TRAVAUX DE LA COMMISSION - AUDITIONS

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MM. Pierre Moscovici,
Premier président,
et Denis Morin,
président de la sixième chambre, de la Cour des comptes

Réunie le mercredi 6 octobre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de MM. Pierre Moscovici, Premier président, et Denis Morin, président de la sixième chambre, de la Cour des comptes.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons, cet après-midi, MM. Pierre Moscovici, Premier président, et Denis Morin, président de la sixième chambre de la Cour des comptes, pour la présentation du rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, le « RALFSS ».

Ils sont accompagnés de Carine Camby, rapporteure générale de la Cour, Stéphane Seiller, rapporteur général du RALFSS, Thibault Perrin, rapporteur général adjoint du RALFSS, Guillaume de La Batut, chargé de mission, et Roma Beaufret, chargée de mission auprès du Premier président.

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.

Chaque année à pareille époque, la présentation du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, qui constitue l'une des traductions de la mission d'assistance de la Cour au Parlement prévue par l'article 47-2 de la Constitution, ouvre pour notre commission les travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) de l'année à venir.

Cette année encore, ce rendez-vous est marqué par l'ampleur des déficits et de la dette de la sécurité sociale auquel notre pays devra bien se confronter.

Mais cette année est aussi marquée par la révision engagée du cadre organique applicable aux lois de financement de la sécurité sociale. Nous partageons l'appréciation, formulée ô combien poliment, par le rapport selon laquelle « les lois de financement de la sécurité sociale pourraient apporter une contribution plus nette à la transparence des choix relatifs aux politiques et aux finances sociales et au rétablissement de la situation financière de la sécurité sociale ». Bien sûr, un cadre juridique ne produirait jamais d'effets en lui-même en l'absence de choix politiques, mais il peut effectivement contribuer à les éclairer.

De ce point de vue, nous sommes un peu dubitatifs quant à l'intérêt d'une loi d'approbation des comptes qui ne serait pas accompagnée d'éléments au moins aussi détaillés que le rapport à la commission des comptes de la sécurité sociale.

De la même manière, la loi de financement de la sécurité sociale pour l'année à venir devrait s'accompagner d'une justification étayée des objectifs de dépenses proposés qui font actuellement défaut.

Enfin, les perspectives pluriannuelles nous semblent encore trop souvent déterminées sur le fondement d'hypothèses « conventionnelles » auxquelles il serait vain de consacrer des analyses très poussées. Vous nous ferez part des propositions de la Cour pour y remédier.

M. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes . - Merci infiniment de m'avoir invité à vous présenter le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, le RALFSS. C'est avec grand plaisir que je retrouve votre commission pour cet exercice annuel important.

Le rapport que je vais vous présenter est établi, comme chaque année, dans le cadre de la mission d'assistance de la Cour au Parlement et au Gouvernement. Il accompagne le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, déposé cette semaine. J'ai présenté notre travail à la presse hier, car, comme vous le savez, c'est un rapport très attendu par nos concitoyens, ainsi qu'à l'Assemblée nationale ce matin.

Je profite donc de cette occasion pour vous faire part, comme je le fais souvent, de mon attachement profond à la mission d'assistance au Parlement que la Constitution a confiée à la Cour. Je sais l'importance que revêt le Parlement pour le contrôle démocratique. Cette mission est donc pour moi essentielle, non seulement parce que je conserve une sensibilité d'ancien parlementaire, mais aussi parce que mon rôle et mon devoir, comme Premier président de la Cour, sont de veiller à votre bonne information. J'attache donc à la relation privilégiée qui nous unit une attention toute particulière. Sachez donc que je suis à votre disposition.

Pour cet exercice, je suis accompagné de Denis Morin, président de la sixième chambre, Carine Camby, rapporteure générale de la Cour, Stéphane Seiller, conseiller maître, rapporteur général de ce rapport et Thibault Perrin, son adjoint. Ils pourraient être amenés à intervenir pour répondre à vos questions. Je souhaite les remercier chaleureusement pour leur implication, ainsi que la vingtaine d'autres rapporteurs qui ont aussi contribué à ce travail approfondi.

Face à la gravité de la situation, nos transferts sociaux - c'est d'ailleurs une caractéristique partagée de notre pays et de ceux de l'Union européenne en général - ont joué et continuent à jouer un rôle essentiel pour amortir les conséquences de cette crise pour nos concitoyens. Ce point est important, car il nous rappelle la place qu'occupe la protection sociale dans notre pacte républicain, auquel la Cour est très attachée.

Toutefois, nous portons toujours le même message depuis l'année dernière et le porterons aussi longtemps qu'il sera nécessaire : pour sauvegarder notre système de sécurité sociale, un maillon essentiel de cohésion et de solidarité dans notre pays, nous devons progressivement, pour sortir de la situation exceptionnelle que nous connaissons, reconstruire une trajectoire de retour à l'équilibre des comptes sociaux.

Si, à court terme, la situation appelait à des mesures exceptionnelles, à moyen terme, il convient de penser aux générations futures.

Pour la deuxième année consécutive, 2021 est donc un exercice hors norme pour nos comptes sociaux. Les comptes de la sécurité sociale devraient rester en 2021 sur un haut niveau de déséquilibre, de près de 35 milliards d'euros. Le déficit 2021 serait le deuxième plus fort de l'histoire de la sécurité sociale, après 2020. Une telle situation est - c'est le rôle de la Cour de le rappeler - problématique. Rappelons qu'une branche maladie ou une branche retraite en déséquilibre, cela signifie que les dépenses de soins ou les pensions versées aujourd'hui devront être financées par nos enfants ou nos petits-enfants. Nous ne sommes pas obsédés par la dette en tant que telle, mais par ses conséquences sur le pacte intergénérationnel.

Je constate que les conditions du redressement des finances sociales restent à définir, notamment dans les domaines de la retraite et de la santé.

Ce rapport n'approfondit pas la question des réformes en matière de retraites, dont nous avons esquissé les perspectives dans notre rapport au Premier ministre. Nous savons que le débat public est ouvert et qu'il appellera nécessairement des décisions le moment venu. Une réforme est incontournable, selon nous. En revanche, nous soulignons la nécessité d'accélérer les réformes dans le domaine de la santé, et plus généralement dans l'ensemble de la gestion de notre système de sécurité sociale.

Il ne s'agit évidemment pas pour la Cour de méconnaître la situation exceptionnelle que le pays a traversée, et connaît encore à certains égards, même si les signaux de ces derniers mois sont positifs.

Mais, à travers ce rapport, la Cour souhaite remettre en perspective l'ampleur des déséquilibres, ouvrir des pistes pour contribuer progressivement à la maîtrise de l'évolution des dépenses d'assurance maladie et inviter à relancer les différents chantiers de modernisation qui ont été évidemment ralentis ou suspendus durant la crise sanitaire. Ce travail de réforme doit se poursuivre, en tenant compte des circonstances.

Je vais d'abord commencer rapidement par rappeler la situation financière actuelle de la sécurité sociale, au vu des dernières données disponibles communiquées par la commission des comptes de la sécurité sociale, en m'arrêtant en particulier sur les dépenses de l'assurance maladie.

Dans un contexte de reprise puissante de l'activité économique - une prévision de croissance de 6 % en 2021, jugée prudente par le Haut Conseil des finances publiques, et de 4 % en 2022 - et de recettes en fort redressement par rapport à 2020, avec une hausse de 31 milliards d'euros, les dépenses de la sécurité sociale, tirées par celles de la branche maladie, ont, elles aussi, continué à croître fortement en 2021 par rapport à 2020, avec une progression de 27 milliards d'euros. C'est la situation de la branche maladie qui est la plus problématique : en 2021, pour 1 000 euros dépensés, 130 euros sont financés par de nouvelles dettes à la charge des générations futures. Comment l'expliquer ?

Cela résulte certes des mesures exceptionnelles de tests de dépistage de covid et de vaccination, ainsi que d'une croissance plus forte que prévu des dépenses de médicaments. Mais il faut aussi prendre en compte le poids des mesures de revalorisation salariale et d'investissement décidées lors du Ségur de la santé. Ces mesures pèseront en 2022, représentant près de 40 % des dépenses supplémentaires, et alourdiront durablement les charges de l'assurance maladie.

La crise sanitaire a entraîné une perte définitive de recettes sociales et explique - mais seulement en partie - le surcroît de dépenses maladie, remettant ainsi en cause les conditions d'équilibre des comptes de la sécurité sociale. Il y a un enjeu fort, pour l'avenir de la sécurité sociale, à reprendre en main l'évolution des dépenses de l'assurance maladie et à mettre en oeuvre de nouveaux modes de régulation. Sur ce sujet central et dans le prolongement de multiples travaux antérieurs de la Cour, nous estimons que la régulation mise en oeuvre ne s'est pas suffisamment accompagnée d'une réorganisation du système de soins.

Pour l'avenir, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) doit être davantage inscrit dans une trajectoire pluriannuelle, documentée beaucoup plus rigoureusement que par le passé. Et surtout, cette trajectoire doit être directement liée, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, aux orientations de la stratégie nationale de santé. Ses objectifs apparaissent justifiés à la Cour, comme elle a déjà eu l'occasion de l'indiquer dans le passé : il s'agit de favoriser la pertinence et la qualité des prises en charge, notamment par des soins gradués en fonction des besoins des patients, de donner accès à tous à des soins de premier niveau et de faciliter le lien ville-hôpital. En revanche, nous relevons à nouveau que cette stratégie n'a été accompagnée d'aucun cadrage financier.

Il faut mettre en oeuvre une vraie stratégie de transformation en profondeur du système de santé, en lien avec la trajectoire de maîtrise des dépenses, en utilisant tous les leviers disponibles. J'en citerai quelques-uns : pour les professionnels libéraux, des incitations renouvelées doivent être trouvées à travers la rémunération sur objectifs de santé publique ; pour les établissements de santé, une logique analogue devrait être poursuivie en s'appuyant sur le dispositif d'incitation financière à l'amélioration de la qualité, notion fondamentale ; de son côté, la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) devrait accélérer la rénovation de ses outils de gestion du risque ; l'actualisation de la nomenclature des actes de santé, qui conditionne leur niveau de prise en charge, devrait également aller plus vite, sous l'égide du Haut Conseil des nomenclatures ; enfin, dans les régions et les territoires, des marges de manoeuvre et des leviers d'action plus grands doivent être confiés aux agences régionales de santé (ARS), afin de faciliter les réallocations, entre offreurs de soins, de ressources inégalement réparties aujourd'hui, et de tenir davantage compte des réalités et de la diversité de nos territoires.

Il reste que l'effet de ces progrès indispensables dans le domaine de la santé, tout comme l'impact des mesures, attendues, de rétablissement de l'équilibre des comptes de l'assurance vieillesse, ne sera que progressif. Pour les prochaines années, la dette sociale va continuer à croître.

L'ampleur des déficits en 2020 et 2021 des branches du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est telle que le plafond de 92 milliards d'euros de reprise par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ne paraît pas en mesure de couvrir la totalité du déficit de 2022 ni, a fortiori , un déficit en 2023. Au-delà, une grande incertitude existe sur l'évolution des soldes de la sécurité sociale et, corrélativement, de la dette sociale.

Voilà pourquoi la Cour dit clairement qu'une grande vigilance doit être de mise. La réforme, en cours d'examen par le Parlement, des modalités de discussion des lois de financement de la sécurité sociale, permettra, en tout cas je l'espère, de disposer de plus de temps pour débattre de la performance de notre système de sécurité sociale au regard des ressources qui lui sont affectées. Cette réforme permettrait de distinguer la discussion sur les comptes de l'exercice clos de celle relative au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour l'année qui suit. La sécurité sociale participerait alors au « printemps de l'évaluation », dont l'Assemblée nationale a souhaité à juste titre la mise en place. La Cour ne peut qu'y être favorable.

Mais, si cet objectif d'évaluation est indispensable, nous proposons d'aller plus loin pour mieux encadrer l'évolution de nos finances sociales.

Le rapport propose ainsi de compléter le cadre posé par les lois de financement de la sécurité sociale, par quatre leviers : l'obligation pour le Gouvernement de déposer une loi rectificative si les prévisions initiales sont bouleversées, comme pour le budget de l'État ; l'extension du champ des dépenses encadrées par la loi de financement à celles des retraites complémentaires et d'assurance chômage ; l'explicitation des écarts entre l'exécution et les normes fixées en lois de programmation des finances publiques - s'il est compréhensible que la LFSS soit vite devenue obsolète avec la crise, une telle situation ne peut être que provisoire ; et enfin, la définition impérative d'une trajectoire de retour à l'équilibre pour toute nouvelle reprise de dette sociale portant sur des prévisions de résultats futurs. Cela n'a pas été le cas l'an dernier, le Parlement s'étant vu proposer d'autoriser la reprise par la Cades des déficits prévisionnels sur la période 2020-2023 à hauteur de 92 milliards sans visibilité sur les conditions de retour à l'équilibre.

J'en viens maintenant aux problématiques de la sortie de crise dans les domaines des affaires sociales et de la santé. Le rapport illustre cette problématique à travers trois exemples.

Le premier concerne le fonctionnement des organismes de sécurité sociale, qui ont été mis à l'épreuve par la crise sanitaire. Ils n'étaient pas préparés à faire face aux conséquences d'une telle crise. Mais ils ont pu préserver l'essentiel pour nos concitoyens : éviter toute rupture dans le service des prestations. C'était encore plus nécessaire en période de crise. Saluons cette réussite.

Cependant, l'objectif de continuité a été en partie atteint au prix d'une grande simplification des procédures de gestion, de dérogations et par la levée ou l'allégement des contrôles.

La Cour a mesuré au printemps dernier, dans le cadre de ses travaux de certification, l'impact de ces mesures exceptionnelles sur la fiabilité des comptes. Elle a exprimé 22 réserves, un nombre sensiblement plus élevé que les années précédentes, sur les comptes présentés par les branches du régime général. Ainsi, la Cour s'est vue dans l'impossibilité de certifier les comptes de l'activité de recouvrement. En effet, la priorité a été donnée à la survie économique des entreprises, confrontées pour certaines, dans de nombreux secteurs, à l'arrêt ou à la chute brutale de leur activité. Mais cela a généré des niveaux de restes à recouvrer jamais observés par le passé. Les arriérés de cotisations ont été multipliés par cinq en un an.

La normalisation des procédures de gestion des prestations et du recouvrement des prélèvements est désormais le principal enjeu des organismes de sécurité sociale.

Le deuxième exemple est celui de la télésanté. Le nombre de téléconsultations a explosé durant la crise. On est passé de 140 000 téléconsultations en 2019 à 18,4 millions en 2020 ! Elles ont été un palliatif très utile durant les deux confinements.

La Cour estime toutefois qu'il est nécessaire de mettre fin à la prise en charge dérogatoire à 100 %, qui perdure encore aujourd'hui, et ce jusqu'au 1 er janvier 2022, au détriment de la sécurité sociale et à l'avantage des organismes complémentaires d'assurance maladie. Plus largement, la Cour considère qu'il n'y a pas d'intérêt à favoriser la multiplication de téléconsultations, qui se substituent surtout au mode de recours traditionnel à la médecine de ville, alors qu'elles présentent un coût supérieur pour l'assurance maladie, et qu'elles reposent assez largement sur des outils encore faiblement sécurisés.

En revanche, la Cour considère que la télémédecine peut contribuer à la transformation du système de santé de façon positive pour faciliter l'accès aux soins dans des zones faiblement pourvues en médecins, et renforcer la coordination des professionnels de santé, dans des logiques de parcours de soins.

La troisième illustration porte sur les dépenses de biologie médicale et la régulation de ce secteur. En raison de la crise, les mécanismes de régulation des dépenses de biologie ont été suspendus de fait. En temps ordinaire, il s'agit d'accords prix-volume, qui consistent à fixer une norme d'évolution annuelle des dépenses et à diminuer les tarifs de certains actes, si les volumes sont trop dynamiques. Ce n'est qu'au printemps 2021 que des baisses de tarifs, qui auraient dû être mises en oeuvre début 2020, ont été pratiquées. Vous voyez le retard généré.

Or, du fait du financement par l'assurance maladie des tests de dépistage de la covid-19, pris en charge à 100 % sans prescription médicale - nous savons que les choses vont changer à compter de la mi-octobre -, les dépenses de biologie, c'est-à-dire le chiffre d'affaires des laboratoires d'analyse médicale, ont considérablement augmenté en 2020 et 2021. Elles devraient, cette année, être deux fois supérieures à leur niveau de 2019. L'analyse faite par la Cour est qu'en France les tarifs de remboursement des tests RT-PCR ont été fixés à un niveau plus élevé que dans les pays européens voisins. Par exemple, si ces tarifs avaient d'emblée été fixés aux niveaux constatés en Allemagne ou en Belgique, une économie de l'ordre de 800 millions d'euros aurait pu être réalisée. À ce titre, la Cour souligne que la régulation administrative de ce secteur doit être améliorée, qu'il s'agisse de la connaissance de l'offre, de la rentabilité des laboratoires privés ou de la prise en charge de l'innovation.

Ainsi, alors que les impacts sur le système hospitalier des vagues épidémiques semblent désormais progressivement maîtrisés grâce à l'effort de vaccination, la Cour souligne, à travers ces trois exemples, qu'il n'y a plus lieu de prolonger l'usage des dispositifs dérogatoires, utilisés aux moments les plus critiques de la crise sanitaire.

Pour autant, il ne s'agit pas simplement dans notre esprit de revenir à la normale et aux routines de gestion : la sortie de crise doit être l'occasion de relancer ou d'intensifier les réformes dont notre système de sécurité sociale a besoin. La Cour illustre cette nécessité par quatre pistes.

La première porte sur les chantiers de réforme du financement des établissements de santé, pour les soins de suite et de réadaptation et les soins psychiatriques, et du financement des établissements et services médico-sociaux, en charge des personnes âgées dépendantes et des personnes en situation de handicap. La Cour constate que ces chantiers ont pris beaucoup de retard, sans que la crise ait d'ailleurs joué un rôle déterminant dans ces ralentissements : le chantier de réforme du financement des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) a été engagé il y a plus de dix ans, celui du financement des soins psychiatriques et des soins de suite et de réadaptation, il y a plus de vingt ans... Ça ne date pas d'hier.

Ces réformes doivent pourtant être menées à bien, au risque sinon de ne pas répondre aux besoins de la population de soins aux personnes mieux coordonnés entre professionnels de santé.

L'objectif est de favoriser la gradation des soins en fonction des besoins individuels, ainsi que le développement de soins plus inclusifs, notamment pour les personnes âgées ou en situation de handicap, et l'on sait combien le sujet de leur traitement a été critique et délicat durant la crise. Il faut aussi faciliter le maintien au domicile ou l'accès à l'emploi et au travail. C'est urgent, parce que la France perd du terrain par rapport au reste de l'OCDE : nos dépenses de soins de longue durée en établissement augmentent de 2,6 %, alors qu'elles baissent en moyenne de 4,6 % dans les pays de l'OCDE où la prise en charge à domicile se développe.

Une deuxième illustration concerne la dématérialisation des prescriptions médicales. Dématérialiser les prescriptions, c'est progresser sur la sécurité et la pertinence des soins, la réduction des coûts de gestion et la prévention des fraudes, en supprimant les fausses prescriptions. Or, la France est en retard par rapport à de nombreux pays : l'Italie, la Belgique et le Royaume-Uni notamment. Dans notre pays, la majorité des prescriptions de médicaments ne sont pas dématérialisées.

Des textes ont été pris avec l'objectif ambitieux de parvenir à la dématérialisation complète des prescriptions de médicaments en 2024. Toutefois, les arrêts de travail prescrits par un praticien hospitalier ne sont pas soumis à l'obligation de dématérialisation. Les systèmes d'information hospitaliers ne sont pas non plus raccordés aux téléservices de prescriptions gérés par l'assurance maladie.

Un troisième exemple se fonde sur une enquête conduite sur la gestion des accidents de travail et des maladies professionnelles (AT-MP). Il y aurait beaucoup à en dire. Notamment sur la reconnaissance qui est faite en France des troubles musculo-squelettiques, les TMS, qui représentent en effet plus de 80 % des maladies professionnelles reconnues dans notre pays. En raison du principe de présomption de reconnaissance, ces dernières sont trois fois plus nombreuses en France qu'en Allemagne.

Mais j'insisterai surtout sur un aspect, qui concerne la branche accidents du travail et arrêts maladie, et également la branche maladie. C'est la dynamique des arrêts de travail. En pratique, la progression des dépenses d'arrêt de travail nécessite d'agir sur les causes des arrêts longs, en favorisant et en accompagnant le retour au travail. En effet, le salarié qui voit son arrêt de travail se prolonger court le risque, progressivement, d'éprouver de grandes difficultés à retrouver son travail, voire un autre travail. Il est prioritaire d'engager, à grande échelle, des programmes d'action coordonnés pour détecter précocement les personnes en risque de désinsertion, et pour les accompagner vers la reprise de travail, grâce à des adaptations de poste le cas échéant, à l'aménagement des espaces de travail et à des formations, voire à des reconversions professionnelles.

Enfin, j'évoquerai deux derniers exemples, choisis parmi les nombreux dispositifs de protection sociale existants : il s'agit de l'allocation de solidarité pour les personnes âgées (l'ASPA), communément appelée le minimum vieillesse, qui représente 3,9 milliards d'euros en 2020, et l'allocation de rentrée scolaire, soit 2,6 milliards d'euros en 2020, en raison d'une revalorisation exceptionnelle.

L'ASPA est une allocation efficace, puisque le taux de pauvreté des personnes de plus de 65 ans est au plus bas comparé aux autres grands pays européens. Notre analyse nous porte à penser que la priorité pour l'ASPA devrait être de simplifier les règles d'attribution, très complexes, pour réduire les causes d'erreurs et de fraudes, mais également de faciliter l'information du public sur cette allocation, caractérisée par un taux de non-recours élevé, c'est-à-dire par une proportion importante de personnes qui ne font pas valoir leurs droits.

L'allocation de rentrée scolaire est la deuxième prestation familiale en nombre de bénéficiaires. Alors que, comme chaque année, la question de sa transformation en bons d'achat a alimenté l'actualité, il nous semble qu'elle pourrait être recentrée sur les familles aux revenus les moins élevés, et surtout modulée pour mieux tenir compte des coûts de scolarité qui augmentent avec l'âge des enfants. Cet ajustement pourrait être gagé par la suppression de la réduction d'impôts pour frais de scolarité, qui profite aux seuls ménages imposables.

Pour conclure, je voudrais à nouveau insister sur le message principal : au moment où la crise sanitaire semble maîtrisée et où l'économie repart avec une exceptionnelle vigueur, il est impératif de remettre rapidement la sécurité sociale sur un chemin d'équilibre financier durable et de maîtriser la dette sociale. La crise a illustré la résilience de nos systèmes publics de solidarité. Elle a aussi ouvert des perspectives nouvelles, par exemple en matière de numérique. Les acteurs du système de santé ont montré une exceptionnelle capacité d'adaptation. Tous ces éléments me rendent très confiant en vue de la nécessaire transformation de notre système de sécurité sociale. Plus elles seront différées, plus les réformes seront difficiles. Enfin, si elles ne sont pas engagées fermement et rapidement, alors il est à craindre que le seul moyen qui restera pour réduire les déficits soit non plus de gagner en efficience, mais de réduire les droits. Le rapport de la Cour ne propose pas cela, ce n'est pas un rapport d'austérité, c'est un rapport de transformation.

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Je remercie la Cour des comptes pour ses analyses, qui permettent d'apporter un éclairage pertinent sur la gestion de l'exercice écoulé et de l'année en cours à l'heure où nous allons devoir nous prononcer sur le PLFSS pour 2022.

Votre rapport montre l'ampleur du choc financier que la crise épidémique de covid-19 a représenté pour la sécurité sociale, ainsi que son empreinte durable sur les comptes sociaux. Si, dans un premier temps, ce choc était surtout un choc de recettes, il risque de devenir à l'avenir, de manière structurelle, un choc de dépenses, notamment du fait des dépenses pérennes du Ségur de la santé.

Dès lors, convient-il, selon la Cour, d'acter que ce niveau élevé de dépenses correspond à une demande sociale qui nécessitera à terme une adaptation du niveau des prélèvements obligatoires (PO) consacrés à la sécurité sociale ? Ou, à l'inverse, préconisez-vous, à terme, le retour d'une régulation assumée du niveau de dépenses ?

S'agissant des recettes, votre rapport indique que, compte tenu de la forte récession de l'année dernière et malgré le rebond anticipé en 2021 et 2002, les régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) dans leur ensemble devraient enregistrer une perte de l'ordre de 10 milliards d'euros à l'horizon 2025. Pourtant, si l'on compare la trajectoire quadriennale qui figure dans l'avant-projet de loi de financement à la dernière LFSS d'avant-crise, la LFSS pour 2020, la prévision de recettes de l'année 2023 est désormais meilleure que celle anticipée pour cette même année 2023 il y a deux ans. Y a-t-il une explication à cette divergence d'analyse ou bien s'agit-il de remettre en cause le caractère réaliste de la prévision quadriennale ?

Même avec ce niveau de recettes optimiste, la trajectoire quadriennale fait apparaître d'importants déficits jusqu'en 2025, stabilisés à environ 15 milliards d'euros. Dès lors, considérez-vous que l'objectif d'extinction de la dette sociale en 2033 reste réaliste ? Comment analysez-vous la différence de traitement entre la « dette covid » de l'État, que celui-ci souhaite amortir à très long terme, et celle de la sécurité sociale, qui devrait être amortie beaucoup plus rapidement ?

Enfin, en matière de gouvernance, je note avec intérêt que les propositions de la Cour des comptes rejoignent en grande partie celles qu'a défendues le Sénat, et en particulier notre commission, lors du récent examen de la proposition de loi organique relative aux LFSS, ce dont je me félicite. J'en profite néanmoins pour vous interroger sur les mesures qui vous concernent au sein de ce texte : dépôt du RALFSS conjointement au projet de loi d'approbation des comptes, donc au printemps ; remises des enquêtes dans un délai de huit mois ; et, dans le cadre de la « règle d'or », avis du Haut Conseil des finances publiques sur la trajectoire financière quadriennale du PLFSS.

M. Pierre Moscovici . - Vous m'interrogez sur la stratégie de finances publiques pour la sortie de crise dans le domaine de la protection sociale. Vous connaissez la situation : une dette publique de 115 % du PIB, en augmentation ; un taux de dépenses publiques par rapport au PIB de 2 points supérieur à ce qu'il était avant la crise et proche de 58 % ; et le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé de l'Union européenne.

Nous recommandons d'éviter une hausse nette des prélèvements obligatoires, dont le risque serait de pénaliser la croissance à moyen terme et de se heurter aux limites du consentement à l'impôt par les Français. Il n'y a pas d'autre choix, comme je l'ai écrit dans le rapport que j'ai remis au Président de la République et au Premier ministre le 15 juin, que d'emprunter la voie d'une régulation assumée des dépenses, avec un effort particulier en matière de dépenses d'assurance maladie et d'assurance vieillesse. L'enjeu principal, c'est de prévenir la constitution de nouvelles dettes sociales, en réduisant les déficits de la sécurité sociale pour les ramener graduellement à l'équilibre. Cela n'est nullement impossible. Je rappelle qu'en 2019, avant la crise sanitaire, la sécurité sociale était pratiquement à l'équilibre, avec un déficit inférieur à 2 milliards d'euros.

Vous m'interrogez aussi sur la pertinence des prévisions quadriennales de recettes pour les lois de financement de la sécurité sociale, le montant prévu aujourd'hui pour 2023 étant supérieur de 6,7 milliards d'euros à celui qui avait été prévu fin 2019. Nous savons tous que la prévision en matière de recettes fiscales et sociales est assez difficile. Une partie de l'écart observé dans la prévision faite aujourd'hui est ainsi lié au surcroît de recettes constatées en 2020 au titre de 2019 ; ensuite les prévisions pour 2023 de la LFSS pour 2022 intègrent les ex-ressources propres de la CNSA, qui ne figuraient pas dans la prévision pour 2023 de la LFSS 2020, ce qui représente environ 6 milliards d'euros.

Pour ce qui concerne l'objectif d'extinction de la dette sociale, des décisions seront à prendre. La Cour constate que l'ampleur des déficits sur la période 2020-2023 sera telle que le plafond de reprise de dette par la Cades de 92 milliards d'euros, prévu par la loi du 7 août 2020, ne suffira pas, en l'état actuel des prévisions, à couvrir le déficit 2023. Au-delà de 2023, les déficits prévisionnels devraient s'élever entre 10 et 15 milliards d'euros chaque année et aucune trajectoire de retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale n'est définie pour l'instant.

L'accumulation des déficits compromet donc la possibilité de mettre un terme à la Cades à la fin de l'année 2033, comme cela avait été prévu par la loi du 7 août 2020, et une nouvelle reprise de dette sera probablement à envisager.

Nous pensons que le cantonnement de la dette « covid » ne constitue pas une solution de maîtrise de la trajectoire de la dette des administrations publiques. L'enjeu est celui de la soutenabilité des finances publiques, c'est un enjeu de souveraineté. Le champ des dépenses sociales ne doit pas être mis à l'écart des efforts qui seront inévitables : si l'on regarde les efforts déjà réalisés dans le passé, notamment au cours de la dernière décennie, nous pensons que l'effort à faire pour remettre ces régimes d'assurance maladie et de retraite sur une trajectoire d'équilibre n'est pas inatteignable.

Enfin, en réponse à votre dernière question, madame la rapporteure générale, je considère que plusieurs des dispositions que vous venez de citer constitueront des progrès utiles. Je veux évoquer d'abord le dépôt du RALFSS conjointement au projet de loi d'approbation des comptes au printemps ; cela ne devrait pas nous dispenser toutefois de publier un deuxième fascicule d'actualisation au moment du PLFSS, comme nous le faisons pour les finances publiques locales.

La remise dans un délai de huit mois des enquêtes conduites par la Cour à la demande du Parlement est aussi une mesure positive.

Il est aussi utile que l'avis du Haut Conseil des finances publiques puisse porter sur la trajectoire financière quadriennale du PLFSS. Le développement de cette institution budgétaire indépendante, l'extension de son mandat pour en faire une institution comparable à ce qu'elle est dans la plupart des pays de l'Union européenne et de l'OCDE me semblent une nécessité. Voilà un message que j'ai aussi porté auprès de votre commission des finances, avec un succès limité... C'est pourtant l'intérêt du Parlement que de disposer d'un tiers de confiance indépendant tel que le Haut Conseil, institution comparable à nulle autre dans le paysage de l'expertise économique en France.

Toutefois, si le projet de loi d'approbation est déposé avant la fin du mois de mai, il serait indispensable que la Cour reçoive beaucoup plus tôt qu'aujourd'hui les éléments nécessaires pour rendre ses avis sur les tableaux d'équilibre et le tableau patrimonial de la sécurité sociale. La marche est importante, car, en 2021, les éléments définitifs ont été reçus fin août...

Mme Corinne Imbert , rapporteure pour la branche maladie . - Je retiens de votre rapport, lu avec attention, plusieurs constats préoccupants sur les dépenses sociales et en particulier sur les comptes de l'assurance maladie. Certains sont désarmants, comme l'impact de la gestion de la crise sanitaire sur les finances de l'assurance maladie.

La biologie médicale a contribué, par des baisses de prix précédemment, à contenir l'évolution des dépenses. Mais la tarification nous interpelle. Certes, on peut aisément comprendre qu'à l'occasion de la crise, pour que les laboratoires puissent investir et répondre à la demande massive de tests de dépistage de la covid, des tarifs élevés aient été pratiqués en phase d'amorçage. Les laboratoires ont été au rendez-vous et ont relevé le défi. Mais les coûts ont été vite amortis et les tarifs n'ont été ajustés que très tardivement. Selon votre rapport, 800 millions d'euros auraient pu être économisés par une révision six mois plus tôt du tarif pratiqué. Comment justifier d'avoir laissé filer une telle dépense ?

J'étais défavorable au remboursement à 100 % de la téléconsultation. Certes, le nombre de téléconsultations a augmenté, et elles ont permis la prise en charge de nombreux patients. Mais avec quel est surcoût de dépenses pour la branche maladie ? Selon mon estimation, avec les 800 millions d'euros des laboratoires, on ne serait pas très loin du milliard d'euros de surcoût. Me confirmez-vous ce chiffre ? Imaginez ce qu'on aurait pu faire avec une telle somme...

