécial du conseil départemental de l'ordre des médecins 10 ( * ) , exerce notamment des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome. Il suit sa formation sous le régime de l'autonomie supervisée. Les actes réalisés sous ce régime le sont par le docteur junior seul . Le responsable du lieu de stage organise la restitution régulière par le docteur junior de toute activité réalisée en autonomie. Les actes, à l'inverse, que le docteur junior ne réalise pas encore en autonomie supervisée sont réalisés dans les conditions en vigueur pour les internes 11 ( * ) .

L' interne en médecine exerce des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins 12 ( * ) .

2° Responsabilité

Le docteur junior comme l' interne exercent leurs fonctions par délégation et sous la responsabilité du praticien dont ils relèvent 13 ( * ) .

3° Rémunération

La rémunération des internes et docteurs juniors comprend :

- des émoluments forfaitaires versés après service fait (au 1 er juillet 2022, 28 074,34 € brut annuels pour les docteurs juniors et 27 988,47 € brut annuels pour les internes de 3 e année) 14 ( * ) ;

- des primes et indemnités (liées aux gardes et astreintes réalisées, ou à la participation à des jurys de concours) 15 ( * ) ;

- de remboursements de frais (remboursement de frais de déplacement, indemnités forfaitaires de transport et d'hébergement).

Les docteurs juniors perçoivent, en sus, une prime annuelle d'autonomie supervisée de 5 000 € pour la première année de phase 3 et de 6 000 € pour la seconde année 16 ( * ) .

2. D'une durée de trois ans, le troisième cycle de médecine générale fait figure d'exception et ne comprend pas de phase de consolidation

Si, en application de l'article R. 632-20 du code de l'éducation, la durée des DES doit être comprise entre trois et six ans, la médecine générale est la seule des quarante-quatre spécialités pour laquelle la durée minimale a été retenue 17 ( * ) . La durée des DES de la plupart des autres spécialités de la discipline médicale - allergologie, dermatologie, gériatrie, médecine d'urgence, neurologie, etc . - est fixée à quatre ans. Les spécialités de la discipline chirurgicale, elles, ont le plus souvent un troisième cycle de six ans.

En conséquence, l'internat de médecine générale est également le seul à ne pas comprendre de phase 3 de consolidation 18 ( * ) , limitée aux spécialités dont le troisième cycle dure au moins quatre années. Le troisième cycle de médecine générale est structuré en une phase socle de deux semestres et une phase d'approfondissement de quatre semestres 19 ( * ) . Si le statut de docteur junior n'est donc pas applicable aux étudiants de médecine générale, un stage en soins primaires en autonomie supervisée (Saspas), réalisé en ambulatoire auprès d'un ou plusieurs praticiens agréés maîtres de stage des universités (MSU), a toutefois, de longue date 20 ( * ) , été intégré au référentiel de formation et apporte aux internes une expérience de l'autonomie.

Les stages prévus par le référentiel de formation
du DES de médecine générale

1° Phase socle (2 semestres)

- un stage en médecine générale en ambulatoire auprès d'un MSU ;

- un stage en médecine d'urgence dans un lieu hospitalier.

2° Phase d'approfondissement (4 semestres)

- un stage en médecine polyvalente dans un lieu hospitalier ;

- un stage en santé de l'enfant (ambulatoire auprès d'un MSU ou lieu hospitalier) ;

- un stage en santé de la femme (ambulatoire auprès d'un MSU ou lieu hospitalier) ;

- un stage en soins primaires en autonomie supervisée (Saspas), en ambulatoire auprès d'un MSU.

Dans le cas où les capacités de formation s'avéreraient insuffisantes, un stage couplé en santé de la femme et en santé de l'enfant peut se substituer aux deux prévus. Dans ce cas, un stage libre peut être réalisé par l'étudiant, de préférence auprès d'un MSU.

