B. UN RENFORCEMENT INDISPENSABLE DES MOYENS HUMAINS ET FINANCIERS DE L'ADEME COMPTE TENU DE L'EXTENSION DE SES MISSIONS

1. Une subvention en hausse, complétée par des crédits supplémentaires dans le cadre du plan de relance

La loi de finances initiale pour 2018 a opéré une rebudgétisation totale du financement de l'ADEME, auparavant financée par l'attribution du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), emportant la création d'une nouvelle action (action 12 « ADEME ») sur le programme 181.

Une subvention de 598,6 millions d'euros en AE et en CP est inscrite sur l'action 12 pour l'année 2022 , soit une augmentation de 50,7 millions d'euros par rapport à la dotation proposée en 2021. Les crédits de 2021 se sont élevés à 529 millions d'euros après mise en réserve. Après la mise en réserve prévue en 2022, l'agence devrait disposer de 577 millions d'euros, soit une progression de 48 millions d'euros de la subvention versée depuis le programme 181.

Toutefois, les actions confiées à l'ADEME dans le cadre du plan de relance se traduisent par une augmentation très significative des budgets incitatifs de l'ADEME en 2021 et 2022 : en 2021, 116 millions d'euros ont été alloués à l'agence au titre des missions réalisées dans le cadre du plan de relance . L'ADEME se voit ainsi augmenter significativement les moyens des fonds économie circulaire et hydrogène, confier des crédits importants pour le fonds décarbonation de l'industrie, et déployer un nouveau fonds sur le tourisme durable . Ainsi, 106,3 millions d'euros sont alloués par le ministère de la transition écologique au titre des actions menées dans le cadre de la transition écologique, 5 millions d'euros par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la mesure « tourisme durable » et 5 millions d'euros par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation pour la mesure liée aux « diagnostics carbone » réalisés par les agriculteurs.

L'agence complète par ailleurs son financement par d'autres subventions contractualisées avec l'Union européenne, l'État ou les collectivités territoriales, et par des recettes propres (programmes CEE, formations, intéressement sur retours financiers du PIA, cessions d'actifs, etc.) à hauteur de 37 millions d'euros en 2021.

Ainsi, l'ADEME a disposé en 2021 de 682,5 millions d'euros de recettes.

Compte de résultat de l'ADEME

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Les prévisions relatives à la situation financière de l'ADEME fin 2021 ont été actualisées en octobre lors de la présentation de son second budget rectificatif : elles amènent à une nouvelle prévision de trésorerie (hors Investissements d'Avenir) de 148 millions d'euros , et un fonds de roulement de 140 millions d'euros (soit 2,2 mois de fonctionnement). Par ailleurs, la somme des engagements restant à payer s'élèvera à 1 874 millions d'euros à fin 2021, dont 282 millions d'euros au titre du plan de relance.

En 2022, un budget additionnel à la subvention versée par le programme 181 s'ajoutera au titre du plan de relance, à hauteur de 227,5 millions d'euros, auxquels s'ajouteront 115 millions d'euros versés au titre du fonds décarbonation de l'industrie géré en compte de tiers . 207,5 millions d'euros seraient alloués par le ministère de la transition écologique, 15 millions d'euros par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères pour la mesure « tourisme durable » et 5 millions d'euros par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation pour la mesure liée aux « diagnostics carbone » réalisés par les agriculteurs.

L'ADEME et la mission « Plan de relance » en 2022

Le plan de relance mobilise l'ADEME, vers des dispositifs existants qui nécessitent d'être renforcés ou bien pour mettre en oeuvre de nouveaux soutiens vers les entreprises et les territoires. En 2022, un budget additionnel important (programmé à ce stade à 614 millions d'euros) sera consacré à la poursuite des actions définies dans le plan France Relance, notamment :

- en renforçant les moyens relatifs au fonds économie circulaire pour la mise en oeuvre de la feuille de route pour l'économie circulaire (FREC) et de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire ;

- en complétant les autorisations d'engagement dédiées à l'hydrogène faible en carbone afin d'accompagner le développement des écosystèmes de mobilité hydrogène (production, distribution d'H2 et véhicules) ;

- en poursuivant les actions du fonds décarbonation de l'industrie, d'une part sur le volet chaleur bas carbone pour les entreprises et d'autre part, sur la mise en oeuvre de projets de transformation des procédés au service de la décarbonation et d'investissements dans l'efficacité énergétique ;

- en accompagnant les acteurs du tourisme durable, les TPE/PME engagées dans la transition écologique ou dans des démarches d'écoconception, la réalisation de diagnostics carbone et sol dans l'agriculture, le recyclage des friches industrielles ou minières.