La Cour a dénoncé des tuyaux de financement peu orthodoxes dans un récent rapport dédié à la gestion de la crise, comme le recours à des fonds de concours de l'assurance maladie pour financer des dépenses de l'État. Nous ne pouvons que constater, a posteriori , un dévoiement manifeste des règles budgétaires. Non seulement l'État ne compense pas les dépenses exceptionnelles de Santé publique France assumées par la CNAM, mais il fait financer certaines dépenses par la sécurité sociale. C'est révélateur d'une situation de fait : l'État n'assume pas que la CNAM soit devenue son opérateur dans le champ de la santé ; si cela peut s'entendre, il faut le clarifier, particulièrement en matière financière.

Je retiens également les lacunes en matière de déploiement de la dématérialisation des prescriptions d'actes et de médicaments, et les points de vigilance concernant le développement de la télésanté, qui doit avant tout être un complément pertinent de l'offre actuelle, particulièrement dans les zones sous-dotées ou pour mieux coordonner les professionnels de santé. La qualité est une notion fondamentale. La télésanté ne doit pas se développer au détriment de la qualité de la prise en charge des patients.

Quid de l'avenir de notre sécurité sociale, puisque ce PLFSS nous montre une trajectoire plus que dégradée ? Le déficit de l'assurance maladie demeurerait à des niveaux durablement élevés et ne serait pas résorbé avant au moins dix ans : comment assurer la pérennité de notre système ? Quelles marges d'efficience pourraient-être utilisées afin de rétablir l'équilibre de la branche et retrouver ce fameux chemin que vous espérez, sans obérer la qualité des soins des Français ? Vous évoquez plusieurs pistes sur la biologie médicale ou des parcours de soins, mais comment réellement accélérer les transformations nécessaires ?

Notre commission vous rejoint sur le pilotage, comme nous avons pu le démontrer lors du récent examen de la proposition de loi organique sur les lois de financement de la Sécurité sociale.

M. René-Paul Savary , rapporteur pour la branche vieillesse, président de la Mecss . - Au Sénat, nous ne nous limitons pas au printemps de l'évaluation, mais nous pratiquons l'annualité de l'évaluation par la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss)... Je partage les remarques de Corinne Imbert - notre commission les avait également formulées. Il faut mettre en oeuvre une stratégie de santé avec un accompagnement financier, et un Ondam pluriannuel. Des Ondam régionaux permettraient d'avoir plus de marges de manoeuvre localement.

Vous n'avez pas répondu sur la règle d'or, que nous avions proposée pour redresser la trajectoire sans retarder l'application de mesures draconiennes. Plus nous tardons, plus ces mesures seront difficiles à appliquer - on le voit pour les retraites...

Pourriez-vous me confirmer que la baisse des recettes de la branche vieillesse - moins 3,5 % en 2020 - est moindre que celles des autres branches ?

Quel est l'impact de l'augmentation de 9 % des décès en 2020 sur les comptes de la branche ?

Enfin, pourriez-vous nous préciser à combien se chiffrent les erreurs de liquidation de l'ASPA sur les comptes des régimes et les conséquences de ces erreurs pour les bénéficiaires ?

M. Olivier Henno , rapporteur pour la branche famille . - Votre expression de « nouvelle donne » est juste. Durant la crise, on a dépensé des moyens supplémentaires sans faire attention à la régulation et aux réformes structurelles. Cela a-t-il créé des écarts, notamment entre les secteurs public et privé ?

La branche famille est la seule branche excédentaire. L'allocation de rentrée scolaire est attribuée aux parents de jeunes de 6 à 18 ans, sous condition de ressources. Selon vous, elle n'est pas assez différenciée alors que les besoins diffèrent selon l'âge de l'enfant. Comment son montant pourrait-il être modulé tout en tenant compte des autres aides du foyer, et notamment celles attribuées par les collectivités locales ?

La gestion de cette allocation est simple et automatisée. Il y a peu de créances ou d'indus frauduleux, au regard des autres prestations familiales. Cette simplicité de gestion tient-elle aux caractéristiques propres de l'allocation de rentrée scolaire ? Ne serait-il pas pertinent d'étendre ses modalités de gestion à d'autres prestations ?

M. Pierre Moscovici . - Madame Imbert, le contrôle de l'évolution de l'Ondam après la crise se posera de manière aiguë, compte tenu de l'ampleur des déficits prévisibles. Mais cette question était déjà présente avant la crise. L'an dernier, nous avions souligné à la fois la nécessité de l'encadrement global des dépenses sous la forme de l'Ondam et le caractère insuffisant de cet encadrement. Nous avions regretté l'absence de lien avec des objectifs de réformes plus structurelles. Des marges existent pour concilier qualité des soins et maîtrise des coûts. Nous n'avons pas une réflexion uniquement portée sur la dépense sèche ou sur le système.

Progressivement, des marges pourront être dégagées, d'où notre recommandation d'inscrire l'Ondam dans une trajectoire pluriannuelle finement documentée, en lien avec la stratégie de santé. Il faudra justifier les révisions de sa trajectoire.

Je suis d'accord sur votre estimation du surcoût de 200 millions d'euros engendré par le remboursement à 100 % des téléconsultations. Avec une baisse plus précoce des prix de remboursement des tests, on aurait gagné environ un milliard d'euros.

Effectivement, pour les dépenses que vous avez évoquées, il aurait fallu des crédits d'État et non un fonds de concours financé par Santé publique France. Ce n'est pas de la plus belle orthodoxie ni du meilleur effet.

Monsieur Savary, les cotisations de la branche vieillesse du régime général ont reculé de 6 %, mais ses recettes ont été soutenues par un effet de périmètre : la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) a bénéficié d'un supplément de taxe sur les salaires ; deux de ses principales recettes, le forfait social et la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), dépendent du résultat et du chiffre d'affaires des entreprises, non affectés en 2020 par la crise économique. L'effet de la crise est visible en revanche en 2021. En 2005, à l'occasion de l'adossement du régime de retraite des industries électriques et gazières au régime général, une soulte globale de 7,65 milliards d'euros a été versée par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) au fonds de réserve des retraites. Cette soulte avait été partagée en deux fractions ; la première, de 60 %, donne lieu à un versement annuel à la CNAV de 0,3 milliard d'euros jusqu'en 2024 et la deuxième, soit 40 %, devait donner lieu à compter de 2020 à des versements à la CNAV. C'est cette deuxième fraction, de 5 milliards d'euros, qui a été pour l'essentiel versée à la CNAV pour faire face aux besoins de trésorerie de la branche retraite du régime général. L'utilisation d'une réserve en période de crise ne me paraît pas sortir de l'objectif du dispositif.

Il me manque des éléments pour répondre à votre interrogation sur les effets de la surmortalité de la covid-19 sur la branche retraite. Selon le dernier rapport annuel du Conseil d'orientation des retraites (COR) de juin, l'espérance de vie à 60 ans serait réduite de sept mois - c'est très important. Mais le COR n'a pas fait de chiffrage sur l'impact financier en matière de dépenses de retraites. Le seul chiffrage disponible reste celui de la CNAV en juin 2020, après la première vague épidémique, qui avait provoqué 21 000 décès supplémentaires - nous en sommes à près de 120 000. La CNAV avait calculé que ces décès entraîneraient une baisse des prestations de 106 millions d'euros, mais on ne peut pas pour autant en déduire un effet multiplicateur automatique. Il faudra donc attendre d'avoir des données un peu plus précises.

Vous vous inquiétez à juste titre du nombre d'erreurs et de fraudes causées par les règles complexes du minimum vieillesse. La Cour constate, à travers ses travaux de certification des comptes, l'incomplétude persistante du système de contrôle interne de la CNAV, qui ne fournit pas actuellement d'évaluation fiable tant de l'incidence des erreurs de liquidation à l'égard des allocataires que des montants estimés de la fraude. Outre le renforcement des contrôles, la Cour insiste sur la nécessaire simplification des dispositifs dans les processus de gestion, dans les modalités de vérification des conditions de résidence en France, et dans la réglementation, par exemple l'alignement de l'assiette des ressources sur l'assiette fiscale. Vous trouverez le détail dans le chapitre 10 du rapport annuel.

Monsieur Henno, il y a une nouvelle donne, mais je ne dispose cependant pas de données sur l'écart entre le secteur public et le secteur privé. Des réformes sont possibles et nécessaires ; il y a des marges d'efficience et de performance, au moins à égalité de résultat en termes de justice sociale, dans notre système de sécurité sociale comme dans l'ensemble de notre système public. Une fois la crise passée, il faut reprendre les transformations, soit en reprenant parfois un fil qui a été interrompu - comme la réforme des Ehpad - soit en tenant compte d'éléments nouveaux comme le numérique et la télésanté, phénomènes de société qu'il faut orienter et canaliser.

Sur les aides à la scolarité, outre l'allocation de rentrée scolaire, l'État apporte des bourses pour les collégiens et les lycéens et une réduction de l'impôt sur le revenu pour les frais de scolarité dans le secondaire. L'ensemble des aides de l'État dépasse un milliard d'euros. Les collectivités locales, de manière facultative, attribuent des aides à la scolarité, pour plus de 800 millions d'euros en 2020. Plutôt que de moduler l'allocation versée par des caisses d'allocations familiales (CAF) en fonction des aides versées par l'État, procédons plutôt de manière inverse en ajustant les aides de l'État. Quelle est la pertinence du maintien de dispositifs d'État d'aide à la scolarité qui peuvent apparaître en concurrence avec les aides versées par la branche famille ? Nous recommandons la suppression de la réduction d'impôt sur le revenu. Les aides apportées par les collectivités locales, librement décidées, pourraient voir leur montant calé sur le barème de l'allocation de rentrée scolaire, une fois mise en oeuvre la plus grande modulation que nous proposons.

Certes, les règles de la sécurité sociale gagneraient à être simplifiées pour une meilleure connaissance, par nos concitoyens, de leurs droits et du paiement, à bon droit, des prestations. Cela réduirait les sources d'erreurs pour les organismes de sécurité sociale, mais aussi les risques de fraude.

Mme Chantal Deseyne , en remplacement de Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche AT-MP, et de M. Philippe Mouiller, rapporteur pour la branche autonomie . - J'interviens d'abord au nom de Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche AT-MP. Quel regard portez-vous sur la trajectoire excédentaire de la branche AT-MP ? Faut-il rétablir l'équilibre en réduisant les cotisations des employeurs ou en augmentant les dépenses de prévention pour favoriser l'accompagnement des salariés en arrêt ou à la reprise du travail, ou bien utiliser ses excédents pour compenser les déficits des autres branches, et assumer plus ouvertement ce déséquilibre ?

Sur la sous-déclaration des AT-MP, vous avez souligné la difficulté de répartir les frais de santé entre le risque maladie et le risque professionnel et préconisé de contrôler et d'améliorer les modalités d'imputation des frais de santé à la branche AT-MP. Quelle forme prendrait cette proposition ? La prise en charge avantageuse des soins et des indemnités journalières au titre des accidents du travail peut constituer une incitation à déclarer en accident de travail un accident qui en réalité n'en relève pas. Ne faudrait-il pas compléter les travaux de la commission d'évaluation de la sous-déclaration des AT-MP ?

Vous avez souligné le taux de reconnaissance particulièrement élevé des maladies professionnelles en France, en particulier du fait de la reconnaissance des troubles musculo-squelettiques (TMS), et vous établissiez une comparaison entre la France et l'Allemagne. La France surestime-t-elle ces TMS, ou permet-elle une meilleure reconnaissance et une meilleure prise en charge ?

M. Philippe Mouiller, rapporteur de la branche autonomie, souhaitait vous interroger sur l'architecture des LFSS. Vous plaidez pour l'intégration, dans l'Ondam, des dépenses d'investissement portées par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Or les plans d'aide à l'investissement de la caisse financent des dépenses hétérogènes, qui vont jusqu'à la création dans les Ehpad de lieux utilisés par les riverains - salons de coiffure, jardins partagés... Est-ce bien opportun de ranger ces dépenses dans l'Ondam ? Ne faudrait-il pas distinguer plus finement les enveloppes ?

Le rapport propose d'étendre aux établissements et services médico-sociaux (ESMS) le principe législatif visant à corriger progressivement les inégalités territoriales à travers la répartition entre régions de dotations. Mais l'équité territoriale figure déjà dans les objectifs de la CNSA. Comment appliquer plus précisément ce principe ?

Vous préconisez, dans une optique de recours plus sélectif aux incitations financières, d'établir la cartographie de l'utilisation des principaux leviers de transformation de l'offre - autorisation, contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), tarifs. Ne faudrait-il pas plutôt évaluer l'efficacité de ces leviers ? Faut-il accroître les incitations financières ?

M. Alain Milon . - Merci pour ce rapport passionnant. Votre réponse m'a déçu : vous évoquez la maîtrise des dépenses de la sécurité sociale en prenant comme exemple la LFSS d'avant crise. Certes, les comptes étaient quasiment à l'équilibre, mais à quel prix ? Le blocage des salaires, l'abandon de la psychiatrie, un déficit des hôpitaux et un manque d'investissement de ces derniers.

S'il faut une maîtrise comptable des dépenses, à quel niveau et au détriment de qui ? Sinon, ne faudrait-il pas trouver un autre mode de financement d'un système qu'on pourrait appeler assurance maladie universelle ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Merci pour ce rapport annuel de qualité, dont je partage les recommandations et la philosophie générale.

La proposition de loi organique du Sénat a traduit vos recommandations sur le cadre à réformer.

L'Assemblée nationale nous suivra sur la loi d'approbation des comptes et la LFSS, mais j'ai des craintes sur la règle d'or. En tout cas, il est indispensable d'avoir des compteurs des écarts pour contenir les dépenses.

Je rappelle qu'en matière d'assurance maladie, nous avons formulé une série de recommandations sur la pertinence des soins, sachant qu'il faut maintenir la qualité des soins.

Je n'ai pas vu de cadrage financier, de stratégie, ni de plan pluriannuel. Évidemment, ce n'est pas en un an qu'on réussira à revenir à une trajectoire vertueuse. Je doute d'y arriver après avoir écouté la direction de la Haute Autorité de santé (HAS)... Nous avons cette volonté, mais est-ce que tout le monde la partage ? Selon l'OCDE, 20 % des actes sont inutiles ou redondants ; 28 % selon le rapport d'Alain Milon, et 30 % selon la précédente ministre des solidarités et de la santé. Il y a un gisement de ressources non disponibles mais qui seront nécessaires pour les autres dépenses, notamment pour la 5 e branche.

Nous avions commis un rapport sur la pertinence des soins, peu suivi d'effets.

Par ailleurs, pour revenir à l'équilibre, il faudra s'attacher aux recettes et aux dépenses, et non seulement aux dépenses. Il faut garantir les recettes existantes et leur développement. Notre évolution démographique l'exige.

Mme Monique Lubin . - Vous prônez le retour à l'équilibre des comptes sociaux, pour éviter leur financement par l'emprunt et donc par les générations futures. Selon vous, il convient d'affecter à la réduction des déficits, et non à de nouvelles dépenses, tout surcroît de recettes par rapport aux prévisions, mais aussi d'engager des actions résolues pour améliorer l'efficience des dépenses, notamment pour l'assurance maladie et les retraites.

Depuis 2020, le groupe SER dénonce la volonté de l'État de faire peser les mesures d'urgence sur les comptes de la sécurité sociale et de l'Unedic, au lieu de les prendre à sa charge.

L'introduction du rapport du COR de 2021 précise que « malgré le contexte de la crise sanitaire et le vieillissement progressif de la population française, les évolutions de la part des dépenses de retraite dans le PIB resteraient sur une trajectoire à l'horizon de la projection, c'est-à-dire 2070 ». Comment articuler ces projections et les vôtres ? Quelles mesures préconisez-vous pour la réforme des retraites ?

Vous préconisez d'élargir le champ des LFSS au régime complémentaire et d'assurance chômage et de lier les objectifs annuels et pluriannuels de dépenses des lois de financement de la Sécurité sociale à ceux des documents de cadrage des finances publiques. Cela va dans le sens de la proposition de loi de Thomas Mesnier que nous venons d'examiner. Cela ne se traduira-t-il pas par une moindre participation des partenaires sociaux dans la gestion des caisses de retraite complémentaires ?

Une fois n'est pas coutume, je rejoins Alain Milon et Jean-Marie Vanlerenberghe : votre rapport, pourtant précieux, évoque toujours une réduction des dépenses, mais jamais une augmentation des recettes. Nous espérons sortir de cette crise qui a révélé les fragilités de notre système de protection sociale - certes beaucoup plus protecteur qu'ailleurs. Mais c'est peut-être un colosse aux pieds d'argile... Comment faire face à l'augmentation des besoins sans augmenter les recettes ?

M. Pierre Moscovici . - Madame Lubin, sans doute faut-il consolider les recettes. Mais dans une autre vie, j'ai connu la politique et le ras-le-bol fiscal. Nous sommes le pays d'Europe dont le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé. Les augmenter encore pèsera sur la croissance. Nous nous heurtons, y compris dans les catégories populaires, à un moindre consentement à l'impôt. Les mouvements sociaux récents, comme les Gilets jaunes, en attestent.

Oui, la sécurité sociale est un colosse aux pieds d'argile, mais à cause de la persistance des déficits et d'une dette très élevée. La dette est l'ennemi de la solidarité. C'est paradoxal : actuellement, la dette est indolore, avec des taux d'intérêt négatifs. Mais lorsque j'étais ministre des finances, la charge de la dette était bien plus élevée, après la crise financière. Je ne souhaite à personne de revivre cette situation qui oblige à prendre des décisions extrêmement douloureuses et impopulaires. Les écarts de taux étaient très importants avec nos voisins européens, et nous avons dû augmenter les impôts. La charge de la dette était alors le second poste du budget de l'État ! Comment mener des politiques éducatives, pour la justice ou la cohésion sociale et financer la sécurité sociale dans ces conditions ?

Ce n'est pas une politique de bon père de famille, mais qui regarde l'avenir que de vouloir maîtriser la dette publique, qu'elle soit celle de l'État ou de la sécurité sociale.

Dans le rapport remis au Président de la République et au Premier ministre, la Cour estime qu'une plus forte croissance est indispensable, car elle confortera les recettes de la sécurité sociale. Cette année, nous aurons 31 milliards d'euros de plus grâce à la croissance. Il faudra renforcer la croissance potentielle de l'économie française. Des investissements seront nécessaires.

Mais maîtriser les dépenses publiques est incontournable. On ne peut pas avoir de démarche austéritaire ou purement comptable, mais il faut insister davantage sur la qualité et la pertinence de notre modèle social. Nous avons resserré l'Ondam au prix du déficit de nos hôpitaux. Faisons plutôt l'inverse : partir de la réforme pour définir ensuite l'Ondam.

Le rapport de cette année est différent : il insiste sur la nécessaire transformation. La maîtrise des dépenses sera mieux acceptée si les prestations sociales sont plus performantes et plus justes.

Madame Deseyne, il n'appartient pas à la Cour de trancher entre les différentes solutions sur l'équilibre de la branche AT-MP. Mieux vaut être dans une situation excédentaire... J'ai une certaine prévention à l'égard de la solution qui viserait à augmenter les dépenses de la branche, compte tenu de la situation générale des comptes publics et du haut niveau des prestations sociales. Le PLFSS 2022 va un peu dans le sens d'une contribution des excédents de la branche AT-MP au financement des autres branches, puisqu'il relève de 100 millions d'euros le transfert de la branche AT-MP vers la branche maladie.

Pour éviter les erreurs d'imputation, nous devons mieux informer les professionnels de santé lorsqu'ils traitent une personne victime d'un accident ou d'une maladie professionnelle.

Le sujet des sous-déclarations de maladies professionnelles est complexe et sensible au sein du dialogue paritaire entre représentants des employeurs et des salariés. Vous évoquez un meilleur niveau d'indemnisation des arrêts de travail. Je ne rentrerai pas dans le détail de ces sujets techniques. La commission d'évaluation de la sous-déclaration des maladies professionnelles, indépendante de la Cour des comptes, réalise un bilan triennal qui sert de base de calcul au montant des transferts financiers entre la branche AT-MP et la branche assurance maladie.

Les TMS représentent 87 % des maladies professionnelles reconnues en France. C'est énorme. Nous avons trois fois plus de maladies reconnues comme professionnelles en France qu'en Allemagne, car il y a une présomption de reconnaissance des TMS comme les lombalgies, le syndrome du canal carpien, des lésions des membres inférieurs ou supérieurs... Pour 100 000 salariés, 227 maladies sont reconnues comme professionnelles en France, contre 3 en Allemagne. Or les conditions de travail ne sont pas si différentes entre nos deux pays pour expliquer cet écart. C'est plutôt en raison de définitions différentes des TMS. La définition française est trop imprécise. Il faudrait revoir la manière dont les tableaux sont créés et évoluent.

Concernant l'architecture de la LFSS, la Cour est favorable à intégrer toutes les sources de financement dans l'Ondam. Mais les dépenses d'investissement, même intégrées dans l'Ondam, doivent faire l'objet d'un suivi spécifique. C'est une recommandation constante de la Cour.

Sur la question d'étendre aux ESMS le principe de correction progressive des inégalités territoriales, il faut effectivement étendre les instruments qui peuvent corriger les inégalités de répartition de l'offre entre établissements et entre régions et territoires. À côté des CPOM, la Cour recommande d'utiliser les dotations populationnelles déjà utilisées dans le champ des soins aigus. On peut ainsi calibrer par région des dotations sur la base de différents critères sociodémographiques comme l'âge, l'offre de soins existants, et que l'ARS les répartisse ensuite entre établissements, en complément des ressources tirées directement de leur activité.

Concernant le recours plus sélectif aux incitations financières, il faut éviter que trop d'objectifs soient attribués aux seuls instruments de financement, sinon le dispositif de financement deviendra trop sophistiqué et illisible. Nous demandons donc que l'administration réfléchisse en amont des réformes pour identifier les instruments de régulation et les incitations les plus appropriées pour atteindre ces objectifs.

Monsieur Vanlerenberghe, nous sommes d'accord sur le cadre organique et nous devrions publier deux tomes pour le RALFSS.

C'est le moment d'avancer sur la pertinence des soins, mais ne nous nourrissons pas d'illusions sur les marges de manoeuvre et sur les prélèvements obligatoires comme sur les transferts de recettes de la sécurité sociale.

Madame Lubin, je ne crois pas trop à un transfert de charges sur l'État, qui est lourdement déficitaire.

Le déficit du régime de retraites est une donnée constante. Notre pourcentage de dépenses consacrées aux retraites dans le PIB est largement supérieur à la moyenne européenne. Je vous renvoie au rapport remis au Président de la République et au Premier ministre. Ce n'est pas à nous de faire des propositions, même si nous avions souligné la nécessité que les mesures soient étalées dans le temps, construites sur la base d'un dialogue, et équitables.

Sur l'extension du champ des LFSS, nous ne préconisons pas une étatisation ni une diminution du rôle des partenaires sociaux, mais prônons une vision d'ensemble, complète, sans se soustraire au débat démocratique.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Je vous remercie pour cet exercice annuel.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

MM. Gérard Rivière,
président du conseil d'administration,
et Renaud Villard,
directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse

Réunie le mercredi 13 octobre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de MM. Gérard Rivière, président du conseil d'administration, et Renaud Villard, directeur, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons à présent MM. Gérard Rivière et Renaud Villard, respectivement président et directeur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse. J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.

M. Gérard Rivière, président, de la caisse nationale d'assurance vieillesse . - Je présenterai la situation financière de la branche retraite, c'est-à-dire la CNAV et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

En 2021, le déficit de la branche devrait rester stable, s'élevant à 6,1 milliards d'euros, contre 6,2 milliards en 2020. Les dépenses de prestations seront un peu moins dynamiques cette année, avec une hausse de 2,1 %, contre 2,7 % l'an passé, tandis que la revalorisation des pensions sera limitée. La surmortalité liée à la crise sanitaire devrait entraîner une diminution de la masse des pensions versées en 2021 de 0,2 point, soit environ 230 millions d'euros. En 2022, les dépenses devraient repartir à un rythme plus dynamique, avec une hausse de 2,9 %, en raison de l'inflation et donc de la revalorisation probable des pensions.

On devrait observer un rebond des cotisations de 7 % en 2021 et de 6,2 % en 2022, avec une progression attendue de la masse salariale supérieure à 6 %. Cela compenserait la ressource exceptionnelle supplémentaire de 5 milliards d'euros perçue en 2020, liée au versement d'une soulte par la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG). L'évolution globale des ressources serait donc moins heurtée que celle des cotisations.

À partir de 2023, le déficit de la branche devrait se creuser de 1 à 1,5 milliard chaque année, pour atteindre 7,9 milliards en 2025 : cet accroissement du déficit structurel est la conséquence d'une évolution des dépenses plus forte que celle des recettes ; les réformes de 2010, 2012 et 2014 commencent à produire leur plein effet, et leurs effets sur l'évolution du solde deviendront neutres.

En 2020, le solde de la branche a été meilleur que prévu lors du PLFSS, 6,2 milliards d'euros contre 11,5 milliards prévus, soit une amélioration de 5,3 milliards, grâce à des cotisations plus dynamiques, notamment de la part du secteur privé et des travailleurs indépendants.

En 2021, le déficit sera de 6,1 milliards d'euros, deux fois moins que prévu dans le PLFSS. Le solde s'améliorera de 4,8 milliards en 2022 et de 3,9 milliards en 2024 : ces améliorations s'expliquent majoritairement par la forte révision à la hausse des cotisations. En 2021, la masse des prestations devrait être inférieure d'environ 1 milliard, du fait de la mortalité liée à la covid, d'une part, et des changements de comportement dans les départs à la retraite, en raison de la réforme des régimes complémentaires de l'Agirc-Arrco, d'autre part. À partir de 2022, les révisions concernant les masses de prestations devraient être limitées, car les différents facteurs cités devraient se compenser.

M. Renaud Villard, directeur de la caisse nationale d'assurance vieillesse . - Il faut souligner que la branche retrouve plus rapidement que prévu
- dès 2022 - son solde tendanciel antérieur à la crise. Plusieurs mesures auront des effets sur la branche retraite, comme les mesures destinées à préserver les droits à la retraite des travailleurs indépendants, la simplification de l'accès à la complémentaire santé solidaire, qui concernera les bénéficiaires de l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ASPA, et enfin l'article 17 sur la communication bancaire, qui vise à renforcer la lutte contre la fraude, grâce à un délai de réponse des banques aux demandes des caisses ramené à un mois, selon une procédure dématérialisée.

M. René-Paul Savary , rapporteur pour la branche vieillesse . - Une soulte de la CNIEG de 5 milliards d'euros a été payée en 2020. Mais celle-ci était valorisée à hauteur de 5,4 milliards d'euros au 31 décembre 2019. La CNAV est donc perdante dans cette transaction, dont le montant est moins important que ce qu'il aurait été si la soulte avait été rétrocédée de façon fragmentée sur une plus longue période. Cet apport important a modifié les comptes en 2020.

Même en déduisant ce montant de ses recettes, la branche vieillesse aurait connu une perte de ressources moins importante que les autres branches : - 3,5 %, contre - 6,2 % pour la branche famille et - 8,3 % pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP). Comment l'expliquer ?

Les décès ont augmenté de 9 % ; quelle part de cette surmortalité est-elle liée au covid ? Vous en avez estimé l'effet en dépenses à 230 millions d'euros, alors que le Conseil d'orientation des retraites (COR) l'a chiffré à 500 millions d'euros tous régimes confondus.

À partir de 2023, si le rebond de l'inflation se confirme, et avec le vieillissement démographique, le déficit va se creuser.

L'Agirc-Arrco va prendre des mesures pour éviter de dénaturer cet équilibre, et réduira les pensions - seule solution si elle ne veut pas augmenter les cotisations.

Ce PLFSS comprend peu de réformes : la réforme des retraites est restée dans le placard, et le déficit cumulé en 2070 devrait dépasser les 70 milliards d'euros.

Quelles mesures préconisez-vous - même si ce n'est pas de votre ressort - pour limiter ce déficit abyssal ?

M. Renaud Villard . - La soulte de la CNIEG est liée à l'historique, lorsque le régime spécial EDF-GDF a été adossé au régime général. Des décaissements monétaires ont été réalisés jusqu'en 2019. La soulte, initialement de 3,4 milliards d'euros, a été valorisée par des placements à long terme, à hauteur de 5 milliards d'euros dans nos comptes. Ces placements - à 60 % en actions - ont été soldés rapidement sur les marchés financiers. En juillet 2020, ce n'était certes pas le meilleur moment pour vendre, alors que les marchés financiers étaient encore nerveux, mais il y avait urgence : sans cet apport, le solde aurait été déficitaire de 11 milliards d'euros.

Avant la crise, la CNAV envisageait un décaissement sur vingt ans pour un meilleur rendement et une gestion saine par le FSV ; mais nécessité a fait loi pour valoriser les 5 milliards d'euros en trésorerie au prix d'une réallocation de ressources très rapide par le FSV, en quelques semaines, et sans perte financière.

Oui, nous avons eu un moindre recul de nos recettes par rapport aux branches famille et AT-MP, alors que nous avons la même assiette - la masse salariale du secteur privé. C'est lié au transfert des impôts et taxes affectées. La branche vieillesse a été destinataire d'une part plus importante de taxe sur les salaires en raison de la conversion du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) en allègement de cotisations sociales, avant la crise sanitaire. Nous avons donc eu une affectation majorée de taxes sur les salaires, car l'État a compensé à l'euro près la baisse de cotisations. La branche vieillesse, qui récupérait 38 % de la taxe sur les salaires avant la réforme du CICE, en obtient désormais plus de 50 %, alors que la branche famille a vu sa part se réduire de 48 % à 20 %. Ce sont ces mesures décidées avant la crise qui expliquent l'écart comptable. J'espère dire la même chose que la Cour des comptes.

M. René-Paul Savary . - Il y a aussi la compensation entre régimes ?

M. Renaud Villard . - En 2020, il y a eu une baisse de compensation démographique par le régime général, mécanique. Le ratio démographique
- nombre de cotisants sur nombre de retraités - s'est dégradé, car de nombreux salariés ont été au chômage partiel. Nous avons donc eu une moindre contribution de 800 millions d'euros au régime MSA.

La forte surmortalité de la crise covid a surtout concerné les personnes âgées. Son impact sur la branche vieillesse a été limité, car de nombreuses personnes seraient décédées dans les prochaines années. Il y a eu environ 350 millions d'euros de « moindres dépenses » - même si ce terme est atroce - liées à la surmortalité covid.

En 2020, la prise en charge de l'activité partielle a coûté 6 milliards d'euros ; en 2021, encore 2,5 milliards d'euros. Nous sommes des perdants de la crise sanitaire - et c'est plutôt une bonne nouvelle.

Même si l'inflation est actuellement plus soutenue que naguère, nous conservons les scénarios d'inflation initiaux. L'inflation ne devrait pas creuser le déficit réel, car elle est compensée par une augmentation à due concurrence, à moyen terme, de la masse salariale - sur cinq à dix ans, l'inflation plus dynamique aboutit aussi à une augmentation de la masse salariale avec la pression sur les salaires. À court terme, cela peut augmenter les dépenses de la branche retraite - deux points d'inflation, c'est trois milliards d'euros de dépenses supplémentaires... Cela n'enlève rien au déficit structurel que vous avez rappelé. À compter de 2050, la CNAV s'enfoncerait dans un rouge écarlate, alors que le régime complémentaire serait en suréquilibre - ce qui interroge sur la répartition des cotisations entre régime de base et complémentaire.

Enfin, comme vous le savez, l'Agirc-Arrco n'a pas baissé les pensions de retraites, mais sous-indexé les retraites d'un demi-point par rapport à l'inflation
- ce qui réduit le pouvoir d'achat des retraités.

M. Gérard Rivière . - Certes, il est utile de faire des projections à très long terme, mais il y a des accidents de parcours - voyez en 2020... Les 70 milliards d'euros de déficit prévus d'ici 2070. La situation n'est pas aussi gravissime qu'elle ne le semble, toutes choses égales par ailleurs.

Selon les prévisions du COR, en 2070, l'ensemble du système de retraites soit sera en excédent, soit connaîtra un besoin de financement de 0,7 % du PIB.

