B. DES DÉFICITS QUI DEVRAIENT RESTER TRÈS ÉLEVÉS EN 2021 MALGRÉ UNE FORTE REPRISE ÉCONOMIQUE

Pour l'année 2021, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale se fonde sur l'hypothèse d'une vigoureuse reprise économique (+ 6 %, qui devrait être révisée à + 6,25 %), et d'un rebond de la masse salariale (+ 6,2 %), notamment tirée par la nette diminution du recours à l'activité partielle. Pour autant, malgré ce contexte favorable, la situation financière demeure préoccupante.

1. Un déficit global qui demeure très élevé et concentré sur la branche maladie

Le tableau d'équilibre des ROBSS pour l'année 2021, tel que rectifié par l'article 7 du présent PLFSS est le suivant.

Tableau d'équilibre 2021 de l'ensemble des régimes obligatoires
de base et du fonds de solidarité vieillesse

(en milliards d'euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

202,2

232,2

- 30,0

AT-MP

14,6

13,9

0,7

Vieillesse

246,4

250,4

- 4,0

Famille

50,5

49,4

1,2

Autonomie

31,8

32,2

- 0,4

Total

531,3

563,8

- 32,5

Total avec FSV

529,3

564,1

- 34,8

Source : Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022

Le déficit global des ROBSS et du FSV devrait donc demeurer impressionnant, à 34,8 milliards d'euros . En dehors de l'exercice 2020, ce déficit est le plus élevé de l'histoire de la sécurité sociale, bien au-delà de celui enregistré en 2010.

Tout comme en 2020, c'est la branche maladie qui est la plus frappée, avec un déficit estimé à 30 milliards d'euros . Comme cela sera détaillé ci-après, les dépenses de la branche ont de nouveau été particulièrement augmentées du fait de la nécessité de répondre à la crise sanitaire.

La branche vieillesse n'améliore qu'à peine son résultat (avec un déficit de 4 milliards d'euros), l'augmentation de ses recettes « ordinaires » ayant été compensée par l'absence de la recette extraordinaire qu'a représentée, en 2020, le versement à cette branche de la soulte « CNIEG » 4 ( * ) .

Quant à la nouvelle branche autonomie, pourtant construite afin de commencer son existence à l'équilibre, elle devrait enregistrer un déficit de 0,4 milliard d'euros.

En revanche, la branche famille et la branche AT-MP devraient retrouver un excédent dès l'année en cours.

2. Une stabilité par rapport à la prévision de l'année dernière qui masque de forts écarts en recettes et en dépenses

Au total, selon les prévisions révisées, le solde des ROBSS et du FSV devrait s'établir à 34,8 milliards d'euros , c'est-à-dire presque exactement la prévision initiale de la LFSS pour 2021 (34,9 milliards d'euros).

Il s'agit néanmoins d'une précision en trompe-l'oeil , résultant ( cf. graphique ci-dessous) d'une augmentation très importante mais parallèle des recettes et des dépenses des différents régimes .

Évolution des recettes et des dépenses des ROBSS et du FSV pour 2021
entre la prévision de la LFSS pour 2021 et la prévision rectifiée du présent PLFSS

(en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après LFSS pour 2021 et PLFSS pour 2022

S'agissant des recettes, l'écart résulte bien entendu de la situation économique plus favorable que ce qui était anticipé l'année dernière, la contraction du PIB en 2020 s'étant finalement établie à 8 % au lieu de 10 %, et du dynamisme de la masse salariale, principale assiette des recettes de la sécurité sociale.

S'agissant des dépenses, l'écart s'explique par une rectification de l'Ondam à hauteur de 11,7 milliards d'euros . La progression de l'Ondam sur l'année serait sur l'année de 7,4 % contre 2,3 % envisagés en LFSS pour 2021. Le graphique suivant résume la décomposition de ces écarts de prévision.

Décomposition de la prévision initiale et de la prévision rectifiée
pour l'Ondam 2021

(en milliards d'euros)

Total

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

La majoration résulte de surcoûts liés à la crise sanitaire, principalement la campagne vaccinale et les tests de dépistage.

