III. NOTRE DROIT NATIONAL EST CONFORME AUX EXIGENCES DE LA CONVENTION, MAIS QUELQUES PISTES D'AMÉLIORATION DEMEURENT
A. LE DROIT FRANÇAIS EST RECONNU COMME L'UN DES PLUS AVANCÉS SUR LE SUJET
La France n'a pas fait l'objet d'une évaluation de conformité à la convention, celle-ci étant réservée aux seuls pays l'ayant ratifiée. Alors qu'un premier exercice d'auto-évaluation vient d'être lancé, le cadre juridique français semble ne montrer aucune lacune au regard des exigences de la Convention de Macolin.
Interrogé par le rapporteur, le secrétariat du Conseil de l'Europe a souligné l'excellente coopération qu'il entretient avec la plateforme française. La France est l'un des pays les plus avancés en ce domaine, et sa plateforme nationale fait partie des institutions les plus proactives et dynamiques sur les questions de manipulation des compétitions sportives ; l'élection de son coordinateur à la présidence du groupe de Copenhague en témoigne.
Les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 seront l'occasion de mettre en place un système de prévention efficace, en collaboration avec le Comité international olympique.
B. DES RÉFLEXIONS POURRAIENT NÉANMOINS ÊTRE CONDUITES, EN LIEN AVEC LE CONSEIL DE L'EUROPE
L'étude d'impact fait apparaître quelques écarts entre le cadre juridique en vigueur en France et les dispositions de la Convention de Macolin, sans pour autant qu'ils puissent être considérés comme des lacunes de notre droit national :
- l'article 3 de la convention désigne comme acteur de la compétition toute personne physique ou morale appartenant à une catégorie qu'il précise. Ces catégories sont, quant à elles, composées majoritairement de personnes physiques ; seule la catégorie des « officiels » peut recouvrir des personnes morales (propriétaires et actionnaires, notamment). Or, dans la mesure où ces personnes morales sont en nombre limité et, en tout état de cause, représentées, en droit français, par leurs dirigeants, le Gouvernement considère qu'il n'est pas nécessaire d'adapter notre législation de manière urgente. Et d'ajouter qu'un travail de réflexion pourra toutefois être mené avec la division sport du Conseil de l'Europe et le comité de suivi de la convention, pour juger de l'opportunité d'adapter le droit national ;
- l'article 7 de la convention introduit la notion « d'informations d'initié ». La législation française relative aux paris sportifs ne prévoit pas de « délit d'initié sportif », le délit d'initié prévu à l'article L. 465-1 du code monétaire et financier étant circonscrit à la sphère financière. Des discussions sur le sujet ont eu lieu au Sénat, à l'occasion de l'examen du projet de loi visant à démocratiser le sport en France. Un projet d'amendement avait été proposé au Gouvernement par plusieurs opérateurs de jeux, pour créer un délit d'initié sportif afin qu'une personne détenant une information privilégiée ne l'utilise pour elle-même ou pour autrui en vue d'en tirer profit. En raison d'une rédaction trop lacunaire et ne présentant pas suffisamment de sécurité juridique, le projet d'amendement n'a toutefois pas été retenu. La Chancellerie avait par ailleurs souligné la difficulté de l'administration de la preuve et de la qualification de l'infraction et, à ce titre, émis des réserves sur le projet de création de ce délit. Il s'agit néanmoins d'un sujet sur lequel le Gouvernement continue de travailler, en lien avec l'ANJ et les opérateurs ;
- l'article 10 de la convention vise à prévenir les conflits d'intérêts et l'utilisation abusive d'informations d'initié, par l'adoption de mesures appropriées. Interrogé sur l'opportunité d'étendre aux personnes morales les dispositions juridiques relatives aux conflits d'intérêt, notamment pour éviter les abus de position de sponsor ou de détenteur de part dans une organisation sportive, l'exécutif considère que l'article 32 de la loi du 12 mai 2010 précité couvre plusieurs hypothèses de conflit d'intérêt et que, par conséquent, il ne semble pas nécessaire de modifier les dispositions juridiques relatives aux conflits d'intérêts ;
- l'article 11 de la convention encourage les parties à se doter des moyens les plus adaptés pour lutter contre les paris sportifs illégaux, tels que le blocage des flux financiers entre les opérateurs de paris illégaux et les consommateurs. Or cette mesure n'existe pas en France, contrairement aux autres mesures prévues par la convention (fermeture ou restriction d'accès aux opérateurs de paris illégaux, interdiction de publicité, sensibilisation aux risques associés aux paris illégaux). Interrogé sur ce point par le rapporteur, la Chancellerie souligne que l'article 11 ne revêt aucun caractère contraignant puisqu'il n'impose aux parties que d'étudier les moyens les plus adaptés et d'envisager leur adoption dans le respect du droit applicable à la juridiction concernée ;
- l'article 18 de la convention impose aux parties d'adopter des mesures prévoyant la responsabilité des personnes morales à raison des infractions prévues aux articles précédents. Il prévoit, en outre, que « chaque partie adopte les mesures nécessaires pour s'assurer qu'une personne morale peut être tenue pour responsable lorsque l'absence de surveillance ou de contrôle de la part d'une personne physique telle que mentionnée au paragraphe 1 a rendu possible la commission d'une infraction visée aux articles 15 à 17 de la présente convention pour le compte de ladite personne morale par une personne physique agissant sous son autorité » . Le Gouvernement considère que, dans la mesure où cet article laisse aux parties le soin de déterminer la nature de la responsabilité qu'il prévoit (civile, pénale ou administrative), le dispositif français semble couvrir cette responsabilité. Et d'ajouter, là encore, qu'une réflexion pourra être conduite avec le Conseil de l'Europe pour éventuellement modifier notre cadre juridique ;
- l'article 21 de la convention encourage l'adoption de mesures visant à assurer la protection effective des personnes qui fournissent des informations relatives aux infractions énumérées par la convention. Comme indiqué précédemment, un outil de signalement a été mis en place à l'été 2021 pour favoriser la remontée d'alertes, par toute personne, vers la plateforme nationale. Le dispositif issu de la loi « Sapin II » ne s'applique pas directement aux signalements de manipulations sportives ; néanmoins, d'après le ministère de la justice, les garanties et protection prévues par ce dispositif peuvent trouver à s'appliquer ou, à tout le moins, servir de référence pour le traitement des signalements. Ainsi, il n'existe pas de statut de lanceur d'alerte spécifique à la manipulation des compétitions sportives ; un tel dispositif, qui existe déjà en matière de lutte contre le dopage, serait superfétatoire ;
- l'article 23 de la convention impose aux parties d'adopter des mesures permettant le prononcé de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives. Or, en France, les personnes morales n'encourent pas la dissolution pour les délits de corruption sportive. Cette mesure judiciaire est toutefois citée à titre d'exemple dans la convention ; il ne s'agit donc pas d'une obligation pour l'État. La loi française prévoit actuellement des mesures qui, selon le Gouvernement, semblent garantir l'effectivité et la proportionnalité des sanctions.