B. ALORS QUE LE SECTEUR EST EN DIFFICULTÉ ET QUE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE DU PARC AUTOMOBILE DOIT DEMEURER UNE PRIORITÉ, IL N'EST PAS TEMPS DE DURCIR LES CONDITIONS DES AIDES À L'ACQUISITION DE VÉHICULES PROPRES

1. Les aides à l'acquisition de véhicules propres sont insuffisantes au regard des enjeux et des nouvelles difficultés rencontrées par la filière automobile

Le dispositif incitatif du bonus-malus automobile , décidé en 2007 dans le cadre du Grenelle de l'environnement et renforcé par le Plan Automobile de 2012, se traduit par l'octroi d'aides à l'achat ou à la location de véhicules neufs émettant peu de CO 2 bonus ») ainsi qu'au retrait de véhicules qui émettent beaucoup de CO 2 (prime à la conversion) 25 ( * ) et par l'application d'une taxe additionnelle perçue sur le certificat d'immatriculation des véhicules les plus polluants malus »).

Jusqu'en 2018, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Aide à l'acquisition de véhicules propres » , également connu sous le nom de « CAS bonus-malus », retraçait en dépenses l'attribution des aides et en recettes le produit du « malus » .

Ce CAS a été supprimé à compter de 2020 , si bien que les aides à l'acquisition de véhicules propres sont désormais portées par l'action 03 du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

E n 2021 et en 2022 une partie des crédits consacrés à ces deux dispositifs est aussi retracée au sein de l'action 07 « Infrastructures et mobilités vertes » de la mission « Plan de relance ». Cette situation ne favorise pas la lisibilité budgétaire de ces dispositifs, d'autant que les documents budgétaires ne permettent pas de distinguer les crédits accordés dans le cadre du plan de relance entre le bonus et la prime à la conversion.

Répartition prévisionnelle des crédits de paiement en 2021 et 2022
au titre des dispositifs d'aide à l'acquisition de véhicules propres
entre les missions « Écologie » et « Plan de relance »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En additionnant les crédits prévus sur le programme 174 de la mission « Écologie » avec les crédits retracés au sein de la mission « Plan de relance », les aides à l'acquisition de véhicules propres devraient s'élever à 1 124 millions d'euros en 2021 et 993 millions d'euros en 2022 , soit une diminution de 11,7 % . 506 millions d'euros sont prévus en 2022 au titre de l'action 03 du programme 174, auxquels s'ajouteront 487 millions d'euros prévus par le plan de relance.

Le rapporteur spécial considère qu'il faut aller plus loin dans un contexte où la filière automobile doit faire face à l'effondrement de ses ventes. L'estimation des crédits nécessaires en 2022 est notamment fondée sur un durcissement des critères d'attribution de la prime et du bonus ainsi que sur une diminution de leur montant à compter du 1 er janvier 2022 .

Comme le rapporteur spécial le développe infra , l'ampleur des enjeux liés à la transition écologique du parc de véhicule conjuguée aux difficultés renouvelées auxquelles le secteur automobile doit faire face rendent cette perspective inadaptée et dangereuse . L'État , comme il vient de s'y engager par une déclaration de la ministre de la transition écologique, doit renoncer à cette évolution réglementaire.

Le rapporteur spécial regrette qu'à l'heure où elle écrit ces lignes la répartition précise des crédits entre bonus automobile et prime à la conversion au sein de l'enveloppe de 993 millions d'euros prévue pour les aides à l'acquisition de véhicules propres ne soit toujours pas connue pour ce qui relève des dépenses retracées sur la mission « Plan de relance » .

Évolution des crédits consacrés aux aides à l'acquisition de véhicules propres (missions « Écologie » et « Plan de relance »)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2021 et en 2022 , pour ce qui concerne les crédits portés par le programme 174 , la répartition prévisionnelle entre la prime et le bonus s'établie telle que présentée dans le graphique ci-après.

Répartition prévisionnelle des crédits relatifs aux aides à l'acquisition de véhicules propres portés par le programme 174

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

D'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, au premier semestre 2021, 115 963 bonus ont été attribués. La direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) estime que 235 000 bonus devraient être versés en 2021 et le même nombre en 2022 .

Au cours des sept premiers mois de l'année, 72 000 primes à la conversion ont été distribuées et la DGEC anticipe un total de 110 000 primes versées en 2021 . Les projections pour 2022 s'élèvent à 101 000 primes .

Nombre de bonus et de primes à la conversion distribués ou estimés

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

D'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, la part des voitures neuves bénéficiant d'un bonus s'est établie à 13,4 % en juillet 2021 (contre 5,7 % en juillet 2020) tandis que celle des voitures neuves affectées d'un malus a atteint 30,4 % (contre 29,6 % en juillet 2020).

2. Le Gouvernement devrait renoncer au nouveau durcissement des conditions des aides à l'acquisition de véhicules propres qui était prévu à compter du 1er janvier 2022

Après un démarrage poussif, la prime à la conversion est devenue un outil essentiel pour accélérer la transition énergétique du parc automobile. En 2018, près de 300 000 demandes de primes à la conversion avaient été enregistrées et plus de 255 000 primes distribuées , soit une multiplication par 32 des primes attribuées par rapport à l'année 2017.

Au cours de cette même année, la prime à la conversion avait été rendue plus attractive afin notamment de répondre aux enjeux de la hausse des prix du carburant . Le Gouvernement s'était fixé comme objectif d'attribuer un million de primes d'ici la fin du quinquennat. La dynamique de la prime à la conversion s'était alors encore amplifiée en 2019 avec 376 831 primes à la conversion versées et plus de 350 000 primes supplémentaires en instance.