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Pour 2022, le niveau des autorisations d'engagement n'est pas encore fixé, néanmoins l'ADEME indique au rapporteur spécial qu'une continuité par rapport à 2021 devrait conduire à une trésorerie, hors plan de relance et hors investissements d'avenir proche de zéro fin 2022 , les restes à payer sur engagements passés représentant la majeure partie des décaissements prévus.

Ces prévisions de trésorerie ont été établies en tenant compte de l'impact de la crise sanitaire, et d'échéances de projets prévues en 2021 et qui devraient se décaler à 2022. L'ADEME constate des demandes de paiements des bénéficiaires moins nombreuses que prévues cet automne. Certains projets connaissent en effet des reports liés à des ruptures de pièces ou matériaux intégrés dans les installations financées (dans les chaudières biomasse par exemple). Malgré cela, même si les paiements sur opérations engagées ces trois dernières années se dénouent toujours avec un peu plus de retard que planifié, la montée en puissance des décaissements de l'agence devrait se poursuivre.

Il est donc fort à parier que la subvention versée par le présent programme devra de nouveau être relevée lors du projet de loi de finances pour 2023.

2. Une revalorisation du plafond d'emplois de l'Agence qui semble insuffisante dans le contexte d'une mobilisée éventuelle de l'ADEME dans le cadre du plan « France 2030 »

Le principal enjeu pour l'ADEME réside dans la baisse d'effectifs , en dépit des efforts d'optimisation des processus déjà engagés.

En 2021, l'ADEME a vu son plafond d'emplois réduit de 18 ETPT . Toutefois, s'ajoutait à ces emplois l'autorisation de recrutement de 27 ETPT, dans le cadre de la création de l'instance de supervision des filières à responsabilité élargie du producteur (REP), créée par l'article 76 de la loi relative à l'économie circulaire, financée par une redevance versée par les producteurs ou leurs éco-organismes.

Cette augmentation du plafond d'emplois à hauteur de 27 ETPT, ajoutée à un schéma d'emplois de - 18 ETP portait les effectifs de l'Agence à 867 ETPT sous plafond .

Le rapporteur spécial estimait l'année dernière que cette réduction d'effectifs tendait à devenir problématique dans un contexte d'extension des missions dans le cadre du plan de relance, et des moyens financiers considérablement augmentés par ailleurs (1,8 milliard d'euros au titre du plan de relance entre 2020 et 2022).

Ainsi, le schéma d'emplois pour l'année 2022, prévoit la création de 9 postes au sein de l'ADEME, pour renforcer les moyens dédiés au suivi des filières à responsabilité élargie des producteurs (REP) et mettre en place l'observatoire du réemploi. Le plafond d'emplois de l'agence est donc de 876 ETPT en 2022.

Le budget initial 2022 est donc construit sur une hypothèse de stabilisation des effectifs de l'Agence pour ses missions traditionnelles après de nombreuses années de baisses constante.

Ainsi, pour faire face à l'extension de ses missions, l'ADEME a recruté environ 120 intérimaires à la fin du premier trimestre 2021, financés par les frais de gestion du plan de relance. Toutefois le coût unitaire d'un intérimaire est plus élevé qu'un CDD (de 10 % à 20 %) et la durée de leur mission est limitée à 18 mois.

Les intérimaires recrutés quitteront donc l'ADEME à l'été 2022. Or, le plan de relance ne s'achève qu'à la fin de l'année prochaine. La crainte du rapporteur spécial d'une perte de compétence soulignée l'année dernière, alors même que les projets portés par l'ADEME dans le cadre du plan de relance ne seront pas achevés, était donc bien fondée. L'ADEME a ainsi confirmé au rapporteur spécial ne disposer d'aucune visibilité sur la manière dont elle va pouvoir gérer la charge de suivi des projets du plan de relance à partir du deuxième semestre 2022.

Cette situation est d'autant plus inacceptable que l'ADEME sera très certainement sollicitée pour la mise en oeuvre du nouveau plan d'investissements intitulé « France 2030 ». La contribution de l'ADEME à ce nouveau plan ne pourra donc se faire qu'avec un renforcement des équipes de façon pérenne.