B. Envisagée depuis 2017 afin d'accroître le caractère professionnalisant de la formation, l'allongement du troisième cycle de médecine générale suppose un développement suffisant de la maîtrise de stage universitaire

1. L'allongement du troisième cycle et le développement des stages ambulatoires nécessitent la présence de maîtres de stage universitaires, dont le nombre a fortement augmenté ces dernières années

L'extension du troisième cycle de médecine générale à quatre ans, pour l'aligner avec la majorité des autres spécialités de la discipline médicale et ouvrir aux étudiants la phase de consolidation, a été envisagée dès la réforme du troisième cycle . L'IGAS recommandait d'ailleurs, en décembre 2017, de « réviser la durée du DES de médecine générale à quatre ans, sous réserve que les conditions de faisabilité soient évaluées et réunies (modèle de financement, réduction des inégalités et renforcement des filières les plus faibles) », afin que les universités « soient en situation trois ans après de disposer des MSU nécessaires répartis sur les territoires » 21 ( * ) . L'allongement du troisième cycle ayant pour principal objectif affiché de développer les périodes de stage en autonomie et en ambulatoire (actuels Saspas), la présence de MSU agréés susceptibles d'accueillir et encadrer les stagiaires ou docteurs juniors constitue en effet un enjeu important de la réforme.

Si le nombre de MSU a considérablement augmenté ces dernières années, il est toutefois longtemps resté insuffisant pour permettre à toutes les universités de généraliser le Saspas et, plus encore, d'envisager un allongement du troisième cycle et la mise en place d'une année supplémentaire en autonomie supervisée. Selon la direction générale de l'offre de soins, en 2016 et quand bien même celui-ci était prévu par le référentiel de formation, un interne sur deux seulement de médecine générale réalisait un Saspas 22 ( * ) . La question, subsidiaire, de la répartition des MSU sur le territoire est également importante, l'un des objectifs affichés de la réflexion étant de faire en sorte que la période renforcée d'autonomie en troisième cycle contribue à l'amélioration de l'offre de soins dans les territoires.

Le statut des maîtres de stage universitaires (MSU)

La formation en stage de troisième cycle des études de médecine peut être accomplie 23 ( * ) :

- dans les CHU ;

- dans d'autres établissements de santé, publics ou privés, ou des hôpitaux des armées ;

- auprès de praticiens agréés-maîtres de stage des universités (MSU) exerçant en centre de santé, en cabinet libéral, en maison de santé ou au sein d'un centre médical du service de santé des armées ;

- au sein d'autres organismes extra-hospitaliers.

Les MSU ont accompagné le développement des stages en ambulatoire. Leur statut est fixé par voie réglementaire.

1° Conditions d'agrément

Pour être agréé, le praticien doit 24 ( * ) :

- attester avoir suivi une formation à l'accueil, à l'encadrement et à l'évaluation d'un étudiant, auprès d'une université ou d'un organisme habilité 25 ( * ) , d'une durée de deux jours ;

- proposer des activités médicales adaptées à la phase de formation, option ou FST ;

- justifier d'un niveau d'encadrement et des moyens pédagogiques mis en oeuvre pour assurer la qualité de la formation dispensée.

2° Modalités d'agrément

L'agrément est délivré par le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) après avis d'une commission de subdivision 26 ( * ) , comprenant notamment, dans sa formation relative à l'agrément : le directeur de l'unité de formation et de recherche (UFR), le directeur général de l'ARS, le ou les directeurs généraux des CHU de la subdivision, un praticien des armées, cinq enseignants titulaires ou associés, cinq représentants étudiants 27 ( * ) .

L'agrément est accordé, la première fois, pour une durée d'un an maximum, puis renouvelé pour une période de cinq ans en l'absence de réserve ou d'un an lorsqu'il doit être assorti de recommandations. Il peut être suspendu, retiré ou refusé 28 ( * ) .

3° Rémunération

Les MSU perçoivent des honoraires pédagogiques versés par l'unité de formation et de recherche (UFR) médicale, dont le montant est fixé à 600 euros brut par mois de stage et par étudiant 29 ( * ) .

Afin de compenser les coûts liés au suivi de la formation nécessaire à l'agrément, le futur MSU perçoit par ailleurs une indemnité forfaitaire de 690 euros .

Enfin, les internes et docteurs juniors étant rémunérés forfaitairement, les actes qu'ils réalisent rémunèrent leur responsable de stage et compensent la perte de revenus liée au temps consacré à leur encadrement.

