B. UNE RÉPARTITION DES CRÉDITS « RELANCE » ENTRE CRÉDITS BUDGÉTAIRES, GARANTIES FISCALES ET BAISSE D'IMPÔTS DE PRODUCTION
Le déploiement du plan de relance en outre-mer se compose de crédits budgétaires, de garanties fiscales et de baisse d'impôts de production.
1. Les crédits budgétaires : des chiffrages multiples, un recensement partiel et un taux de consommation à améliorer.
Ils se composent de 304 millions d'euros de mesures spécifiques à l'outre-mer et de 161 millions d'euros destinés à la rénovation énergétiques des bâtiments de l'État, soit un total de 465 millions d'euros.
Les mesures spécifiquement destinées à l'outre-mer à hauteur de 304 millions d'euros sont les suivantes :
- 165 millions en AE et CP portés par le programme « écologie » de la mission « Plan de relance » pour la période 2021-2024 :
- 80 millions d'euros pour l'accélération de la transformation agricole dont 30 millions d'euros pour la transition agro-écologique, 25 millions d'euros pour les filières animales et 25 millions d'euros pour le renouvellement et le développement des agroéquipements ;
- 50 millions d'euros pour la rénovation des réseaux d'eau et d'assainissement et la production d'eau potable (ces dépenses visent notamment les Antilles, la Guyane et Mayotte) ;
- 20 millions d'euros pour la prévention des risques sismiques dans les Antilles afin de mettre aux normes les bâtiments publics (hors hôpitaux) ;
- 15 millions d'euros pour la rénovation énergétique et la réhabilitation lourde des logements sociaux.
- 5 millions d'euros sont prévus sur le programme « Cohésion » de la mission « Plan de relance » pour la réhabilitation des accueils de jour et des centres d'hébergement d'urgence.
- 104 millions d'euros seront portés directement par les programmes « classiques » :
- 50 millions d'euros par la mission « Relations avec les collectivités territoriales », comprenant 30 millions d'euros de soutien à l'ingénierie pour les collectivités et 20 millions d'euros de soutien aux actions de développement via les contrats de convergence et de transformation ;
- 45 millions d'euros par la mission « Santé » visant à couvrir les dépenses d'investissement de l'agence de santé de Wallis-et-Futuna dès 2021 ;
- 9 millions d'euros sont prévus sur le programme « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » sur 3 ans, par redéploiement des marges du Plan d'investissement dans les compétences (PIC), pour le renforcement d'un dispositif d'appui à la création/reprise d'entreprises par les jeunes de 18 à 30 ans dans les DOM, par l'octroi d'une aide financière directe au projet ;
- 30 millions d'euros, portés par la sécurité sociale, sont destinés au renfort parasismique des hôpitaux antillais.
Concernant la rénovation énergétique des bâtiments de l'État, 389 opérations ont été présentées pour un montant total de 386 millions d'euros. 237 projets ont été retenus pour un montant de 161 millions d'euros. Ainsi, 6 % des montants de cette mesure du plan de relance bénéficiera aux territoires ultra-marins, alors que la part des bâtiments publics ne représente que 3 % de l'ensemble du parc de l'État. Cependant, ce montant ne concerne que les bâtiments d'État et, à ce jour, les rapporteurs spéciaux n'ont pas obtenu de chiffrage sur la rénovation des bâtiments privés. Ainsi, le ratio sera intéressant une fois les données consolidées toutes catégories de bâtiments confondues.
En sus des 465 millions d'euros sus mentionnés, les territoires d'outre-mer sont également éligibles à plus de 40 mesures, comme la transition écologique, le verdissement des ports, le soutien à l'export, la mobilité du quotidien, les formations, etc... A l'instar des territoires métropolitains, les acteurs locaux sont invités à présenter leurs projets dans le cadre des appels à projets nationaux en cours. D'après la direction du budget, le recensement des bénéficiaires d'appels à projets n'a pas encore été effectué alors que la récente publication du ministère des outre-mer avance des chiffres pour les mesures mobilité du quotidien, verdissement, soutien à l'export ... Dès lors, les chiffres mentionnés doivent être considérés comme des cibles qu'il est, pour l'heure, difficile de suivre en l'absence de recensement des bénéficiaires des appels à projets.
Enfin, les chiffres susmentionnés ont été communiqués par la direction du budget. Cependant, la publication d'octobre 2021 du ministère des outre-mer avance des chiffres différents pour certaines dépenses budgétaires. À titre d'exemple : 59 millions d'euros pour la prévention des risques sismiques, 70 millions de soutien à l'agriculture et à la pêche, 12 millions pour l'hébergement d'urgence. Ces différences sont sans doute dues à des périmètres différents mais en l'absence de données précises, il est impossible de recouper le montant des mesures entre plusieurs sources.