Face à ce succès populaire dont l'ampleur avait été sous-estimée, et pour des raisons strictement budgétaires 26 ( * ) , le Gouvernement avait alors décidé de durcir les conditions d'accès à la prime à compter du 1 er août 2019.

En juin 2020 , pour répondre aux conséquences de la crise et soutenir un secteur automobile en grandes difficultés, les conditions d'accès à la prime ont été significativement assouplies . Le nombre de ménages éligibles et les montants de primes ont été augmentés. Toutefois, ces nouveaux critères n'ont été maintenus que deux mois . Dès le 3 août 2020, les critères restrictifs de 2019 ont été rétablis. Le rapporteur spécial avait regretté cette décision prématurée . En juin 2020, les critères du bonus avaient également été rendus plus attractifs.

Le rapporteur spécial note qu'en raison de la persistance de la crise et du second confinement, les critères d'éligibilité du bonus et de la prime à la conversion en vigueur à la fin de l'année 2020, et qui devaient initialement être durcis dès le 1 er janvier 2021, ont été maintenus jusqu'au 30 juin 2021 . Le rapporteur spécial en profite pour souligner que cette sage décision devrait être reproduite en ce qui concerne le nouveau tour de vis qui était annoncé pour le 1 er janvier prochain .

Le rapporteur spécial constate néanmoins qu'après un répit de six mois, les critères de la prime et du bonus ont bien été rendus plus restrictifs depuis le 1 er juillet 2021 .

Ainsi, depuis cette date, les véhicules Crit'Air 2 sont exclus du dispositif de la prime et le plafond d'émissions de CO 2 applicable à un véhicule neuf a été abaissé à 132 g/km. Dans le même temps, le montant du bonus a été réduit de 1 000 euros .

Le rapporteur spécial salue néanmoins les mesures nécessaires, prises en juillet 2021, pour renforcer , jusqu'à 9 000 euros, la prime à la conversion dédiée aux véhicules utilitaires légers (VUL) électriques et hybrides rechargeables. L'enjeu de la conversion du parc des petits utilitaires professionnels est prioritaire. Au premier semestre 2021, 4 000 bonus et 1 040 primes ont été attribués pour des VUL contre respectivement 5 800 et 1 600 pour toute l'année 2020.

Si son efficacité devra être évaluée, l'extension de la prime à l'achat d'un vélo à assistance électrique (VAE) ou d'un vélo-cargo constitue une expérience intéressante dont le rapporteur espère qu'elle trouvera son public .

En revanche le bonus écologique dédié à l'acquisition de véhicules lourds utilisant une propulsion électrique ou hydrogène reste totalement inopérant et le rapporteur spécial attend avec impatience que le Gouvernement tienne son engagement de le réformer pour le rendre applicable. Depuis sa création au début de l'année 2021 et pour une durée de deux ans, cette mesure n'a suscité que onze demandes , quatre pour des poids lourds et sept pour des bus, pour un montant total de seulement 320 000 euros quand 100 millions d'euros de crédits avaient été prévus en faveur de ce dispositif dans le cadre du plan de relance .

L e secteur automobile se retrouve à nouveau dans la tourmente depuis plusieurs mois. La pénurie de puces électroniques paralyse la production et fragilise dangereusement le secteur. La chute des immatriculations de véhicules est spectaculaire et les délais de livraison allongés découragent les acheteurs potentiels.

En France, au cours du mois de septembre 2021 , les ventes de véhicules neufs se sont effondrées de 20,5 % par rapport au même mois en 2020. Depuis le début de l'année 2021 , les immatriculations de véhicules sont en baisse de plus de 20 % par rapport aux chiffres constatés en 2019. Certains craignent les effets d'un mouvement de fond de désaffection croissant des acheteurs à l'égard des voitures neuves.

Nos voisins européens ne sont d'ailleurs pas épargnés. Au cours du mois de septembre 2021, la diminution des immatriculations a atteint des niveaux record en Allemagne (- 26 %) comme au Royaume-Uni (- 34 %).

Dans une telle situation, le rapporteur spécial considère que le durcissement des conditions du bonus écologique et de la prime à la conversion porterait un nouveau coup dur à un secteur majeur de l'économie nationale.

Or, le Gouvernement avait prévu de rendre le recours à ces dispositifs plus restrictifs encore à compter du 1 er janvier 2022. À partir de cette même date, le montant du bonus devait être diminué de 1 000 euros et l'aide supprimée pour les véhicules hybrides rechargeables. Cette perspective était clairement de nature à compromettre la trajectoire de renouvellement du parc automobile et à fragiliser encore d'avantage la filière.

Au regard de la situation, le 22 octobre dernier, Mme Barbara Pompili a pris l'engagement que les dispositifs d'aides à l'acquisition de véhicules propres ne seraient finalement pas modifiés au 1 er janvier 2022 . Leur durcissement et la baisse du montant alloué au titre du bonus écologique seraient donc reportés de six mois, au 1 er juillet 2022 . Il apparaît assez évident que ce report n'est pas étranger au calendrier présidentiel ni dénué de visées électoralistes . Néanmoins il est nécessaire pour préserver la compétitivité de la filière automobile française dans les temps difficiles qu'elle traverse.


* 25 C'est le Fonds d'aide à l'acquisition de véhicules propres, dont la gestion est assurée par l'Agence de services et de paiement, qui est chargé du suivi des dossiers des demandes d'aides et qui assure leur versement.

* 26 Décret n° 2020-955 du 31 juillet 2020 relatif aux aides à l'acquisition ou à la location des véhicules peu polluants.

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