Le nombre de MSU a considérablement augmenté ces dernières années et doit augmenter encore dans les années à venir, cette évolution accompagnant le développement des stages en ambulatoire et permettant d'envisager l'allongement du troisième cycle de médecine générale. Le nombre total de praticiens agréés serait ainsi passé de 11 805 en 2019 à 12 941 en 2021. Le ministère vise à atteindre 13 937 MSU en 2024, ce qui représenterait une augmentation de plus de 18 % de leur nombre sur cinq ans 30 ( * ) .

2. L'allongement de la durée du troisième cycle et le développement des stages ambulatoires renforceraient la professionnalisation des étudiants et favoriseraient leur installation rapide

Désormais envisageable, l'allongement de la durée du troisième cycle de médecine générale permettrait de renforcer le caractère professionnalisant de leur formation et de favoriser l' installation rapide des étudiants .

Une telle révision du troisième cycle permettrait, d'abord, d'accorder une plus grande place aux stages en autonomie supervisée et en ambulatoire .

Alors que la maquette actuelle de médecine générale ne comprend, en phase 2, qu'un « stage en soins primaires en autonomie supervisée » (Saspas) d'une durée d'un semestre, la création d'une quatrième année de troisième cycle permettrait aux étudiants d'accéder au statut de docteur junior et de réaliser un ou plusieurs stages supplémentaires en autonomie supervisée.

Dès 2017, l'IGAS envisageait ainsi de déplacer le Saspas en phase de consolidation et que celui-ci, dans ces conditions, « serait doublé et réalisé dans un ou deux territoires à définir, cohérents avec les besoins de santé et le projet professionnel de l'interne et du territoire » 31 ( * ) .

Par ailleurs, l'allongement de la durée du troisième cycle devrait permettre de limiter le phénomène, signalé par plusieurs personnes entendues par la rapporteure, de retard des étudiants dans la soutenance de leur thèse. En effet, l'accès à la phase 3 du troisième cycle, donc à la fin de leur formation et au statut de docteur junior, est aujourd'hui conditionné, dans l'ensemble des spécialités pour lesquelles le troisième cycle est d'au moins quatre ans, à la soutenance de la thèse. En médecine générale, la thèse est également soutenue en fin de phase 2 mais ne conditionne pas l'accès à une troisième phase. Au contraire, les étudiants ont la possibilité de la soutenir « au plus tard trois ans après la validation de la dernière phase » 32 ( * ) , retardant d'autant l'installation de ceux qui bénéficient de ce délai.

La mise à jour de la maquette de formation pourrait, enfin, permettre de développer la formation à l'installation , par exemple en développant des enseignements de comptabilité ou de gestion. En favorisant la professionnalisation des étudiants et leur installation rapide - en cabinet ou en exercice coordonné -, elle contribuerait à améliorer l'offre de soins dans une spécialité particulièrement concernée par les problèmes de démographie médicale.

C. Les difficultés d'accès aux soins sont particulièrement prégnantes en médecine générale

1. La médecine générale est une spécialité dont la démographie apparaît particulièrement sinistrée

a) La baisse du nombre de médecins généralistes

La diminution de la densité médicale s'est accélérée dans la dernière décennie et touche particulièrement les médecins généralistes . Après une stagnation dans les années 2000, le nombre de médecins généralistes libéraux a diminué chaque année entre 2010 et 2021, passant de 62 000 à 57 000 sur cette période. La baisse est encore plus importante lorsqu'elle est rapportée à la population : la densité médicale des généralistes a diminué de 18 % sur 20 ans quand elle ne diminuait que de 9 % pour les autres spécialités sur la même période 33 ( * ) .