Mais il y a un problème de financement, à moyen et long terme, du système de retraites, entre régimes. Certains régimes de sécurité sociale sont sous-financés, car ils prennent en compte une forte solidarité. C'est toute la valeur ajoutée de la sécurité sociale, qui répond à d'autres engagements de société, par rapport à l'assurance retraite - même si celle-ci est paritaire, comme à l'Agirc-Arcco.

Rien n'est gravé dans le marbre. Les besoins de financement doivent être adaptés aux situations - certes, sans laisser filer les déficits - et les recettes adaptées aux besoins.

M. René-Paul Savary . - Vous citez la prévision du COR de 0,7 %, mais vous oubliez de préciser à quel prix : le niveau de vie moyen des retraités représentera 85 % de celui de l'ensemble de la population, contre 102 % actuellement. Pour arriver à l'équilibre, on baisse le niveau de vie et non le niveau de la pension. S'il n'y a pas d'équilibrage, les conséquences peuvent être très douloureuses pour nos concitoyens. Ne faudrait-il pas envisager une revalorisation des retraites différente ? Elle est actuellement fondée sur l'inflation. Il faudrait plutôt indexer le niveau des retraites sur le salaire moyen.

Les réformes de 2010 sont arrivées à leur terme en 2020-2021 ; l'inertie de la prise de décision par rapport à l'application des mesures et à leurs conséquences montre que plus on tarde à décider, plus tard on reviendra à l'équilibre.

Avez-vous réalisé des simulations en modifiant le mode de calcul de revalorisation des pensions ?

M. Gérard Rivière . - Des chiffrages ont été réalisés dans le cadre de la concertation de Jean-Paul Delevoye.

La retraite par répartition est un salaire différé. Si l'on indexe la revalorisation des pensions et même des carrières avec des coefficients d'inflation au fil du temps, si l'inflation est faible, on obtiendra une dévalorisation des pensions et une baisse sensible des taux de remplacement. On ne peut continuer ainsi. On l'a vu avec les effets produits, non négligeables, qu'il faut stopper. On pourrait envisager un nouvel index prenant en compte à la fois l'évolution de la masse salariale et l'évolution des prix.

Lorsqu'on parle de niveau de vie, on inclut le patrimoine immobilier et non seulement le niveau des pensions. De nombreux retraités sont propriétaires, qu'ils aient acquis leur propriété par eux-mêmes ou par héritage. Par ailleurs, on calcule le niveau de vie par unité de consommation, or rares sont les retraités ayant des personnes à charge. Cela fausse donc les comparaisons avec les salariés. Ainsi modifié, le niveau moyen des pensions est loin des 102 % du salaire moyen.

M. René-Paul Savary . - Certes, on intègre le patrimoine dans le niveau de vie.

M. Gérard Rivière . - Comparaison n'est pas toujours raison...

M. Renaud Villard . - Il faut compléter le niveau de vie par le taux de remplacement qui permet d'identifier le ratio entre salaires et niveau de retraites... À situation inchangée, le taux de remplacement se dégraderait.

Vous avez souligné l'hypothèse d'une modification des règles de modification des retraites. C'est l'indexation des retraites sur l'inflation qui provoque l'érosion progressive du taux de remplacement. À un moment donné, on peut avoir un taux de remplacement de 75 %. Vingt ans après, il est moins favorable, car les salaires augmentent plus rapidement que les prix.

Différents modèles sont possibles : arrimer les retraites sur la croissance moins une correction démographique, à l'instar du système suédois. Avantage, mais aussi inconvénient, le système de retraites serait le reflet exact de la santé économique du pays : si le PIB décroche de six points, faut-il baisser les retraites de six points moins le coefficient démographique, soit de sept ou huit points ? L'acceptabilité sociale serait complexe... On ne peut pas s'arrimer qu'aux bonnes nouvelles. Se fonder sur l'inflation a un côté plus sécurisant et plus usuel.

Maintenir le taux de remplacement tel qu'il est actuellement a un coût et interroge sur les leviers. Un système de retraites ne peut pas être durablement en déséquilibre. Ce serait mortifère pour notre système de retraites par répartition et fragiliserait le pacte entre générations. Actuellement, 28 % des salaires des jeunes sont utilisés pour payer les retraites ; or, un jeune sur deux pense qu'il n'aura pas droit à une retraite plus tard. Il faut rassurer ces jeunes au regard de l'engagement financier qui leur est demandé.

Il ne m'appartient pas de juger de l'opportunité de mobiliser tel ou tel des trois leviers - durée de cotisation, taux, niveau des pensions - disponibles.

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Merci pour vos propos. Si une réforme paramétrique pour retrouver l'équilibre est nécessaire, quel rythme recommandez-vous pour l'engager ? En d'autres termes, y a-t-il urgence ?

Le projet de loi de finances pour 2022 est bâti sur une prévision d'inflation hors tabac de 1,4 % pour 2021 et de 1,5 % pour 2022. Ces hypothèses sont-elles robustes ? Quels seraient les effets sur la branche vieillesse d'une inflation plus élevée ?

Mme Michelle Meunier . - Lorsque Bernard Bonne et moi vous avons interrogés dans le cadre de notre mission sur la prévention de la perte d'autonomie, vous avez affirmé que le coeur de métier de votre caisse était la prévention ; or elle ne représente que 0,3 % de son budget. Comment l'expliquez-vous ?

Au-delà du rendez-vous médical à 65 ans pour les publics éloignés des soins, quelles autres actions envisagez-vous ? Que pensez-vous de la prescription d'activité physique ou intellectuelle ?

Mme Monique Lubin . - Comment calculez-vous le déficit que vous estimez à 8 milliards d'euros en 2025 ? Le COR a trois modélisations différentes, chacune déclinant quatre possibilités : il établit donc douze scénarios en tout. Selon le message qu'on veut faire passer, on peut donc choisir la plus ou la moins favorable.

Merci, monsieur le président, pour vos propos sur les prévisions à horizon 2070. Avant la pandémie, souvenons-nous qu'on nous prédisait un déficit de 17 milliards d'euros dans l'immédiat. Dans la presse, un ministre, exaspéré par la résistance à la réforme des retraites, avait même fini par dire que si on ne faisait rien, on ne pourrait plus payer les retraites dans les trois ou quatre années à venir...

Ce que nous savons, c'est que le revenu des retraités ne baissera pas, mais décrochera par rapport à celui des actifs, et que la part des retraites dans le PIB baissera. La question qui se pose est : quelles retraites voulons-nous pour les futurs retraités ? On peut en discuter, mais, de grâce, sortons des discours catastrophistes qui ne servent qu'à faire passer la pilule - une pilule qu'on administre d'ailleurs toujours aux mêmes...

Mme Florence Lassarade . - En Italie, où il y a moins d'un enfant par femme, j'ai vu récemment des vieillards de 90 ans encore en activité. Liez-vous vos prévisions à la dénatalité qui s'installe durablement en France ? Ce paramètre me semble essentiel, surtout si on parle de 2070.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Ce n'est pas parce que je suis assis de ce côté-ci de la salle, mais je souscris aux propos de Mme Lubin ! (sourires)

Mme Catherine Deroche , présidente . - Il y a un microclimat !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Beaucoup de gens s'expriment à tort et à travers sur les retraites alors qu'ils ne connaissent pas bien le sujet...

Le déficit de la Sécurité sociale n'est pas principalement - et de loin - dû à la branche vieillesse, mais à l'assurance maladie. Si l'on ne prend pas conscience de cette importance relative, on ne peut pas appréhender correctement le problème.

La question qui se pose à partir des scénarios du COR est : veut-on des retraites à 12, 13 ou 14 % du PIB ? C'est un choix macroéconomique.

Vous avez certainement lu le rapport « Tirole », qui s'inscrit dans une hypothèse de système de retraites par points et présente des pistes intéressantes pour un retour à l'équilibre. Il recommande notamment un mécanisme jouant sur le taux de remplacement et l'âge de la retraite, en privilégiant l'un ou l'autre facteur en fonction de la démographie - car de ce point de vue, personne ne sait où on en sera dans dix ans. C'est ainsi qu'il faut raisonner.

Le rapport parle aussi d'une fenêtre de départ et non d'un âge de départ à la retraite. Cela me semble intéressant d'individualiser ce paramètre, car cela prend en compte la durée de cotisation.

Mme Monique Lubin . - Je suis d'accord.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Le rapport donne une vision plus complexe, mais prometteuse pour tendre vers le point d'équilibre. Il faut cependant nous y résoudre : comme lorsqu'on fait de la bicyclette, le régime sera constamment en déséquilibre, en fonction de la croissance économique et de ce qu'on veut politiquement pour les retraités.

Mme Laurence Cohen . - Les 13 millions de retraités bénéficiant du régime Agirc-Arrco verront leur pension revalorisée non pas à la hauteur de l'inflation prévue de 1,5 %, mais avec un demi-point de moins, en vertu de l'accord qui a été signé mi-septembre. Cela signifie une perte de 2 % de pouvoir d'achat sur deux ans.

Heureusement que le projet du Gouvernement, qui consistait à étendre le fonctionnement de ce régime aux autres, a été abandonné : on voit bien ce que cela signifiait pour le pouvoir d'achat des retraités !

Le Gouvernement veut favoriser la multiactivité et le travail des seniors... Avec plus de 4 millions de chômeuses et de chômeurs, c'est un sacré paradoxe !

M. Renaud Villard . - Le solde de notre branche a une forte sensibilité à l'inflation. Nous nous sommes calés sur 1,5 % ; un point de plus dégraderait le solde de 1,4 milliard d'euros en 2022. C'est toute la difficulté de l'exercice de rédiger un PLFSS : il faut bien se fonder sur une hypothèse...

Il semble y avoir un consensus des économistes sur le caractère non durable de l'inflation actuelle, qui est due au renchérissement du coût de l'énergie et des matières premières provoqué par la reprise en Chine. Le Haut-Conseil des finances publiques a salué la prudence des hypothèses macroéconomiques du Gouvernement - qu'il a même trouvée excessive. Cela permet d'envisager des ajustements en cours d'année.

Sur le rythme utile d'une éventuelle réforme, il ne m'appartient pas de répondre à cette question brûlante.

L'action sanitaire sociale de la branche retraite représente effectivement 400 millions d'euros sur 130 à 140 milliards d'euros de dépenses, soit 0,3 %. Ce chiffre peut sembler modeste, mais permet d'engager des actions : nous adaptons bon an mal an 25 000 à 30 000 logements par an ; nous organisons des ateliers collectifs cognitifs ou physiques organisés avec un reste à charge zéro ; plus largement, nous développons une stratégie de prévention.

L'article 34 du PLFSS, qui est très technique - voire technoïde - salue dans son exposé des motifs l'initiative commune de la CNAV et de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour favoriser l'accès à des prestations pour enrayer la perte d'autonomie. Un système unique de demande en ligne et sous format papier est expérimenté depuis septembre dans cinq départements. Progressivement, les collectivités qui le souhaitent pourront y participer.

Le scénario sur lequel nous avons construit notre estimation est le scénario dit central du COR : 1,3 % de gains de productivité et 7 % de chômage structurel. Si nous avions choisi le scénario le plus favorable du COR, nous serions toujours en déficit, mais dans une moindre mesure. Une telle hypothèse n'est pas véritablement réaliste pour 2030.

Les variantes du COR dépendent en grande partie de la variation de la masse salariale du secteur public, à laquelle la branche vieillesse est, par définition, peu sensible.

Elle est sensible, en revanche, à la natalité, madame Lassarade. Je ne parlerais pas pour autant de dénatalité : avec un taux un peu en dessous de 1,8 enfant par femme, nous sommes certes dans une situation moins favorable que lors du mini baby-boom des années 2000. Mais d'autres critères jouent, même si actuellement ils s'annulent l'un l'autre : le solde migratoire s'est un peu réduit
- ce qui réduit nos cotisations - et l'espérance de vie augmente moins vite - ce qui améliore notre solde.

Le rapport « Tirole » est extrêmement intéressant. Malgré tout, il fixe le principe d'un âge minimum, différentes possibilités devant être ouvertes au salarié pour le départ en retraite - c'est une litote de dire que l'information dans ce domaine n'est pas satisfaisante.

Madame Cohen, le taux d'activité avant le départ en retraite est un indicateur-clé de la branche. Il a progressé de 10 points, mais il reste encore très faible, malgré nos efforts conjugués avec ceux de Pôle emploi.

M. Gérard Rivière. - Revenons sur la prévention de la perte d'autonomie : 400 millions d'euros du Fonds national d'action sanitaire et sociale en faveur des personnes âgées de la CNAV pour 14 millions de retraités, cela représente 0,3 % de la masse des prestations et 30 euros par an par retraité.

Il est évident qu'il faut faire des choix. Ainsi, nous préférons la prévention collective à la prévention individuelle. L'urgence actuelle, c'est d'installer une culture de la prévention de la perte d'autonomie, si l'on ne veut pas couvrir la France d'Ehpad. Le bon vieillissement se fait à domicile. Pour le favoriser, il faut absolument accompagner chacun dès le passage à la retraite et le vieillissement, et non aux premiers signes de perte d'autonomie. Il faut mettre en place un véritable accompagnement par des informations, des ateliers.

Il faut l'inscrire dans la loi. Des choses avaient été envisagées en ce sens, mais n'ont pu aboutir faute de moyens. La loi d'adaptation de la société au vieillissement se voulait de programmation. Elle prenait en compte la prévention, mais les résultats n'ont pas été à la hauteur des ambitions, faute de budget. On peut comprendre que d'autres choix aient été faits, car gouverner, c'est arbitrer.

Actuellement, les salariés partent à la retraite avec des comptes personnels de formation bien garnis. Pourquoi ne pas utiliser ces sommes pour mettre en place des stages de préparation à la retraite dans toutes les branches et toutes les entreprises ?

Pour votre information, c'est ma dernière audition devant votre noble assemblée puisque le 25 janvier, je quitterai mes fonctions de président du conseil d'administration de la CNAV après dix ans de services. Mais avant cela, vous connaissez ma franchise : d'ici 2024-2025, il n'y a pas d'urgence absolue à réformer. Les déficits sont repris par la Cades jusqu'en 2023. Je ne suis pas sûr que ceux de 2023 seront absorbés, mais il sera toujours temps d'y revenir. Vous connaissez mon amour pour la réforme systémique... J'attends toujours que l'on me prouve en quoi elle augmenterait le pouvoir d'achat des retraités. L'élection présidentielle et les élections législatives sont une bonne période pour ouvrir un débat public. Il ne s'agit pas d'enfouir une réforme au fond d'un programme électoral de 250 pages ni d'employer des termes flatteurs qui feront croire à chacun qu'il aura plus que son voisin, qu'il perçoit comme un profiteur qui n'a rien fichu. Il faut être clair. Ensuite, le suffrage universel tranchera et la prochaine majorité pourra peut-être mettre en oeuvre une réforme qui adapte les ressources pour parvenir à un nécessaire équilibre.

Il faudra aussi prendre en compte l'évolution des pensions et sortir de la seule valorisation en fonction de l'inflation, a fortiori quand elle est minorée, qui est particulièrement pénalisante. Quand on fait le calcul des économies réalisées sur une pension versée pendant vingt ans, on s'aperçoit que ce n'est pas indolore individuellement.

Si une réforme paramétrique - ce que je préconise - devait être décidée, elle devrait être accompagnée de mesures favorisant l'employabilité des seniors, avec des formations tout au long de la vie. Les salariés de la sécurité sociale bénéficiant d'une formation ambitieuse, ceux qui ont 60 ans aujourd'hui et sont arrivés aux balbutiements de l'informatique sont capables de piloter tous les outils mis à leur disposition pour assurer la relation de service. Si l'on met les moyens, l'employabilité est permanente.

Il faudra absolument prendre en compte la pénibilité. Le système de 2014 n'était pas parfait, mais il avait le mérite d'exister. Il a été vidé de son sens. L'usure n'est pas seulement psychologique ; elle est aussi physique.

Le déficit pour 2022 est d'environ 2,5 milliards d'euros pour la seule CNAV. C'est ce que coûtent au régime les retraites anticipées pour carrière longue. À l'origine, cela concernait les carrières commencées à 14 ou 15 ans ; c'est désormais 20 ans.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Merci, monsieur le président. Votre remarque m'a fait penser à la phrase de Desproges : « Il ne suffit pas d'être heureux. Encore faut-il que les autres soient malheureux ! »

M. René-Paul Savary . - Je souhaite remercier publiquement M. Rivière, fin connaisseur du système, auquel on peut se confronter pour faire avancer la réflexion. J'ai beaucoup appris à son contact. Je remercie aussi le directeur de la CNAV.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

Mmes Marie-Anne Montchamp,
présidente du conseil,
et Virginie Magnant,
directrice, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Réunie le mercredi 13 octobre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de Mmes Marie-Anne Montchamp, présidente du conseil, et Virginie Magnant, directrice, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons ce matin Mmes Marie-Anne Montchamp, présidente, et Virginie Magnant, directrice, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.

Mme Marie-Anne Montchamp, présidente de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie . - Nous sommes heureuses de pouvoir être, enfin, présentes physiquement au Sénat, afin d'évoquer le PLFSS pour 2022, au nom du conseil et de l'établissement public de la CNSA.

Je souhaite mettre en exergue de cette audition la promesse que le législateur nous a faite le 7 août 2020, en créant la cinquième branche de la sécurité sociale, la branche autonomie, destinée à transformer notre système de protection sociale en donnant à chacun, par la solidarité nationale, quels que soient son âge, sa situation de handicap et l'endroit où il vit, les moyens d'exercer pleinement sa citoyenneté, selon son libre choix, par des réponses domiciliaires, dans une société inclusive ouverte à tous. Tel est l'objectif défini par le conseil de la CNSA, qui tient à rappeler régulièrement la teneur de cette promesse.

Lors de l'examen pour avis du PLFSS pour 2022, les membres du conseil de la CNSA ont appréhendé ce texte à la lumière de cette promesse, de cette ambition d'une vie autonome pour tous, dans le cadre de notre système de protection sociale. Cela a été notre grille de lecture pour adopter cet avis, favorable, je le rappelle.

Le PLFSS pour 2022 reste profondément marqué par la crise de la covid-19. Si son objet, pour ce qui concerne la cinquième branche de la sécurité sociale, est bien de répondre à la promesse du législateur, il reste que la crise sanitaire a créé des circonstances qui expliquent, légitiment peut-être, le dimensionnement et le positionnement du texte. Néanmoins, la cinquième branche est désormais bien inscrite dans la sécurité sociale ; il suffit de considérer les trajectoires de financement et les annexes pour constater que, tant en recettes qu'en dépenses, elle existe.

La bonne nouvelle de 2021 est la reprise économique substantielle, qui se poursuivra certainement en 2022 et se traduira par une augmentation sensible des recettes de la sécurité sociale et notamment de cette branche, laquelle est financée par des ressources dynamiques et sensibles à la croissance. Nous y avons été attentifs, car le piège aurait été d'adosser la branche à des ressources fragiles. Néanmoins, nous avons connu des aléas économiques et les comptes de la CNSA puis de la cinquième branche ont subi les conséquences de cette crise.

Le conseil a clairement indiqué que, indépendamment des avancées du PLFSS et de l'amélioration des recettes de la sécurité sociale, y compris de la branche autonomie, une réforme systémique s'imposait. En effet, nous ne parviendrons pas à installer au fil de l'eau, même avec le plus beau PLFSS du monde, les conditions de la pérennité de la branche, c'est-à-dire de la promesse d'une vie autonome.

En l'absence d'une loi Grand âge, ce PLFSS ne peut répondre à l'ambition de l'évolution systémique que nous appelons de nos voeux pour garantir la trajectoire de la branche, d'autant que la tendance démographique de la France pour 2030 n'a pas changé. La nécessité de transformer notre modèle de protection sociale dans le sens du renforcement de l'autonomie en accompagnement du vieillissement de la population reste prégnante. Le Président de la République l'a d'ailleurs rappelé hier, en intégrant parmi les risques contemporains le vieillissement de la population française.

Ce PLFSS confirme l'inscription de la cinquième branche dans le périmètre de la sécurité sociale à travers ses recettes et ses dépenses.

Oui, les comptes de la cinquième branche s'améliorent avec le retour de la croissance. Oui, les recettes resteront dynamiques.

En ce qui concerne les charges de la branche, les prestations relevant de l'objectif global de dépenses (OGD) progresseront en 2022 de 2,2 % avant mesures nouvelles. L'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) connaît également une très forte hausse de 9,4 %. Enfin, les transferts aux départements sont en nette augmentation de 11,5 % : 200 millions d'euros seront versés par la CNSA pour compenser le coût de la création de la prestation de compensation parentalité et 100 millions pour compenser les coûts induits par les accords conventionnels salariaux de la branche des services à domicile.

Notre volonté de soutenir le virage domiciliaire est également inscrite dans ce PLFSS. Il s'agit de soutenir l'ambition de nos concitoyens de vivre chez eux ou dans un établissement qui ressemble à un chez-soi. Les mesures proposées visent à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées en perte d'autonomie. Le PLFSS pour 2022 apporte une première contribution à cette évolution au travers de la réforme de l'organisation du financement des services d'aide et d'accompagnement à domicile et de premières mesures concernant les services d'aide et d'accompagnement à domicile (SAAD) et les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD).

Le tarif plancher de 22 euros n'épuise pas les charmes du modèle économique des SAAD dont le besoin tarifaire excède ce montant. Par ailleurs, de nombreuses collectivités territoriales sont déjà au-delà de ce tarif plancher. Dès lors, il faut faire en sorte que cette disposition ne se transforme pas en prime aux plus mauvais élèves.

La question du domicile est absolument cardinale pour l'avenir de notre système de protection sociale. Nous avons besoin de nous investir collectivement dans une réflexion systémique sur cette question. Ce secteur connaît aujourd'hui des effets concurrentiels redoutables. En outre, son modèle économique n'est pas toujours au rendez-vous. Il connaît également des distorsions terribles dans le recrutement de son personnel. On peut améliorer les choses, comme ce PLFSS s'y efforce, mais on ne pourra faire l'économie d'une réflexion de fond sur le secteur des services à domicile.

Le PLFSS pour 2022 emporte une transformation importante en introduisant l'idée de l'« Ehpad plateforme », avec un financement à hauteur de 20 millions d'euros pour l'aider à prendre son envol. Là encore, les membres du conseil insistent sur le fait qu'il ne faut pas prescrire la fonction ressources sur le seul Ehpad : cette fonction peut tout à fait s'imaginer à partir de services d'aide à domicile. L'idée selon laquelle coexisteraient deux mondes dans notre système de protection sociale, celui de l'établissement et celui du domicile, correspond à notre histoire et à la réalité d'aujourd'hui, mais certainement pas à une ambition pour l'avenir. On ne peut imaginer un système pour demain qui n'établirait pas cette ambition domiciliaire dans un continuum d'offre fondé sur le libre choix : où voulez-vous vieillir ? C'est cette question taraudante que le conseil de la CNSA n'a eu de cesse de pointer en examinant ce texte, qui présente une réelle avancée, mais dont nous craignons qu'il ne comporte un petit biais dans l'acception même de l'Ehpad plateforme.

En ce qui concerne le renforcement des moyens dédiés aux établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), je tiens à souligner le volontarisme de ce PLFSS dans un contexte contraint. Il faut aussi souligner les limites de l'exercice : à vouloir moyenner l'effort en ressources humaines supplémentaires, on arrive à un ratio qui ne fera pas vraiment bouger le taux d'encadrement.

Les différentes dispositions du PLFSS constituent une avancée importante. Les parties prenantes du conseil du CNSA en ont pris acte en émettant un avis favorable sur ce texte. Toutefois, elles s'accordent aussi à dire que ce PLFSS est essentiellement paramétrique en ce qu'il propose une amélioration des volumes, avec quelques introductions systémiques sur le domiciliaire.

Encore une fois, l'enjeu est systémique : la protection sociale doit se transformer dans ses modalités de gouvernance, dans le continuum de réponses que nous devons à nos concitoyens et surtout dans la trajectoire de financement de la branche, dont il faut éclairer l'avenir au-delà de 2024 et du transfert de 0,15 point de contribution sociale généralisée (CSG) promis par le législateur de 2020, qui ne permettra pas à la branche d'être au rendez-vous du vieillissement de la population française et de l'adaptation de la réponse aux personnes en situation de handicap à l'horizon de 2030.

Mme Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie . - Mme Montchamp a souligné le caractère ambitieux de ce PLFSS, qui s'inscrit dans la continuité de la création de la nouvelle branche relative au soutien à l'autonomie, et à laquelle il va donner une consistance nouvelle.

Comme l'a également souligné Mme Montchamp, le conseil de la CNSA appelle de ses voeux une réforme systémique. L'histoire de la sécurité sociale témoigne d'améliorations continues de la réponse aux assurés. La sécurité sociale s'est construite par avancées successives pour garantir une protection plus solide, plus qualitative, qui se renforce au fil du temps.

La création de la cinquième branche permet déjà de tels progrès à travers l'organisation de la réforme du financement des services d'aide à domicile, l'avancée inédite en termes d'équité du tarif national socle, le soutien à la transformation des Ehpad et les leviers très importants qu'apporte le tableau d'équilibre de la branche à la revalorisation des professionnels et au soutien à l'équipement. Le secteur connaît en effet des tensions très fortes en termes de recrutement de professionnels. De même, les conditions matérielles d'organisation de la réponse aux personnes sont encore parfois très loin du compte et des enjeux de qualité.

La revalorisation des professionnels, c'est 2,8 milliards d'euros en 2020-2022, ce qui permet d'enregistrer des taux de progression de l'OGD de financement des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) inédits de 4,7 % pour 2022. Tous les rapports soulignent que l'attractivité des métiers du grand âge et de l'autonomie doit être renforcée. Les fédérations et les employeurs s'attellent à revoir les organisations, avec le soutien de la CNSA.
À cet égard, l'évaluation des modes d'organisation en services autonomes est porteuse de progrès pour les professionnels des services d'aide à domicile.

Permettre à l'établissement de piloter un système d'information pour la gestion de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) constitue une avancée essentielle. Il peut sembler évident de doter une branche d'un système d'information national et d'équiper directement les professionnels qui évaluent les besoins des personnes et ouvrent les plans d'aide à même d'y répondre. Or c'est tout à fait inédit dans le secteur de l'autonomie, puisque les professionnels en question ne sont pas employés par la CNSA, mais par les services autonomie des conseils départementaux. Structurer ce système d'information permet de décliner, dans l'univers si particulier de la branche autonomie, une relation de réseau qui a fait ses preuves dans le champ de la branche famille ou maladie.

Ce système d'information sera mis en mouvement après l'adoption du PLFSS. Nous avons conduit des études de faisabilité et d'opportunité très substantielles, avec l'appui de l'Agence du numérique en santé (ANS), pour évaluer les montants financiers qu'il sera nécessaire de mobiliser et organiser le déploiement du système. Ce dernier constituera un outil de pilotage par sa capacité à collecter et à faire remonter les données nécessaires à la bonne compréhension de ce qui se passe et permettra de garantir l'équité de traitement des besoins des personnes, consubstantielle à la promesse de la création de la branche autonomie.

Il se veut aussi porteur d'une logique de simplicité pour les aidés et les aidants, parfois éloignés les uns des autres. Les démarches en ligne seront ainsi facilitées, à toute heure du jour ou de la nuit. La logique du système opère de bout en bout de la chaîne : de l'appel aux services concernés à l'évaluation de la satisfaction des usagers et au paiement de la prestation.

Le programme est donc ambitieux et constituera une part importante de la future convention d'objectifs et de gestion (COG) de la caisse.

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour la branche autonomie . - Ma première question portera sur les métiers de l'autonomie. Quel regard portez-vous sur le périmètre des revalorisations issues du Ségur en application des accords dits Laforcade, qui fait l'objet de l'article 29 du PLFSS ?

En ce qui concerne l'aide à domicile, le texte prévoit des mesures intéressantes, comme l'instauration d'un tarif plancher national de 22 euros, la refonte de la tarification des Ssiad et la fusion des différents services d'aide à domicile. Toutefois, le conseil de la CNSA a pointé différents risques dans son avis du 29 septembre. Tout d'abord, l'insuffisance du tarif plancher. À quel niveau la caisse estime-t-elle opportun de le fixer ?

Ensuite, la complexité de la mise en oeuvre des services autonomie appelés à remplacer les SAAD, les Ssiad et les services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad). Pouvez-vous détailler ce risque et proposer des solutions ?

Vous soulignez aussi l'absence d'investissement d'ensemble sur le secteur du domicile. À quel niveau la caisse aurait-elle jugé opportun de porter l'effort ?

En ce qui concerne le handicap, le dossier de presse du PLFSS prévoit que 67 millions d'euros seront consacrés à la création de places nouvelles, 10 millions aux situations critiques, 15 millions aux problématiques croisées enfance/handicap, 7 millions à l'accompagnement à la parentalité, 2 millions à l'offre de répit, 6 millions à la création d'unités d'enseignement pour élèves polyhandicapés, 12 millions aux unités d'enseignement autisme, 25 millions au renforcement des communautés 360... Tout cela est intéressant, mais quelle est l'adéquation de ces dépenses aux besoins, et n'y a-t-il pas un risque de saupoudrage des crédits ?

Enfin, sur le pilotage des politiques de l'autonomie, où en est l'élaboration de la future convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la CNSA, et quelles seront ses grandes orientations ?

Enfin, un transfert de CSG est prévu. L'abondement de la branche prévu en 2024 est un transfert, pas une augmentation du prélèvement total, ce qui signifie qu'il y aura des perdants : qui seront-ils ?

Mme Annie Delmont-Koropoulis . - Il me semble que, dans ce PLFSS, la politique de l'autonomie reste l'addition de deux politiques distinctes, celles de l'âge et du handicap. Qu'en pensez-vous ? Ce texte est-il bien celui du virage domiciliaire ?

Mme Michelle Meunier . - L'avenant 43 à la convention collective de la branche de l'aide à domicile, relatif aux rémunérations, est en vigueur depuis le 1 er octobre. Si l'on ne peut, évidemment, que se féliciter de ces revalorisations salariales, ma question portera sur le financement de cette mesure et son impact sur les finances des départements. Pour la Loire-Atlantique, le surcoût s'élèvera à 5,8 millions d'euros, soit 14 % de la masse salariale. L'avenant 43 sera financé à hauteur de 70 % par l'État et 30 % par les conseils départementaux en 2021, puis à parts égales à partir de 2022. Le coût pour le conseil général sera donc de 2,9 millions d'euros. Les budgets des départements sont déjà serrés. Quels financements complémentaires pourrait-on mobiliser ? Quelle sera la contribution de l'État ?

M. Daniel Chasseing . - Je voulais vous poser la même question que Michelle Meunier.

Je vous interrogerai sur les Ehpad : vous avez dit que l'encadrement posait des questions. C'est le moins que l'on puisse dire, en effet. Le taux d'encadrement par résident s'élève actuellement à 0,6. Le gouvernement cherche à encourager le maintien à domicile. Mais les patients des Ehpad sont très dépendants. On a besoin de bras ! Or le plan de financement que vous présentez est léger sur la question : 200 millions d'euros pour les médecins coordinateurs et les infirmières d'astreinte de nuit. Il faut former des infirmières et des aides-soignantes pour parvenir à un taux d'encadrement de 0,8. Je suis par ailleurs tout à fait favorable à l'ouverture des Ehpad pour développer la prise en charge à domicile, comme vous l'indiquez, mais cela suppose du personnel supplémentaire pour aller à domicile.

Mme Marie-Pierre Richer . - L'avenant 43 pose des problèmes de financement dans de nombreux départements : dans le Cher, la prise en charge par l'État ne sera ainsi que de 24 % au lieu des 50 % annoncés en 2022.

M. Olivier Henno . - Ma question concerne moins les moyens que le virage domiciliaire et le rapprochement des Ssiad et des Saad. Le PLFSS va-t-il assez loin en la matière ? Faut-il envisager d'autres mesures pour améliorer la prise en charge des personnes en perte d'autonomie à domicile ?

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - La branche autonomie prévoit un retour à l'équilibre de ses comptes en 2024, grâce à un apport de CSG. Le conseil de la CNSA a raison de plaider pour des perspectives pluriannuelles de ressources afin de financer l'allongement de la vie et l'amélioration de l'offre. Comment le Gouvernement accueille-t-il les propositions de la CNSA concernant les ressources nouvelles ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je salue l'analyse de la présidente de la CNSA, tant pour ses appréciations que pour ses questions. Comme vous, en effet, chacun souhaite une réforme systémique depuis longtemps.

