BRANCHE MALADIE ET ONDAM
Alors que le PLFSS 2022 revendique un Ondam historiquement haut, la commission se montre particulièrement préoccupée par un horizon financier qui ne semble pas répondre aux nombreux défis de transformation de l'hôpital , et plus globalement, du système de soins.
Si ce texte concrétise l'effort en direction de l'innovation dans le domaine du médicament et du dispositif médical, il ne répond pas aux difficultés des professionnels de santé et aux lacunes persistantes dans l'accès aux soins.
Ainsi, la rapporteure regrette un PLFSS à l'ambition limitée et qui, pour partie, s'apparente à une loi « santé » improvisée.
A. UNE BRANCHE MALADIE EN DÉFICITS CHRONIQUES
1. L'Ondam en progression de 3,8 % hors dépenses de crise
L'Objectif national de dépenses d'assurance maladie proposé pour 2022 atteint 236,3 milliards d'euros. Ce montant, en baisse 0,6 % par rapport à la prévision pour 2021, représente une forte dynamique de progression des dépenses, à 3,8 % hors crise et 2,6 % hors Ségur .
Objectif national de dépenses d'assurance maladie 2022
(en milliards d'euros)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après le PLFSS 2022
• Une provision au titre de l'épidémie de 4,9 milliards d'euros se fonde sur la double hypothèse d'une absence de fort rebond épidémique et d'une campagne vaccinale intégrant une dose de rappel pour l'ensemble de la population éligible et un élargissement de la vaccination aux 3-11 ans.
2. Une soutenabilité financière de la branche maladie menacée
La commission s'inquiète de la trajectoire financière de la branche maladie décrite au sein de l'annexe B, avec des prévisions pluriannuelles de déficits persistants, pour un niveau de - 14,8 milliards d'euros attendu en 2025 .
Ainsi, alors que ces dynamiques de dépenses ne retracent pas l'ensemble des investissements liés au Ségur de la santé, force est de constater que les dépenses de revalorisations salariales du « pilier 1 », qui représentent 10 milliards d'euros par an, ne sont pas financées .
Branche maladie, maternité, invalidité et décès
(en milliards d'euros)
Source : Commission des affaires sociales du Sénat, d'après le PLFSS 2022
B. DIVERSES MESURES DANS LE CHAMP DE LA SANTÉ
1. Des aménagements aux réformes de tarification hospitalière
Les deux articles relatifs à l'hôpital visent à ajuster les réformes structurelles du financement des urgences, de la psychiatrie et des soins de suite et de réadaptation , dans des phases de transition lourdement bouleversées par la crise covid et incompatibles avec les garanties de financement maintenues en 2021.
2. Des mesures disparates concernant les soins de ville
Concernant les soins de ville , le PLFSS comporte plusieurs articles qui visent à faciliter l'accès à certains soins dispensés par des auxiliaires médicaux, en supprimant la prescription médicale préalable. La commission s'interroge sur la recevabilité, dans une loi de financement de la sécurité sociale, de dispositions qui ont essentiellement trait aux compétences de professionnels de santé.
• À l' article 40 , qui organise un accès direct aux orthoptistes pour la réalisation de bilans visuels et la prescription de corrections optiques, la commission a adopté un amendement visant à le sécuriser et à l'assortir de garanties pour le patient.
• La commission a prévu des garanties de même nature, motivées par l'exigence de qualité et de pertinence des soins, aux articles 41 quinquies et 41 sexies expérimentant un accès direct aux masseurs-kinésithérapeutes et aux orthophonistes.
• À l' article 42 bis , la commission a souhaité reconnaître au médecin du travail la possibilité d'adresser un travailleur dont il assure le suivi à un psychologue afin de lui permettre de bénéficier de la prise en charge de séances d'accompagnement psychologique.
3. Un soutien aux secteurs du médicament et du dispositif médical
• Le PLFSS 2022 décline certaines mesures du plan « Innovation santé 2030 » issu des conclusions du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) 2021 . La commission salue l'effort financier et les dispositions liées.
Elle souligne notamment le nouveau dispositif dérogatoire d'« accès direct » prévu à l' article 36 , permettant un accès anticipé des patients à l'innovation . Sont concernés des médicaments présentant un service médical rendu suffisant et une amélioration même mineure, dès l'autorisation de mise sur le marché obtenue et l'avis de la Haute Autorité de santé rendu. La commission est cependant réservée sur la bonne articulation avec le dispositif d'accès précoce réformé en 2020.
S'agissant des dispositifs médicaux, la commission se félicite de la création, à l' article 24 , d'un régime de prise en charge de droit commun des dispositifs médicaux numériques de télésurveillance et, à l' article 33 , d'un accès à une prise en charge anticipée pour ceux de ces dispositifs qui présenteraient un caractère innovant. La commission a formulé deux exigences : garantir l'interopérabilité des données collectées et exportées par les dispositifs médicaux numériques et renforcer le conditionnement de la prise en charge à l'utilisation effective par le patient du dispositif dans le cadre d'une activité de télésurveillance médicale.
Enfin, l' article 38 prévoit une prise en compte bienvenue de l'empreinte industrielle dans la fixation des prix des produits de santé, visant à garantir les approvisionnements au moyen d'un soutien à une localisation européenne des productions.
4. La poursuite ou la généralisation d'expérimentations dans le champ de la santé
Sur le volet de la prévention , le PLFSS comprend une série de mesures disparates qui consistent essentiellement à généraliser ou prolonger des expérimentations :
• à l' article 42 , la commission salue la généralisation de l'expérimentation « Mission : retrouve ton cap ! », dans la prévention du surpoids et de l'obésité chez les enfants, et de l'expérimentation « Au labo sans ordo », pour le dépistage du VIH. Pour que la politique de lutte contre l'obésité soit pleinement opérante, la commission a souhaité reconnaître aux services de santé scolaire et de protection maternelle et infantile un rôle pivot dans la prévention du surpoids ;
• l' article 43 prolonge , pour trois années supplémentaires, l'expérimentation des salles de consommation à moindre risque qui sont transformées en haltes « soins addictions » ;
• s'agissant de l'extension de la gratuité de la contraception à toutes les femmes de moins de 26 ans à l' article 44 , la commission regrette que le Gouvernement ait écarté, dans ses arbitrages, l'extension aux hommes de la gratuité de la contraception.