II. LE PROGRAMME 181 EST MARQUÉ PAR UNE AUGMENTATION DE LA SUBVENTION POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC VERSÉE À L'ADEME
La maquette du programme 181 a fait l'objet de plusieurs évolutions en 2021. D'abord, les crédits du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM) ont été inscrits sur la nouvelle action 14. En outre, une action 13 « Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) » porte désormais la subvention versée à l'opérateur. Cette subvention était jusqu'alors répartie entre les actions 01 et 10 du programme. Cette maquette est stabilisée pour l'année 2022.
Évolution des crédits du programme 181
« Prévention des risques »
entre 2021 et
2022
(en euros)
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
Les crédits prévus pour le programme 181 « Prévention des risques » en 2022 diminuent de façon importante en AE (- 14 %, soit - 173 millions d'euros) et augmentent significativement en CP (+ 8,45 %, soit + 83 millions d'euros). Hors titre 2, les crédits suivent une évolution similaire (- 14,7 % en AE et + 8,8 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2021).
A. RISQUES NATURELS ET TECHNOLOGIQUES : DES MOYENS BUDGÉTAIRES EN HAUSSE
1. Une stabilité des crédits alloués à la prévention des risques technologiques
En 2022, l'action 01 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » voit ses crédits stabilisés par rapport à 2021. La finalité de cette action consiste à assurer la prévention des risques technologiques et des pollutions, à maîtriser les effets des processus industriels, des produits et des déchets sur l'environnement et la santé, et à mettre en oeuvre la feuille de route économie circulaire.
L'incendie des sites de Lubrizol et de Normandie Logistique le 26 septembre 2019 et l'explosion d'un entrepôt de stockage d'ammonitrates à Beyrouth le 4 août 2020 ont rappelé l'importance de la prévention des risques technologiques.
Cette politique de prévention s'opère par le biais des plans de prévention des risques technologiques (PPRT). Créés par la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, à la suite de la catastrophe AZF, ils prévoient des mesures visant à réduire les risques associés à la présence de sites industriels à hauts risques (classés Seveso seuil haut) pour les riverains.
Ces plans permettent d'agir sur l'urbanisation autour des installations présentant les plus grands risques (installations Seveso seuil haut) et de corriger, au besoin, par des mesures foncières d'expropriation ou de délaissement, de travaux sur les biens d'habitation des situations d'exposition au risque des populations. Des mesures supplémentaires de réduction du risque à la source sur les sites industriels à l'origine du risque, allant au-delà des exigences réglementaires, peuvent également être prescrites lorsque leur mise en oeuvre est moins coûteuse que les mesures foncières qu'elles permettent d'éviter.
En août 2021, 385 PPRT ont été approuvés sur les 389 PPRT prescrits. Seuls 4 PPRT restent donc à approuver. D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, il s'agit des PPRT les plus complexes, présentant des enjeux techniques, économiques et sociaux importants qui nécessitent une longue concertation de l'ensemble des acteurs concernés.
Quinze ans après la catastrophe de l'usine AZF et l'adoption de la loi « risques » de 2003, la mise en oeuvre opérationnelle de ces plans se poursuit. La DGPR indique que les besoins en AE se poursuivent compte tenu des PPRT restant à approuver, alors que les besoins en CP vont augmenter du fait de l'accélération de la mise en oeuvre des mesures prescrites par les PPRT.
Bilan des PPRT
Un bilan de l'avancement de la mise en oeuvre des 385 PPRT approuvés entre 2007 et 2021 peut être effectué :
- sur les 106 logements et 59 activités faisant l'objet d'une expropriation (pour un montant de financement de l'État estimé à 130 millions d'euros), 44 logements (42 %) et 15 activités (25 %) ont été expropriés. 84 logements (soit 33 % des 253 concernés) et 31 activités (soit 16 % des 189 activités) ont été délaissés ;
- 12 mesures alternatives ont été prescrites ou sont à l'étude, pour un montant de financement de l'État estimé à ce stade à 3,3 millions d'euros ;
- 24 mesures supplémentaires ont été réalisées ou sont à l'étude, pour un montant de financement de l'État estimé à 138 millions d'euros ;
- 162 PPRT prescrivent des travaux de protection face aux risques technologiques à près de 15 720 logements. Au 1er août 2021, environ 4 060 logements (1426 %) ont fait l'objet d'un diagnostic de travaux ; les travaux ont été réalisés pour 1 426 d'entre eux (9 % des logements soumis à travaux, représentant 35 % des logements diagnostiqués).
Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial
Ainsi, entre 2009 et 2020, 262 millions d'euros d'AE ont été engagées par l'État et 147 millions d'euros de CP ont été consommés pour la mise en oeuvre des mesures prescrites par les PPRT (mesures foncières, supplémentaires et alternatives) et l'accompagnement des riverains dans la réalisation de travaux sur l'habitat de protection face aux risques technologiques.