Cette évolution laisse craindre une aggravation des difficultés dans l'accès aux soins de premier recours. La Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) estime qu'en 2021, 11 % des patients de 17 ans et plus n'ont pas de médecin traitant déclaré, soit plus de 6 millions d'assurés 34 ( * ) .

b) Ce problème démographique devrait perdurer dans les années à venir

Si la suppression du numerus clausus par la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé (OTSS) et l'augmentation du recrutement d'étudiants laissent espérer une amélioration de la situation à terme, la démographie médicale ne devrait pas se redresser avant plusieurs années . Une étude de la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) estimait en 2017 que la baisse du nombre de médecins devrait se poursuivre jusqu'en 2025 35 ( * ) . Une étude plus récente encore ne met en avant, sous hypothèses de comportements et de législation constants, qu'une augmentation modérée du nombre de médecins les années suivantes 36 ( * ) :

- entre 2025 et 2030, une légère hausse permettrait de compenser la baisse actuelle et de retrouver à l'issue de la décennie le niveau de 2020 ;

- une hausse plus soutenue devrait ensuite permettre d'atteindre en 2040 un nombre de médecins supérieur de 18 % au niveau actuel.

Projection d'évolution du nombre de médecins dans les prochaines années

Source : Drees, « Quelle démographie récente et à venir pour les professions médicales et pharmaceutiques ? », Les dossiers de la Drees , n° 76, mars 2021

2. Les dispositifs existants apparaissent insuffisants pour améliorer l'accès aux soins de premier recours dans certains territoires

a) Bien qu'inférieures à celles d'autres spécialités, les inégalités de répartition des médecins généralistes restent importantes

Si la densité de médecins généralistes est, en conséquence, globalement déclinante, tous les territoires n'apparaissent pas égaux face à cette difficulté . Ainsi, la densité de médecins généralistes est 1,7 fois plus importante dans les 10 % des départements les mieux dotés que dans les 10 % de départements les moins bien dotés 37 ( * ) . Si ce rapport apparaît moins inégalitaire que celui des autres spécialités - la répartition des généralistes sur le territoire étant plus homogène -, il demeure significatif et ne fait pas état, par ailleurs, des disparités importantes pouvant exister à l'intérieur des départements.

L'indicateur d'accessibilité potentielle localisée (APL), développé par la Drees, permet de mieux mesurer l'adéquation entre l'offre et la demande de soins à l'échelle de la commune . En 2018, 6 % environ de la population française, n'ayant pas accès en moyenne à plus de 2,5 consultations par an et par habitant en moyenne, vivait dans une zone sous-dotée en médecins généralistes 38 ( * ) . Les territoires ruraux, comme les banlieues du pôle urbain de Paris, ont tendance à cumuler les difficultés d'accès aux soins de premier recours (médecins généralistes, infirmiers et masseurs-kinésithérapeutes) 39 ( * ) .

Densité de médecins généralistes libéraux pour 100 000 habitants en 2021

Source : CNAM, Améliorer la qualité du système de santé et maîtrise les dépenses 2022 , juillet 2022

b) De nombreux dispositifs ont été mis en place pour inciter l'installation en zone sous-dense et se sont avérés insuffisants

De nombreux dispositifs visant à encourager l'installation de médecins dans les zones sous-denses ont été mis en place ces dernières années, qui s'avèrent toutefois peu lisibles et insuffisants 40 ( * ) pour enrayer la dynamique observée de désertification, dans un contexte de démographie médicale déclinante.

Les principaux dispositifs incitatifs visant à lutter
contre la « désertification » médicale

La convention médicale de 2016 met en place des dispositifs d'aide financière à l'installation des médecins en zone sous-dense (jusqu'à 50 000 €), au maintien dans un tel territoire ou à l'accompagnement d'un nouveau confrère lors d'une sortie d'exercice.

Le contrat de début d'exercice , conclu avec l'ARS, incite les jeunes médecins à s'installer en libéral dans les zones sous-dotées, en contrepartie d'une garantie minimale de rémunération.

Le contrat d'engagement de service public (CESP) permet aux étudiants de bénéficier d'une bourse d'études de 1 200 € brut par mois en contrepartie d'un engagement à exercer en secteur 1 et en zone sous-dotée pendant une période égale à la durée du versement.

Des bourses, aides financières à l'installation ou à la réalisation de stages sont proposées par les collectivités territoriales. Celles-ci favorisent également le développement de structures pluri-professionnelles et de l'exercice coordonné (maisons de santé, centres de santé), devant permettre d'améliorer l'accès aux soins, notamment dans les territoires sous-dotés, et de renforcer leur attractivité en proposant aux professionnels des conditions d'exercice correspondant mieux à leurs aspirations.

