B. DES FINANCEMENTS QUI ÉVOLUENT PEU MALGRÉ LA NOUVELLE PROGRAMMATION POUR LES ANNÉES 2022 À 2027 DU PROGRAMME NATIONAL DE DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL (PNDAR)
Les deux programmes financés par le CAS poursuivent des objectifs analogues, encadrés par le nouveau Programme national de développement agricole et rural (PNDAR) pour les années 2022 à 2027 . Mais ils sont mis en oeuvre par des organismes différents, tant au niveau du responsable de programme qu'à celui des entités auxquelles reviennent les ressources qui transitent par le CAS.
Il s'agit, pour le nouveau PNDAR, selon le projet annuel de performances, de contribuer à la souveraineté alimentaire et à la résilience de l'agriculture aux aléas économiques, aux changements climatiques et aux risques sanitaires, notamment via la transition agro-écologique des exploitations agricoles vers des systèmes sobres en intrants et résilients.
1. Une nouvelle programmation pour les années 2022 à 2027 du Programme national de développement agricole et rural (PNDAR)
Le PNDAR 2014-2020 prolongé en 2021 visait à soutenir l'orientation de l'agriculture française vers la triple performance économique, environnementale et sociale, en développant des systèmes agro-écologiques qui replacent l'agronomie et l'écologie au coeur des systèmes de production.
Pour la période 2022-2027, le ministère a redéfini en juillet dernier les orientations de la nouvelle programmation du Programme national de développement agricole et rural (PNDAR).
Le PNDAR 2022-2027 doit ainsi permettre d'intensifier et massifier la transition agro-écologique en combinant création de valeur économique et environnementale. Il doit conforter ces avancées en visant la diffusion plus large des connaissances et des méthodes en agroécologie, la conception d'innovations de rupture et l'adoption massive par les agriculteurs des approches innovantes. Il doit ainsi permettre de fournir des solutions aux principaux défis posés à l'agriculture .
Deux modalités principales sont retenues pour la mise en oeuvre de la mission dans le cadre du PNDAR 2022-2027 :
- des programmes pluriannuels qui permettent d'accompagner sur le moyen terme les transitions et l'évolution des pratiques. Ils assurent un rôle dans la détection des innovations de terrain, la capitalisation de connaissances, la consolidation des compétences, ainsi que la mobilisation des savoirs issus des travaux de recherche ;
Ces programmes pluriannuels devront faire la démonstration de leur inscription dans les neuf thèmes prioritaires du PNDAR 2022-2027 33 ( * ) . Pour la mise en oeuvre des priorités du développement agricole et rural, le MAA conclut des contrats d'objectifs avec l'APCA et l'ACTA, respectivement têtes de réseau des chambres d'agriculture et des instituts techniques agricoles .
- des projets sélectionnés dans le cadre d'appels à projets nationaux , qui permettent d'explorer des sujets nouveaux afin de produire des connaissances, outils ou méthodes appliqués à l'agriculture, et de déployer les innovations en identifiant des leviers et conditions permettant d'intensifier et de massifier leur adoption par les agriculteurs.
D'après les réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux, en complément pourront être soutenus des projets dits « commissionnés » très ciblés « pour lesquels une mise en compétition apporterait très peu de plus-value ainsi que des actions d'animation transversale des thématiques prioritaires du PNDAR ».
Principales réformes associées au nouveau PNDAR
Les principales réformes associées sont:
- le recentrage des priorités sur un nombre volontairement réduit de 9 thèmes et enjeux ;
- une harmonisation des règles administratives et budgétaires ;
- une révision et une harmonisation des modalités d'évaluation et de suivi des programmes pluriannuels, avec un renforcement du fonctionnement en mode projet et une approche davantage tournée sur les résultats visés puis obtenus ainsi que sur le transfert aux utilisateurs ;
- une simplification du paysage des appels à projets (AAP) pour en assurer une meilleure lisibilité et en diminuer les coûts de gestion, avec la mise en place de 3 AAP nationaux et l'harmonisation des modalités de gestion de ces appels. Il est prévu une mobilisation accrue FranceAgriMer comme opérateur de gestion, en particulier pour les AAP nationaux.
- le lancement d'une refonte du système d'information de gestion des programmes pluriannuels.
Source : commission des finances à partir du projet annuel de performances et des réponses au questionnaire des rapporteurs spéciaux
2. Les programmes 775 et 776, entre orientations complémentaires et spécialisation par organisme des concours publics
Les crédits des deux programmes financés par le CAS avaient été rééquilibrés depuis 2015, le programme 775 atteignant une quasi-parité avec le programme 776. Cependant, le projet de loi de finances pour 2022 poursuit le creusement de l'écart entre le programme 775 et le programme 776, entamé en 2021, le second bénéficiant de près de 5 millions d'euros de crédits de plus.