2. La prévention des risques naturels et hydrauliques : la mise en oeuvre des plans de prévention des risques naturels se poursuit
L'action 10 « Prévention des risques naturels et hydrauliques » voit ses crédits augmenter de 1,5 million d'euros, tant en AE qu'en CP, pour être portés en 2022 à 37,15 millions d'euros.
Cette hausse traduit le renforcement du soutien à deux opérateurs intervenant dans le domaine des risques naturels et hydrauliques :
- d'une part l'Office national des forêts (ONF), opérateur d'expertise pour la gestion des risques en milieu montagnard et la prévention des feux de forêt, risques accrus par le changement climatique comme par exemple les ruptures brutales de glaciers ou l'extension des feux de forêts sur l'ensemble de la métropole ; la subvention est portée de 3,3 à 4,5 millions d'euros ;
- d'autre part l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE), qui intervient pour l'amélioration de la prévision des crues et dont l'augmentation de moyens vise à permettre une meilleure anticipation des débits de crues en particulier en Outre-mer. La subvention versée par le programme est portée de 1,77 à 1,87 million d'euros .
Par ailleurs, la prévention des risques naturels et hydrauliques, visant à assurer la protection des personnes et des biens face aux catastrophes naturelles telles les inondations, les mouvements de terrains, séismes, ou submersions marines, est mise en oeuvre par les plans de prévention des risques naturels (PPRN), les programmes d'actions de prévention contre les inondations (PAPI), outils de contractualisation entre l'État et les collectivités permettant de promouvoir une gestion des risques d'inondation, ou encore le plan séisme Antilles .
Comme nous l'ont rappelé les inondations consécutives au passage de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes, cette politique de prévention revêt un caractère crucial dans un contexte de dérèglement climatique.
Le PPRN, annexé au plan local d'urbanisme ou à la carte communale, a pour objet de maîtriser l'urbanisation dans les zones à risques et de réduire la vulnérabilité des populations et des biens, à travers des mesures d'interdiction ou d'adaptation des constructions nouvelles ou existantes . Il peut concerner un aléa particulier, comme par exemple, le risque inondation, ou plusieurs selon les caractéristiques du territoire.
Concrètement, un plan de prévention des risques délimite les zones concernées par le risque sur le territoire, sur la base d'un aléa de référence, par exemple pour les crues des rivières, la crue centennale, ou si elle est plus élevée, la plus haute crue connue, et définit une réglementation pour chaque zone.
L'objectif visé lors de la mise en place des PPRN conduisait à ce que 12 500 communes soient couvertes par un PPRN approuvé, couvrant les territoires à forts enjeux. En juillet 2021, 12 148 communes sont couvertes par un PPRN approuvé. 1 230 communes ont un PPRN prescrit 10 ( * ) .
D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, 76 % des communes couvertes par un PPRN approuvé le sont pour l'aléa inondation (65 %), ou pour l'aléa mouvement de terrain ou pour l'aléa retrait-gonflement des argiles (11 %).
Depuis 2014, le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), ou fonds « Barnier », prend en charge les dépenses d'élaboration des PPRN et des actions d'information préventive sur les risques majeurs (19 millions d'euros en AE en 2021) .
3. Un nouvel abondement exceptionnel du fonds « Barnier » à la suite des inondations d'octobre 2020 dans les Alpes Maritimes
La loi de finances pour 2021 a intégré le budget du Fonds de prévention des risques naturels majeurs au programme 181 « Prévention des risques ».
Jusqu'à cette intégration, le FPRNM était financé par un prélèvement obligatoire de 12 % sur la prime payée par les assurés au titre de la garantie contre les catastrophes naturelles représentant elle-même une « sur-prime » de 12 % ou 6 % selon qu'il s'agit d'un contrat habitation ou automobile.
Or, si le montant annuel prélevé via les compagnies d'assurance est de l'ordre de 210 millions d'euros en augmentation tendancielle, seuls 137 millions d'euros étaient reversés au fonds, soit 65 % des recettes (131,5 millions d'euros après prélèvement pour frais de gestion), l'écart étant reversé au budget général, dévoyant le financement de la prévention des risques naturels par les assurés au profit du budget de l'État.
Avec la budgétisation du fonds, le prélèvement affecté directement au FPRNM a été supprimé et remplacé par un prélèvement annuel d'un taux identique au profit du budget général de l'État . Les ressources du fonds, désormais intégré sous forme d'une action spécifique au programme 181 « Prévention des risques », sont passées à cette occasion de 131,5 millions d'euros à 205 millions d'euros en 2021.
Le plafonnement des recettes du fonds réalisé par l'article 44 de la loi de finances pour 2018 ne posait jusqu'alors pas de souci majeur, car la situation budgétaire du fonds était favorable . Au regard des montants de dépenses du fonds, qui évoluent à la hausse d'année en année, la question de la soutenabilité du fonds se posait : la budgétisation du fonds est ainsi bienvenue.