Nécessaires, ces mesures ne permettent toutefois pas, le plus souvent, de résoudre le problème de densité médicale que soulève à court terme la démographie déclinante de la profession. L'amélioration de la professionnalisation des internes de médecine générale pourrait y contribuer. Surtout, l'affectation de stages en zones sous-denses, en tenant compte des besoins des territoires comme de leur capacité à fournir l'accompagnement indispensable à la formation des étudiants, pourrait constituer une mesure complémentaire, susceptible d'avoir des effets immédiats.

D. La proposition de loi allonge le troisième cycle et affecte la quatrième année à des stages en autonomie supervisée, réalisés prioritairement en zone sous-dense

L'article unique de la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale afin de lutter contre « les déserts médicaux », déposée par le président Bruno Retailleau sur le bureau du Sénat le 31 janvier 2022, vise à allonger le troisième cycle de médecine générale et à affecter la quatrième année de ce dernier à la réalisation de stages en ambulatoire, en autonomie supervisée et, en priorité, en zone sous-dense.

Le I de l'article unique insère ainsi, à l'article L. 632-2 du code de l'éducation, deux alinéas disposant :

- d'une part, que la durée du troisième cycle des études de médecine, fixée par décret, ne peut être inférieure à quatre ans ;

- d'autre part, que la quatrième année du troisième cycle de médecine générale est intégralement effectuée en stage en pratique ambulatoire dans des lieux agréés, sous un régime d'autonomie supervisée et en priorité dans les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins, déterminées par arrêté du directeur général de l'ARS en application du 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique.

Ces dispositions remplacent un alinéa, inséré à l'initiative du Sénat dans le code de l'éducation en 2019, prévoyant que les étudiants de médecine générale réalisent, lors de leur troisième année d'internat, un stage d'un semestre en pratique ambulatoire en autonomie supervisée, en priorité en zone sous-dense.

Le II de l'article unique détermine les conditions d'application de ces dispositions.

II. La position de la commission : approuver le dispositif et en clarifier les modalités

Depuis plus de cinq ans, l'allongement du quatrième cycle de médecine générale est très régulièrement évoqué dans le débat public. L'élection présidentielle de 2022, à cet égard, ne fait pas exception. Le dispositif porté par la proposition de loi figure d'ailleurs, en des termes très proches, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale le 26 septembre dernier. Au terme de ses travaux, et après avoir conduit de nombreuses auditions, la rapporteure estime que la présente proposition de loi constitue le véhicule le plus sûr pour adopter cette réforme qui apparaît, à la fois, nécessaire et urgente .

L'allongement de la durée du troisième cycle de médecine générale permettrait, d'abord, de renforcer la professionnalisation des étudiants en médecine générale et de favoriser, ainsi, leur installation rapide . Il s'agit du principal objectif de la présente proposition de loi. Les auditions ont ainsi permis d'établir qu'un large consensus existe, au sein de la profession comme parmi les enseignants, en faveur de l'instauration d'une quatrième année de troisième cycle. Celle-ci rapprocherait la médecine générale des autres spécialités de la discipline médicale, et l'intégrerait pleinement à la réforme du troisième cycle intervenue il y a cinq ans. Elle permettrait aux étudiants de la spécialité de bénéficier du statut de docteur junior. Elle les amènerait à effectuer, surtout, une année complète de pratique en autonomie supervisée, comparable à celle dont bénéficient les autres spécialités.

En renforçant le caractère professionnalisant de leur formation, en les plaçant progressivement en situation d'autonomie, et en précipitant la soutenance de leur thèse d'exercice, la quatrième année de troisième cycle devrait favoriser l'installation rapide des étudiants de la spécialité . Elle constitue en cela, et en elle-même, une mesure favorable à l'offre de soins . À cet égard, le Collège national des généralistes enseignants a souligné, lors de son audition, que la phase de consolidation, aujourd'hui absente en médecine générale, est « un gage d'autonomisation et de développement des pratiques professionnelles propre à permettre une installation rapide dans de bonnes conditions de sécurité pour les jeunes médecins comme pour leurs patients ».