Évolution des crédits du CASDAR entre 2021 et 2022
(en millions d'euros et en %)
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution en volume |
Évolution
|
||
Programme 775 |
AE |
60,1 |
60,48 |
0,38 |
0,6% |
CP |
60,1 |
60,48 |
0,38 |
0,6% |
|
Programme 776 |
AE |
65,9 |
65,52 |
- 0,38 |
- 0,6% |
CP |
65,9 |
65,52 |
- 0,38 |
- 0,6% |
Source : commission des finances d'après le projet annuel de performances
Les crédits du programme 775 demandés pour 2022 sont quasiment stables et n'augmentent que de 380 000 euros à 60,48 millions d'euros contre 60,1 millions d'euros inscrits pour 2021 (+0,6 %). Le programme 775 financera en 2022 :
- les programmes de développement agricole et rural des chambres d'agriculture et de leur tête de réseau, l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), pour 39,75 millions d'euros ;
- des programmes des organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR), pour 7,7 millions d'euros ;
- des programmes tendant à favoriser le progrès génétique animal mis en oeuvre par FranceAgriMer par des organismes chargés de la sélection génétique des animaux d'élevage , pour 8 millions d'euros ;
- des appels à projets régionaux portés par les DRAAF relatifs à l'animation de groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) pour 4,95 millions d'euros .
Les dix premiers bénéficiaires des dépenses du programme 775 ont été les suivants en 2020.
Les dix premiers bénéficiaires des
interventions
du programme 775 en 2020
AE réalisé 2020 |
% / AE du P775 |
|
CRA Nouvelle Aquitaine |
5 446 855 |
8,1% |
CRA Occitanie |
4 901 320 |
7,3% |
CRA Auvergne Rhône Alpes |
4 496 241 |
6,7% |
CRA Grand Est |
3 254 471 |
4,8% |
CRA Bretagne |
2 850 981 |
4,2% |
CRA Pays de la Loire |
2 700 494 |
4% |
CRA Bourgogne Franche Comté |
2 334 083 |
3,5% |
CRA Hauts de France |
2 158 751 |
3,2% |
CRA Normandie |
2 142 917 |
3,2% |
Coop de France |
2 230 000 |
3,3% |
Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux
Sans surprise, les principaux bénéficiaires sont les mêmes que les années précédentes. Neuf chambres régionales d'agriculture totalisaient près de 45 % des dépenses.
Un contrôle est exercé sur l'emploi des fonds délégués aux organismes partenaires.
Avant paiement des soldes, s'exerce le contrôle systématique de tous les programmes de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Ce contrôle sur pièces peut être plus approfondi pour certains dossiers. Par ailleurs, après paiement des soldes, des contrôles sont réalisés par le Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et des espaces ruraux (CGAAER).
Quant au programme 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture » , il englobe le financement de travaux de recherche appliquée, et plus particulièrement des missions d' expérimentations de FranceAgriMer ainsi que des instituts techniques agricoles et, en particulier, de leurs projets de recherche à moyen et long terme coordonnés par l'association de coordination technique agricole (ACTA) .
Il vise à accompagner la conception des systèmes agricoles vers l'agroécologie en orientant l'action des acteurs de la recherche appliquée et en renforçant le continuum entre organismes de recherche, d'enseignement et de développement pour produire et diffuser des connaissances et outils actionnables par les agriculteurs.
Ses moyens sont légèrement en baisse par rapport à la loi de finances pour 2021 avec une ouverture de 65,52 millions d'euros contre 65,9 millions d'euros .
La gestion des interventions se caractérise par une certaine diversité : à côté du financement des programmes de recherche des ITA et ACTA, on relève le recours à la procédure de l' appel à projets.
S'agissant des programmes pluriannuels des ITA, ils sont soumis à l'approbation préalable du ministère. Ce dernier s'assure de l'adéquation de ces programmes aux objectifs du PNDAR, de leur cohérence avec le contrat d'objectifs de l'ACTA, de la pertinence des impacts visés, et en réalise un suivi annuel.
Le nouveau PNDAR prévoit par ailleurs la mise en place de 3 appels à projets nationaux, visant à encourager les dynamiques partenariales et de sélectionner des projets sur des questions ciblées incluses dans les thématiques du PNDAR. Ces appels à projets (AAP) seront opérés par FranceAgriMer et bénéficient de 17,8 millions d'euros en 2022 :
- 1 AAP « Connaissances » ayant pour objectif la production de nouvelles connaissances, techniques, outils ou méthodes en vue de leur application dans les systèmes agricoles ;
- 1 AAP « Accompagnement » visant la mise en place d'actions pour diffuser des connaissances et/ou des outils déjà éprouvés, y compris les innovations repérées sur le terrain, et de démultiplier leur adoption par les agriculteurs ;
- 1 AAP « Co-innovations » ayant pour objectif le déploiement, l'appropriation ou la démultiplication de solutions, notamment par l'identification des leviers et conditions permettant d'intensifier et de massifier l'adoption des innovations.
Ces AAP sont donc en nombre limité, avec des modalités administratives et financières communes, afin d'assurer leur lisibilité vis-à-vis des acteurs du développement agricole et rural et d'en diminuer les coûts de gestion.
Les interventions apparaissent plus concentrées que pour le programme 775. Les dix premiers bénéficiaires absorbent près de 83 % des engagements, les trois premiers concentrant près de la moitié des interventions.