3. Une stabilisation des crédits du fonds « chaleur »

Grâce au fonds « chaleur », l'ADEME soutient le développement des investissements de production et des réseaux de distribution de chaleur renouvelable, pour les besoins de l'habitat collectif, du tertiaire, de l'industrie et de l'agriculture.

Ce fonds finance deux types de projets : les installations de petite et moyenne taille, en complément d'autres aides (contrat de projets État-région par exemple) ; les installations biomasses de grande taille dans le secteur agricole et tertiaire, dans le cadre d'appels à projets nationaux annuels « Biomasse Chaleur Industrie Agriculture Tertiaire » (BIACT).

Les soutiens apportés par le fonds visent à atteindre les objectifs fixés tant par la loi que par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) d'avril 2020 : la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoit que 38 % de la consommation finale de chaleur devra être d'origine renouvelable en 2030 et entend multiplier par cinq la quantité de chaleur renouvelable et de récupération livrée par les réseaux de chaleur ; la PPE confirme cet engagement, avec un objectif d'augmentation de la consommation de chaleur renouvelable de 25 % en 2023 et de hausse de 40 % à 60 % en 2028 par rapport à 2016.

Entre 2009 et 2020, 2,58 milliards d'euros ont été engagés pour soutenir près de 6 007 opérations d'investissements.

Le fonds chaleur bénéficie de crédits supplémentaires via le fonds pour la décarbonation de l'industrie, prévu dans le plan de relance (+ 185 millions d'euros en 2021 et + 100 millions d'euros en 2022).

Évolution des montants engagés par le fonds « chaleur » de l'ADEME

(en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Fonds « chaleur »

168

263

249

231

206

165

216

213

197

259

295

349

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Le budget ouvert pour 2021 était initialement de 350 millions d'euros : la totalité devrait être engagée d'ici la fin de l'année .

Le rythme des projets, s'il progresse, n'est toutefois pas suffisant pour atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, qui nécessiterait au minimum 3 TWh supplémentaires par an générés par le Fonds chaleur, en plus des presque 4 TWh par an actuellement générés. La récente augmentation des prix du gaz pourrait toutefois limiter la concurrence de cette énergie face au déploiement des énergies renouvelables.

Afin d'éviter la remise en cause de certains projets en cours de montage, des aides de fonctionnement sont à l'étude pour le secteur industriel et en cours de notification auprès de la Commission européenne.

Le niveau des engagements du fonds chaleur sera stabilisé en 2022 à 350 millions d'euros. D'après l'ADEME, le portefeuille de projets d'ores et déjà identifié permet de dépasser un budget de 350 millions d'euros.

Toutefois, l'augmentation du budget du fonds accroît la tension sur les emplois . En effet, si le budget du fonds « chaleur » a augmenté de 100 millions d'euros en quelques années, ce sont toujours aujourd'hui 70 ETP qui y sont alloués.

4. Un fonds « économie circulaire » abondé dans le cadre du plan de relance

Le fonds « économie circulaire » vise à accompagner la politique des pouvoirs publics et à contribuer à l'atteinte des objectifs fixés par la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, en réduisant significativement la part des déchets enfouis, en développant la réincorporation des matières recyclées, le recyclage, et en accompagnant la mise en oeuvre par les collectivités d'une tarification incitative .

L'ensemble du budget d'engagement prévu pour 2021 sera consommé (164 millions d'euros). Pour 2021 et 2022, le niveau d'engagement du fonds est abondé par les crédits du plan de relance d'un montant global de 500 millions d'euros (246 millions d'euros en 2021, et autant en 2022). Le volet « économie circulaire » du plan de relance promeut des actions à destination des entreprises, notamment en matière de réduction des produits à usage unique, ou des acteurs du tri et du recyclage. L'intégralité du budget de l'action « réparation réutilisation réemploi » sera consommée fin 2021.

Le dispositif de soutien a été adapté au budget alloué et à ce contexte exceptionnel notamment par une augmentation de l'intensité des soutiens aux investissements : par exemple, les taux d'aide maximum sont calés sur les taux maximum permis par le droit européen ou encore, les plafonds d'aide sont supprimés.

Page mise à jour le

Partager cette page