B. LES CRÉDITS ONT ÉTÉ ALIMENTÉS PAR PLUSIEURS PROCÉDURES EN COURS D'ANNÉE
Alors que la loi de finances initiale n'avait ouvert que 6,0 milliards d'euros de crédits de paiements, sur les seuls programmes 357 et 366, le montant des crédits consommés a finalement été de 34,3 milliards d'euros , répartis sur les cinq programmes de la mission.
Le montant total des crédits ouverts a même été de 42,2 milliards d'euros en crédits de paiement, soit sept fois plus que le montant prévu en loi de finances initiale.
1. Des reports peu conformes à l'esprit de la loi organique ont été utilisés pour alimenter le fonds de solidarité...
Cet écart s'explique d'abord par le montant extrêmement élevé des reports de crédits non consommés en 2020 , soit 28,8 milliards d'euros.
Cette pratique, très éloignée de celle observée depuis le début de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), est peu respectueuse de l'autorisation parlementaire , ainsi que du principe d'annualité des crédits . Elle a été critiquée pour cette raison à plusieurs reprises par la commission des finances du Sénat comme par la Cour des comptes. Les crédits non consommés en 2020 auraient dû être annulés, pour la plus grande part, en loi de finances rectificative de fin d'année 2020 et réouverts en loi de finances initiale pour 2021.
En outre, les reports ont souvent été « croisés », c'est-à-dire que des crédits dont l'ouverture avait été autorisée en vue de l'utilisation sur un programme , et qui n'avaient pas été consommés en 2020, ont été reportés non pas sur le même programme, mais sur un autre programme portant des objectifs différents.
Le programme 357, qui porte les aides du fonds de solidarité destinées aux entreprises faisant face à la crise, a ainsi bénéficié en 2021, pour un montant total de 14,6 milliards d'euros, de reports de crédits non consommés en 2020 sur ce même programme pour la moitié de ce montant (7,9 milliards d'euros), mais aussi de crédits ouverts à l'origine sur le programme 356 qui finance le dispositif d'activité partielle d'urgence (2,3 milliards d'euros) et sur le programme 360 qui compense à la Sécurité sociale le coût d'exonérations de charges (4,3 milliards d'euros).
Il convient également de noter dans le graphique ci-dessous qu'en 2021, 7,8 milliards d'euros sont également reportés sur 2022 (cf le 3. supra ).
Exécution budgétaire de la mission
« Plan d'urgence face à la crise sanitaire » en
2021
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Ces reports croisés ont certes permis de financer à court terme les besoins de financements du fonds de solidarité, rendus nécessaires par la reprise de la crise sanitaire dans les premiers mois de 2021.
Ils ont toutefois empêché les autres programmes de financer leurs propres besoins , car ils n'avaient pas reçus de crédits en loi de finances initiale et ne pouvaient donc fonctionner sans ces reports.
2. ... rendant nécessaire l'abondement en cours d'année des autres dispositifs
Trois procédures différentes ont donc été employées afin de permettre aux autres programmes de la mission de financer leurs actions.
S'agissant du financement de l'activité partielle d'urgence , c'est un véritable expédient budgétaire qui a été employé. Au lieu d'ouvrir des crédits par voie de décret d'avance ou de loi de finances rectificative, le Gouvernement a utilisé des crédits ouverts pour un dispositif distinct , à savoir l'activité partielle de longue durée pour laquelle des crédits avaient été prévus sur le programme 364 « Cohésion » de la mission « Plan de relance » 5 ( * ) . Cette pratique est peu conforme au principe de spécialité des crédits .
En second lieu, un décret d'avance , pris le 19 mai 2021, a ouvert des crédits de 0,5 milliard d'euros sur le programme 356, pour le financement de l'activité partielle , et de 6,7 milliards d'euros sur le programme 357 relatif au fonds de solidarité . Un montant égal, soit 7,2 milliards d'euros, a été annulé sur le programme 358. Ces crédits, ouverts en avril 2020 pour financer d'éventuelles participations financières de l'État, avaient été peu utilisés et reportés sur 2021 à hauteur de 11,7 milliards d'euros.
Enfin, une loi de finances rectificative , prise le 19 juillet 2021, a ouvert des crédits sur les programmes 356 (2,2 milliards d'euros), 357 (3,6 milliards d'euros) et 364 (4 milliards d'euros). Sur les programmes 356 et 357, il s'agissait de constituer des marges de sécurité pour le financement de l'activité partielle d'urgence et du fonds de solidarité, compte tenu des incertitudes sur la prolongation de la crise sanitaire. Quant au programme 364, l'ouverture de crédits tendait à reconstituer les crédits qui avaient été précédemment déviés vers le programme 357, comme indiqué précédemment.
3. Le montant des crédits non consommés était à nouveau élevé en fin d'année
Ces ouvertures de crédits ont été généreuses , les marges de manoeuvre étant encore significatives à ce moment de l'année, tout particulièrement sur le fonds de solidarité 6 ( * ) .
En conséquence, la loi de finances rectificative de fin d'année a annulé des crédits à hauteur de 1,4 milliard d'euros sur le programme 356, de 0,8 milliard d'euros sur le programme 357 et de 0,4 milliard d'euros sur le programme 358.
Ces annulations ne correspondaient qu'à une partie des crédits non consommés. En effet, le Gouvernement a fait le choix , une fois de plus, de reporter de manière massive des crédits non consommés vers 2022 , à hauteur de 7,8 milliards d'euros.
Si une partie de ces crédits ont été consommés au cours des premiers mois de l'année en cours, pour l'essentiel sur le fonds de solidarité, le décret d'avance du 7 avril 2022 en a d'ores et déjà annulé près de la moitié, soit 3,5 milliards d'euros. Ces reports auront ainsi servi à financer des dépenses nouvelles, notamment dues aux mesures prises pour faire face aux nouvelles crises de l'année 2022 notamment liées à la hausse des prix de l'énergie.
Exécution des crédits au 7 juillet 2022
(en millions d'euros)
Programme |
Crédits ouverts en LFI |
Crédits totaux ouverts |
Crédits consommés au 7 juillet 2022 |
356 - Prise en charge du chômage partiel et financement des aides d'urgence aux employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire |
657,3 |
100,2 |
|
357 - Fonds de solidarité pour les entreprises à la suite de la crise sanitaire |
1 818,6 |
1 761,2 |
|
358 - Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire |
425,2 |
0,1 |
|
360 - Compensation à la sécurité sociale des allègements de prélèvements pour les entreprises les plus touchées par la crise sanitaire |
0,0 |
0,0 |
|
366 - Matériels sanitaires pour faire face à la crise de la Covid-19 |
200,0 |
403,8 |
30,6 |
Total mission |
200,0 |
3 304,9 |
1 892,0 |
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et des données Chorus
* 5 Voir le rapport spécial relatif à cette mission.
* 6 Voir le rapport n° 705 (2020-2021) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2021, déposé le 23 juin 2021.