Une provision de 4,3 milliards d'euros figurait au PLFSS 2021 en vue de couvrir les dépenses liées à la crise sanitaire, correspondant à :

- 2 milliards d'euros pour les tests de dépistage ;

- 1,5 milliard d'euros pour l'achat de vaccins et la campagne vaccinale ;

- 0,7 milliard d'euros pour les achats de masques.

Un dépassement de 10,5 milliards d'euros est attendu concernant les dépenses de crise , avec notamment :

- 3,5 milliards d'euros de dotation supplémentaire à Santé publique France pour le financement de la campagne vaccinale (pour 2,5 milliards) et des dépenses supplémentaires (traitements, tests, à hauteur d'1 milliard) ;

- 0,7 milliard d'euros pour la campagne de rappels initiée à l'automne ;

- 4,2 milliards d'euros de surcoûts sur les tests de dépistage , du fait notamment d'un nombre de tests considérable à l'été 2021 ;

- 1,9 milliard d'euros supplémentaires pour les établissements sanitaires et médico-sociaux.

3. Un accroissement des déficits cumulés portés par la Cades et l'URSSAF Caisse nationale

Les déficits très importants des années 2020 et 2021 se sont bien entendu traduits par une augmentation significative de l'endettement de la sécurité sociale, qui a rompu avec le désendettement net enregistré au cours de la dernière décennie.

Comme le montre le graphique ci-dessous, réalisé à partir des données du rapport de la Cour des comptes sur l'application des LFSS, la dette de la sécurité sociale est portée à la fois par la Cades, dont c'est l'objet, mais aussi de manière significative par l'URSSAF Caisse nationale qui ne peut, elle, pas contracter de dette d'une durée supérieure à douze mois et n'est censée gérer que des flux de trésorerie.

Déficits cumulés portés par la Cades
et l'URSSAF Caisse nationale entre 2018 et 2021

(en milliards d'euros)

Source : Cour des comptes

Ainsi, à la fin 2021, l'URSSAF Caisse nationale devrait supporter environ 50 milliards de déficits cumulés des différentes branches , ce qui n'est pas sain, malgré les transferts à la Cades effectués en application de la loi du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.

Ces transferts se sont élevés à :

- 20 milliards d'euros en 2020, correspondant à 16,4 milliards d'euros de déficits de la branche maladie et du FSV et à 3,6 milliards d'euros de déficits du régime agricole des non-salariés 5 ( * ) ;

- et 40 milliards d'euros en 2021 correspondant à 33,7 milliards d'euros de déficit des différentes branches du régime général et du FSV, 1,3 milliard au titre des déficits de la CNRACL et 5 milliards d'apport financier aux établissements de santé 6 ( * ) .

4. Les autres ASSO
a) Un déficit d'ensemble supérieur à 34 milliards d'euros

Au-delà du périmètre actuel des LFSS, la situation d'ensemble des administrations de sécurité sociale (ASSO) devrait rester négative en 2021 - alors qu'avant la crise, les ASSO étaient repassées dans le vert depuis 2017.

Selon le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au projet de loi de finances pour 2022, le déficit des ASSO devrait s'élever à 34,4 milliards d'euros à la fin de l'année en cours (en comptabilité nationale). Comme le montre le tableau suivant, cette situation résulte avant tout du déficit du régime général de la sécurité sociale et du FSV.

Mais d'autres ASSO devraient enregistrer des déficits, en particulier l'Unédic, que le résultat positif de la Cades (correspondant aux amortissements de dette sociale que réalise cette caisse, et lui-même en baisse) ne peut pas compenser.

Solde, recettes et dépenses*
des administrations de sécurité sociale (ASSO) en 2021

(en milliards d'euros)

ASSO

- 34,4

Recettes

650,1

Dépenses

684,5

Régime général + FSV

- 38,3

Recettes

449,8

Dépenses

488,2

Unédic

- 11,4

Recettes

39,6

Dépenses

51,0

Régimes complémentaires

0,9

Recettes

93,7

Dépenses

92,8

Cades

15,0

Recettes

18,7

Dépenses

3,6

FRR

- 1,7

Recettes

0,6

Dépenses

2,3

Organismes divers de sécurité sociale

1,1

Recettes

113,5

Dépenses

112,4

* Présentation en comptabilité nationale

Source : RESF annexé au PLF 2022

b) Le régime complémentaire Agirc-Arrco sur la voie du rétablissement

Tout comme la branche vieillesse, les régimes de retraite complémentaires légalement obligatoires ont souffert de la crise épidémique du fait de la diminution de leurs recettes, leurs dépenses n'ayant en revanche pas subi d'impact particulier .