L'affectation des stages en priorité aux zones sous-denses a soulevé des inquiétudes , relayées par les associations représentatives des internes lors des auditions. Sur ce point, la rapporteure souligne que s'il est indispensable de tenir compte, dans l'affectation des internes et docteurs juniors, des besoins des territoires en matière d'offre de soins, l'accompagnement des étudiants et le caractère formateur des stages de troisième cycle ne doivent pas être sacrifiés. Les stages de quatrième année seront réalisés sous la supervision d'un maître de stage universitaire, chargé d'accompagner l'autonomisation progressive des étudiants.

Pour mieux refléter les objectifs de la proposition de loi, qui vise avant tout à améliorer la formation des étudiants de médecine générale, la rapporteure a proposé d'adopter un amendement COM-3 visant à modifier son intitulé pour préférer « Proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale ».

Si la mesure est désormais portée par le PLFSS déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale 41 ( * ) , la rapporteure souligne toutefois que la présente proposition de loi constitue le véhicule le plus adapté . La mesure s'inspire, d'abord, d'un dispositif voté en 2019 à l'initiative du Sénat, prévoyant que les étudiants de médecine générale réalisent, lors de leur troisième année d'internat, un stage d'un semestre en pratique ambulatoire en autonomie supervisée, en priorité dans les zones sous-denses. Cette disposition n'a jamais été appliquée par le Gouvernement, faute de l'intervention d'un décret nécessaire à la pleine mise en oeuvre du dispositif.

La proposition de loi s'inspire également des travaux de la récente commission d'enquête du Sénat relative à la situation de l'hôpital, qui proposait de « développer les stages de médecine générale en milieu ambulatoire et renforcer la formation en médecine générale par une quatrième année d'internat exercée en activité ambulatoire et en autonomie supervisée [...] , en priorité en zone sous-dotée » 42 ( * ) .

Par ailleurs, les dispositions insérées dans le PLFSS soulèvent des questions de recevabilité, leur absence d'effet sur les dépenses des régimes obligatoires de sécurité sociale étant, au demeurant, explicitée dans l'étude d'impact du Gouvernement.

Enfin, si la mesure apparaît urgente, ses modalités d'application doivent permettre d'en assurer la pleine réussite. À cet égard, les personnes auditionnées ont souligné qu'afin de préserver la cohérence de leur formation, la mesure ne devrait pas s'appliquer aux étudiants actuels du DES de médecine générale. Par ailleurs, selon le Conseil national de l'Ordre, auditionné par la rapporteure, un tel délai d'application permettrait de préparer dans de bonnes conditions l'« année blanche », sans sortie de médecins généralistes diplômés, que la mesure ne manquera pas de générer. Celle-ci interviendrait, dans le cas où la proposition loi serait définitivement adoptée dans les prochains mois, en 2026. Un tel report permettrait enfin de construire dans des conditions satisfaisantes les nouveaux référentiels de formation, et de poursuivre l'effort d'augmentation du nombre de maîtres de stage dans chaque territoire.

En conséquence, la rapporteure a proposé d'adopter un amendement COM-2 clarifiant les modalités d'application de la proposition de loi en prévoyant que l'extension du troisième cycle de médecine générale et, en conséquence, la mise en place de la quatrième année ne s'appliqueront pas aux étudiants qui, à la date de sa publication, avaient d'ores et déjà débuté le troisième cycle des études de médecine.

La commission a adopté l'article unique ainsi modifié.


* 1 Article R. 632-24 du code de l'éducation.

* 2 Article R. 632-25 du code de l'éducation.

* 3 Article R. 632-20 du code de l'éducation.

* 4 Article R. 632-20 du code de l'éducation.

* 5 Article R. 632-21 du code de l'éducation.

* 6 Prévues par l'article R. 632-22 du code de l'éducation, les formations spécialisées transversales accessibles sont listées par l'arrêté du 21 avril 2017 relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d'études spécialisées.