Dès 2015, j'avais demandé, dans un rapport coécrit avec M. Watrin, une revalorisation du tarif national. Je salue sa hausse. Une compensation est prévue pour les départements. Avez-vous une estimation du coût pour les départements qui sera pris en charge par la branche autonomie ? Avez-vous par ailleurs un tableau des tarifs pratiqués dans les différents départements ?

Les Ehpad deviendront des centres de ressources territoriaux. Cette transformation sera-t-elle à l'initiative des Ehpad ou des agences régionales de santé (ARS) ? Vous avez souligné les difficultés de recrutement : confirmez-vous l'estimation des besoins réalisée par le rapport El Khomri sur l'attractivité des métiers du grand âge ou avez-vous une autre estimation ?

Mme Annie Le Houerou . - Comme mes collègues, je veux relayer l'inquiétude des collectivités et des associations sur le financement de l'avenant 43 et du Ségur de la santé. Les services hospitaliers deviennent plus attractifs que les services d'aide à domicile. Quelles sont les orientations de la CNSA pour soutenir les plateformes d'accompagnement et de répit des aidants familiaux, et pour développer l'habitat inclusif ?

Mme Marie-Anne Montchamp . - Vous m'interrogez sur le tarif plancher. Un tarif de 22 euros n'est pas suffisant pour assurer le modèle économique des services d'aide à domicile : le point d'équilibre se situe plutôt à 25 euros. C'est pourquoi nous espérons que l'amendement portant une augmentation tarifaire de trois euros sera adopté lors de l'examen du PLFSS.

Sur le volet handicap, on observe bien un rattrapage dans le PLFSS, à la différence de l'année passée. Pour autant, les parties prenantes, hors État, du conseil de la CNSA ont eu le sentiment que cette politique était morcelée. Un besoin d'actualisation du financement se fait sentir, car le secteur, comme celui du grand âge, est sous tension, du fait des besoins nouveaux, des nécessités de rattrapage et de l'iniquité des situations résultant des accords Laforcade - dans la mesure où, au sein d'un même établissement, des distorsions de rémunérations pourront apparaître. Il ne faut pas toutefois jeter le bébé avec l'eau du bain. Ce PLFSS marque des avancées, mais l'absence de transformation systémique du modèle fait que la branche reste sous tension.

Il est sans doute un peu caricatural de considérer la politique de l'autonomie comme la simple addition de la politique de l'âge et de la politique du handicap. La branche est bien présente dans les grands équilibres du PLFSS. Mais il est vrai que la notion de l'autonomie pour tous, quel que soit l'âge ou la situation de handicap, n'apparaît pas encore. Nous manquons d'une approche globale systémique.

Ma réponse sur les conséquences de l'avenant 43 sera identique : l'enjeu n'est pas que paramétrique, mais, là encore, d'ordre systémique. Toutefois, ce n'est sans doute pas dans le cadre d'un PLFSS de fin de mandature que nous pourrons régler la question du financement de la politique de l'autonomie.

La vision initiale, en vigueur depuis la création de la CNSA, qui suppose un équilibre entre l'apport de l'État et celui des collectivités, se dégrade. Nous aurons besoin d'une réflexion systémique.

M. Chasseing m'a interrogée sur le taux d'encadrement dans les Ehpad : le PLFSS apporte des améliorations en ce qui concerne la dimension médicale, mais la dimension présentielle est cruciale. La création de postes d'infirmiers diplômés d'État (IDE) de nuit est importante, mais il s'agit plus de ressources pour la collectivité soignante que pour les personnes hébergées. On a besoin de personnels pour renforcer la présence auprès des pensionnaires.

Le virage domiciliaire est bien présent dans le PLFSS, mais, encore une fois, il n'appartient pas à ce genre de texte de lancer une réforme systémique.

Monsieur Vanlerenberghe, les chiffres du rapport El Khomri ne sont pas remis en cause. Nous avons besoin d'un observatoire des besoins de financement du secteur, car celui-ci est sous tension.

Madame Le Houerou, l'inquiétude dont vous nous faites part s'est exprimée au sein du conseil de la CNSA, où siègent des représentants des professionnels, des secteurs, des départements, des familles, des associations, etc. Chacun a conscience des avancées du PLFSS, mais celui-ci ne saurait résoudre à lui seul l'équation de la transformation du modèle.

La loi du 7 août 2020 prévoit l'affectation d'une fraction de 0,15 point de CSG de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) vers la CNSA à compter du 1 er janvier 2024, date à laquelle la dette sociale devait s'éteindre.

M. René-Paul Savary . - En somme, avec une recette, on fait deux dépenses !

Mme Marie-Anne Montchamp . - Comme il s'agit d'une recette assise sur les revenus d'activité, on a la garantie qu'elle sera dynamique. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Avez-vous réalisé une évaluation financière de l'amendement portant le tarif plancher de 22 euros à 25 euros ?

Mme Marie-Anne Montchamp . - Le calibrage du tarif à 25 euros, avant arbitrages éventuels, suppose une évaluation de la capacité à financer ce tarif plancher. Le calcul est un peu empirique. Je me félicite du dialogue nourri que nous avons eu avec les collectivités territoriales à l'occasion de la crise sanitaire, ce qui nous a permis d'appréhender leurs difficultés et leur capacité à engager des revalorisations salariales.

Mme Virginie Magnant . - La revalorisation des professionnels de l'aide à domicile découle du PLFSS pour 2020. Les services d'aide à domicile interviennent aussi bien auprès des personnes âgées que des personnes handicapées. Les mesures de soutien à ces services sont donc transversales et profiteront à ces deux catégories de personnes.

La CNSA a soutenu financièrement la soixantaine de départements qui ont engagé, depuis 2018, une réforme du financement de l'aide à domicile, avec un tarif socle départemental et non national.

La réforme associe un tarif socle, qui donne de la visibilité aux gestionnaires, et un complément destiné à valoriser la qualité de service - horaires élargis, intervention dans des territoires éloignés, modulation en fonction des profils des patients, etc. Cette double dimension a fait ses preuves. Les services à domicile qui ont conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec un département constatent ainsi les bénéfices d'une tarification qui leur garantit un financement plus stable et leur permet de mobiliser les professionnels dans des conditions d'intervention favorables aux patients. C'est ce qui ressort de nos travaux réalisés lors du printemps de l'évaluation.

La traduction opérationnelle de la revalorisation est complexe. C'est pourquoi nous avons coconstruit, sur le modèle de notre démarche pour mettre en place une prime covid pour les professionnels des SAAD pendant la crise, une méthode de compensation d'une partie des surcoûts des départements. Le vadémécum que nous avons publié à l'attention des services financiers des départements est le fruit de ces échanges soutenus. Nous avons construit la méthode parallèlement à l'élaboration des textes d'application de la loi, pour essayer d'avancer en bonne intelligence et donner de la visibilité aux services.

L'avenant 43 est entré en vigueur le 1 er octobre. La CNSA a coconstruit, avec l'appui de la direction générale de la cohésion sociale et les services d'aide à l'autonomie, le mode opératoire de son soutien financier, défini dans ce vadémécum. Nous avons prénotifié aux départements le montant auquel ils peuvent prétendre pour leur donner de la visibilité sur la dépense. Nous attendons maintenant qu'ils nous remontent le montant plus précis de leurs besoins pour ajuster la dotation 2021 et préparer la dotation 2022.

Nos travaux ont révélé que le mode de calcul de la répartition par département devrait sans doute être modifié, dans la mesure où il repose sur la distinction entre les services habilités à l'aide sociale et ceux qui ne le sont pas, alors que le surcoût lié à la revalorisation concerne tous les services d'aide à domicile, indépendamment de leur mode tarifaire. Il serait donc utile de revoir les règles déterminant le plafond d'aides pour parvenir à plus d'équité entre les départements. Nous espérons que le débat parlementaire permettra d'avancer sur ces points.

En ce qui concerne la convention d'objectifs et de gestion, les travaux préparatoires sont engagés. Nous souhaitons avoir défini notre feuille de route d'ici à la fin de l'année. Le conseil de la CNSA a créé une commission ad hoc pour suivre ce dossier. L'enjeu pour la CNSA sera de pouvoir mieux soutenir les services des départements et les ARS, dans leur fonction d'organisation et de régulation de l'offre, pour dépasser la logique de fonctionnement en silo. Cette nouvelle démarche sera particulièrement importante pour l'aide à domicile, car celle-ci sera organisée de manière plus ouverte, par le biais d'un continuum entre les SAAD, dépendants des départements, et les Ssiad, régulés par les ARS. Il faudra apprécier la réforme dans la durée et voir comment l'offre de soins s'organise à l'échelle territoriale. L'offre libérale de soins est indispensable pour rendre possible le maintien à domicile, qu'il s'agisse des médecins de premier recours ou des infirmières.

Mme Marie-Anne Montchamp . - Le conseil de la CNSA est mobilisé, car il lui appartient de définir les orientations de la COG, en veillant à ce que celle-ci soit lisible et non technocratique. De même, les territoires sont représentés au sein du conseil - c'est son originalité -, et je suis attentive à ce que leur voix soit entendue.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Je vous remercie.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

MM. Olivier Véran,
ministre des solidarités et de la santé,
Olivier Dussopt,
ministre délégué chargé des comptes publics,
et Mme Brigitte Bourguignon,
ministre déléguée chargée de l'autonomie

Réunie le jeudi 14 octobre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de MM. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics et Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous entendons ce matin MM. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des comptes publics, ainsi que Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo retransmise en direct sur le site du Sénat, qui sera ensuite disponible en vidéo à la demande.

Le PLFSS pour 2022 a été déposé le 7 octobre sur le bureau de l'Assemblée nationale, qui procède à son examen en commission.

Vous avez tous pu prendre connaissance de ce texte ainsi que des chiffres clés dans un document synthétique qui vous a été distribué.

Pour les comptes sociaux, c'est un texte d'attente, qui enregistre les effets à la fois conjoncturels et pérennes de la crise sanitaire, tout en comptant sur des jours meilleurs ou sur l'onction démocratique d'un gouvernement nouvellement issu des urnes pour reprendre une trajectoire de redressement.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Notre système de santé et notre protection sociale sont en première ligne depuis de longs mois. Face aux crises, un État social robuste est une arme indispensable.

Ce système de santé et cette protection sociale, nous la devons aussi chaque année au Parlement et au fameux PLFSS. Alors qu'un optimisme vigilant est aujourd'hui permis sur le front de la covid, je remercie votre commission pour sa mobilisation à chaque instant de la crise sanitaire et salue l'ensemble des élus locaux, qui n'ont compté ni leur temps ni leur énergie pour protéger nos concitoyens.

C'est aussi le dernier PLFSS de ce quinquennat.

La situation sanitaire continue de marquer le pas, mais également les comptes de la sécurité sociale, et son amélioration a des conséquences comptables positives. Les mesures sanitaires ont certes eu un coût, mais ont été aussi un investissement en permettant de préserver l'activité de notre pays. Nous en voyons aujourd'hui les résultats sur le pouvoir d'achat et sur les chiffres du chômage. Ces bonnes nouvelles ne doivent cependant pas nous faire oublier le décrochage durable entre les recettes et les dépenses, et le rattrapage récent de l'activité ne parviendra pas à effacer les conséquences des années précédentes, ce qui se traduit par un déficit prévu durablement autour de 15 milliards d'euros.

Nous devrons collectivement définir une solution structurelle qui devra faire jouer la solidarité entre les branches, notamment côté retraites, et poursuivre, côté maladie, ce qui a été engagé sous ce quinquennat, malgré un ralentissement dû à la crise, c'est-à-dire la prévention, les parcours et la pertinence des soins. Nous ne reviendrons pas aux méthodes du passé.

Ce PLFSS est celui de la sortie de crise sanitaire. Nous avons réagi avec le « quoi qu'il en coûte », avec le Ségur de la santé, avec l'accès gratuit aux soins, aux vaccins. La crise sanitaire a rendu d'autant plus flagrant le besoin de réinvestissement dans notre système de santé. Nous poursuivons donc avec beaucoup de détermination cette dynamique en faveur de la santé de nos concitoyens et en faveur de ceux qui les soignent. Les efforts consentis dans le réarmement de notre système de santé, dans la revalorisation des salaires, dans les carrières des soignants, dans les investissements étaient indispensables et vont se poursuivre.

Le PLFSS 2022 traduit d'ailleurs sans ambiguïté la poursuite de la mise en oeuvre des engagements du Ségur avec une extension du périmètre des bénéficiaires au médicosocial et d'autres mesures nouvelles qui ont été actées pour certaines professions ou certaines missions.

L'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2022 intègre 2,7 milliards d'euros de financements supplémentaires au titre du Ségur par rapport à 2021. Le total des dépenses inscrites en base pour le Ségur s'élève ainsi à 12,5 milliards d'euros dans l'Ondam.

Ces 2,5 milliards d'euros correspondent d'abord à des revalorisations pour les blouses blanches, celles et ceux qui soignent, qui font vivre notre système de santé. On les a applaudies pendant la première vague, mais j'ai tenu à ce qu'on puisse parler sans fausse pudeur de la feuille de paie. Plus de 2 milliards d'euros supplémentaires sont consacrés en 2022 aux revalorisations du Ségur et aux mesures qui prolongent les accords qui avaient été signés de façon majoritaire avec les syndicats.

D'abord, 1 milliard d'euros pour la montée en charge des mesures du Ségur à l'hôpital ; 770 millions d'euros pour des revalorisations dans le médicosocial ; 560 millions supplémentaires pour de nouvelles revalorisations que le Gouvernement entend mettre en place dès le 1 er janvier 2022 - revalorisation des catégories C à l'hôpital, des aides-soignants, des sages-femmes, des médecins contractuels et des primes pour reconnaître les fonctions managériales. Concrètement, une sage-femme à l'hôpital percevra au total 360 euros nets de plus par mois en moyenne, c'est-à-dire 4 500 euros nets par an.

Il y a la reconnaissance des responsabilités managériales : 200 euros par mois pour un chef de service, 400 euros pour un chef de pôle, 600 euros pour un président de commission médicale d'établissement ou de commission médicale de groupement. Ces mesures s'ajoutent à l'ensemble des revalorisations, notamment le fameux complément de traitement indiciaire de 183 euros nets par mois.

Au total, près de 10 milliards d'euros de revalorisations de salaire pour les métiers de la santé et du médicosocial auront été financés entre 2020 et 2022.

En 2022, plus de 2 milliards d'euros seront consacrés au soutien national à l'investissement en santé au sein de l'Ondam.

Enfin, au-delà du Ségur, le PLFSS marque un effort exceptionnel en faveur de l'hôpital. On a construit l'Ondam en trois étapes : l'Ondam hors Ségur et hors crise ; l'Ondam avec Ségur hors crise ; l'Ondam total. En 2022, l'Ondam hospitalier hors crise et hors Ségur augmentera de 2,7 %, plus que ce qui avait été signé avec les fédérations hospitalières dans le cadre du programme pluriannuel - 2,4 % -, et plus que les engagements du candidat à l'élection présidentielle de 2017 - entre 2,3 et 2,4 % de croissance de l'Ondam sur le quinquennat. L'engagement a été tenu et sera même dépassé en 2022, compte tenu de la situation exceptionnelle que traverse l'hôpital depuis le début de la crise.

Ainsi, chaque année, il y a toujours entre 700 millions et 1,2 milliard d'euros d'économies cachées. Cette année, il n'y en a aucune. Comme nous voulons continuer à pousser l'hôpital à se transformer et à se réformer, nous avons décidé que s'il réalise des économies par lui-même, elles lui seront intégralement restituées.

Nous réaliserons en 2022 certaines transformations profondes du financement : je pense notamment à la psychiatrie, à la dotation socle forfaitaire des activités de médecine et des hôpitaux de proximité.

Nous faciliterons également l'accès aux soins, y compris les soins les plus innovants. Ainsi, nous généraliserons les premières expérimentations au titre de l'article 51 du premier PLFSS de ce mandat, qui fonctionnent bien dans les territoires : « retrouve ton cap », qui permet une approche globale de la lutte contre l'obésité infantile ; la généralisation du dépistage gratuit du VIH et sans ordonnance dans les laboratoires de biologie médicale.

Nous facilitons aussi l'accès aux soins visuels. Les patients ne présentant pas de risques de complications ophtalmologiques pourront bénéficier d'une primoprescription de verres correcteurs par des orthoptistes.

S'agissant des salles de consommation à moindre risque, nous proposons de prolonger l'expérimentation de trois ans, avec des moyens financiers supplémentaires pour ouvrir annuellement deux nouvelles salles en trois ans. Nous actons l'accompagnement médicosocial renforcé à travers la transformation de ces salles en « haltes soin addiction ».

L'accès aux soins, c'est aussi la généralisation de la télésurveillance pour les diabétiques, les insuffisants cardiaques, etc. , qui peuvent ainsi être suivis à distance. Les professionnels de santé qui assureront ce suivi à distance seront rémunérés à ce titre.

Au titre des annonces du Président de la République dans le cadre du Conseil stratégique des industries de santé (CSIS), plus de 1 milliard d'euros supplémentaires seront consacrés au remboursement des produits de santé, avec un but : mieux financer l'innovation et la sécurité d'approvisionnement, mais aussi responsabiliser les laboratoires en payant mieux l'innovation, en facilitant l'accès précoce aux patients français et en demandant des réductions de prix sur des médicaments d'usage courant largement rentabilisés.

Nous allons également élargir la « liste en sus » en la renforçant de 300 millions d'euros afin de faciliter l'accès sur tout le territoire à des molécules onéreuses, notamment en cancérologie.

L'accès aux soins, c'est la sécurité d'approvisionnement. Le décret « stock » contraint les laboratoires à conserver sur le territoire européen entre deux et quatre mois de stock de médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. Nous sommes le premier pays européen à le faire. Par ailleurs, le PLFSS prévoit la possibilité de conférer aux pharmacies intrahospitalières le droit de fabriquer des médicaments d'intérêt thérapeutique majeur. C'est ce qui a été fait pendant la crise de la covid.

L'accès aux soins, c'est aussi le remboursement intégral de la contraception pour les jeunes femmes jusqu'à vingt-cinq ans révolus. Pourquoi pas les jeunes hommes ? Parce que les préservatifs masculins prescrits par ordonnance sont remboursés.

Autre mesure : l'élargissement de l'accès à la complémentaire santé solidaire en en rendant l'accès désormais automatique à tous les bénéficiaires du RSA ou du minimum vieillesse. C'est là le meilleur moyen de lutter contre le non-recours.

Dans le traitement des « stocks » de dossiers de pensions alimentaires impayées, plusieurs dizaines de milliers sont désormais résolus ou, dans cette attente, donnent lieu au versement d'une prestation par la caisse d'allocations familiales. En revanche, les flux ne suivent pas : seulement 437 dossiers ont été transmis par la justice à l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa) en vue de garantir le versement automatique de la pension alimentaire. C'est pourquoi nous vous proposons de passer d'un système d' opt in à un système d' opt out , le versement de la pension alimentaire par l'Aripa devenant automatique, sauf avis contraire des deux membres du couple. Il n'y aura donc plus de pensions alimentaires impayées.

Brigitte Bourguignon vous présentera les mesures extrêmement ambitieuses que nous avons prévues à la suite de la création de la cinquième branche « autonomie ».

Ce PLFSS comporte un nombre d'articles moindre que ceux des années précédentes. Nous avons souhaité qu'il soit lisible, qu'il améliore le quotidien des Français, qu'il leur donne de nouveaux droits et qu'il apporte des solutions complémentaires au problème des déserts médicaux notamment.

M. Olivier Dussopt, ministre délégué, chargé des comptes publics . - Notre système de protection sociale dans son ensemble a été extrêmement mobilisé pour accompagner les Français face à la crise. Ainsi, 135 millions de tests gratuits ont été réalisés et plus de 50 millions de Français ont été vaccinés gratuitement.

Nous avons accompagné les hôpitaux à la fois par le vote des crédits supplémentaires pour faire face aux conséquences de la covid, mais aussi pour mettre en oeuvre les accords de Ségur, avec des revalorisations salariales d'un montant sans précédent à hauteur de plus de 10 milliards d'euros.

Toujours dans le cadre de ces accords, nous aidons les établissements à investir et à se désendetter à hauteur de 20 milliards d'euros sur cinq ans.

Notre système de protection sociale joue un rôle d'amortisseur et accompagne les Français face à la crise.

Si nous avons pu faire face aux engagements massifs qu'a nécessités la crise de la covid-19, c'est parce que nous avions amorcé durant la période précédente le rétablissement d'une situation qui était compromise. Depuis plusieurs années, au-delà de ce quinquennat, la situation financière de la sécurité sociale s'était améliorée. En 2019, nous envisagions un retour à l'équilibre pour 2023 et nous avions proposé au Parlement l'adoption d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, où le déficit était estimé entre 5 et 6 milliards d'euros.

Ce temps nous paraît désormais lointain, car les efforts consentis et la mobilisation du système de protection sociale se sont traduits par des dépenses importantes qui ont conduit à une dégradation du déficit, notamment celui de l'assurance-maladie. Pour la seule année de 2020, la branche a dû supporter 18 milliards d'euros de dépenses exceptionnelles auxquels s'ajoutent 19 milliards d'euros supplémentaires, en 2021.

Je tiens à rappeler que vous avez voté, dans le cadre de l'examen des différents textes de loi de finances, une compensation de l'État à la sécurité sociale de toutes les dépenses nouvelles supportées durant la crise de covid. Il n'empêche que le déficit s'est forcément dégradé dans la mesure où la sécurité sociale a perdu des recettes, notamment celles liées aux cotisations, par un effet mécanique normal en période d'arrêt d'activité et de substitution du financement de l'activité partielle aux revenus salariaux.

Le déficit s'est donc lourdement dégradé, jusqu'à atteindre 38,7 milliards d'euros à la fin de l'exercice 2020. En 2021, le montant, moins important, restera néanmoins très élevé, à 34,6 milliards d'euros. Il est toutefois inférieur de plus de 4 milliards d'euros à celui que nous anticipions aux mois de juin et juillet derniers.

L'amélioration de la conjoncture économique et la réévaluation de la croissance pour 2021 à 6 %, voire 6,25 % expliquent cette amélioration. Lors de l'examen du PLFSS, nous réviserons l'article liminaire, comme nous l'avions fait l'an dernier, pour tenir compte de cette nouvelle prévision de croissance, et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) sera saisi au cours de la deuxième quinzaine d'octobre.

Cette évolution du niveau de croissance se traduit par une augmentation des recettes, supérieures de 6 % à ce que nous envisagions au début de l'année. Cependant, la durée de la crise, plus longue que prévu, a également entraîné une augmentation des dépenses par rapport au prévisionnel. Ainsi, les recettes ont augmenté d'environ 6 milliards d'euros et les dépenses d'environ 2,5 milliards d'euros, de sorte que le nouveau solde pour 2021 est à 34,6 milliards d'euros, inférieur d'environ 4 milliards d'euros à ce que nous avions envisagé au printemps dernier.

En 2022, le déficit a vocation à se réduire très fortement, puisque malgré la provision de 5 milliards d'euros que nous avons inscrite dans le PLFSS pour faire face au coût de la campagne de vaccination pour la troisième dose, à hauteur de 3,3 milliards d'euros, et la prise en charge des tests PCR pour 1,6 milliard d'euros, nous estimons que le déficit devrait s'élever à 21,6 milliards d'euros. Là où le bât blesse, c'est que si ce déficit continue à diminuer, il se stabilisera rapidement autour de 15 milliards d'euros, soit un niveau bien plus élevé qu'avant la crise de la covid-19. Cela implique que nous menions des réformes structurelles.

Nous considérons, cependant, qu'il est trop tôt pour les envisager. C'est la raison pour laquelle l'Ondam a été fixé à 2,6 %, hors Ségur de la santé, évoluant à 3,8 % si on l'y intègre. Il faut y ajouter les 5 milliards d'euros de provisions pour faire face aux conséquences de la crise covid.

Pour rétablir les comptes de la sécurité sociale, il faudra en passer par un examen des trajectoires de dépense et de financement de la sécurité sociale, notamment de la branche de l'assurance maladie. Nous attendons avec impatience les conclusions de l'étude que nous avons confiée au Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM), tant pour ce qui est de la régulation modernisée des dépenses que pour le renforcement de la pertinence des soins ou la révision de certains modes de rémunération. Nous mettrons en oeuvre ces recommandations dès que les conditions seront réunies pour nous permettre d'envisager de telles mesures structurelles de rétablissement des comptes de la sécurité sociale.

Nous devons aussi travailler sur le pilotage des dépenses en matière de sécurité sociale. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement soutient la proposition de loi organique qu'a déposée le rapporteur général de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, ainsi qu'une partie des apports de votre assemblée à ce texte, notamment sur la base de la proposition de loi déposée par l'ancien rapporteur général de votre commission des affaires sociales.

Nous sommes convaincus que le renforcement du pilotage pluriannuel de la dépense publique en matière de sécurité sociale et le renforcement de la solidarité interbranches sont autant de pistes que nous devons suivre et d'outils qui seront utiles pour le rétablissement des comptes de la sécurité sociale. Des débats se tiendront au sujet de ces réformes structurelles, en particulier en ce qui concerne la branche retraite.

Au-delà de ces éléments financiers, ce PLFSS favorise l'avancée de certaines réformes. Nous poursuivrons le chantier de l'unification du recouvrement, avec notamment le transfert, en 2023, du recouvrement des cotisations pour la retraite des professionnels libéraux affiliés à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse des professions libérales (Cipav) vers les Urssaf.

Nous proposerons aussi de mettre en oeuvre les annonces que le Président de la République a faites, le 16 septembre dernier, dans le cadre du plan en faveur des indépendants. Le projet de loi de finances porte également des mesures fiscales au bénéfice des travailleurs indépendants. Un projet de loi spécifique sur la protection de leur patrimoine personnel a été adopté en conseil des ministres et sera soumis prochainement au Parlement.

Nous vous proposerons également de conforter les dispositions qui nous permettent de rendre contemporain le crédit d'impôt service à la personne, à partir du 1er janvier prochain. L'objectif est que l'ensemble des services à la personne puissent ouvrir le droit à un crédit d'impôt, comme c'est le cas aujourd'hui, mais que ce crédit d'impôt se calcule de manière contemporaine, mois par mois, au moment du paiement des salaires ou des factures aux organismes intermédiaires. Il nous reste à surmonter certaines difficultés techniques, de sorte que pour le système de Pajemploi, la contemporéanisation ne pourra intervenir qu'au 1 er janvier 2024. Quant aux bénéficiaires de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), ils devront attendre le 1 er janvier 2023, car nous avons besoin de passer une convention de gestion avec chacun des conseils départementaux en charge de la gestion de ces deux prestations.

En revanche, dès le 1er janvier 2022, les particuliers employeurs qui utilisent le CESU+ pourront bénéficier du crédit d'impôt de manière contemporaine, s'ils recourent à un service à domicile. Au 1er avril 2022, les particuliers qui passent par l'intermédiaire d'organismes comme des sociétés privées ou des associations pourront aussi bénéficier de la contemporéanisation du crédit d'impôt.

Telles sont les trois principales pistes de réforme que je tenais à vous présenter.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l'autonomie . - L'année dernière, à la même période, nous construisions les fondations d'une politique nationale en matière de perte d'autonomie, en créant et en finançant la cinquième branche de la sécurité sociale. Cette année, nous parachevons dans ce texte une étape essentielle de la réforme, en transformant dans la durée et en profondeur le secteur clé.

Cette réforme est ambitieuse et financée. Elle consacre 1,3 milliard d'euros aux mesures nouvelles, d'ici à 2025. Rien ne saurait se faire sans les territoires, notamment les conseils départementaux, qui sont les acteurs cruciaux de la politique de l'autonomie. Nous avons fait le choix de les conforter dans leurs compétences, car c'est au plus proche des réalités que de nombreuses décisions concernant les personnes âgées doivent être prises. Dans cette réforme, l'État tient résolument son rôle, en accompagnant les territoires.

Cette réforme est responsable. Son financement est assuré par les ressources qui ont été allouées à la branche autonomie. Nous investissons d'abord pour renforcer la lisibilité et la qualité de l'offre de services à domicile. Nous garantissons une plus grande équité des territoires. Ainsi, le Gouvernement mettra en place et financera un tarif national de 22 euros par heure d'intervention, c'est-à-dire un niveau de financement public minimum pour tous les services d'aide à domicile, ce qui représente un investissement de 240 millions d'euros, dès 2022.

L'instauration de ce tarif plancher correspond à la promesse de la politique menée par la branche autonomie de décloisonner les secteurs du handicap et du grand âge. La branche accompagnera les départements dans sa mise en oeuvre, en prenant à sa charge l'effort financier que cela représentera pour eux le passage à 22 euros de l'heure pour l'APA et la PCH. Tel était l'un des objectifs fixés dans le rapport de MM. Jean-Marie Vanlerenberghe et Dominique Watrin, en 2015.

Par ailleurs, le financement actuel des services de soins à domicile ne permet pas de répondre aux besoins croissants des personnes âgées, puisqu'il n'est pas fixé selon le profil des personnes prises en charge. Nous le rénoverons en lui attribuant un budget à la hauteur des enjeux.

Nous irons plus loin encore en créant un financement à la qualité, qui reposera sur une contractualisation entre les départements et les services à domicile. Cette dotation qualité ne saurait être un outil ou un montant figé par la loi depuis Paris. Elle devra répondre aux besoins spécifiques des territoires et des personnes âgées qui y résident. Elle financera des objectifs de service public, comme des horaires d'intervention élargis ou encore la couverture de zones blanches où il n'existe pas encore de services à domicile.

Nous voulons, en outre, garantir une plus grande simplicité et une meilleure coordination des services à domicile et des interventions. Une dotation de coordination sera allouée, dès 2022, pour entamer un grand chantier de simplification.

Il s'agira de créer, dès 2023, un interlocuteur unique pour nos concitoyens, auquel seront confiées des activités d'aide, d'accompagnement et de soin, réalisées jusqu'à présent par plusieurs structures différentes. Ainsi, la charge de la complexité des interventions n'incombera plus à la personne ou à son aidant.

Notre urgence, c'est aussi celle des métiers de l'autonomie. Parmi les solutions mises en oeuvre figurent les augmentations de rémunération du Ségur de la santé qui ont été étendues, ainsi que l'agrément de l'avenant 43 de la convention collective de la branche de l'aide à domicile. Durant la période allant de 2020 à 2022, plus de 2,8 milliards d'euros seront ainsi consacrés aux revalorisations salariales.

Certaines aides à domicile, en particulier celles qui sont employées par des services privés lucratifs, n'ont pas encore été prises en compte. Le dialogue social peut désormais s'ouvrir pour utiliser l'augmentation du financement horaire, grâce à la mise en place du tarif national à 22 euros.

Dans le même temps, nous souhaitons réformer les établissements et les adapter pour qu'ils puissent mieux accueillir des personnes d'un âge de plus en plus avancé. Nous devons tout d'abord répondre au défi de l'absentéisme des professionnels qui y travaillent. Certains considèrent qu'il suffirait de recruter 200 000 professionnels pour régler tous les problèmes des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Or il ne sert à rien de financer des postes sans les pourvoir. Pour lutter contre l'absentéisme, il faut des revalorisations. Pour fidéliser les professionnels, il faut déployer un « plan métier ». Pour investir sur le personnel soignant, il faut financer 10 000 postes supplémentaires, en y consacrant 400 millions d'euros en 2025. Voilà comment nous répondrons de manière pragmatique au défi des Ehpad.

Nous généraliserons les astreintes d'infirmiers de nuit, nous augmenterons le temps du médecin coordinateur, dans tous les Ehpad, en dégageant une enveloppe de 67 millions d'euros en 2025.

Nous pérenniserons les acquis de la crise, en développant les équipes mobiles d'hygiène et de gériatrie dans les Ehpad, afin de mieux les sécuriser sur le plan sanitaire, grâce à une enveloppe de 7 millions d'euros, dès l'année prochaine.

Nous ouvrirons aussi de nouvelles missions pour les Ehpad, en incitant certains établissements à devenir des centres de ressources pour les professionnels du bassin de vie, notamment ceux du domicile.

Ces accompagnements renforcés, que l'on appelle à tort « Ehpad hors les murs », sont aussi ouverts aux services à domicile, car il ne faut pas segmenter le dispositif.