Les dix principaux bénéficiaires du programme 776 en 2020
AE réalisé 2020 |
% / AE du P775 |
|
IDELE
|
12 681 455 |
16,48% |
FranceAgriMer (1) |
11 122 989 |
14,45% |
ARVALIS
|
10 610 578 |
13,79% |
ACTA Réseau des instituts techniques agricoles |
7 054 745 |
9,17% |
CTIFL Centre technique inter professionnel des fruits et légumes |
5 177 605 |
6,73% |
IFV
|
5 756 100 |
7,48% |
IFIP Institut français des industries du porc |
4 764 695 |
6,19% |
ITAVI Institut technique des filières avicole, cunicole et piscicole |
2 836 907 |
3,69% |
ITB Institut technique de la betterave (2) |
2 503 215 |
3,25% |
ITAB Institut technique de l'agriculture biologique |
1 268 487 |
1,65% |
Source : réponse au questionnaire des rapporteurs spéciaux
3. Une maquette de performance légèrement remodelée
Le CAS-DAR comportait sur la période 2014-2020 un indicateur pour le programme 775 et trois indicateurs pour le programme 776.
Compte tenu des nouvelles orientations du PNDAR pour les années 2022 à 2027, la maquette de performance est modifiée s'agissant du programme 775 . L'indicateur de suivi du programme 775 résidait jusqu'en 2021 dans la part des effectifs consacrés aux thématiques prioritaires du programme national de développement rural (PNDAR) dans les emplois des organismes bénéficiaires du programme. Cet indicateur, qui restituait année après année que les effectifs ainsi « spécialisés » s'élevaient à environ 70 % des emplois des organismes concernés ne présentait guère d'intérêt au vu de la priorisation très extensive des objectifs du PNDAR et de l'objet des organismes bénéficiaires. Si réellement 70 % des personnels des organismes se consacraient à la transition agro-écologique, cette dernière aurait été sans doute accomplie de longue date.
Le volet performance du programme 775 à partir de 2022 vise à atteindre un nouvel objectif issu de la note d'orientation du PNDAR 2022-2027 : « Orienter l'action des structures chargées du conseil aux agriculteurs et de l'accompagnement des démarches collectives de développement, en cohérence avec les objectifs principaux du PNDAR ».
Pour mesurer l'atteinte de ces objectifs, deux nouveaux indicateurs de résultats sont proposés :
- le nombre de documents de diffusion de connaissances inscrits annuellement dans la base de donnée RD-Agri, par le réseau des chambres d'agriculture, le réseau des organismes nationaux à vocation agricole et rural (ONVAR) et les groupements d'intérêt économique et environnementale (GIEE) ; sur 8 000 documents présents sur RD-Agri, la moitié est déposée par les réseaux visés. La prévision pour 2021 s'élève donc à 4 200 et pour 2022, à 4 400.
- le nombre d'agriculteurs impliqués dans des groupes en transition agro-écologique (GIEE) : ils étaient 19 000 en 2020. La prévision pour 2021 s'élève à 21 000 et pour 2022 à 23 000.
Quant au programme 776, son dispositif de performance reste inchangé par rapport à 2021. Trois indicateurs poursuivent un objectif louable de suivi des capacités des intervenants à exercer une influence sur leur écosystème.
Les trois indicateurs permettant de suivre la capacité des instituts techniques à remporter des succès dans les appels d'offres du programme cadre de recherche et de développement du l'Union européenne , de mesurer l'activité de publication des instituts techniques et d'estimer l'activité de diffusion de l'innovation assurée par ces derniers sont assez classiques .
Ils peuvent contribuer toutefois à introduire un biais et stimuler la course aux financements européens ou des publications plus ou moins significatives (l'impression de posters est incluse dans le suivi du deuxième indicateur !). Par ailleurs, il est évident que les instituts techniques ne sont pas placés à égalité, chacun d'entre eux couvrant des populations formant des audiences naturellement disparates. Il conviendra d'évaluer si ces biais n'exercent pas d'effets défavorables.
Une réflexion devra être reprise afin de s'assurer que les crédits « fléchés » vers les chambres, les instituts ou les ONVAR aillent aux projets de développement et non aux structures elles-mêmes.
Le ministère de l'agriculture indique procéder à des évaluations des actions financées par le truchement du compte mais cette évaluation paraît orientée plutôt vers un contrôle de conformité que vers une évaluation des impacts seule à même de fonder une appréciation de la valeur ajoutée des financements publics.
* 33 Pour apprécier leur cohérence avec les nouvelles orientations du PNDAR, il sera fait appel à :
- l'avis du commissaire du gouvernement ou du représentant de l'État pour chaque organisme concerné ;
- l'expertise indépendante des conseils scientifiques des ONVAR, des chambres d'agriculture, des ITA et de l'ACTA.
- le cas échéant, l'expertise scientifique indépendante des représentants de l'INRAE et des établissements d'enseignement supérieur agricole à la commission thématique interfilière de FAM dédiée aux ressources zoogénétiques.