En outre, cette budgétisation du fonds permet désormais au Parlement de se prononcer sur les moyens budgétaires qui lui sont alloués .
Cette réforme permet également de conforter le budget alloué à cette politique, sans limitation éventuelle du niveau des dépenses du fonds par le rendement de la taxe, en particulier en cas de besoin supplémentaire urgent lié à une catastrophe naturelle, et d'opérer une gestion plus fine des besoins en cours d'année grâce à des mesures de régulation budgétaire qui n'étaient jusqu'à présent pas possibles.
Les interventions du fonds « Barnier »
Le FPRNM permet différents types d'interventions.
Les mesures d'acquisition de biens d'habitation ou de petites entreprises , à l'amiable ou par expropriation, permettent des délocalisations des populations gravement menacées ou dont le bien a été sinistré, sans prise en compte du risque dans le montant de l'acquisition.
Les mesures de réduction de la vulnérabilité face aux risques peuvent bénéficier à des collectivités locales en particulier pour leurs études, travaux et équipements sur les territoires dotés de plans de prévention des risques naturels (PPRN). Cette mesure est la plus utilisée du FPRNM et représente plus de 50 % du montant des délégations effectuées ces dernières années avec un montant de 158,6 millions d'euros, sur un total de 264,3 millions d'euros de dépenses du fonds en 2020. Elle permet notamment le financement des programmes d'action de prévention des inondations (PAPI), des opérations contractualisées dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER) et d'une partie du plan séisme Antilles (PSA).
Le FPRNM vient également en soutien, sous conditions, à des mesures de réduction de la vulnérabilité au bâti pour les particuliers (habitations) et les petites entreprises .
Les mesures au bénéfice de l'État concernent les études et travaux de mise en conformité des digues domaniales de protection contre les crues et les submersions marines et les dépenses liées à l'élaboration des PPRN, à l'information préventive et la mise en oeuvre de la directive inondation. In fine, l'acquisition de ces connaissances est indispensable en termes de prévention et partagée avec l'ensemble des parties prenantes.
Un taux maximal de subvention ou d'indemnité est fixé pour la plupart des mesures. Certaines mesures sont plafonnées dans leur montant global et dans la durée.
Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
Ainsi, les crédits alloués au fonds en 2021 s'élevaient à 205 millions d'euros, en AE et en CP . Toutefois, 50 millions d'euros d'AE supplémentaires ont été budgétés pour faire face aux suites de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes d'octobre 2020 .
Par ailleurs, il a été décidé de créer une dotation supplémentaire en AE afin de couvrir les opérations ayant déjà fait l'objet d'une délégation de crédits aux services déconcentrés par arrêté interministériel, mais n'ayant pas encore été concrétisée par un acte valant engagement de l'État. Elle a ainsi permis de couvrir les engagements « moraux » de l'État, notamment plusieurs programmes d'actions de prévention des inondations (PAPI) labellisés en juillet 2020. Ainsi, une dotation de 160 millions d'euros d'AE complémentaires a été votée en loi de finances pour 2021 .
Au total, les AE prévues en loi de finances initiale pour 2021 pour le fonds « Barnier » s'élevaient à 415 millions d'euros .
En 2022, les 160 millions d'euros d'AE ne sont pas reconduits. En outre, après l'abondement exceptionnel de 50 millions d'euros en AE pour faire face aux suites de la tempête Alex dans les Alpes-Maritimes d'octobre 2020, un abondement exceptionnel de 30 millions d'euros est de nouveau prévu en 2022, en vue du financement des acquisitions amiables de biens. Ces mouvements expliquent la baisse de 180 millions d'euros des AE sur l'action en 2022.
Ainsi, l'action 14 bénéficierait de 235 millions d'euros d'AE et de CP en 2022.
Répartition de l'intervention 11 ( * ) du FPRNM par type de risque de 2018 à 2020
(en euros)
2018 |
2019 |
2020 |
|
Mouvement de terrain |
23 442 702 |
23 224 055 |
23 154 638 |
Inondation |
91 764 300 |
115 545 310 |
199 018 714 |
Autres dont multirisques |
4 752 513 |
3 488 787 |
5 813 017 |
Submersion marine |
18 476 246 |
14 531 322 |
7 318 856 |
Incendie de forêt |
358 400 |
340 000 |
500 000 |
Avalanche |
130 525 |
357 734 |
571 853 |
Cavité souterraine |
1 111 221 |
5 035 715 |
3 743 314 |
Séisme |
34 152 490 |
40 002 825 |
24 186 768 |
TOTAL |
174 188 397 |
202 525 748 |
264 307 160 |
Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
* 10 La diminution du nombre de communes sur le territoire desquelles un PPRN est prescrit depuis le milieu des années 2000 résulte de l'approbation d'un nombre croissant de PPRN.
* 11 Les montants correspondent aux délégations des crédits extra-budgétaires du FPRNM.