Enfin, le Ségur de l'investissement doté de 2,1 milliards d'euros n'est pas qu'une façade, il permettra la rénovation, la modernisation et l'ouverture des Ehpad. Des moyens seront alloués pour améliorer la qualité de vie des professionnels en Ehpad, grâce au déploiement de petits équipements.

Ce plan d'investissement est l'une des réponses que nous apportons à la crise qu'ont connue les Ehpad durant l'épidémie, afin d'éviter que ne se reproduise l'isolement des résidents face au virus. Ce besoin d'investissement pour répondre aux enjeux de la bientraitance en Ehpad a encore été rappelé, hier, en séance publique, par votre collègue Véronique Guillotin.

Des crédits arriveront dans les territoires pour permettre ces investissements, dès le mois de novembre prochain.

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Je vous remercie pour cette présentation du PLFSS pour 2022.

Comme vous l'avez dit, nous sommes en sortie de crise et nous avons été collectivement contraints durant cette période très compliquée. Vous nous proposez effectivement un texte « ambitieux », pour reprendre le terme employé par M. le ministre des solidarités et de la santé.

En tant que rapporteure générale, je souhaite que vous m'en disiez plus sur l'avenir de la dette. M. Dussopt a indiqué que la stabilisation du déficit à 15 milliards d'euros restait problématique, mais qu'il était difficile de lancer des réformes structurelles pour y faire face.

Ce PLFSS est le dernier du quinquennat et on le sent ! Toute mesure d'économie semble exclue. Le rapport, qui constitue l'annexe B et qui se projette sur les quatre prochaines années, n'esquisse aucune stratégie de dégrisement des comptes sociaux à l'issue de la crise.

La trajectoire présentée jusqu'en 2025 laisse à penser que la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) est un outil merveilleux ! Les 136 milliards d'euros de reprise de dette par la caisse seront saturés avant la fin de l'année 2022 et plus de 50 milliards de déficit supplémentaire devraient s'accumuler d'ici à 2025, sans perspective de retour à la normale.

Comptez-vous présenter au Parlement un projet de loi organique repoussant la date d'extinction de la dette sociale ? Si c'est le cas, quand le ferez-vous ?

En 2021, le budget de l'agence Santé publique France a été augmenté, par arrêté ministériel, de 4,3 milliards d'euros. Nous réaffirmons qu'une autorisation parlementaire ou un avis de la commission des affaires sociales aurait été nécessaire, préalablement à une telle augmentation, s'agissant de dépenses régaliennes et non assurantielles.

Comptez-vous adapter le montant de la compensation de l'État au regard du budget réel de l'agence ? Pourriez-vous préciser le budget qui sera attribué à Santé publique France, en période dite « classique » ?

Au regard de la situation financière de la sécurité sociale, pourquoi le Gouvernement ne propose-t-il pas une révision de la taxe exceptionnelle sur les organismes complémentaires d'assurance maladie (OCAM) en 2021 ni sa prolongation au-delà de l'année en cours ?

Mme Corinne Imbert , rapporteure pour la branche assurance maladie . - Après un dépassement majeur, de l'ordre de 14 milliards d'euros, en 2020, l'Ondam 2021 sera à nouveau largement supérieur au montant voté en loi de financement. Cela s'explique notamment par des provisions liées à la crise sanitaire sous-estimées au regard des besoins finalement constatés en matière de tests et de vaccins. Vous savez, monsieur le ministre, combien notre assemblée a regretté qu'un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale n'ait pas été déposé, malgré un relèvement de l'Ondam prévu de 11,7 milliards d'euros. Cela étant, quelle hypothèse vous conduit à faire, pour 2022, une provision, au titre de la crise sanitaire, à hauteur de 4,9 milliards d'euros pour les tests et les vaccins ? De quelle lisibilité disposez-vous ?

Je m'inquiète des prévisions de plus long terme apportées par l'annexe B et du déficit attendu pour la branche maladie en 2025, près de 15 milliards d'euros, sans dépenses exceptionnelles. Est-ce à dire que les réformes structurelles seront renvoyées au-delà ?

Nous sommes tous d'accord, la protection de la santé est une priorité, la modernisation et la transformation de notre système de santé sont une nécessité et les investissements hospitaliers et les revalorisations sont incontournables. Cependant, comment comptez-vous assurer la soutenabilité financière du régime d'assurance maladie et de la sécurité sociale ?

Concernant le financement des services d'urgence, des services de psychiatrie ou de soins de suite et de réadaptation, le PLFSS comporte, cette année encore, des dispositions modifiant les réformes engagées. La nécessité de ces ajustements n'est-elle pas, justement, le signe inquiétant pour la viabilité du modèle de financement que ces réformes visaient à instaurer ?

Je salue l'idée de créer le statut de préparation spéciale pour permettre à des pharmacies hospitalières, à des établissements pharmaceutiques hospitaliers et à Santé publique France de produire en urgence des médicaments essentiels, faisant l'objet de tensions et de ruptures. Vous avez évoqué les médicaments anesthésiques, que les pharmacies hospitalières avaient su préparer. Quel a été leur délai de réaction ?

M. René-Paul Savary , rapporteur pour la branche vieillesse . - Par le biais de l'amortissement, on transforme la dette, qui est une dépense, en produits financiers. On dirait que vous souhaitez en faire un modèle pérenne.

La revalorisation des pensions a été estimée à 1,1 % en 2022, en tenant compte de l'inflation. Parviendra-t-on à respecter ce taux au regard du rebond d'inflation que l'on observe ?

Hier, lors des questions d'actualité au Gouvernement, le secrétaire d'État chargé des retraites a évoqué un déficit cumulé de plus de 100 milliards d'euros d'ici à 2030. La situation est encore plus grave que je ne l'imaginais ! Comment s'explique ce chiffre ?

Il a également déclaré qu'il était partisan, comme le Président de la République, d'un allongement de la durée de travail des Français. Je suppose par conséquent que, si nous vous proposons d'allonger cette durée dans le cadre du PLFSS, vous émettrez un avis favorable...

Le rapport Blanchard-Tirole propose un départ à la retraite qui serait choisi, en fonction notamment du taux de remplacement. Quel est votre avis sur cette proposition ?

M. Olivier Henno , rapporteur pour la branche famille . - La crise du covid nous a obligés à consacrer des moyens supplémentaires pour la santé par endettement. À titre personnel, je regrette que l'on n'ait pas profité de l'occasion pour engager une réforme systémique.

La branche famille n'est pas une priorité en tant que telle de ce PLFSS. On peut le regretter, puisque la natalité française diminue. Elle est de 1,83 enfant par femme en 2020, alors même que le désir d'enfant s'élève à 2,39, ce qui démontre l'intérêt d'éventuelles mesures d'accompagnement.

L'intermédiation financière des pensions alimentaires me paraît une bonne chose. Pouvez-vous nous en donner un bilan un peu plus précis ?

Le nouveau dispositif d'aide sociale et fiscale au service à la personne ne sera appliqué qu'en 2024. Ne pourrait-on pas faire mieux ?

Le rapport de Julien Damon et de Christel Heydemann relatif à la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle des parents a été remis à la ministre du travail le 6 octobre dernier. Il recommande une réforme d'ampleur des congés familiaux et du dispositif de prestation partagée de l'éducation de l'enfant (PreParE). Quelle suite le Gouvernement entend-il donner aux conclusions de ce rapport ?

Mme Chantal Deseyne , en remplacement de Mme Pascale Gruny, rapporteure pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles . - Comme chaque année, nous examinons le transfert de la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) à l'assurance maladie au titre de la sous-déclaration des maladies professionnelles. Le PLFSS propose, en ligne avec la commission chargée d'évaluer le montant réel de cette sous-déclaration, de relever le montant de ce transfert à 1,1 milliard d'euros. M. Moscovici, interrogé à ce sujet la semaine dernière, a qualifié la sous-déclaration de « certainement pas univoque ». Ne faudrait-il pas, à cet égard, compléter les travaux de la commission d'évaluation ?

M. Moscovici a également souligné que le PLFSS pour 2022 allait un peu dans le sens d'une contribution des excédents de la branche AT-MP au financement des autres branches. Si l'ambition du transfert est de compenser non pas la sous-déclaration, mais les déficits d'autres branches, ne faudrait-il pas l'assumer plus ouvertement ?

Concernant l'extension du périmètre du fonds d'indemnisation des victimes des pesticides aux médicaments antiparasitaires vétérinaires, l'article 101 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 prévoyait que le Gouvernement remette un rapport au Parlement sur le sujet pour apprécier son bien-fondé. Le Gouvernement n'a pas respecté cette obligation législative. Pourquoi ? Pouvez-vous préciser sur quelles données scientifiques se fonde cette extension ?

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour la branche autonomie . - Les perspectives pluriannuelles de la branche autonomie prévoient un retour à l'équilibre en 2024, grâce notamment à l'apport d'une nouvelle fraction de la contribution sociale généralisée (CSG), en application de la loi relative à la dette sociale et à l'autonomie, mais nous savons bien que l'ampleur des besoins, qui sont loin d'être couverts par le présent PLFSS, appellera des dépenses bien plus importantes à l'avenir, en raison de la démographie, de la nécessaire amélioration de l'offre et des besoins importants dans le domaine du handicap. Des propositions de financements nouveaux ont été mises sur la table, notamment par le conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA). Où en est le Gouvernement dans ses réflexions par rapport à ces évolutions ?

La création de la branche autonomie vise à mieux piloter les politiques de l'autonomie, ce qui suppose une meilleure visibilité sur les dispositifs, donc un périmètre de branche aussi large que possible - le rapport Vachey a fait des propositions en ce sens -, mais également une déclinaison territoriale efficace de cette politique. Sur le second point, nous pensons qu'il aurait sans doute fallu une loi Grand âge, mais c'est un autre sujet. Sur le premier, pourquoi n'avoir pas saisi l'occasion de ce deuxième exercice pour consolider le périmètre de la branche autonomie dans le PLFSS ?

De tous les risques de sécurité sociale, celui de la perte d'autonomie des personnes âgées est le mieux étayé. Il faut renforcer l'effort sur les deux piliers de soutien à l'autonomie, dont de récents rapports ont bien documenté l'importance : la prévention de la perte d'autonomie et l'aide apportée aux aidants. Comment expliquer que ce PLFSS soit si mince en la matière ?

Vous avez évoqué tout à l'heure les revalorisations issues du Ségur. Le périmètre a été élargi, mais tous les professionnels ne sont toujours pas concernés, au point que pourront se côtoyer, dans un même établissement, des professionnels revalorisés et d'autres qui ne le sont pas. Comment expliquer cette situation ? Surtout, comment gérer, sur le territoire, ce qui peut apparaître comme une distorsion dans les rémunérations ?

S'agissant de l'aide à domicile, le texte prévoit des mesures intéressantes, comme l'instauration de tarifs plancher de 22 euros, la refonte de la tarification des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et la fusion des différents services d'aide à domicile. Vous avez annoncé, à l'Assemblée nationale, une bonification qualité de 3 euros. Pouvez-vous détailler ce mécanisme et surtout nous indiquer qui le financera ? Pouvez-vous nous donner quelques précisions sur la fusion de structures ?

Vous avez évoqué de nouvelles mesures, notamment pour porter le temps des médecins coordonnateurs dans tous les Ehpad à 0,4 équivalents temps plein (ETP). C'est un effort intéressant, mais comment imaginer concrètement cette évolution sur le terrain, compte tenu de la faible attractivité de la profession ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué . - Sur la soutenabilité des finances de la sécurité sociale, je veux d'abord dire à Mme la rapporteure générale qu'il est à nos yeux trop tôt pour décider s'il faudrait ou non apporter une réponse de nature organique à la question de la dette de la sécurité sociale et d'éventuels transferts à la Cades. La loi organique votée en août 2020 prévoit un quantum total de 136 milliards d'euros. Le PLFSS prévoit, comme prévu, un transfert de 40 milliards d'euros en 2022, mais les évolutions sanitaires de cette année et, surtout, la vigueur de la reprise économique nous amènent à revoir les niveaux de déficit prévisionnels. Bien évidemment, si la reprise est plus forte qu'envisagé, les niveaux de déficit auront vocation à baisser et la loi organique sera suffisante pour y faire face.

Nous n'avons pas d'inquiétude à court terme. D'ailleurs, nous vous proposons de baisser le plafond d'emprunt de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) de 95 à 65 milliards d'euros. Cela illustre, à nos yeux, le retour vers une forme de normalisation.

En ce qui concerne Santé publique France, notre objectif est évidemment de lui permettre de répondre aux besoins. C'est la raison pour laquelle 3,3 des 4,9 milliards d'euros de provisions covid lui sont destinés, dans le cadre de la vaccination. Cet organisme est rattaché au sixième sous-objet de l'Ondam. Nous essayons de garantir le maximum de transparence. C'est d'autant plus nécessaire pour témoigner du retour à la normale du budget de Santé publique France dans les prochaines années.

Pour ce qui concerne les organismes complémentaires, je rappelle que nous avons procédé à un prélèvement de 1,5 milliard d'euros au total, comme nous l'avions annoncé. Nous avons, à ce stade, décidé de ne pas mettre en oeuvre de nouveaux prélèvements, y compris pour tenir compte d'effets de rattrapage, même si nous considérons que ce rattrapage n'est pas à la hauteur de l'économie de constatation. Par ailleurs, contrairement à ce qui a pu être affirmé par certains dans la presse, nous considérons que la modération, voire la stabilité des cotisations payées par les adhérents serait une meilleure politique qu'une augmentation systématique.

Enfin, s'il n'y a pas d'économie tendancielle sur l'hôpital, ce dont nous félicitons - cela répond aux besoins de la situation -, ce PLFSS prévoit malgré tout un certain nombre de mesures d'économies : sur le secteur du médicament, pour un tout petit peu plus de 1 milliard d'euros ; sur la régulation des soins de ville, pour un peu plus de 750 millions d'euros ; de manière plus marginale en montant, mais importante symboliquement, en matière de lutte contre la fraude, à hauteur de 90 millions d'euros. Il faut le souligner, car cela fait aussi partie des sous-jacents de la construction des trajectoires, même lorsqu'elles sont dégradées.

Madame Imbert, entre le déficit de l'assurance maladie que nous envisagions pour 2020 et le déficit assez structurel que nous anticipons pour 2024 et les années suivantes - autour de 15 milliards d'euros -, il y a effectivement un lourd effet des accords du Ségur, puisque les 10 milliards d'euros de revalorisation viennent s'ajouter aux 5 milliards d'euros de déficit que nous anticipions avant la crise du covid. Cela n'enlève rien à la pertinence des accords du Ségur, mais cela fait partie des éléments de l'équation qu'il nous faudra résoudre par le pilotage et par les réformes que nous aurons à mettre en oeuvre.

Les 5 milliards d'euros correspondent au financement du rappel vaccinal, à hauteur de 3,3 milliards d'euros, et à la prise en charge des tests PCR de manière résiduelle, à hauteur de 1,6 milliard d'euros, le nombre de tests diminuant logiquement au fur et à mesure de l'amélioration de la couverture vaccinale de la population.

Monsieur Savary, la revalorisation des pensions à hauteur de 1,1 % est effectivement calculée en appliquant la même méthode que les années précédentes, avec un indice glissant entre novembre de l'année n-1 et octobre de l'année n. En anticipation des revalorisations au mois de janvier, notre hypothèse est un plancher à 1,1 %. Nous disposerons des chiffres définitifs de l'inflation autour du 15 novembre. Ces chiffres permettront d'ajuster le mouvement autant que de besoin. Il faudra malgré tout garder en tête que le ressaut d'inflation que nous connaissons pour l'année 2021 aura un effet sur les mois de novembre et de décembre et qu'il y aura un effet de rattrapage en janvier 2023.

Comme l'a dit le Premier ministre, nous considérons, à ce stade, que les conditions pour rouvrir le débat sur la réforme des retraites ne sont pas réunies. Nous ne pourrons donc pas accueillir favorablement les éventuelles mesures paramétriques que vous nous proposeriez.

Monsieur Henno, la contemporanéisation du crédit d'impôts pour les services à la personne (Cisap) est une très bonne mesure. C'est une mesure de simplification, c'est une mesure de trésorerie pour les ménages et c'est une mesure qui facilite l'entrée dans le système de l'emploi à domicile. En effet, alors que, aujourd'hui, l'employeur doit attendre entre 12 et 18 mois pour bénéficier du crédit d'impôt de 50 %, au 1 er janvier, pour les utilisateurs du CESU+, le remboursement sera effectué à la fin de chaque mois. En 2022, les particuliers employeurs qui sont déjà dans le système bénéficieront simultanément du versement par l'État du crédit d'impôt au titre de ce qu'ils auront dépensé en 2021 et du versement du nouveau crédit d'impôt. C'est pour nous une belle façon de simplifier la vie des ménages, de leur donner des gains de trésorerie et de lutter contre le travail illégal, qui peut représenter jusqu'à 20 % du travail dans ce secteur.

Je préfère très clairement afficher un calendrier qui nous garantisse la réalisation et l'efficacité technique du système plutôt que de prendre le risque d'un plantage du système.

L'intégration de cette disposition à Pajemploi nécessite des développements extrêmement complexes ; nous ne voyons pas comment on pourrait aboutir avant le 1 er janvier 2024. Une refonte du système est en cours ; peut-être nous permettra-t-elle de gagner un an, mais nous ne pouvons le garantir.

Madame Deseyne, la fourchette de sous-évaluation retenue pour le transfert de la branche AT-MP vers la branche maladie en 2022 correspond à la fourchette basse de l'avis rendu par la commission consultée. Nous pressentons une trajectoire haussière, sans que je puisse le garantir. Au titre de la solidarité entre branches, nous prévoyons aussi un transfert d'un milliard d'euros de la branche famille vers la branche maladie afin de compenser les indemnités journalières versées pour la garde d'enfant.

M. Olivier Véran, ministre . - Madame la rapporteure générale, concernant les organismes complémentaires, la question de la taxe se posait légitimement : sur environ 2,2 milliards d'euros non dépensés, on en avait pris 1,5 milliard les années précédentes. Le choix qui a été fait a été de ne pas prélever de taxe complémentaire, mais de demander avec fermeté à l'ensemble des organismes complémentaires de modérer la hausse des cotisations pour 2022.

Je dois vous avouer que le message n'était peut-être pas assez clair : plusieurs acteurs ont déjà annoncé que cette hausse sera au moins égale à l'inflation. Comptez sur moi pour exercer toutes mes capacités de conviction et leur rappeler les engagements que nous demandons en échange de notre modération en matière de taxes.

Madame Imbert, la réforme du financement des urgences est entrée en vigueur en 2021, les urgentistes semblent être satisfaits de la simplification du travail administratif et de la meilleure prise en compte de la qualité de leur travail. S'agissant de la psychiatrie, le décret est paru le 30 septembre, la réforme entrera en vigueur au 1 er janvier prochain. Toutes les simulations ont été faites ; une garantie de financement est offerte sur quatre ans. D'après nos simulations, au moins 90 % des établissements privés sortent gagnants de cette réforme, qui permettra également de sortir le financement de la psychiatrie publique d'une enveloppe jusqu'alors figée, alors que les besoins évoluent vite.

Quant à la production de médicaments par les pharmacies hospitalières en cas de rupture, pérenniser cette démarche dans la loi devrait permettre d'accélérer à l'avenir leur réactivité. Un critère industriel va enfin être intégré dans la fixation des prix. Une partie de la recherche et développement et de la fabrication des médicaments se fait enfin sur notre sol ; je sais que vous y êtes sensible et que le travail des sénateurs a été crucial en la matière : nous ne sommes pas sourds même si nous n'acceptons pas toujours tout immédiatement ! L'accord-cadre avec le comité économique des produits de santé (CEPS) a été signé par plus de 80 % des mandants du Leem, l'organisation professionnelle des industriels pharmaceutiques. Des appels à projets français et européens encouragent la production locale de médicaments : on en voit déjà les effets, notamment pour le paracétamol ; une usine de thérapies cellulaires pour cancers et lymphomes a ouvert aux Ulis, qui produit pour l'Europe entière. Quelque chose de nouveau et d'ambitieux s'enclenche !

Madame Deseyne, concernant les antiparasitaires, l'étude d'impact du PLFSS présente les éléments de la décision.

Monsieur Henno, concernant le rapport Damon-Heynemann, le Gouvernement a porté plusieurs réformes ambitieuses en matière de congés familiaux : doublement du congé paternité, création d'un congé paternité spécifique pour les enfants prématurés, ou encore amélioration du congé maternité pour les travailleuses indépendantes. Nous avons demandé à ces experts des propositions concrètes en faveur d'une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. On étudie notamment la refonte de l'ensemble des congés familiaux, pour qu'ils soient mieux partagés entre parents. Ce serait très structurant, mais une telle réforme ne pouvait pas être présentée dans les délais impartis ; cette réflexion servira pour l'avenir.

Vous avez aussi demandé un bilan plus exhaustif de l'intermédiation des pensions alimentaires. En septembre, on en était à 45 000 demandes d'intermédiation financière : le dispositif est plébiscité ! Parmi elles, 40 000 émanent de personnes faisant face à des impayés, 4 000 d'autres usagers, et 470 ont été transmises par des juridictions. Aucune n'émane d'avocats ; c'est pourquoi nous renforçons le dispositif pour le rendre automatique.

Certes, ce PLFSS comporte peu de mesures législatives sur la branche famille, beaucoup de mesures réglementaires sont prises. J'ai assuré la semaine dernière la conclusion de la Conférence nationale des familles, organisée pour la première fois depuis 13 ans, où nous avons notamment annoncé un travail sur l'infertilité, ses causes et l'accompagnement des couples infertiles, en lien avec la santé environnementale et la lutte contre le tabac.

Madame Deseyne, il est apparu à la lecture de la littérature scientifique que les médicaments antiparasitaires mentionnés comme pesticides dans les tableaux du régime agricole ont des effets analogues aux produits phytosanitaires et aux biocides. C'est pourquoi on a décidé d'étendre sans attendre le périmètre du fonds que vous évoquez.

Monsieur Mouiller, le Ségur de la santé, à l'origine, visait les blouses blanches à l'hôpital. Les syndicats nous ont vite demandé de valoriser tous les métiers de l'hôpital, au-delà des soignants, ce qui nous a paru légitime. L'enveloppe a aussi été élargie, par équité, au secteur privé, non lucratif et lucratif, puis aux soignants salariés du milieu associatif ou de la fonction publique d'État. De nouveaux décalages ont été révélés par le rapport Laforcade, ce qui a conduit à un nouvel élargissement. On compte aujourd'hui plus de 2,5 millions de bénéficiaires du Ségur de la santé ! La question légitime que vous posez concerne, par exemple, un éducateur spécialisé qui travaille dans le même établissement qu'une infirmière ou un médecin, mais ne profite pas de ces dispositions, contrairement à eux. Peut-être l'objectif initial du Ségur n'était-il pas de revaloriser tout le travail social, mais je suis très sensible à ces questions. Au total, 3 millions de salariés travaillent dans le secteur social ; ils dépendent de plusieurs ministères. Il faut un regard juste et ambitieux sur cette question ; j'ai chargé Mathieu Klein, nouveau président du Haut Conseil du travail social, de me remettre une feuille de route sur cette question d'ici à mars prochain, afin que nous puissions engager des travaux à plus longue échéance.

Monsieur Savary, la sécurité sociale paye ses dettes ! Des sommes monumentales ont été transférées à la Cades au titre de la dette sociale lors des précédentes mandatures, cette dette devait être soldée d'ici à 2025, mais on la rembourse plus rapidement. Il n'y a pas d'inquiétude à avoir : la Sécu est solide ! La dette liée au covid-19 sera remboursée comme les autres. Il faudra une réflexion spécifique sur la branche retraites, très déficitaire, mais je vous renvoie sur ce point au discours du Président de la République du 12 juillet dernier sur les conditions qui permettront ce travail. Tous les travaux engagés ou diligentés par les pouvoirs publics depuis des mois doivent faire l'objet d'une réflexion globale pour trouver le juste chemin.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée . - Concernant le périmètre de la cinquième branche, il convenait déjà de consolider l'étape fondatrice du virage domiciliaire. Les pays qui l'ont effectué ne sont jamais revenus en arrière. À nous de le mener, à travers ce PLFSS et les mesures déjà prises. Cette préparation systémique d'une cinquième branche excédentaire est exemplaire.

Concernant les aidants, l'effort n'est pas mince. Une stratégie nationale est élaborée depuis trois ans, avec les parlementaires et les associations concernées. Nous dépensons 105 millions pour trouver des solutions de répit adaptées à des situations extrêmement variées. Le congé proche aidant est une mesure phare de cette stratégie nationale, mais il faut aussi regarder ce que les citoyens demandent : le recours à ce dispositif n'est pas encore une évidence, il faut le faire connaître aux entreprises et à travers elles aux salariés. Il y a 11 millions d'aidants aux situations extrêmement variées ; on ne peut pas avoir une ligne budgétaire toute simple.

Qui paie la dotation complémentaire dont nous parlons ? Les départements percevront un financement au prorata du nombre d'heures d'interventions effectuées l'année précédente, presque à hauteur de 100 %. Un appel à candidatures visera les services à domicile qui veulent percevoir cette dotation complémentaire ; ceux qui seront retenus pourront signer une convention afin de bénéficier de la dotation des conseils départementaux. C'est bien à ceux-ci qu'on donne la main pour la gestion de cette dotation, suivant des critères que nous définirons avec les parlementaires.

Quant aux médecins coordinateurs, il est très difficile d'en recruter, bien plus que de définir le nombre requis. Le travail lui-même n'est pas assez qualifié. On travaille avec les syndicats, qui nous ont expliqué que le faible temps de vacation, parfois un seul jour par semaine, n'était pas intéressant pour les médecins. C'est pourquoi nous augmentons le temps de mission. Nous voulons que dans chaque Ehpad on ait l'assurance d'avoir un temps de médecin coordinateur, avec une montée en puissance par la suite. Cela se fera en revalorisant ces métiers dans leurs fonctions et en leur donnant des missions plus intéressantes.

Les fusions de structures se feront sous l'impulsion des agences régionales de santé (ARS) et des départements. Ceux-ci doivent y être associés ! C'est pourquoi nous avons donné des consignes précises en la matière. On aide les départements pour ses fusions, qui sont attendues par les citoyens et même par les départements. Chacun des présidents de conseil départemental que j'ai rencontré m'a dit qu'il y a trop de structures aux statuts différents. Il faut donc revoir tout cela, en accompagnant les départements dans cette réorganisation financière.

M. Laurent Burgoa . - Avec ses 30 000 intervenants, le secteur de la prestation de santé à domicile répond aux besoins de 2,5 millions de personnes et est facteur d'économies. Or il voit ses tarifs diminuer et certaines de ses prestations sont remises en cause. Quelles mesures allez-vous prendre pour le préserver ?

Mme Laurence Cohen . - Il est vrai, Monsieur Dussopt, que la crise a montré la solidité de notre système de protection sociale. Mais le mouvement d'étatisation de la Sécurité sociale m'inquiète, notamment après le vote par le Sénat de l'intégration des dépenses de l'assurance chômage et votre annonce d'une centralisation du recouvrement des cotisations retraite par les Urssaf. Je vous rappelle notre proposition de suppression de toutes les exonérations de cotisations sociales : cela engendrerait des revenus supplémentaires.

Monsieur Véran, pourrions-nous avoir plus de détails sur la répartition du Ségur : qui en profite ?

L'Ondam augmentera certes de 2,7 %, mais l'inflation est de 1,5 % ; il faudrait 4,5 % pour répondre aux besoins de santé.

Les pharmacies centrales des hôpitaux jouent un rôle crucial, elles seront un premier maillon du pôle public du médicament que nous appelons de nos voeux.

Madame Bourguignon, 10 000 créations d'emplois sur cinq ans dans les Ehpad, c'est à peine un emploi de plus dans chaque Ehpad. Vous me rétorquerez qu'ils s'ajoutent aux 10 000 emplois déjà créés depuis 2017 (Mme Bourguignon le confirme). C'est bien loin des besoins que les syndicats chiffrent à 100 000 emplois chaque année, pendant trois ans.

Mme Laurence Rossignol . - La création de certains centres dentaires a donné lieu à de nombreuses dérives. Comment comptez-vous remettre de l'ordre ?

La proposition de loi sur l'allongement des délais de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est désormais inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Or celui du Sénat est d'ores et déjà saturé. Pourquoi alors ne pas envisager un amendement gouvernemental dans le cadre du PLFSS ?

Mme Florence Lassarade . - Ne pourrait-on pas instaurer enfin le carnet de vaccination numérique ?

Les mesures d'isolement et de contention sont contraignantes pour les établissements psychiatriques, qui ont dû embaucher des psychiatres. La nouvelle décision du Conseil constitutionnel alourdit-elle encore ces contraintes ? Quel financement pour les hôpitaux ?

Enfin, le PLFSS propose d'étendre les missions des orthoptistes.

Pour autant, l'orthoptiste ne saurait se substituer à l'ophtalmologiste lors de la première consultation, notamment en ophtalmologie pédiatrique.

Mme Michelle Meunier . - Merci Monsieur Véran pour votre présentation euphorique de ce dernier PLFSS du quinquennat. Je salue votre dynamisme.

Je déplore l'abandon du projet de loi sur le grand âge et l'autonomie. Même si vous annoncez quelques mesures, le compte n'y est pas : il nous manque une vision globale. Les appels à projets que vous annoncez sur l'évolution des Ehpad ne risquent-ils pas de favoriser les structures privées lucratives ?

J'entends votre volonté de compenser les départements, mais sachez qu'avec 3 000 aides à domicile, le département de la Loire-Atlantique va devoir trouver 500 000 euros !

M. Daniel Chasseing . - Le passe sanitaire a été un succès. L'Ondam et les nouvelles mesures que vous annoncez vont dans le bon sens.

Le projet de création d'une cinquième branche de l'Assurance maladie avait suscité un espoir. Vous annoncez 10 000 créations de postes pour 2025, c'est catastrophique : à peine un poste supplémentaire par Ehpad ! On n'y compte déjà que 0,6 emploi en équivalent temps plein (ETP) par pensionnaire, alors que les résidents sont de plus en plus dépendants.

Il aurait fallu au moins deux emplois d'aide-soignant ou d'infirmier par Ehpad, soit un milliard d'euros supplémentaires. Pourquoi attendre 2025 ? N'avez-vous pas entendu les personnels des Ehpad ? C'est une augmentation du personnel de 10 % qui aurait été nécessaire !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Monsieur Véran, dans son dernier rapport, la Cour des comptes souligne le retard français en matière d'e-prescription qui ne sera obligatoire que fin 2024. Pourquoi un tel retard ?

Monsieur Dussopt, quand disposerez-vous des propositions du Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et quand seront-elles rendues publiques ?

En matière de fraudes, quelle est la méthode suivie par les caisses ? Selon quel calendrier ? Malheureusement, de nombreux contrôles ont été allégés à la faveur de la crise : quand les moyens seront-ils à nouveau renforcés ?

En matière de recettes, les restes à recouvrer sont importants : une dizaine de milliards d'euros au titre de 2020 et 7 milliards au titre de 2021. Que comptez-vous faire ?

Madame Bourguignon, avez-vous évalué les dépenses induites pour les départements dont le tarif était inférieur à 22 euros ?

Certains Ehpad pourront devenir centre de ressources territorial afin d'accompagner le virage domiciliaire. Qui en prendra l'initiative ? L'Agence régionale de santé (ARS) ? Qui tranchera si plusieurs Ehpad sont candidats ?

Mme Victoire Jasmin . - Les territoires d'outre-mer font face à des surcoûts importants, notamment sur la maintenance et les matières premières. Par exemple, pour un technicien de maintenance dépêché sur place, il y aura des frais d'avion et de séjour... La multiplication des intermédiaires et les contrats d'exclusivité contribuent aussi à faire flamber les prix.

Les personnels de laboratoire ont beaucoup donné, tout en restant dans l'ombre. Il serait juste de les reconnaître dans le cadre du Ségur.

Le contrôle des Ehpad - sur les prix, les prestations, la qualité - doit être plus efficace. Nous avons besoin de chartes de bonnes pratiques.

Mme Cathy Apourceau-Poly . - Madame Bourguignon, nous sommes favorables à la revalorisation des salaires des aides à domicile, mais votre annonce ne concerne malheureusement que les salariés du secteur public et du privé non lucratif. Quel est l'état de vos discussions avec les fédérations privées lucratives afin qu'elles s'alignent ?