De même, dans les réponses apportées par la DGOM, les chiffrages sont encore différents : 56 millions d'euros pour le plan séisme, 47 millions pour la rénovation des réseaux d'eau et d'assainissement.
La consommation au 20 octobre 2021, pour les territoires ultramarins, est de 381 millions d'euros en AE et 133 millions d'euros en CP de crédits budgétaires sur les 465 millions d'euros de dépenses budgétaires détaillées supra soit 82 % des AE et 28,6 % des CP. Ce taux de consommation, satisfaisant en AE mais à améliorer en CP, est, de surcroit, à mettre en regard avec l'absence de chiffrage du nombre de mesures. A ce stade, il n'est donc pas représentatif de la consommation.
2. Des garanties fiscales dont le montant définitif reste incertain
Un dispositif doté de 200 millions d'euros a été prévu au titre de la garantie de recettes fiscales.
La crise impacte la capacité d'autofinancement des collectivités locales. Afin d'amortir ce choc, le plan de relance institue un « filet de sécurité » budgétaire sur les recettes fiscales des collectivités d'outre-mer (y compris sur les taxes ultramarines spécifiques comme l'octroi de mer) pour les aider à faire face à une perte de revenus et continuer à financer des investissements en limitant le recours à l'emprunt.
Les montants ouverts en prélèvements sur recettes sont prévisionnels, à la fin du premier semestre 2021, ils étaient estimés à 90 millions d'euros à verser. Ils pourraient être réévalués en fonction des pertes réellement constatées à cause des différents confinements locaux.
3. Une baisse des impôts de production non évaluée de manière certaine
Enfin, les entreprises situées en outre-mer bénéficient, au même titre que les entreprises métropolitaines, d'une réduction de fiscalité mise en oeuvre par la réforme des impôts de production acté en LFI 2021.
Pour autant, les effets de cette réforme sur l'attractivité et la compétitivité des entreprises demeurent incertains à ce jour et il n'est nullement assuré que cette baisse de charges pour les entreprises sera réinjectée dans des investissements productifs ou des emplois. A défaut de pouvoir mesurer les conséquences de cette réforme sur l'emploi, l'investissement et l'attractivité d'une région, il semble difficile d'affirmer que cette mesure contribuera à la relance des territoires d'outre-mer.
De surcroit, le montant pour les outre-mer n'est pas encore connu précisément. Si un chiffrage a été réalisé par la DGOM il n'a pas été confirmé par la DGFIP et la direction du budget. La publication d'octobre 2021 du ministère des outre-mer fait état de 267 millions d'euros.
4. Des interrogations persistantes sur la capacité à consommer les crédits prévus pour l'outre-mer
Si la baisse d'impôt représente 267 millions d'euros et les garanties fiscales 200 millions d'euros, le delta pour atteindre 1,5 milliard d'euros, soit environ 1 milliard d'euros, devrait se composer de crédits budgétaires pour lesquels les rapporteurs n'ont eu aucune information puisqu'à ce jour, le détail communiqué ne concerne que 465 millions d'euros.
La question de la consommation de ce milliard est donc légitime.
Par ailleurs, les crédits relance permettront, de surcroit, d'abonder les contrats de convergence et de transformation (CCT) à hauteur de 20 millions d'euros au total, destinés à accélérer ou compléter les financements de projets déjà prévus aux CCT. Si cet abondement est bienvenu il faut également l'analyser au regard des taux actuels de consommation des crédits des CCT. Or, fin 2020, le taux moyen d'engagement est de 40 % et le taux de consommation des CP se situe entre 2 et 35 % avec une moyenne, sur l'ensemble des territoires, de 8 %. Dans ce contexte, un abondement de 20 millions d'euros alors même que les crédits ouverts sont peu consommés à mi-parcours de ces CCT interroge les rapporteurs spéciaux.
Enfin, le fond outre-mer, financé par le ministère des outre-mer et piloté pour son compte par l'Agence Française de Développement (AFD) a été abondé de 30 millions d'euros en AE pour 2021 et 2022 au titre du plan de relance. Ce fond outre-mer répond au besoin d'accompagnement en ingénierie des collectivités et vise notamment à faire émerger les projets des acteurs publics locaux en cohérence avec les politiques publiques. Ainsi, avec cet abondement, l'AFD accompagnera des programmes d'investissements publics (au sein du plan de relance ou non) vers une relance durable. L'ingénierie des projets étant une des principales causes de non consommation des crédits de la mission outre-mer la question du niveau de cet abondement et de son caractère suffisant peut légitimement être posée.