B. LE DROIT DE VOTE À 16 ANS : UN COUP D'ÉPÉE DANS L'EAU ?

L'abaissement de la majorité électorale à 16 ans, prévu par l'article 1 er de la proposition de loi, concernerait plus de 1,669 millions de jeunes et entraînerait une augmentation de l'effectif du corps électoral de 3,48 % . Au-delà de l'effet d'annonce, cette mesure semble toutefois peu opportune et peu efficace au regard de l'objectif affiché de lutte contre l'abstention.

1. Une mesure en décalage avec les priorités et revendications de la jeunesse

Si tant est que la « jeunesse » constitue un ensemble homogène et cohérent, il est manifeste que les jeunes d'aujourd'hui ne revendiquent pas l'abaissement de la majorité électorale avec la même unanimité ni le même enthousiasme que ceux du début des années 1970 2 ( * ) . Bien au contraire, les enquêtes menées par l'Institut français d'opinion publique (IFOP) ainsi que les analyses sociologiques révèlent qu'une telle mesure serait en décalage avec les attentes des jeunes, dont l'abstention a pour raison majeure « l'impression que la politique ne peut rien pour eux » 3 ( * ) , et qui privilégient le recours aux manifestations et pétitions plutôt qu'aux outils de la démocratie représentative .

2. Une incidence positive incertaine sur la participation des jeunes

Du reste, si certains sociologues 4 ( * ) défendent la thèse selon laquelle les électeurs participeraient d'autant plus aux scrutins tout au long de leur vie qu'ils auraient commencé à voter jeunes, les précédents étrangers 5 ( * ) peinent à convaincre du caractère incitatif de l'ouverture du droit de vote à 16 ans . Ainsi, en Autriche, où la majorité électorale a été abaissée à 16 ans en 2007 pour toutes les élections, la participation des jeunes âgés de 16 et 17 ans aux élections législatives a rapidement diminué par la suite : de 88 % aux élections de 2008, le taux de participation des jeunes de 16-17 ans est descendu à 63 % aux élections de 2013, soit bien en deçà du taux de participation de l'ensemble de la population 6 ( * ) .


* 2 Conformément à la promesse de campagne de Valéry Giscard d'Estaing, la majorité a été abaissée à l'âge de 18 ans par la loi n° 74-631 du 5 juillet 1974.

* 3 Frédéric Dabi, La Fracture , Les Arènes, 2021.

* 4 Voir les travaux d'Anne Muxel, directrice de recherches au Centre de recherches politiques de Sciences Po.

* 5 Sur les vingt-sept pays membres de l'Union européenne, seuls trois pays ont aujourd'hui ouvert le droit de vote pour l'ensemble des élections aux jeunes âgés de moins de 18 ans : l'Autriche, Malte, et la Grèce. L'Allemagne et l'Estonie ont abaissé la majorité électorale à 16 ans pour les seules élections locales.

* 6 Taux de participation de 80 % (voir Schmidt, P., Edthofer, J. (2018), Wählen ab 16 in Österreich - ein Erfolgsmodell für ganz Europa ? ÖGfE Policy Brief , 06'2018).

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