Le décret du 6 septembre prévoit que le financement sera assuré par l'État jusqu'à fin 2021, puis partagé avec les départements à partir de 2022. Mais les départements ne sont pas bien riches... Que ferez-vous si les départements ne peuvent pas suivre ?

Vous avez renoncé à la création d'une branche dite autonomie et annoncez des mesurettes dans le PLFSS : nous le regrettons. Pourquoi ne pas mettre à contribution les grosses entreprises qui font des bénéfices importants ?

M. Olivier Dussopt, ministre délégué . - Madame Cohen, je souhaite que la commission mixte paritaire (CMP) sur la proposition de loi organique de M. Mesnier aboutisse. L'intégration de l'Unedic dans le périmètre de la Sécurité sociale et des comptes sociaux a été votée par le Sénat en dépit de l'avis défavorable du Gouvernement et j'espère que cette disposition ne figurera pas dans le texte final.

Nous souhaitons unifier le recouvrement des cotisations : c'est ainsi que les cotisations Agirc-Arrco seront recouvrées par les Urssaf à partir de 2023. Le recouvrement n'est ni la définition de la politique ni la gouvernance, c'est juste une question de recherche d'efficience.

Monsieur Vanlerenberghe, les travaux du HCAAM sont intéressants, mais aucun nouveau rapport n'est prévu.

Les caisses consacrent 4 000 ETP à la lutte contre la fraude aux prestations sociales, mais aussi à la lutte contre la fraude aux cotisations sociales. Nous sommes dans une logique de normalisation des conditions de travail, avec la perspective d'un retour au niveau de contrôle d'avant-crise, voire à un niveau supérieur.

Sur l'ensemble des cotisations reportées, une dizaine de milliards a été annulée et 23 milliards restent à recouvrer. Quelque 450 000 plans d'apurement ont été envoyés, en commençant par les secteurs les moins touchés par la crise ; nous constatons un très faible taux de rupture dans les discussions ; ces plans s'étalent sur douze à trente-six mois - au lieu de six habituellement ; pour les indépendants, toute dette supérieure à 1 000 euros est apurée a minima sur vingt-quatre mois. La seule difficulté réside dans la communication : parfois, nos mails mettent du temps à être ouverts...

M. Olivier Véran, ministre . - Monsieur Burgoa, 200 millions d'euros d'économies sont prévus en 2022 sur l'ensemble du secteur du dispositif médical, dont les prestataires, les fabricants, les pharmaciens, etc. Malgré cette régulation, on observe une croissance de 5 % par an pour les prestataires.

Madame Cohen, vous avez dû recevoir ce matin le support détaillé du Ségur.

L'Ondam hospitalier tout compris augmente de 4,1 % : l'effort de la Nation pour l'hôpital est conséquent.

Madame Rossignol, oui, il y a des centres dentaires de qualité et d'autres qui sont une calamité - il y a notamment eu de grandes difficultés en Bourgogne-Franche-Comté. N'attendons pas qu'il y ait des dégâts. Certains centres peu vertueux exercent une pression très forte sur des dentistes qui sont souvent étrangers ou ferment la porte pour ouvrir ailleurs, au détriment des dentistes comme des patients. Notre système ne fonctionne pas. Les contrôles et les sanctions ne sont pas suffisants.

Je propose un dispositif de conventionnement a priori explicite afin de s'assurer de la qualité des prestations, avec, comme sanction financière, le cas échéant, le remboursement limité au tarif d'autorité fixé par arrêté et la possibilité d'un déconventionnement.

En outre, je souhaite que le régime des sanctions administratives à la main des directeurs généraux d'ARS soit renforcé, avec la possibilité d'une astreinte journalière allant jusqu'à 1 000 euros. Nous allons donc taper beaucoup plus dur et beaucoup plus fort. Il est inadmissible que des centres dentaires massacrent les mâchoires des Français en toute impunité ou presque ! Je sais que les parlementaires des deux chambres sont très sensibilisés sur cette question.

Plusieurs raisons plaident contre l'extension du délai d'IVG dans un PLFSS. Tout d'abord, une telle mesure n'a strictement rien à voir avec un texte budgétaire. Ce ne serait pas satisfaisant sur le plan démocratique et le risque que le Conseil constitutionnel y voie un cavalier social n'est pas minime. La position personnelle que j'ai exprimée sur cette question n'engage pas le Gouvernement, qui n'a pas l'intention de déposer un amendement sur le sujet. Enfin, la mesure pourrait donner lieu au dépôt de milliers d'amendements, ce qui constituerait une mise en danger du texte budgétaire qu'est le PLFSS. Le risque d'obstruction parlementaire est élevé.

Monsieur Vanlerenberghe, les e-prescriptions ont été ouvertes par l'ordonnance du 18 novembre 2020. Nous ne pouvons pas aller trop vite, car la mise en oeuvre du dispositif est techniquement lourde et nécessite énormément de sécurisation. Nous progressons sur ce dossier, mais nous voulons éviter tout risque de plantage.

Madame Lassarade, nous avons pensé au carnet de vaccination électronique. En réalité, l'analyse technique a montré que c'était trop fragile en termes de sécurisation de données et que le système d'information n'était pas suffisamment solide. Néanmoins, je vous rappelle que, au 1 er janvier 2022, « Mon espace santé » sera ouvert pour tous les Français. Ce gros carnet de santé électronique, avec système d'e-prescription et de communication numérique, sera une véritable avancée et inclura la question de la vaccination.

La mesure relative à la contention psychiatrique est censurée chaque année par le Conseil constitutionnel. Nous retentons, cette année, de faire passer cette mesure, qui fait consensus dans la profession. Le sujet est extrêmement sensible. Nul doute que nous aurons l'occasion d'en débattre.

La très grande consultation menée auprès de la filière visuelle a montré qu'il n'y avait pas de risque à proposer la mesure relative aux orthoptistes : chacun reste dans son rôle. Il n'y a aucune volonté de nier les compétences des ophtalmologistes ni de négliger le risque de décollement de rétine chez les grands myopes. C'est pourquoi la mesure ne concerne que des personnes plutôt jeunes et en bonne santé. Un amendement intéressant a été adopté hier à l'Assemblée nationale : il précise qu'une primoprescription réalisée par un orthoptiste ne peut être renouvelée sans qu'il y ait un bilan ophtalmologique à un moment donné. Je répète que la mesure proposée est utile et largement sécurisée.

Madame Jasmin, je ne vais pas rouvrir le débat sur le coefficient géographique ; cela prendrait trop de temps... Très concrètement, le rapport que j'avais promis sera transmis cette semaine au Parlement. Il dresse le bilan de la situation actuelle, en transparence. Il propose que l'on adopte une nouvelle méthode de calcul qui soit plus juste et robuste et qui prenne bien en compte l'ensemble des surcoûts liés à l'isolement ultramarin. Cependant, nous avons encore besoin que la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) travaille pour estimer la méthode, qui est plus lourde, pour pouvoir la mettre en oeuvre en 2023. En attendant, nous allons évidemment continuer d'accompagner les établissements.

Enfin, s'agissant des personnels publics, les techniciens de laboratoire passeront en catégorie A au 1 er janvier 2022, comme convenu dans le cadre du Ségur. Nous tiendrons cet engagement. Les techniciens des laboratoires privés relèvent de contrats de travail privés. L'État n'a pas vocation à abonder leurs salaires. Ils ont toute ma reconnaissance et je considère que, compte tenu de l'activité réalisée par les laboratoires depuis le début de la crise sanitaire, ils doivent être récompensés, mais je crois que c'est déjà fait dans un grand nombre de cas.

Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée . - Madame Cohen, il y a effectivement eu 10 000 postes depuis 2017, auxquels ce PLFSS ajoute 10 000 autres postes. Nous sommes donc déjà à 20 000.

Notre priorité est de pourvoir les postes qui ne sont pas pourvus actuellement. C'est l'urgence. Avec les 2,8 milliards d'euros de revalorisation salariale et le plan métiers que nous travaillons en amont, nous sommes justement en train d'essayer de répondre point par point à ces demandes exigeantes et légitimes.

Madame Meunier, la réponse aux enjeux du grand âge repose sur deux piliers. Je pense que vous partagez cette vision, si je me réfère à l'excellent rapport d'information que vous avez rédigé avec le sénateur Bernard Bonne, qui nous a inspirés. Nous sommes en train de mettre en place le modèle danois.

Il s'agit, d'une part, de réaliser le virage domiciliaire et, d'autre, part, de conforter, de rénover et, surtout, de moderniser les Ephad. Depuis l'année dernière, nous « mettons le paquet » sur le domicile, pour faire en sorte que les métiers répondent à la demande des Français. Pour réagir à vos inquiétudes sur l'investissement dans les Ehpad, je veux vous indiquer que j'ai envoyé une circulaire très précise à toutes les ARS, qui travailleront avec les territoires, et j'ai demandé aux départements et aux préfets de m'informer des projets, grands ou petits. Si les Ehpad sont très divers, chacun aura voix au chapitre. Par endroits, l'enveloppe relative aux petits équipements permet d'aider le personnel, dont la pénibilité du travail doit être reconnue, aussi bien que les résidents et leurs aidants. Il y a aussi un volet numérique. Nous avons mis en place des aides très rapides pour des petits projets, pour faciliter une déclinaison rapide sur les territoires.

Monsieur Chasseing, nous n'attendons pas 2025 pour revaloriser les soignants ! Nous avons commencé l'année dernière. Nous le faisons à hauteur de 400 millions d'euros chaque année.

Monsieur Vanlerenberghe, le coût du tarif plancher à 22 euros s'élève à 240 millions d'euros.

La création d'Ehpad centres de ressources fera l'objet d'un appel à projets des ARS, en lien étroit avec les départements, suivant la même logique de territoire que pour les investissements.

Madame Jasmin, vous avez raison, il faut être très vigilant sur le prix des prestations dans les Ehpad. Soyez assurée que nous le sommes. Nous travaillons étroitement avec la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour améliorer la lisibilité notamment des prix des prestations, pour éviter les abus dont pourraient être victimes les résidents, qui sont particulièrement vulnérables.

Madame Apourceau-Poly, sur l'avenant 43, le financement de l'État est bien pérenne, car il est prévu dans la loi. La compensation à 50 % sera bien maintenue ; je m'y engage. Nous avons répondu, pour ce qui concerne les services privés commerciaux que vous évoquez, à la demande des présidents de conseil départemental, avec le tarif national plancher qui doit leur permettre d'engager le dialogue social que nous souhaitons pour revaloriser leurs personnels.

Le financement de la branche est bien financé et permettra de faire face aux enjeux du futur.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Madame la ministre déléguée, Messieurs les ministres, nous vous remercions de vos réponses. Nous continuerons bien évidemment notre discussion lors de l'examen du PLFSS.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

M. Thomas Fatome,
directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie

Réunie le mercredi 20 octobre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Mes chers collègues, nous entendons ce matin M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

J'indique que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo en vue de sa retransmission en direct sur le site du Sénat. Elle sera consultable en vidéo à la demande.

Cette année encore, la branche maladie est marquée par l'ampleur de son déficit, de 30 milliards d'euros, avec une perspective de 15 milliards d'euros à l'horizon 2025.

Deux facteurs ont fortement déterminé ce solde, la crise sanitaire, de façon conjoncturelle et le Ségur de la santé, de façon plus structurelle.

L'actualité de la branche est aussi marquée par le cycle des négociations conventionnelles, dont vous pourrez nous détailler l'impact pour celles qui sont d'ores et déjà conclues.

Les sujets sont nombreux et l'intérêt des commissaires n'est jamais démenti. Je vous cède donc la parole.

M. Thomas Fatome, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie . - Quelques mots d'introduction pour confirmer que le PLFSS continue de s'inscrire dans un cadre financier totalement inédit pour l'assurance maladie, avec la conjonction des conséquences des pertes de recettes de 2020 liées aux différents épisodes du confinement et l'ampleur des dépenses supplémentaires liées à la crise du Covid-19.

Ce double effet ciseaux, entre baisse des recettes et augmentation massive des dépenses, aboutit à la succession de déficits totalement inédits : plus de 30 milliards d'euros en 2020, à peu près le même montant en 2021, et des perspectives financières dégradées en 2022. Le déficit de la branche maladie se maintiendrait, à l'horizon 2225, à un montant proche de 15 milliards d'euros, soit une perspective financière extrêmement dégradée, malgré le rebond économique que nous connaissons depuis le deuxième semestre 2021.

L'assurance maladie, en 2022, va continuer à supporter un certain nombre des dépenses conjoncturelles liées à la crise.

Le Gouvernement a fait une hypothèse de provisions pour des dépenses liées à la crise sanitaire à hauteur de 4,9 milliards d'euros dans l'Ondam 2022. Il prévoit également des dépenses plus structurelles liées au Ségur de la santé sur sa composante hospitalière - revalorisation de certaines professions et investissements hospitaliers.

Pour ce qui concerne plus directement l'assurance maladie, l'Ondam 2022 traduit l'avenant n° 9 signé fin juillet entre l'assurance maladie et les médecins libéraux, largement signé par les syndicats représentatifs. Il comporte un certain nombre de mesures d'amélioration d'accès aux soins pour les personnes âgées à domicile, les personnes handicapées, les enfants bénéficiaires de l'aide sociale à l'enfance (ASE), et soutient également un certain nombre de spécialités cliniques qui souffrent, en ville, d'une attractivité qui diminue, comme les psychiatres et pédiatres libéraux.

Cet avenant porte une ambition forte en matière de virage numérique, avec le soutien au déploiement de l'espace numérique de santé, de la messagerie sécurisée de santé et autres outils que nous allons développer à compter de cette année, comme le service d'accès aux soins (SAS), avec la brique de soins relative à l'organisation de la prise en charge des soins non programmés en ville.

La traduction financière de cet avenant va se concrétiser dès avril 2022 puisque les mesures tarifaires entreront en vigueur six mois après l'approbation de cet avenant.

Ce PLFSS comporte un certain nombre de mesures qui reprennent des propositions que l'assurance maladie a eu l'occasion de faire dans son rapport charges et produits pour 2022, établi en juillet 2021.

Je pense tout particulièrement à la réintroduction de la substitution des médicaments biosimilaires par les pharmaciens, dans des conditions qui sont peut-être mieux appréhendées que ce qui avait pu être fait lors des précédentes tentatives.

Le second élément rejoint les propositions que l'assurance maladie a faites avec la généralisation de l'expérimentation « Retrouve ton cap », qui vise à prévenir et accompagner les situations d'obésité chez les enfants, et qui s'appuie sur une expérimentation que l'assurance maladie réalise depuis moins de trois ans. Elle montre des résultats intéressants en termes d'évolution des comportements, sans que ce soit directement lié au rapport charges et produits de 2022.

D'autres mesures rejoignent les préoccupations de l'assurance maladie et les propositions qu'elle a pu faire ces dernières années en termes d'accès aux soins et de simplification de l'accès au droit.

Je pense aux mesures qui permettent d'améliorer l'accès à la complémentaire santé solidaire (CSS) pour les bénéficiaires du RSA, du minimum vieillesse et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Elles rejoignent l'action que les caisses d'assurance maladie mènent avec leurs partenaires associatifs, les CAF et les autres branches de la sécurité sociale pour améliorer le recours à la CSS.

Par ailleurs, même si cette mesure fait un peu parler d'elle, les évolutions en matière de filière visuelle et d'accès direct aux orthoptistes facilitent également l'accès aux soins. Je veux souligner l'importance de ces mesures pour répondre à un certain nombre de problématiques d'accès aux soins.

L'actualité conventionnelle de l'assurance maladie est marquée par deux principaux sujets. D'une part, nous souhaitons finaliser, d'ici la fin de l'année, les négociations permettant d'améliorer les différents cadres favorisant l'exercice coordonné des professionnels de santé. Je pense à l'avenant à l'accord conventionnel interprofessionnel sur les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Nous avons repris la semaine dernière ces négociations interrompues par les élections professionnelles de différentes professions médicales au printemps. Comment soutenir la nouvelle mission que nous proposons de leur confier en termes de préparation et de participation à la gestion des crises sanitaires ?

D'autre part, nous voulons également réenclencher les discussions sur l'accord sur les maisons de santé pluridisciplinaires, dont la dynamique de création se poursuit. Nous pensons néanmoins utile de continuer à améliorer les différents outils pour accompagner et soutenir les professionnels qui y travaillent.

La troisième partie de ce volet concerne les centres de santé, à propos desquels nous avons engagé des discussions avec les représentants début 2021, qui ont été suspendues au printemps. Nous pensons possible de conclure ces négociations avant la fin de l'année pour améliorer notre soutien aux centres de santé et consolider leur rôle sur un certain nombre de territoires.

Enfin, nous allons a priori enclencher les discussions du renouvellement de la convention avec les pharmaciens d'officine, importante pour l'assurance maladie. Les pharmaciens ont été des acteurs majeurs de cette crise. Ils ont montré leur implication en matière de politique de prévention, de vaccination, de tests et d'accompagnement des assurés. Nous allons travailler, à compter du mois de novembre, au renouvellement de cette convention et aborder beaucoup de sujets de prévention - parcours de soins, réseau territorial des pharmacies, bon usage du médicament, volet numérique en santé.

D'autres discussions conventionnelles ont également lieu avec les infirmières libérales autour du bilan de soins infirmiers. Nous avons réenclenché des discussions avec les masseurs-kinésithérapeutes. Notre actualité conventionnelle est relativement chargée, mais ce n'est pas, je crois, totalement éloigné de notre objet social.

Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Monsieur le directeur général, nous avons la chance de vous entendre au Sénat, mais nous avons aussi la possibilité, en tant qu'élus, d'aller à la rencontre de vos directeurs départementaux et de vos présidents.

Je l'ai fait cette semaine, et je voudrais vous dire mon admiration pour l'ensemble des capacités qu'ils ont pu mettre en oeuvre pendant la crise. Néanmoins, ils ont aussi travaillé à une meilleure présentation et à un meilleur accueil du public. Ces équipes m'ont impressionnée.

J'ai également consacré un temps assez long à l'Institution régionale des sourds et des aveugles (IRSA). Je dois dire que les articles sur la prévention font défaut dans ce PLFSS, même s'il contient un article sur la contraception jusqu'à 25 ans. Cela ne suffit toutefois pas.

Les marges de manoeuvre porteront sur l'efficience et la pertinence des soins, mais nous sommes tous acteurs de notre santé, et la prévention est très importante dans notre environnement.

Vous l'avez dit, la situation de la branche assurance maladie est dégradée. De votre côté, avez-vous réfléchi à des marges d'économies soutenables ? On peut supprimer certaines lignes budgétaires mais, pour autant, il ne faut pas priver les Françaises et les Français de la qualité des soins.

Concernant la dette hospitalière, le mécanisme retenu a été initialement présenté comme une reprise de dette. Puis on a entendu parler d'une dotation de soutien à l'investissement courant. Aujourd'hui, il s'agit d'une dotation destinée à des projets structurants. La succession de ces qualificatifs paraît étonnante.

Cette reprise est assurée par une dotation de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) aux établissements, qui transite par la CNAM. Nous nous interrogeons sur la place de ce dispositif dans le PLFSS et sur l'impact réel sur les comptes de la CNAM, dans la mesure où l'inscription comptable simultanée de la dépense et de la recette est tout à fait extérieure à l'assurance maladie. Nous n'avons pas cessé de le répéter au Sénat ces dernières années.

Quel rôle jouez-vous dans ce dispositif ? Ces dépenses apparaissent-elles dans l'Ondam et dans les dépenses de la branche maladie ? Quel suivi de ces dotations assurez-vous ?

M. Thomas Fatome . - Vos propos témoignent de l'investissement de l'assurance maladie pendant cette crise. Le réseau s'est beaucoup mobilisé pour accompagner les assurés et les professionnels de santé en matière de vaccination ou d'accueil du public. Je transmettrai vos remerciements aux équipes.

Deux mots s'agissant de la prévention pour souligner à quel point nous essayons d'avoir un retour d'expérience et de capitaliser sur ce que nous avons fait et continuons à faire en matière de prévention.

Je pense que les opérations de vaccination sont un exemple de ce que nous voulons reproduire dans d'autres cadres, comme le dépistage organisé. C'est une incitation à renforcer notre mobilisation dans différents champs de la prévention. Ce PLFSS, vous l'avez dit, notamment dans le domaine de la contraception ou de l'obésité, offre des outils supplémentaires en matière de prévention et de santé publique.

Concernant le contexte financier et les marges d'économies, nous avons engagé une rénovation de nos opérations de gestion du risque d'assurance, au coeur de notre politique de maîtrise médicalisée des dépenses, considérant que, pendant cette période, nos opérations de gestion du risque étaient mises entre parenthèses et qu'il était nécessaire de réinterroger cette démarche.

Notre objectif est d'être pleinement opérationnel à compter de 2022. Nous avons présenté, dans le cadre du rapport charges et produits, ce corpus qui vise à réinterroger cette gestion du risque, de l'information de prévention jusqu'au contrôle et à la lutte contre la fraude, en passant par l'action sur les parcours de soins et les prescriptions.

Nous avons dans ce même rapport réalisé une première série de propositions autour des économies à hauteur d'un milliard d'euros, montant significatif mais également faible par rapport au montant du déficit.

L'objectif de la démarche, sur l'ensemble des champs, est d'identifier davantage de moteurs d'efficience et afin que l'assurance maladie puisse contribuer plus fortement à une trajectoire de retour vers l'équilibre.

Elle sera mécaniquement progressive étant donné l'ampleur des déficits, mais nous pensons qu'il y a, dans l'ensemble du secteur, en matière d'organisation des soins, de renforcement de l'expertise coordonnée, d'efficience des parcours de soins, des gisements d'économies permettant de contribuer au redressement progressif des finances de l'assurance maladie.

Nous souhaitons, à compter de 2022, aboutir à des propositions plus structurantes sur ce sujet.

S'agissant de l'endettement hospitalier, l'assurance maladie intervient comme payeur dans le dispositif, ce qui est assez logique. S'agissant des mécanismes comptables et financiers, si le dispositif qui a été retenu n'impacte pas le déficit lui-même, il impacte les recettes et les dépenses de l'assurance maladie. En recettes, nous allons enregistrer la somme transférée par la CADES et, en dépenses, faire figurer les dotations annuelles aux établissements dans le cadre du soutien à l'investissement.

Si ces deux sommes s'équilibrent et que l'opération n'a pas d'impact sur le déficit de l'assurance maladie, ce dispositif a pleinement sa place en PLFSS.

Mme Corinne Imbert , rapporteure pour la branche assurance maladie . - Monsieur le directeur général, concernant l'Ondam, quelle est votre appréciation sur les provisions faites au titre de la crise sanitaire pour 2022 à hauteur de 5 milliards d'euros ?

Le calibrage pour les dépenses de vaccination est-il cohérent avec la dose de rappel qui semble devoir être faite, ainsi que pour les tests, avec la fin du remboursement pour les dépistages sans ordonnance ?

La perspective de dégradation pour l'assurance maladie à l'horizon 2025 à hauteur de 15 milliards d'euros, les autres branches se compensant entre elles, vous paraît-elle raisonnable ? Olivier Dussopt, la semaine dernière, affirmait que ce chiffre avait été construit à partir du déficit 2019 de 5 milliards d'euros, en y ajoutant les 10 milliards issus du Ségur de la santé. Est-ce à dire qu'on va être à l'équilibre en 2023-2024, au point que ce déficit ne se dégrade pas plus que les prévisions ?

Concernant les médicaments, les professionnels du secteur, comme le LEEM, soulignent les efforts nouveaux annoncés en soutien à l'innovation. Cela vous paraît-il compatible avec la trajectoire de maîtrise des dépenses du médicament ?

On sait que le retour à l'innovation va provoquer une croissance importante. Les paramètres de construction de 2021 ne sont-ils pas erronés ? Les médicaments représentant 12 % des dépenses de santé, le PLFSS est-il sincère ?

Concernant la réforme du financement des établissements de santé, certaines mesures d'ajustement concernent le financement de la psychiatrie, des soins de suite ou des urgences. Ces réformes vous paraissent-elles encore viables ou les modifications urgentes à y apporter laissent-elles envisager de nouveaux reports ou adaptations l'année prochaine ? Quelle est la part de la pédopsychiatrie ?

Par ailleurs, que pensez-vous des recommandations de la Cour des comptes, qui soulignait notamment les dépenses de biologie médicale et la prise en charge des téléconsultations ?

Concernant les dispositifs médicaux numériques de télésurveillance médicale, par quels moyens l'assurance maladie s'assurera-t-elle de l'utilisation effective de ces dispositifs par le patient ?

Quel bilan tirez-vous de l'adhésion des jeunes femmes aux méthodes contraceptives médicamenteuses ? La CNAM envisage-t-elle des campagnes d'information sur la sécurité et l'efficacité de cette dernière ?

Enfin, dans quelle mesure la prolongation de l'expérimentation des salles de consommation à moindres risques et leur adossement au centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers permettront-ils d'apporter des réponses à la problématique spécifique des consommateurs de crack ?

M. Thomas Fatome . - S'agissant des hypothèses de dépenses liées à la crise, le Gouvernement, dans le cadre de l'annexe 7 au PLFSS et du dossier de présentation, a prévu une provision à hauteur de 4,9 milliards d'euros, soit 3,3 milliards d'euros pour la prise en charge par l'assurance maladie de la campagne de vaccination, et 1,6 milliard d'euros pour les tests PCR et antigéniques.

Depuis le début de cette crise, l'objectif est avant tout de répondre aux impératifs de santé publique, de maximiser la couverture vaccinale et l'utilisation du rappel pour les populations éligibles, et de maintenir un accès facile aux tests et pris en charge par l'assurance maladie.

S'agissant des tests, tout dépendra de la circulation épidémique et du volume des tests réalisés. L'assurance maladie, avec les professionnels concernés, notamment les biologistes et les pharmaciens, a beaucoup travaillé à l'ajustement successif des tarifs des tests PCR et antigéniques pour maintenir des prix attractifs et tenir compte de l'amortissement des machines des biologistes et l'appréhension des techniques de tests par les pharmaciens. Nous avons baissé le prix d'environ 30 à 40 % par rapport au début de la crise, ce qui a permis de contenir l'évolution des dépenses, malgré une très forte augmentation des volumes.

Par ailleurs, nous connaissons, malgré l'évolution des conditions de remboursement pour les populations non vaccinées, des volumes de tests très élevés. On a parfois l'impression d'être face à un miroir déformant, puisque nous diminuons le nombre de tests, mais cela reste considérable et bien plus élevé que chez nos voisins européens.

Je rappelle que tous les mineurs, soit 15 millions de personnes, quel que soit leur statut vaccinal, et tous les majeurs vaccinés, soit 45 millions de personnes, restent pris en charge à 100 % sans prescription médicale.

Cette provision devra s'adapter au regard des volumes. Je crois que les choses sont assez clairement présentées.

Par ailleurs, la trajectoire pluriannuelle de l'assurance maladie s'appuie sur une réduction progressive du déficit liée à des recettes qui progressent plus vite que les dépenses.

L'Ondam pluriannuel figure dans l'annexe B de la loi de financement à hauteur de 2,4 % en 2023, puis 2,3 % ensuite. Les recettes vont un peu plus vite et permettent de passer de 19,7 milliards à un peu moins de 15 milliards à l'horizon 2025.

C'est une projection arithmétique qui s'appuie sur une dynamique économique et une régulation des dépenses qui s'inscrit dans des niveaux un peu supérieurs à ceux qu'on a connus la décennie précédente.

Vous m'interrogez sur la sincérité des prévisions concernant le médicament. Vous ne serez pas surpris si je confirme cette sincérité...

Le Gouvernement a fixé, suite aux annonces du Président de la République dans le cadre du Conseil stratégique de l'industrie de santé (CSIS), une trajectoire pluriannuelle à hauteur de 2,4 % en moyenne de 2022 à 2024, avec une première année d'évolution à 2,7 % en 2022, qui traduit à la fois le dynamisme intrinsèque des dépenses de produits de santé dans cette période et des évolutions qui favorisent l'accès à l'innovation à l'innovation et des mécanismes de prix qui évoluent s'agissant de la liste en sus et de l'accès précoce.

Ceci me semble cohérent. Les choses sont très explicites en matière de tendanciel de dépenses, de mesures du CSIS et d'économies qui se maintiennent en termes de baisse de prix pour aboutir à ce montant.

Les mesures d'adaptation des réformes du financement hospitalier visent à conforter des réformes importantes et structurantes, et à adapter les calendriers et les paramètres au vu des concertations avec les différents acteurs concernés et des impacts calendaires de la crise. Je ne crois donc pas que l'ambition de ces réformes soit amoindrie. L'assurance maladie y contribue techniquement pour que celles-ci puisse se dérouler de manière satisfaisante.

Au-delà des mesures que j'évoquais s'agissant des pédiatres et des psychiatres, qui sont contenues dans l'avenant n° 9, nous avons également prévu des mesures spécifiques pour soutenir les pédopsychiatres en ville, avec des majorations d'actes ad hoc pour cette spécialité en grande fragilité, alors même que les besoins sont très importants.

Vous m'interrogez sur les recommandations de la Cour des comptes sur la biologie et la téléconsultation, secteurs qui font l'objet de travaux de l'assurance maladie.

Le diagnostic un peu sévère de la Cour des comptes sur la régulation des dépenses de biologie n'est pas totalement partagé par l'assurance maladie. Entre 2014 et 2019, le taux d'évolution des dépenses de biologie a été de 0,65 % pour une évolution des soins de ville de 2,5 %, nettement intérieure. Le protocole signé début 2020 prévoit une dépense moyenne de 0,4 % en 2020, 0,5 % en 2021, 0,6 % en 2022, ce qui est un cadre de régulation assez ambitieux, même s'il est très largement bouleversé par la crise et l'ampleur des dépenses de tests PCR. Il faudra évidemment que nous relancions les discussions avec les professionnels sur un nouveau protocole pluriannuel à compter de 2023. C'est un dialogue que nous voulons entamer avec eux, sans doute avant la fin du premier semestre 2022.

S'agissant de la téléconsultation, nous avons répondu à un certain nombre de préoccupations, propositions ou remarques de la Cour des comptes pour en faire évoluer le cadre de prise en charge, simplifier et tirer les enseignements de la crise. Les professionnels de santé et les assurés ont pour beaucoup découvert cette téléconsultation et y ont eu massivement recours durant le premier confinement. Elle a conservé des niveaux très largement supérieurs par rapport à la période précédant la crise. Aujourd'hui, 5 % des consultations sont réalisées en téléconsultation. C'est peu, mais cela représente un million de téléconsultations pour 20 millions de consultations mensuelles. C'est maintenant inscrit dans le parcours de soins. Dans huit cas sur dix, cette téléconsultation est réalisée chez le médecin traitant, dans un parcours de soins qui reste organisé.

Nous avons, dans l'avenant n° 9, défini un nouveau cadre conventionnel, supprimé un certain nombre de contraintes inadaptées, comme le fait de devoir avoir consulté obligatoirement ce médecin en présentiel dans les douze mois précédents la téléconsultation, tout en maintenant la logique du parcours de soins, et en y ajoutant l'obligation un peu contraignante mais qui nous semble importante en termes de qualité, à savoir plafonner le volume de téléconsultations des médecins libéraux à 20 % de leur activité.

Nous sommes réservés quant à l'idée d'avoir des téléconsultations majoritaires, voire exclusives. Il nous semble qu'il faut maintenir l'exercice à distance et la consultation en présence du patient. Nous avons également engagé avec des partenaires conventionnels un travail sur une charte de la qualité de la téléconsultation. Des contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ont démontré, pour être pudique, des problèmes de qualité de certaines téléconsultations. Il nous a donc semblé utile de prolonger des démarches de qualité engagées par la Haute Autorité de santé (HAS). Notre objectif est d'inscrire la téléconsultation dans le parcours de soins des assurés dans des conditions de qualité satisfaisante.

S'agissant de la contraception, l'assurance maladie jouera son rôle d'information et d'accompagnement des assurés et des professionnels de santé dans le PLFSS 2022.

Nous avons commencé à élaborer un certain nombre de documents d'information, de flyers , d'affiches et d'informations sur le site Ameli qui connaît, depuis la crise, un trafic extrêmement très substantiel, notamment sur les différents dispositifs de contraception.