Les responsables du principal de ces régimes, l'Agirc-Arrco, reçus par la rapporteure générale et le rapporteur de la branche vieillesse, ont ainsi souligné qu'après avoir enregistré un excédent en 2019, le régime est de nouveau passé dans le rouge en 2020. Son déficit technique s'est élevé à 5,1 milliards d'euros et, en intégrant un résultat financier favorable, son déficit net a atteint 4,1 milliards d'euros .

Le régime devrait rester en déficit en 2021, dans des proportions moindres qui restent à déterminer précisément. Dès lors, le respect de la « règle d'or » de pilotage du régime, définie par l'accord national interprofessionnel du 10 mai 2019, c'est-à-dire le maintien sur une durée de quinze ans d'un niveau de réserves au moins égal à six mois de prestations, était menacé.

Face à cette situation, les partenaires sociaux composant le conseil d'administration de l'Agirc-Arrco ont décidé, le 7 octobre, de limiter à 1 % la progression des pensions de retraite complémentaire versées par le régime , alors que l'inflation devrait atteindre 1,5 % cette année.

Le régime devrait ainsi retrouver une situation équilibrée dès 2022, ce qu'il s'agira de confirmer.

c) La situation de l'Unédic reste particulièrement préoccupante

La situation financière du régime d'assurance chômage apparaît beaucoup plus critique.

En effet, d'une part, le régime était déjà fortement endetté avant la crise de 2020 du fait de déficits récurrents (36,8 milliards d'euros à fin 2019).

D'autre part, il a subi, de manière encore plus forte que l'assurance maladie, l'effet de ciseaux entre :

- des recettes (cotisations et CSG) assises sur les revenus d'activité , qui ont fortement baissé en 2020 comme indiqué supra ;

- des dépenses en forte hausse , pour financer tant les allocations chômage que l'explosion des indemnités d'activité partielle (à hauteur d'un tiers).

Le régime a ainsi enregistré deux déficits considérables en 2020 (17,4 milliards d'euros) puis en 2021 (de l'ordre de 10 milliards d'euros) , à mettre en regard du niveau de ses charges (41,1 milliards d'euros en 2019), bien plus faibles que celles de l'assurance maladie par exemple.

Bien que l'Unédic anticipe un retour à l'équilibre financier dès 2022 en raison de la croissance et de l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance chômage, l'endettement du régime a atteint un niveau (probablement 64,7 milliards d'euros à fin 2021) qui semble insurmontable sans une intervention des pouvoirs publics .

Dépenses et recettes de l'Unédic entre 2019 et 2021

(en milliards d'euros)

2019

2020

prévision 2021

Recettes

39,2

35,8

39,6

Contributions d'assurance chômage

38,6

35,2

38,9

- dont contributions principales

25,5

22,4

24,4

- dont CSG

13,2

12,8

14,5

Autres recettes

0,6

0,6

0,7

Dépenses

41,1

53,2

49,6

Allocations brutes

35,0

39,0

38,3

Activité partielle

0,04

7,5

4,1

Caisses de retraite

2,2

2,3

2,6

Autres dépenses

3,9

4,4

4,7

Solde financier

-1,9

-17,4

-10,0

Dette nette

36,8

54,6

-64,7

Source : Unédic


* 4 Il s'agit d'un « droit d'entrée » que cette caisse avait versé à la CNAV lors de l'adossement du régime des industries électriques et gazières au régime général, et dont la gestion avait été confiée au FRR.

* 5 Décret n° 2020-1074 du 19 août 2020.

* 6 Décret n° 2021-40 du 19 janvier 2021.

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