* 7 Figurent parmi les FST citées, à titre indicatif, par le référentiel de formation en médecine générale : l'addictologie, la douleur, la médecine du sport, la médecine scolaire.

* 8 Articles R. 6153-1 à R. 6153-1-23 du code de la santé publique.

* 9 Articles R. 6153-2 à R. 6153-40 du code de la santé publique.

* 10 Article R. 6153-1-1 du code de la santé publique.

* 11 Article R. 6153-1-2 du code de la santé publique.

* 12 Article R. 6153-3 du code de la santé publique.

* 13 Articles R. 6153-1-2 et R. 6153-3 du code de la santé publique.

* 14 Arrêté du 8 juillet 2022 relatif aux émoluments, rémunérations ou indemnités des personnels médicaux, pharmaceutiques et odontologiques.

* 15 Articles D. 6153-1-8 et D. 6153-10-1 du code de la santé publique.

* 16 Arrêté du 11 février 2020 relatif aux émoluments, aux primes et indemnités des docteurs juniors.

* 17 La durée de chacun des DES, comme le contenu de la formation, sont fixés par l'arrêté du 21 avril 2017 relatif aux connaissances, aux compétences et aux maquettes de formation des diplômes d'études spécialisées.

* 18 Article R. 632-20 du code de l'éducation.

* 19 Référentiel de formation du DES de médecine générale annexé à l'arrêté du 21 avril 2017 précité.

* 20 Le Saspas figurait déjà dans le référentiel de formation de médecine générale de 2004, porté par l'arrêté du 22 septembre 2004 fixant la liste et la réglementation des diplômes d'études spécialisées de médecine.

* 21 IGAS, Répondre aux besoins de santé en formant mieux les médecins : propositions pour évaluer et réviser le troisième cycle des études médicales , op. cit. : recommandation n° 14.

* 22 Ibid .

* 23 Article R. 632-27 du code de l'éducation, appliquant l'article L. 632-5 du même code.

* 24 Article R. 632-28-1 du code de l'éducation.

* 25 Article R. 632-28-2 du code de l'éducation.

* 26 Article R. 632-28-3 du code de l'éducation.

* 27 Article 21 de l'arrêté du 12 avril 2017 portant organisation du troisième cycle des études de médecine.

* 28 Article 36 de l'arrêté du 12 avril 2017 précité.

* 29 Article 17 de l'arrêté du 12 avril 2017 précité ; article 12 de l'arrêté du 18 novembre 2015 relatif aux stages accomplis auprès de praticiens agréés maîtres de stage des universités au cours du deuxième cycle des études de médecine.

* 30 Instruction interministérielle n° DGOS/RH1/DGESIP/2022/51 du 24 février 2022 relative au développement des stages en ambulatoire pour les étudiants en deuxième et troisième cycles des études de médecine.

* 31 IGAS, Répondre aux besoins de santé en formant mieux les médecins : propositions pour évaluer et réviser le troisième cycle des études médicales , op. cit.

* 32 Article R. 632-23 du code de l'éducation.

* 33 CNAM, Améliorer la qualité du système de santé et maîtriser les dépenses. Propositions de l'Assurance Maladie pour 2023 , juillet 2022.

* 34 CNAM, op.cit.

* 35 Drees, Déserts médicaux : comment les définir ? Comment les mesurer ? , mai 2017.

* 36 Drees, Quelle démographie récente et à venir pour les professions médicales et pharmaceutiques ? Constat et projections démographiques , mars 2021.

* 37 CNAM , op. cit .

* 38 Drees, En 2018, les territoires sous-dotés en médecins généralistes concernent près de 6 % de la population , février 2020.

* 39 Drees, Les trois quarts des personnes les plus éloignées des professionnels de premier recours vivent dans des territoires ruraux , septembre 2021.

* 40 La Cour des comptes, en 2017, mentionnait des « mesures correctrices notoirement insuffisantes » : Cour des comptes, L'avenir de l'assurance maladie , novembre 2017.

* 41 Article 23 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 26 septembre 2022.

* 42 Rapport de la commission d'enquête, Hôpital : sortir des urgences , déposé le 29 mars 2022.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page