Enfin, les salles de consommation à moindre risque sont un sujet assez loin des bases de l'assurance maladie. Je ne suis donc pas en mesure de vous éclairer sur ce point.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Monsieur le directeur général, je voudrais revenir sur la trajectoire de retour à l'équilibre. Vous avez indiqué que des économies étaient à faire, sans trop de précisions. J'aimerais que nous puissions revenir sur ce dossier important. Il s'agit là de plus de 19 milliards d'euros cette année, et d'environ 13 à 14 milliards d'euros jusqu'en 2025. Ce n'est pas rien et on ne voit pas bien comment résorber ce déficit.

J'avais sur ce point quelques questions subsidiaires concernant les fraudes. Le Sénat s'est penché sur ce sujet plusieurs fois. La Cour des comptes a rédigé un rapport à ce propos, mais on n'a pas de véritable estimation.

Il est convenu que chaque caisse, dont la CNAM, réalise une estimation par échantillonnage des fraudes ou anomalies susceptibles d'être ensuite récupérées. Pour le moment, on dispose de quelques chiffres des sommes qui ont été recouvrées, mais pas de véritable estimation. Pensez-vous être en mesure, l'année prochaine, comme l'échéance en a été fixée, de nous donner une estimation de ces fraudes, anomalies ou erreurs ?

D'autre part, pouvez-vous confirmer que le dossier médical partagé (DMP) sera comme prévu obligatoire et opérationnel en 2022 ?

S'agissant de la pertinence des soins, chaque année, bon an mal an, un milliard d'économies est prévu à propos d'acte actes inutiles ou redondants. Des recommandations sont établies en matière de bonnes pratiques de la HAS. Un plan pluriannuel me paraît nécessaire pour améliorer cette situation - nous l'avons évoqué avec la Cour des comptes.

On est là sur du coup par coup, alors que les prospectives établies par l'OCDE, le ministère et différentes organisations aboutissent tous à une estimation de 20 à 30 % d'actes inutiles et redondants.

On sait qu'on ne va pas massivement récupérer tout cet argent, mais ne peut-on avoir un plan, compte tenu des besoins qui existent dans le domaine de la santé et de la sécurité sociale dans d'autres branches ?

Je reviens sur l'investissement hospitalier. Nous avons rencontré hier la Fédération hospitalière de France, qui nous a parlé d'un investissement de 6,5 milliards d'euros, soit la moitié de la dette hospitalière transférée à la CADES. J'aimerais avoir des précisions sur la nature de cet investissement. On a parlé d'investissement immobilier, ce qui ne me paraît pas normal. Ce n'est pas à la CNAM, qui n'est pas propriétaire des hôpitaux, d'assurer un investissement immobilier.

Enfin, concernant les orthoptistes, si je vois bien l'intérêt d'améliorer l'accès aux soins dans ce domaine, on entend aussi s'élever quelques protestations de la part des ophtalmologues. Pouvez-vous me confirmer qu'il y a bien eu négociation ? Il me semble qu'il avait été question du transfert vers les orthoptistes de certaines prescriptions, notamment pour des lunettes, quand il n'y avait pas obligation d'examen médical relevant de l'ophtalmologue.

Mme Florence Lassarade . - On a beaucoup parlé de prévention les années précédentes, mais on n'y est pas du tout.

Vous parlez de désertification concernant les psychiatres et les pédiatres. J'étais pédiatre moi-même. C'est également le cas des dentistes, dont le cas paraît moins urgent que celui des médecins, mais qui existe.

À Langon, une ville à la frontière du Lot-et-Garonne, nous n'aurons plus de spécialistes dans cinq ans. On ne se pose pas la question de l'attractivité des métiers : on impose de plus en plus la rémunération sur objectifs de santé publique (RSOP) aux médecins et aux spécialistes qui ne pratiquent pas d'actes techniques, en les obligeant à intégrer des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). Pour les médecins libéraux, les contraintes sont chaque année aggravées par l'assurance maladie.

Deuxièmement, on ne trouve plus de sages-femmes. Ce métier connaît un défaut de vocations. J'ai reçu une délégation de sages-femmes d'un hôpital qui en comptait 27 et qui a enregistré neuf arrêts définitifs. Il n'y a plus assez d'élèves sages-femmes. Les secteurs hospitalier et libéral connaissent une totale détresse. Or j'ai l'impression que l'assurance maladie est déconnectée de cette situation.

Quant à la prévention de l'obésité, le REPOP, en Nouvelle-Aquitaine, réalise ce travail depuis vingt à vingt-cinq ans, mais on sait que la prévention de l'obésité infantile n'a aucun effet sur l'obésité adulte, dont le plan ne parle absolument pas.

Enfin, l'infirmier de pratiques avancées, dont on avait fait beaucoup de cas les années précédentes, n'existe pas. On envoie en milieu psychiatrique de jeunes infirmiers qui sortent de l'école et qui ne sont pas armés pour s'occuper des malades.

Or je pense qu'il est possible de réorganiser les différents secteurs de la santé avec une plus grande liberté d'action. Les professionnels ont besoin d'une rémunération en rapport avec ce qu'ils font, mais surtout de liberté.

Le carnet électronique qui doit figurer dans le dossier médical est un outil qui permet de faire des économies, en améliorant par exemple la prévention en envoyant des relances aux patients.

Enfin, vous avez évoqué le coût des tests covid. Nous dispositions d'un excellent réseau Obépine, qui permettait de prévoir l'évolution de l'épidémie dans les quinze jours par l'analyse des eaux usées. On lui a rogné les ailes en supprimant les moyens de fonctionnement, alors qu'un test sur égout s'élève à 135 euros.

Mme Annie Delmont-Koropoulis . - Monsieur le directeur général, à l'issue du dernier CSIS, le Gouvernement s'est engagé à renforcer l'accès précoce aux innovations.

Deux mesures du CSIS trouvent ainsi leur place dans le PLFSS, avec l'accès généralisé à la télésurveillance et un accès immédiat au marché post-avis de la HAS, avant la fixation du prix par le Comité économique des produits de santé (CEPS), un peu sur le modèle allemand.

Outre ces deux mesures, le Gouvernement s'était engagé à investir massivement pour développer la médecine personnalisée. Pourriez-vous nous indiquer si cet engagement se matérialisera, s'agissant de l'assurance maladie, par une meilleure prise en charge des actes innovants ? Dans quelle mesure l'inscription d'actes innovants dans la classification commune des actes médicaux sera-t-elle facilitée ?

Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Monsieur le directeur général, permettez-moi, à l'instar de ma collègue Florence Lassarade, de vous poser deux questions pragmatiques.

Vous avez qualifié la poursuite de la discussion avec les maisons de santé de point essentiel. Comment peut-on le faire de façon sereine alors que nous manquons cruellement de médecins ?

Par ailleurs, pendant la crise liée au covid-19, plus de 200 000 soignants libéraux ont été aidés en raison de leur perte d'activité. Or il semblerait à ce jour que 87 000 de ces professionnels de santé aient été sommés de rembourser un trop perçu. Est-ce une erreur de la sécurité sociale ? Cela met en péril la pérennité de leur activité.

M. Thomas Fatome . - Monsieur Vanlerenberghe, nous travaillons activement sur l'évaluation de la fraude, comme je m'y étais engagé. Nous avons pour cela entrepris un travail lourd de parangonnage avec nos collègues des autres branches et les opérateurs comparables - sécurité sociale, Pôle emploi, direction générale des finances publiques (DGFiP) -, ainsi qu'avec nos collègues étrangers pour partager nos méthodes dans le domaine de l'évaluation de la fraude, sujet particulièrement complexe compte tenu de la diversité de ses champs d'intervention - prestations en nature, en espèces, fraude potentielle des assurés, des professionnels de santé, à l'hôpital, en ville. Nous sommes face à un champ qui pose pour chaque profession et chaque prestation des problématiques différentes.

Pour autant, nous sommes très mobilisés sur ce sujet. Notre objectif est d'avancer en deux temps. D'ici fin 2021, nous partagerons avec le Parlement et nos tutelles les premières évaluations de la fraude concernant certains champs de l'offre de soins et différentes prestations que nous gérons. Nous travaillons en ce sens avec la direction de la sécurité sociale.

L'objectif est d'avoir un panorama plus complet d'ici le milieu 2022 pour essayer d'établir, des évaluations chiffrées de la fraude concernant la plupart des champs couverts par l'assurance maladie. L'exercice est techniquement compliqué et conduit à utiliser des méthodes statistiques assez fines. Nous travaillons sur des méthodes par stratification et sommes mobilisés sur ce sujet.

S'agissant du DMP - ou plutôt de l'espace numérique de santé, sur lequel nous travaillons - celui-ci sera proposé début 2022 à l'ensemble des Français. Comme vous le savez, le dispositif prévu par la loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP) prévoit un système d' opt out . Nous allons adresser à l'ensemble des assurés des courriers et des mails dès le début de 2022 pour leur ouvrir un espace numérique de santé, sauf s'ils s'y opposent. Nous testons cette démarche dans trois départements pilotes.

La logique de cet espace santé est bien plus large que celle du DMP. Il s'agit à la fois d'un coffre-fort sécurisé des données de santé individuelles, mais aussi d'une messagerie sécurisée de santé entre les professionnels de santé et les assurés, d'un agenda de santé qui permettra d'envoyer des messages de prévention, des rappels pour la vaccination, de dépistage et de suivi du parcours de soins du patient. Il comportera également un catalogue d'applications, qui permettra aux assurés qui le souhaitent d'utiliser des applications de santé en lien avec leurs données dans des conditions absolues de sécurité et de confiance.

Il s'agit d'un très gros chantier pour nos systèmes d'information et pour notre relation avec l'ensemble des assurés et des professionnels de santé. Toute une série d'initiatives se déploie également dans le cadre du Ségur de santé vis-à-vis des éditeurs de logiciels et des professionnels de santé en ville et à l'hôpital pour que le DMP soit automatiquement alimenté par les résultats des examens et les comptes rendus hospitaliers.

C'est ce qui nous a conduits, dans l'avenant n° 9, à signer un certain nombre de mesures incitatives pour que les médecins contribuent à nourrir cet espace numérique de santé.

La rénovation de la gestion du risque que nous avons engagée s'inscrit dans la logique de pertinence des soins. Nous avons fait des propositions qui se montent à un milliard d'euros dans le rapport charges et produits 2022. Nous voulons aller plus loin, qu'il s'agisse de la pertinence des parcours de soins, des prescriptions, du renforcement des actions de prévention. Nous comptons monter en puissance et nous inscrire dans une démarche pluriannuelle. C'est le sens de ce que nous commençons à construire sur le parcours autour de l'insuffisance cardiaque, sujet sur lequel nous savons que nous pouvons réaliser des gains en termes de qualité, de pertinence des soins et d'efficience des dépenses en matière de prévention, d'accompagnement, de prise en charge hospitalière et de sortie d'hospitalisation. Nous sommes en train de déployer ces parcours en interaction étroite avec les agences de santé et les professionnels de santé en ville et à l'hôpital.

Quant à l'investissement hospitalier, le Gouvernement, sous l'égide du Premier ministre, est en train de préciser la feuille de route, les quantums et les objectifs. L'assurance maladie finance depuis longtemps l'investissement hospitalier à plus de 90 %. De ce point de vue, on se situe dans la continuité des plans d'accompagnement de l'investissement hospitalier, qu'il s'agisse d'« Hôpital 2007 », d'« Hôpital 2012 » ou de plans plus récents. Les choses sont donc cohérentes.

Vous m'interrogez sur la filière visuelle. Je vous confirme que ces mesures viennent compléter beaucoup de travaux et de discussions avec les professionnels de santé concernés pour faire évoluer les règles d'accès aux différents professionnels de la filière. Les délais d'accès s'améliorent mais restent néanmoins préoccupants dans certaines régions. Nous avons beaucoup travaillé avec le ministère autour de ces évolutions, qui devraient permettre de répondre à un certain nombre de difficultés d'accès qui existent sur les territoires.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Avez-vous bien cadré la mission de l'orthoptiste ? Il semble qu'il y ait un conflit entre ophtalmologues et orthoptistes sur les missions qui leur sont confiées. Il y a là une clarification à apporter.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous sommes très sollicités sur cette question.

M. Thomas Fatome . - J'ai bien noté, tout comme vous, que les représentants des ophtalmologues se posent des questions à propos de cette mesure. Le dialogue se poursuit. Il nous semble que même si les délais d'accès se sont réduits sur le plan macroéconomique ces deux ou trois dernières années, ils restent importants dans certains territoires. Cette mesure répond, je pense, à un besoin en termes d'accès aux soins pour les assurés.

S'agissant des questions posées par Mme Lassarade au sujet de la démographie médicale, l'assurance maladie continue à déployer ses outils d'incitation à l'installation, notamment dans les zones sous-denses. Un peu moins de 5 000 contrats incitatifs ont été signés entre 2017 et 2020 pour un montant d'aides de 94 millions d'euros et sont encore en cours. Nous continuons à soutenir l'installation dans les zones fragiles en matière de démographie médicale

Il nous semble que la difficulté actuelle appelle des évolutions dans la répartition des compétences des différentes professions de santé. C'est ce que prévoit le PLFSS. Cela participe d'une réponse à ces difficultés d'accès aux soins.

S'agissant de la situation des sages-femmes libérales, l'assurance maladie est de longue date un partenaire important des sages-femmes. Nous avons depuis longtemps accompagné le dispositif de sortie de maternité Prado, qui a très nettement renforcé le rôle et le nombre des sages-femmes libérales dans notre pays.

Depuis une dizaine d'années, les sages-femmes libérales ont un rôle plus important dans la prise en charge de sortie de maternité. Nous sommes en train de finaliser avec elles une négociation sur la prise en charge post-accouchement de la prévention de la dépression post-partum , sujet de santé publique important. Près de 10 à 15 % des femmes connaissent ce risque. Nous sommes prêts à accompagner financièrement l'intervention des sages-femmes libérales dans ce domaine.

S'agissant des infirmières en pratique avancée (IPA), nous devons collectivement continuer à travailler sur leur place dans la médecine de ville. C'est un sujet que nous allons aborder à nouveau dans le cadre des discussions sur les maisons de santé pluridisciplinaires. Nous devrons sans doute faire évoluer le rôle de ces infirmières en ville pour essayer de consolider leur activité.

S'agissant des actes innovants et plus particulièrement des actes médicaux, le ministre de la santé et des solidarités a installé début septembre le Haut Conseil pour la nomenclature, qui va engager une refonte de la classification commune des actes médicaux (CCM), chantier extrêmement lourd. L'une des priorités fixées par le ministre, en lien avec l'assurance maladie, est de savoir comment avoir une gestion de la classification des actes plus fluide, plus ouverte et apte à intégrer l'innovation. Le Haut Conseil, instance scientifique indépendante, va nous aider à obtenir une classification plus agile.

S'agissant des actes innovants en matière de biologie, nous avons saisi la Haute Autorité de santé dans le cadre du référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN). Le contenu de ce répertoire pourrait évoluer en intégrant davantage d'actes innovants de biologie. Nous espérons avoir des retours à court terme nous permettant d'enclencher une dynamique, conformément à ce que le Président de la République a annoncé dans le cadre du CSIS en juillet dernier.

Concernant le dispositif d'indemnisation de la perte d'activité (DIPA), l'assurance maladie a souhaité accompagner les professionnels de santé dès le premier confinement, face à des fermetures de cabinets ou des restrictions très importantes d'activité. Elle a souhaité le faire de la manière la plus rapide et la plus simple possible. Ce dispositif nous a permis de verser aux professionnels de santé, dès mai 2020, près de 1,1 milliard d'euros d'avances.

Nous avons souhaité pouvoir verser assez rapidement ces sommes, sur une base déclarative impliquant ensuite une régularisation de l'avance en fonction de différents éléments, comme l'activité des professionnels durant la période de confinement, de mars à juin, les aides subsidiaires dont ont bénéficié ces professionnels, ou la comparaison d'activité entre 2019 et 2020.

Il a en effet toujours été clair que ce dispositif était subsidiaire du fonds de solidarité de l'activité partielle et des dispositifs d'indemnités journalières (IJ) dont pouvaient bénéficier les professionnels de santé.

Nous avons engagé depuis juin la régularisation de ce dispositif, qui se traduit par des plus et des moins - mais je me permets de signaler qu'on parle davantage des moins que des plus.

Ce dispositif va représenter non un coût de 1,1 milliard d'euros, montant des avances que nous avons versées en 2020, mais de 1,3 milliard d'euros. La régularisation du dispositif global est donc favorable aux professionnels de santé. Nous allons, dans le « débouclage » du dispositif, verser 200 millions d'euros de plus. Une partie intègre des situations pour lesquelles nous avons trop versé d'avances en 2020, et ce pour différentes raisons - activité du professionnel plus importante que l'estimation du mois d'avril, comparaison entre 2019 et 2020 aboutissant à un calcul différent, aides subsidiaires n'ayant pas forcément bien été prises en compte par les mécanismes déclaratifs. Il ne s'agit pas de critiquer ou de jeter la pierre à qui que ce soit : c'est un mécanisme déclaratif intervenu rapidement et qui nécessite une régularisation.

Au final, cela représente près de 6 000 euros en moyenne de plus pour les professionnels de santé. C'est une aide significative de l'assurance maladie qui est venue soutenir les professionnels de santé dans un moment difficile de leur activité, lors du premier confinement.

On a parfois l'impression qu'on a tout repris à certains professionnels de santé, mais 1,3 milliard d'euros leur ont bien été versés en 2020 et 2021.

Mme Chantal Deseyne . - Monsieur le directeur général, s'agissant du 100 % santé optique, pourquoi l'assurance maladie exerce-t-elle des contrôles de l'offre 100 % santé, alors que le client reste libre de ses choix en matière d'optique, à condition que l'opticien lui ait présenté tous les choix possibles, dont l'offre 100 % santé ?

Dans un courrier adressé à un opticien, l'assurance maladie constate que celui-ci n'a réalisé que 14 % de 100 % santé et propose de l'accompagner pour promouvoir le 100 % santé en optique. Les opticiens contrôlés risquent-ils des sanctions ?

Mme Annie Le Houerou . - Monsieur le directeur général, notre débat vient de montrer combien la démographie médicale est catastrophique pour nos territoires.

J'ai bien noté votre réponse concernant les téléconsultations. Je pense que la télésanté ne doit pas servir à favoriser l'accès aux soins dans les territoires faiblement pourvus, sous peine d'aller vers une médecine à deux vitesses. Je pense qu'il faut intervenir pour qu'il y ait davantage de médecins répartis sur l'ensemble du territoire.

Par ailleurs, vous n'avez pas répondu à la question concernant les investissements hospitaliers.

D'autre part, le PLFSS comporte des conditions de prescription directes par les kinésithérapeutes. Pouvez-vous les préciser ?

Enfin, les psychologues demandent à pouvoir établir des prescriptions directes, ce qui ne paraît pas figurer dans le PLFSS cette année. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?

Mme Raymonde Poncet Monge . - Monsieur le directeur général, Olivier Véran, s'agissant de la réforme de la tarification dans le secteur psychiatrique, a indiqué un maintien des dotations sur quatre ans. Il a en outre précisé que les établissements privés seraient gagnants à 90 %.

Parle-t-on des établissements privés lucratifs ou des établissements participant au service public ? On connaît l'état de la psychiatrie et de la pédopsychiatrie, encore plus dégradé que l'hôpital général. Que dit la simulation quant à l'impact sur les hôpitaux privés participant au service public et les hôpitaux publics ?

En second lieu, une polémique a vu le jour à propos des tarifs complémentaires. Le ministre estime que ceux-ci ne devraient pas augmenter compte tenu des économies qui ont pu être réalisées du fait de la situation sanitaire. Quelle est l'évolution de la part du financement des complémentaires dans l'assurance maladie et du reste à charge, puisqu'il existe en fait trois financeurs
- le reste à charge pour les usagers, les complémentaires et l'assurance maladie ?

Enfin vous avez indiqué que le prix des tests avait diminué de 30 à 40 % du fait du volume. Qu'en est-il du prix des vaccins ? Ont-ils augmenté ? Dans quelle mesure l'effet volume existe-t-il là aussi ?

Mme Brigitte Devésa . - Monsieur le directeur général, je voudrais revenir sur l'offre numérique de santé diversifiée et les phénomènes d'uberisation du travail, qui interrogent la question de la protection des salariés indépendants qui dépendent de ces plateformes. Environ 200 000 exercent principalement les métiers de conducteurs ou de livreurs, secteurs qui ne sont pas anodins en matière d'accidents du travail.

Je n'ignore pas les difficultés que peuvent poser les plateformes en matière de prévention et de prise en compte des risques de santé mais, en tenant compte du fait que l'évolution des pratiques et les plateformes peuvent constituer une opportunité, comment les inciter ces plateformes à utiliser leurs outils pour participer à l'offre numérique de santé, notamment en matière de prévention des risques ?

M. Olivier Henno . - Monsieur le directeur général, je voudrais compléter la question posée par Jean-Marie Vanlerenberghe.

Le président de la Cour des comptes, lors de son audition, a estimé que « les régulations en matière de santé ne s'appuient pas suffisamment sur les réformes structurelles ». Il a également abordé la question des actes inutiles et redondants. On a évoqué le chiffre de 20 %. Un rapport de l'ancien président de notre commission les situait à 28 %. Une ancienne ministre des affaires sociales citait quant à elle le chiffre de 30 %. Y a-t-il là un gisement d'économies selon vous ? Comment voyez-vous cette régulation à l'avenir ?

M. Thomas Fatome . - S'agissant des opticiens, l'assurance maladie est engagée dans une opération d'accompagnement et de sensibilisation. À ce stade, le 100 % santé répond insuffisamment aux objectifs en matière d'optique. Autant les résultats sont très significatifs en matière de recours aux offres sans reste à charge s'agissant du dentaire ou de l'audioprothèse, avec une dynamique extrêmement satisfaisante depuis le début 2021, autant ce n'est pas le cas de l'optique, où les chiffres d'utilisation du panier A, ou panier 100 %, sont plus faibles que nos anticipations. Cette situation n'est pas totalement satisfaisante.

Personne n'a jamais obligé un assuré à avoir recours à tel ou tel panier. Néanmoins, le cadre juridique prévoit un certain nombre d'obligations pour les opticiens en matière de présentation de devis et d'un nombre minimum d'équipements. Notre objectif est de bien nous assurer, au travers d'un dialogue direct avec les opticiens, du respect de ce cadre et de ces engagements.

Les contrôles opérés par la DGCCRF ont montré que, dans certains cas, le respect de ces obligations par les opticiens n'était pas totalement au rendez-vous. C'est pourquoi l'assurance maladie réalise, par le biais de ses délégués, beaucoup de visites de magasins d'optique depuis maintenant un mois pour dialoguer avec les opticiens, vérifier si les engagements et le cadre de présentation de l'offre 100 % santé sont respectés, et encourager ces opticiens à en faire davantage la publicité. Il nous apparaît en effet que cette publicité est insuffisamment réalisée sur le terrain.

S'agissant de la question concernant les psychologues, le Président de la République, lors des assises de la santé mentale, a annoncé la prise en charge par l'assurance maladie des séances de psychologue sur prescription du médecin généraliste. Cela fait suite aux expérimentations que l'assurance maladie a menées dans quatre départements depuis 2018 sur ce parcours de soins qui met à disposition des médecins généralistes des séances de psychologue pour troubles mentaux légers.

Il nous semble important de garder un recours au psychologue organisé dans un parcours de soins qui passe par le généraliste dans le cadre d'une prise en charge. Cela ne veut pas dire que toute l'activité de psychologue entre dans ce cadre. Le Président de la République l'a longuement rappelé lors de ses annonces. Ce système nous semble être garant d'un parcours de soins cohérent, mais il restera à côté une activité de psychologue non remboursée dans le cadre d'un accès direct.

S'agissant des masseurs-kinésithérapeutes, une mesure du projet de loi de financement doit permettre, dans un cadre conventionnel, de préciser les conditions du renouvellement des prescriptions, qui avaient fait l'objet d'assouplissements dans un cadre législatif récent. Le PLFSS renvoie les conditions de ce renouvellement à la convention. Le débat parlementaire, notamment à l'Assemblée nationale, permettra de le mesurer.

Un certain nombre d'amendements ont été déposés pour expérimenter un accès direct, dans certains départements, à des séances de kinésithérapie, sans passer par le médecin. Un amendement parlementaire prévoit de l'expérimenter dans six départements.

S'agissant de la réforme de la tarification des établissements de santé en matière de soins psychiatriques, ce n'est pas l'assurance maladie qui pilote ces simulations. C'est auprès du ministère de la santé et des solidarités et de la direction générale de l'offre de soins que vous pourrez obtenir des éléments précis.

Vous m'avez interrogé sur les tarifs des complémentaires santé, sujet délicat qui ne relève pas directement du champ de l'assurance maladie obligatoire. La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) du ministère de la santé et des solidarités a publié dans les comptes de la santé annuels l'évolution du reste à charge en 2020, qui atteint logiquement des niveaux très bas, puisqu'il s'élève à 6,5 % en 2020, avec l'effet de la crise et d'une série de prises en charge à 100 %. Notre pays se caractérise aujourd'hui par un niveau de reste à charge très faible par rapport aux autres pays. Les tarifs des complémentaires santé relèvent d'une décision propre à chaque organisme complémentaire, sur lequel je n'ai pas de levier d'action.

Quant aux prix des vaccins, il s'agit d'achats négociés par la Commission européenne. Nous ne sommes que financeurs de Santé publique France, qui gère les achats de vaccin pour la France, sous l'autorité du Gouvernement. Nous sommes plus impliqués sur la réalisation de la vaccination elle-même qui, dans les dernières prévisions, représentera pour 2021 un coût de 1,3 milliard d'euros.

Enfin, nous voyons se structurer les plateformes de téléconsultation. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons souhaité fixer un plafond d'activité de téléconsultation chez les médecins libéraux. Nous sommes attentifs à ce qu'il n'y ait pas une forme de spécialisation des médecins dans des plateformes qui ne feraient que de la téléconsultation. Cela reste compatible avec l'émergence de ce type d'acteurs, dès lors qu'ils respectent ce cadre.

Par ailleurs, nous souhaitons construire un catalogue d'applications dans lequel un certain nombre de plateformes ou d'opérateurs de solutions de prévention pourront être référencés, dans les conditions qui seront validées par les services du ministère de la santé et l'assurance maladie. On pourra donc, si l'assureur le souhaite, dans les conditions de très forte maîtrise de données, interagir avec son espace numérique de santé. Nous sommes en train de le construire avec nos partenaires de la délégation du numérique en santé du ministère.

Monsieur Henno, je rejoins évidemment l'appel de la Cour des comptes à poursuivre et amplifier les réformes structurantes de notre système de santé.

Tout ce qui a été mis en oeuvre traduit un certain nombre d'évolutions structurelles de notre système. Les évolutions des rémunérations des professionnels de santé en ville, avec la montée des rémunérations sur objectifs et des rémunérations forfaitaires, doivent être prises en compte.

S'agissant des gisements d'économies, beaucoup de rapports évoquent des enjeux de pertinence des soins. Je ne sais s'il s'agit de 10, 15, 20, 25 ou 30 % d'actes non pertinents ou redondants. Il n'y en aurait que 10 %, ce serait déjà considérable.

Comme je l'ai dit, l'assurance maladie est engagée dans un certain nombre de travaux permettant d'identifier ces différentes zones de non-pertinence et d'y remédier. C'est le sens des propositions que nous avons faites dans le rapport charges et produits 2022, que nous retrouverons dans le prochain rapport, avec des économies sans doute plus élevées que cette année.

Mme Monique Lubin . - Monsieur le directeur général, je ne comprends pas pourquoi certains soins dentaires, comme les implants, sont toujours les parents pauvres des remboursements de la sécurité sociale. Cela pose de gros problèmes pour des gens qui ont de petits revenus et des complémentaires quelquefois peu performantes.

Par ailleurs, le 100 % optique me paraît être l'exemple même de la fausse bonne idée. Les opticiens disposaient déjà d'offres à bas prix, en accord avec les mutuelles, pour les revenus modestes. Les offres qui sont faites dans le cadre du 100 % santé sont basées sur des équipements de piètre qualité, souvent fabriqués dans des pays émergents.

M. Thomas Fatome . - Il existe sûrement des voies de progrès en matière dentaire, mais nous avons aussi, dans le cadre du 100 % santé, assez largement remis à plat un certain nombre d'actes et de conditions de prise en charge permettant à nos assurés d'avoir accès aux soins prothétiques dans de meilleures conditions.

Je pense que nous pourrons partager d'ici la fin de l'année des éléments de bilan. Même si 2020 a été très « chahutée » en matière d'accès aux soins, notamment aux soins dentaires, du fait des divers confinements, nous voyons, depuis le début 2021, une dynamique très significative des soins prothétiques, notamment du panier « reste à charge zéro », qui montre que la situation s'améliore très fortement.

De ce point de vue, nous avons réalisé, avec les professionnels de santé et les assurances complémentaires, qui sont parties prenantes, un effort substantiel.

Pour ce qui est de l'optique, je crains de ne pas être complètement d'accord avec vous : le reste à charge zéro, quand il n'est pas réalisé dans le cadre du 100 % santé, d'une manière ou d'une autre, est bien supporté par la complémentaire. Il existe une grande différence entre la logique du 100 % santé telle que nous l'avons posée et celle que les opticiens et certaines complémentaires mettent en avant par rapport à un zéro reste à charge qui n'a pas la même portée.

Par ailleurs, je pense, pour ne pas dire autre chose, qu'il existe dans le panier 100 % des montures et des verres d'une qualité totalement satisfaisante pour les assurés et produits en France.

Nous pensons donc que le panier 100 % permet de répondre dans d'excellentes conditions aux attentes de nos assurés.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Merci pour toutes ces précisions.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

Mme Isabelle Sancerni,
présidente du conseil d'administration,
et M. Vincent Mazauric,
directeur général, de la Caisse nationale d'allocations familiales

Réunie le mercredi 27 octobre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de Mme Isabelle Sancerni, présidente du conseil d'administration, et de M. Vincent Mazauric, directeur général, de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).

Mme Catherine Deroche , présidente . - Mes chers collègues, nous entendons ce matin Mme Isabelle Sancerni, présidente, et M. Vincent Mazauric, directeur, de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF), sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022.

Le solde de la branche famille se redresserait en 2021 en s'établissant à 1,2 milliard d'euros, avec une perspective d'excédents durables à l'horizon 2025.

Peu de mesures nouvelles concernant la branche figurent dans le PLFSS pour 2022 mais les chantiers de la branche, opérateur principal des solidarités, restent nombreux et en évolution permanente, pas seulement dans le champ de la sécurité sociale.

Mme Isabelle Sancerni, présidente de la Caisse nationale d'allocations familiales . - Dans son avis sur le PLFSS pour 2022, le conseil d'administration de la CNAF a tout d'abord tenu à saluer le retour à l'équilibre du solde de la branche famille en 2021. Le Conseil d'administration a par ailleurs pris note du caractère exceptionnel du transfert financier d'1 milliard d'euros de la branche famille vers la branche maladie pour 2022.

Les administrateurs ont également salué l'article 49 du PLFSS pour 2022, systématisant le mécanisme d'intermédiation financière des pensions alimentaires, pour tous les titres exécutoires, quelle que soit la procédure de séparation entre les deux parents. Avec ce dispositif, la CNAF est au coeur de ses missions : accompagner les familles au quotidien, protéger et secourir les plus éprouvées d'entre elles et permettre aux parents de se consacrer pleinement à l'éducation de leurs enfants. Je considère qu'il s'agit là d'un changement de paradigme, qui mobilisera rapidement des ressources significatives de la branche famille. J'attire donc votre attention sur le fait que cela ne pourra se faire sans moyens supplémentaires alloués à la branche famille. Il convient en effet de garder à l'esprit les délais incontournables liés au recrutement et à la formation des personnels pour une entrée en vigueur du dispositif dès mars 2022.

Malgré le peu de mesures à destination des bénéficiaires de la branche famille et considérant ce texte comme un PLFSS de transition, le Conseil d'administration de la CNAF a émis un avis majoritairement favorable sur le PLFSS pour 2022.

Je conclurai mon propos en rappelant que, depuis la survenue de la crise sanitaire, l'institution des allocations familiales tout entière s'est mobilisée de façon exemplaire. Chacun, dans son rôle, a fait face pour s'adapter à cette situation inédite. Un véritable filet de sécurité pour les familles et les partenaires de la branche a pu ainsi être déployé en un temps record. Entre mars 2020 et juin 2021, plus de 820 millions d'euros ont notamment été versés pour venir en aide aux différentes structures d'accueil du jeune enfant. Je tiens donc à remercier ici l'ensemble du personnel de la CNAF et des CAF.

M. Vincent Mazauric, directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales . - Le PLFSS pour 2022 a effectivement vocation à modifier, de façon accélérée, le champ de l'intermédiation financière des pensions alimentaires. Ce mécanisme a fait l'objet d'une première mesure dans le cadre du PLFSS pour 2020. Il est désormais proposé de le rendre systématique. Aujourd'hui, il appartient à l'un ou l'autre des deux conjoints de demander une intermédiation financière. À l'avenir, les deux conjoints devront, le cas échéant, s'accorder pour ne pas en bénéficier. Nous rejoignons ainsi le modèle de la province canadienne de Québec.

Cette systématisation apparaît justifiée par le constat suivant, dressé à date, après le lancement effectif de l'intermédiation financière à l'automne 2020 : à ce jour, nous avons reçu environ 52 000 demandes d'intermédiation financière pour des pensions alimentaires, alors qu'environ 30 % de celles-ci connaissent, à un moment ou à un autre, un impayé. Ce volume de demandes d'intermédiation, bien qu'en croissance significative, d'environ 4 000 demandes chaque mois depuis la mise en oeuvre du dispositif, demeure donc modeste. Sur ce volume modeste, plus de 32 000 demandes font déjà l'objet aujourd'hui, soit d'une intermédiation financière en bonne et due forme, soit du versement à titre subsidiaire ou transitoire d'une allocation de soutien familial. La situation des personnes concernées a ainsi réellement été améliorée.

En parallèle, la performance du service de recouvrement des impayés de pensions alimentaires, qui préexistait à l'action d'intermédiation, s'est également améliorée. Fin 2019, le taux de recouvrement de ces impayés était de 65 %. Il est aujourd'hui de 73 %. Il atteint même 78 % pour les dossiers ayant fait l'objet d'une demande d'intermédiation. Cependant, les dossiers d'intermédiation financière que nous avons reçus étaient souvent déjà grevés d'impayés. L'intérêt de la systématisation envisagée serait donc d'encourager davantage encore les parents à solliciter une intermédiation financière avant tout impayé, dès la séparation et la décision la consacrant.

Il s'agit là, à notre avis, d'une grande évolution sociale. L'enjeu serait toutefois de faire entrer ce fait nouveau de société dans la culture des personnes qui s'unissent puis se séparent. L'objectif serait ainsi de faire en sorte que ce mécanisme devienne progressivement connu de tous et qu'il devienne naturel d'y recourir.

La branche famille et les CAF sont aujourd'hui fières d'exercer cette mission car, au-delà même des processus techniques et comptables que nous cherchons constamment à améliorer et à moderniser (par exemple en favorisant le prélèvement automatique), notre rôle est aussi d'aller au-devant des familles, à travers notre travail social sur le terrain. Nous proposons ainsi, depuis un an et demi maintenant, un « parcours de séparation », susceptible de venir en aide aux parents se séparant (s'agissant notamment des mères chargées d'enfants), à travers des conseils, des accompagnements voire des aides financières.

Je ferai par ailleurs un commentaire sur un certain nombre de mesures complémentaires inscrites par amendement parlementaire dans le PLFSS pour 2022.

La première de ces mesures, inscrite par amendement à l'article 32 sexies du PLFSS pour 2022, concerne l'élargissement du champ et la revalorisation du montant de l'allocation journalière du proche aidant (AJPA) - dispositif adossé au congé proche aidant, dont la CNAF a la charge depuis sa création. Vis-à-vis de ce dispositif encore récent, nous conservons un dilemme. En pratique, les deux tiers des demandes que nous recevons pour cette allocation sont présentées, en toute bonne foi, par des personnes retraitées ou des chômeurs non indemnisés. Or, ces catégories ne sont pas éligibles à cette prestation. Nous avons beaucoup travaillé sur cette question avec la ministre déléguée chargée de l'autonomie, Mme Bourguignon. Puisque l'AJPA est une conséquence positive du congé proche aidant, l'enjeu serait de faire en sorte qu'elle entre véritablement dans les pratiques du monde de l'entreprise. Ce dispositif nécessiterait d'être mieux connu des employeurs et de trouver sa place dans le dialogue social, pour que davantage de salariés ou de travailleurs indépendants puissent en bénéficier.

La seconde de ces mesures, inscrite par amendement à l'article 49 bis du PLFSS pour 2022, concerne l'accès aux droits. Ce texte correspond aux pratiques et aux missions de la branche famille. Il nous invite, pour la période de notre prochaine convention d'objectifs et de gestion (COG), à savoir 2023-2027, à faire davantage encore, à la fois pour mieux anticiper les difficultés et aller au-devant de nos allocataires, à travers une approche segmentée et fine de leurs caractéristiques, et pour mieux identifier les droits de ceux que nous ne connaissons pas encore, le cas échéant à travers le traitement de ressources mutualisées.

M. Olivier Henno , rapporteur pour la branche famille . - Il a été fait mention d'un PLFSS de transition pour la branche famille, contenant relativement peu de mesures. Je partage cette opinion. Ceci pose la question de la politique familiale conduite aujourd'hui par notre pays. Celle-ci ne s'est-elle pas transformée en une politique sociale ? Notre pays prend-il la mesure de la chute de sa natalité et des conséquences que cette chute pourrait avoir ? À titre personnel, je n'en suis pas totalement convaincu.

Au sujet de l'automatisation de l'intermédiation financière des pensions alimentaires, vous avez évoqué un fait de société. Je suis d'accord avec vous sur ce point. Cette évolution paraît légitime, répondant à une demande de la société. Cependant, la mesure ne constitue pas en elle-même une politique familiale. Quelles sont aujourd'hui les perspectives concernant la gestion par la CNAF de ce service d'intermédiation, au-delà du bilan de sa première année de mise en oeuvre ? Quels seraient les besoins supplémentaires des CAF, en termes de moyens humains notamment, pour en assurer la systématisation ? Par ailleurs, le calendrier d'entrée en vigueur de l'automatisation de ce dispositif vous paraît-il réaliste, par rapport aux exigences à couvrir, vis-à-vis des systèmes d'information notamment ?

S'agissant de l'article 49 bis visant à renforcer le droit à l'information sur la nature et l'étendue des droits des allocataires des CAF, dans quelle mesure les CAF informent-elles déjà les allocataires de leurs droits, en particulier lorsqu'une femme enceinte déclare sa grossesse ? Le renforcement de cette information pourra-t-il s'opérer à moyens constants ?

Un autre amendement du Gouvernement a par ailleurs été adopté par l'Assemblée nationale pour retarder, au plus tard de deux ans et demi, l'entrée en vigueur du tiers payant pour le complément de libre choix du mode de garde (CMG) « structure », que le PLFSS pour 2019 avait fixée au 1 er janvier 2022. Quelles sont les difficultés rencontrées par la CNAF dans les travaux nécessaires à la mise en oeuvre de ce tiers payant ?

Enfin, quel bilan peut-on aujourd'hui dresser de la COG 2018-2022 de la CNAF quant au nombre de places créées en établissements d'accueil du jeune enfant ? De même, quel bilan tirer des bonus mis en place pour ces établissements, s'agissant notamment du bonus « mixité sociale » ? Des représentants de crèches m'ont signalé une complexité dans le calcul de ce bonus.

M. Vincent Mazauric . - Vis-à-vis de l'intermédiation financière des pensions alimentaires, nous avons été surpris de voir arriver près de 80 % de dossiers déjà grevés d'impayés. Ceci n'a pas déclenché les processus les plus simples et les plus légers car, avant de mettre en place une intermédiation, il convient d'abord de purger les impayés. Heureusement, nous avons pu nous appuyer pour cela sur un réseau solide de 24 CAF spécialisées dans le recouvrement des impayés.

En dépit du ralentissement par la crise sanitaire des opérations de recrutement et de formation, le réseau de 400 collaborateurs destiné à gérer le dispositif est aujourd'hui opérationnel. Nous avons par ailleurs terminé de préparer le nouvel instrument de gestion de ce dispositif. Nous sommes donc prêts à recevoir, à partir de 2022, un flux plus important de demandes - 35 000 demandes d'intermédiation supplémentaires étant attendues pour 2022.

Dans ce contexte, nous pensons que le calendrier de systématisation du dispositif, prévoyant une application à l'ensemble des décisions exécutoires à partir de 2023, est réaliste. À cet endroit, il convient toutefois de noter que les juridictions familiales, qui sont nos partenaires dans la mise en oeuvre de ce dispositif, font également face à d'importantes contraintes. Nous avons coopéré avec le ministère de la justice pour mettre en place des outils facilitant le travail avec ces juridictions. Un portail a pu ainsi être mis en place, ayant vocation à permettre aux greffes des tribunaux de renseigner toutes les informations nécessaires à la mise en place des procédures d'intermédiation.

Sur la question de savoir si un fait de société constitue nécessairement une politique familiale, je ne saurais apporter de commentaire. Il me semble toutefois que, dans un pays où 24 % des familles sont monoparentales, le risque d'impayés sur les pensions alimentaires place les familles et les enfants concernés dans une situation de fragilité, avec une perte de chances rapide. Le fait de chercher à réparer le plus tôt possible ces situations me semble donc bien constituer un acte de politique familiale.

Pour ce qui est de l'information sur les droits, le conseil a effectivement vocation à être proposé dès avant la naissance. Les CAF ont toutes aujourd'hui une pratique assez développée de ce conseil, en proposant notamment aux futurs parents des réunions d'information. Ces dernières années, nous avons par ailleurs resserré nos liens avec l'Assurance maladie, avec laquelle nous sommes appelés à gérer en commun un certain nombre d'informations relatives à la grossesse. Tout dernièrement, suite à la publication du rapport de M. Cyrulnik sur les « 1 000 premiers jours », nous avons également recommencé à diffuser un livret d'information à l'ensemble des nouvelles familles. En parallèle, la montée en puissance du site internet monenfant.fr a vocation à permettre aux parents de disposer d'une meilleure visibilité sur l'offre d'accueil disponible (places en crèche, assistantes maternelles, etc.). Tout ceci a vocation à participer à une meilleure appréhension, par les familles en ayant le plus besoin, des voies de recours et de soutien.

La mise en oeuvre du tiers payant sur le CMG, quant à elle, relève principalement de la branche des Urssaf, avec laquelle nous coopérons. En pratique, cette mise en oeuvre présente une grande complexité technique. En 2019, nous avons ainsi été confrontés à des difficultés importantes, ayant nécessité le rétablissement dans leurs droits d'un certain nombre de familles. À cet égard, le report prévu dans le PLFSS pour 2022 constitue une mesure de prudence.

Pour ce qui est du bilan de la COG 2018-2022 de la CNAF, l'objectif de création nette de 30 000 places en EAJE ne sera pas atteint. Il est probable que nous n'en atteignions que 50 %. À cet endroit, il convient toutefois de noter que la crise sanitaire a conduit le conseil d'administration de la CNAF, avec l'accord de la tutelle, à réemployer les excédents du Fonds national d'action social (FNAS) de la CNAF à la mise en oeuvre d'un « plan de rebond » pour l'accueil de la petite enfance. 200 millions d'euros ont ainsi été mobilisés sur la période 2021-2022, notamment pour dynamiser l'investissement dans les places de crèche. Cet effort exceptionnel, dont la prolongation pourrait être envisagée, pourrait permettre la création de 4 000 places supplémentaires.

Les bonus « inclusion handicap », « mixité sociale » et « territoire », quant à eux, ont atteint le but recherché. Le bonus « territoire » a permis de rendre possibles un certain nombre de décisions de création et d'exploitation de places de crèche, le cas échéant en dépit de conditions de ressources a priori défavorables. Le bonus « mixité sociale », quant à lui, a permis d'offrir davantage de places aux familles modestes, bien que celles-ci paient moins cher et n'occupent pas nécessairement au même rythme les places disponibles.

Deux critiques peuvent aujourd'hui être formulées à l'encontre du bonus « mixité sociale ». Au plan technique, nous avons souffert, à l'origine, d'un manque de données sur les niveaux de revenus des familles. Nous avons donc été amenés, dans un premier temps, à nous référer aux tarifs payés par les familles. Sur ce point, des progrès techniques et politiques (suite à des discussions menées avec l'Association des maires de France notamment), nous ont toutefois permis de développer un outil, ni intrusif ni complexe, pour collecter des données concernant le niveau de revenus des familles. Nous devrions ainsi pouvoir mieux identifier les besoins de compensation par un bonus. Sur le principe, la question s'est ensuite posée de savoir si le bonus « mixité sociale » avait pour objet de favoriser la mixité sociale ou l'accueil d'un plus grand nombre d'enfants de familles modestes. Dans le cadre de la préparation de la nouvelle COG de la CNAF, nous devrions retravailler l'architecture de ce bonus, pour en définir plus clairement l'objet, en lien avec les élus et leurs associations, ainsi qu'avec l'ensemble des parties prenantes.

Mme Isabelle Sancerni . - Le bonus « mixité sociale » compense aujourd'hui les baisses de recettes des crèches accueillant davantage d'enfants en situation de pauvreté - l'accueil de ces enfants nécessitant de consacrer davantage de temps aux parents. Les familles plus fragilisées ont aussi tendance à recourir de façon plus irrégulière et sur des temps plus courts à un tel accueil, avec pour conséquence un taux d'occupation plus faible des structures. En 2020, 20 % des crèches, soit 2 160 EAJE, ont bénéficié de ce bonus, pour un montant total de 51,3 millions d'euros, soit un montant moyen de 19 655 euros par crèche.

Le bonus « inclusion handicap » a également été modifié, pour être déclenché dès l'accueil du premier enfant, contrairement au bonus « mixité sociale ». Ceci a pu générer des interrogations chez certains gestionnaires percevant les deux bonus.

Dans le cadre de son examen du PLFSS pour 2022, le Conseil d'administration de la CNAF s'est par ailleurs interrogé sur le faible recours au congé parental et à la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE). Cette prestation pourrait être revisitée, pour tendre vers un congé plus court et mieux rémunéré. Le cas échéant, une réflexion devrait toutefois être menée simultanément sur les solutions d'accueil du jeune enfant à l'issue du congé parental. À cet endroit, une approche globale nécessiterait ainsi d'être privilégiée.

Mme Laurence Rossignol . - Je me réjouis des avancées de l'Agence de recouvrement et d'intermédiation des pensions alimentaires (Aripa). Une étape supplémentaire serait désormais l'introduction de l'administration fiscale comme dans le modèle québécois. Quoi qu'il en soit, j'estime que ce dispositif fait réellement partie de la politique familiale, dont les familles monoparentales représentent un objet important de notre réflexion sur la politique familiale.

Parmi les nouvelles places d'accueil créées en EAJE, combien l'ont été en micro-crèches ? Qu'en est-il par ailleurs des assistantes maternelles ? Les maisons d'assistantes maternelles (MAM) continuent-elles de monter en puissance ? Ces structures bénéficient-elles d'un soutien suffisant et adapté ?

La nécessité de revisiter la PreParE apparaît quant à elle évidente. Cette prestation, demeurant trop faible pour être intéressante, n'atteint pas ses objectifs.

J'ai par ailleurs formulé, avec ma collègue Michelle Meunier, une proposition de loi pour supprimer la suspension de l'allocation de soutien familial (ASF) en cas de nouvelle relation amoureuse ou, autrement dit, de remise en couple. À ce jour, nous manquons toutefois de visibilité sur le montant de cette allocation. Pouvez-vous nous donner des éléments sur ce point ?

Un éclairage nécessiterait également d'être apporté sur l'utilisation du FNAS, en soutien à la parentalité notamment.

Enfin, combien coûterait l'extension du CMG jusqu'à 12 ans pour les familles monoparentales ? Il s'agit là d'une revendication des associations familiales, que je soutiens.

Mme Michelle Meunier . - La CNAF a connu un mouvement social en juin 2021. En juillet 2021, les directeurs et directrices des 5 CAF des Pays-de-la-Loire ont également alerté la CNAF sur un certain nombre de dysfonctionnements. Le 10 octobre 2021, un incident a ensuite conduit certains allocataires à pouvoir accéder à d'autres dossiers que les leurs.

Vous avez attiré notre attention sur l'impossibilité pour la CNAF de faire mieux à moyens constants. La CNAF fait déjà davantage aujourd'hui en restituant des postes de COG en COG. Cependant, les disfonctionnements constatés ont un impact sur les bénéficiaires et mettent une pression supplémentaire sur les personnels.

Quelles mesures concrètes sont-elles envisagées aujourd'hui pour remédier à cette situation ? Comment faire entendre au Gouvernement les besoins induits à la fois par les nouvelles politiques mises en oeuvre par la CNAF et l'accompagnement au quotidien de l'ensemble des allocataires ?

En pratique, l'expérimentation menée en Loire-Atlantique autour d'un accueil dématérialisé à 50 % n'a pas été concluante. Il est apparu que le numérique ne peut répondre à la demande de certains allocataires concernant des prestations familiales.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - En 2020, la Cour des comptes avait relevé un important effort fourni par la CNAF pour lutter contre la fraude aux prestations. La CNAF a ensuite été sollicitée, par le biais d'une circulaire ministérielle, pour conduire une évaluation de cette fraude et des moyens mis en oeuvre pour y faire face. Ce sujet suscitant beaucoup d'intérêt et faisant l'objet de beaucoup de fantasmes, qu'en est-il de la production et du calendrier de remise de cette estimation ?

Mme Jocelyne Guidez . - Je salue pour ma part l'élargissement et la revalorisation du congé proche aidant - dispositif dont nous savions dès le départ qu'il n'attendrait pas, en l'état, ses objectifs. Je regrette cependant que, dans ce cadre, les longues maladies telles que les cancers n'aient pas été prises en compte. En pratique, on constate que, dans de tels les cas, les enfants sont souvent amenés à prendre la relève de leurs parents, ce qui n'est pas acceptable.

La différence entre l'allocation journalière proche aidant (AJPA) et le salaire ne pourrait-elle pas par ailleurs être couverte par les contrats collectifs santé ?

M. Daniel Chasseing . - Le travail des personnels de la CNAF durant la crise sanitaire est effectivement à saluer. Dans ce contexte, vous avez pu atteindre un taux de recouvrement des impayés de pensions alimentaires de plus de 70 % et pensez pouvoir recouvrer totalement ces impayés en 2023, en disposant, nous l'espérons, de suffisamment de personnels. Ce dispositif ne relève pas à proprement parler d'une politique familiale. Néanmoins, les séparations étant en augmentation dans notre société, il apparaît important de pouvoir sécuriser ainsi la monoparentalité.

Je m'interroge par ailleurs sur l'évolution du recours au congé parental, ainsi que sur la manière de favoriser davantage le développement de micro-crèches en milieu rural.

Mme Florence Lassarade . - Au-delà de la question des familles en situation de précarité, l'offre d'accueil en crèche n'est aujourd'hui pas nécessairement suffisante pour les couples au sein desquels les deux parents travaillent, d'autant que ceux-ci ne planifient pas nécessairement l'accueil de leur enfant en tout début de grossesse.

Je m'étonne par ailleurs qu'il ne soit pas possible de connaître facilement le niveau de revenus des parents dont les enfants sont accueillis en crèche, alors qu'une déclaration de revenus est demandée pour le versement des allocations familiales.

Mme Annick Jacquemet . - Les représentants de l'UNAF du Doubs m'ont indiqué que seuls 13 % des parents sollicitaient aujourd'hui un congé parental. Ils seraient favorables, en cohérence avec les préconisations du rapport sur les 1 000 premiers jours, à une réduction à 9 mois de ce congé, avec une indemnisation à hauteur de 75 % du revenu. Ceci pourrait inciter les jeunes parents à utiliser davantage le congé parental pour s'occuper de leurs enfants.

Les représentants de l'UNAF du Doubs m'ont également signalé une difficulté pour les travailleurs sociaux, dans un contexte de dématérialisation croissante des procédures, à accéder au dossier de leurs allocataires démunis face aux outils numériques. La mise en place d'un double accès sécurisé au dossier de ces publics pourrait-elle être envisagée, pour permettre aux travailleurs sociaux de mieux les accompagner ?

M. Vincent Mazauric . - De fait, on observe aujourd'hui une progression plus importante du nombre de places en micro-crèches PAJE (non financées directement par la branche famille). Lorsqu'il se crée 5 places en régime PSU, il s'en crée 15 en micro-crèches PAJE. L'augmentation récente et utile, de 10 à 12 places, du plafond de places en micro-crèche est susceptible d'accélérer cette tendance. Du reste, il existe aussi des micro-crèches PSU, qui peuvent le cas échéant constituer une réponse en milieu rural.

Le conseil d'administration de la CNAF aura à réfléchir à cette coexistence, qui ne pose pas de problème de principe, entre la politique publique conduite par la branche famille en faveur de l'accueil du jeune enfant et le développement d'autres activités portées par des entreprises privées, qui permet aussi de mieux répondre aux besoins des familles sur les territoires. Toutefois, cette coexistence peut finir par être déséquilibrée au détriment de notre action. Il n'existe pas de solution miraculeuse mais une forme d'unification est nécessaire et utile pour la branche famille, les familles elles-mêmes et les élus qui ont à se positionner. Un débat est nécessaire sur ce point.

Les MAM, quant à elles, sont aujourd'hui au nombre de 3 700. Une enveloppe spécifique de 15 millions d'euros leur a été consacrée dans le plan « rebond » mentionné précédemment, pour favoriser l'investissement dans leur amélioration et leur équipement. Nous sommes convaincus que ces structures sont utiles et constituent une bonne réponse sur certains territoires. Cependant, certains ne partagent pas ce point de vue, les considérant comme des « crèches au rabais ». L'enjeu serait donc d'améliorer la connaissance des MAM et de favoriser l'amélioration de la qualité de leurs pratiques, pour mieux répondre aux besoins des parents.

En matière d'accompagnement à la parentalité, le soutien du FNAS est tout à fait dynamique notamment sur les dispositifs de médiation familiale. À cet égard, nous ne manquons pas d'équipements ni d'offres. Nous manquons davantage de recours - l'existence de tels dispositifs demeurant peu connue des parents.

Le coût d'une augmentation du plafond d'âge du CMG serait quant à lui compris, en fonction des hypothèses retenues, entre 150 et 200 millions d'euros.

Pour ce qui est des disfonctionnements constatés depuis le début de l'année 2021, il convient de distinguer les difficultés techniques éprouvées après la mise en oeuvre de la réforme du mode de calcul des aides au logement (ayant nécessité la mise en place d'un nouveau système informatique), de l'incident du 10 octobre 2021.

Les difficultés techniques rencontrées vis-à-vis des aides au logement, ayant pu toucher jusqu'à 3 % des allocataires, dans un contexte marqué par une charge de travail importante pesant sur les équipes de la CNAF et des CAF, ne sont aujourd'hui pas totalement résolues. Toutefois, la situation s'améliore. Des remèdes techniques ont été apportés. Les autorités de tutelle de la branche ont également accepté de réduire, de 600 à 450 postes en CDI, l'effort de suppression d'emplois demandé à la branche en 2022. Cet effort demeurera difficile à produire et nécessitera des gains de productivité. Néanmoins, sa réduction devrait apporter un soulagement.

Pour assurer l'accompagnement des allocataires, les CAF demeureront par ailleurs ouvertes dans chaque département, avec des conseillers bien formés et à même d'appréhender au mieux les difficultés rencontrées par les familles. Le numérique est un gain pour l'accès aux droits - une procédure numérique permettant souvent une ouverture plus rapide et plus exacte des droits. Pour autant, il ne saurait constituer une modalité exclusive et suffisante.

L'incident du 10 octobre 2021, quant à lui, résulte d'une modification opérée, durant le weekend du 9 au 10 octobre 2021, dans le mode d'identification des allocataires pour accéder à leur espace en ligne. Jusqu'ici, l'identification par le numéro d'allocataire couvrait l'ensemble des membres d'un foyer, ce qui pouvait générer des difficultés en cas de séparation ou de déménagement. Nous sommes donc passés à une identification par le NIR, avec la possibilité d'une connexion par France Connect. Ce basculement, préparé de longue date, s'est bien déroulé. Nous avons cependant été confrontés à un incident sérieux, ayant conduit, entre le 10 octobre à 21 heures et le 11 octobre à 8 heures, à ouvrir un accès anormal à 7 000 dossiers. Cette atteinte à la confidentialité des données des allocataires concernés, constituant une infraction au RGPD, est tout à fait regrettable. Dès le lendemain, j'ai effectué le signalement nécessaire à la Cnil. J'ai ensuite adressé, il y a quelques jours, une lettre d'excuse personnelle à chacun des allocataires concernés. Aucune donnée n'a du reste été modifiée dans le cadre de cet incident.

En matière d'évaluation et de lutte contre la fraude, la branche poursuit effectivement des efforts de longue date. Nous continuerons à estimer cette fraude sur la base d'enquêtes, au risque qu'il nous soit reproché un écart entre la mesure statistique et la fraude réellement détectée. J'estime préférable de courir ce risque, en étant prêt à apporter les explications nécessaires, y compris devant la représentation nationale, plutôt que de laisser galoper des fantasmes sur le sujet.

Notre réponse à la fraude passe quant à elle par la mobilisation de 800 contrôleurs dans toutes les CAF de France. En 2021, nous avons également mis en place 5 équipes spécialisées, composées chacune de 6 contrôleurs aux profils variés (contrôleurs chevronnés de CAF, anciens comptables, anciens agents de la DGFiP, anciens contrôleurs des Urssaf, etc.), pour cibler les phénomènes frauduleux les plus massifs, les plus organisés ou les plus répandus - la fraude organisée, le cas échéant pour procéder à des détournements, constituant, au-delà de l'atteinte aux deniers publics, une atteinte à la cohésion de la société. Par souci de pragmatisme, ces équipes se sont d'abord vues confier une mission. Il conviendra ensuite d'envisager, à terme, de leur assigner des objectifs.

Pour ce qui est de l'élargissement du champ du congé proche aidant, il s'agit d'un point de législation qui me dépasse. Il est, en revanche, tout à fait possible de compléter l'AJPA par des couvertures complémentaires ; la sécurité sociale l'a, par exemple, fait pour ses employés.

Une réflexion apparaît effectivement devoir être menée par la branche familiale sur le congé parental, aujourd'hui en attrition. La PreParE à taux plein ne bénéficie aujourd'hui qu'à 140 000 personnes et ce chiffre ne fait que diminuer. Le congé parental devra concerner une prochaine réforme importante de la politique familiale.

Nous nous efforcerons également de continuer à rechercher des solutions innovantes pour mieux répondre aux besoins dans les milieux ruraux, caractérisés par une faible densité de population et des enjeux de mobilité. Il nous faudra sans doute pour cela, avant d'envisager le déploiement d'une politique nationale, capitaliser sur les expériences de terrain menées par un certain nombre d'opérateurs autour de crèches de conception modeste voire mobiles.

La difficulté rencontrée par les travailleurs sociaux pour accéder au dossier de certains de leurs publics a par ailleurs été évoquée. Il y a là un véritable enjeu. Nous avons la chance de disposer, en France, d'une pluralité d'offres de protection sociale, portées par une pluralité d'acteurs (collectivités territoriales, services publics de l'État, associations, services de la Sécurité sociale, etc.). Cependant, l'interface entre ces acteurs et ces services est parfois difficile à assurer, induisant une confusion chez les bénéficiaires, confrontés à de multiples interlocuteurs et à de multiples rendez-vous. Face à cette complexité, peut-être nous faudrait-il tendre vers une forme de « dossier social partagé ». L'objectif serait ainsi de faire en sorte que la connaissance partagée de la situation d'une personne permette de faciliter ses démarches et d'améliorer la qualité de son accompagnement. Des initiatives de terrain pourraient être prises en ce sens dans un avenir proche, pour apporter, sans dépense supplémentaire, une amélioration à l'efficacité des politiques sociales et à la protection apportée à leurs bénéficiaires.

Mme Isabelle Sancerni . - En complément, j'ajouterai que le rapport entre le nombre de places d'accueil du jeune enfant et le nombre d'enfants de moins de 3 ans est aujourd'hui, à l'échelle nationale, de 60 places pour 100 enfants. Sur ces 60 places, 55 % sont offertes par des assistantes maternelles et 35 % le sont par des établissements d'accueil collectif. Cependant, ce chiffre global masque de réelles disparités territoriales. De surcroît, toutes les familles ne bénéficient pas du même accès à l'ensemble des modes de garde - le reste à charge pouvant s'avérer très différent en fonction des modes de garde (assistante maternelle ou MAM financée par le CMG, micro-crèche PAJE ou crèche PSU). Ceci explique l'objectif inscrit dans la COG de la CNAF de développement des accueils financés par la PSU, accessibles à toutes les familles.

Nous sommes par ailleurs très attentifs à la qualité de l'accueil dans les MAM, accueillant davantage d'enfants qu'au domicile des assistantes maternelles.

Les expérimentations locales, quant à elles, peuvent bénéficier d'un financement par les fonds locaux des CAF. Le maintien de ces fonds locaux est donc important.

Concernant les moyens humains de la branche, le conseil d'administration de la CNAF a reçu plus d'une centaine de motions de conseils d'administration de CAF faisant part de leurs difficultés. Nous demeurons aujourd'hui sur la trajectoire prévue par la COG, avec 500 postes rendus en 2021 et un objectif pour 2022 ramené à 450 postes. Cependant, cet effort soumet le réseau des CAF à une très grande tension, d'autant que celui-ci se voit confier des charges non compensées, voire la conduite d'expérimentations (dont la généralisation peut ensuite générer des difficultés opérationnelles). Il s'agit pour nous d'un point de vigilance. Il est compréhensible qu'il soit demandé à la branche de faire évoluer ses missions par rapport à celles inscrites dans sa COG, au regard de l'évolution des besoins. Cependant, il conviendrait de veiller à ce que la branche dispose pour cela de moyens adaptés. Aujourd'hui, la branche ne dispose plus guère de marges de manoeuvre.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Merci à tous pour cet échange riche, au cours duquel des réponses précises ont été apportées.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

Mme Anne Thiebauld,
directrice des risques professionnels
de la Caisse nationale d'assurance maladie

Réunie le mercredi 27 octobre 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission procède à l'audition de Mme Anne Thiebauld, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale d'assurance maladie.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous terminons ce matin nos auditions plénières consacrées au PLFSS avec l'audition de Mme Anne Thiebauld, directrice des risques professionnels de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), pour évoquer les accidents du travail et les maladies professionnelles (AT-MP).

Comme celui de la branche famille, le solde de la branche AT-MP se redresserait en 2021, s'établissant à 0,7 milliard d'euros, avec une perspective d'excédents durables à l'horizon de 2025.

Mme Anne Thiebauld, directrice des risques professionnels la Caisse nationale de l'assurance maladie . - En 2020, la branche AT-MP a été déficitaire, situation qu'elle n'avait pas connue depuis longtemps. Les prévisions de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) se réalisent, avec un retour à l'excédent en 2021, grâce à une reprise des produits et une augmentation des cotisations du fait de la croissance de la masse salariale. Les cotisations ne retrouvent toutefois pas leur niveau d'avant-crise.

Hier, la branche AT-MP a publié le rapport Essentiel 2020, faisant état de l'activité de la branche sur l'année 2020. La pandémie a mis à l'arrêt un nombre important d'activités économiques relevant du régime général. Sans surprise, le nombre d'accidents du travail a diminué de 17 %, celui des accidents de trajet de près de 20 % et celui des maladies professionnelles de 19 %. Ces chiffres correspondent parfaitement aux deux périodes de confinement. Quelques secteurs particulièrement sollicités font toutefois figure d'exception : les centrales d'achat, les métiers de l'ambulance et la vente à distance ont vu leur activité et leur sinistralité augmenter cette année.

Les maladies professionnelles prises en charge enregistrent un recul de 19 % entre 2019 et 2020, avec 40 219 cas reconnus en 2020. Ces maladies ont pour origine des troubles musculo-squelettiques (TMS) dans 87 % des cas. Les cancers professionnels, bien qu'ils soient à effet différé, sont également en recul de 14 %.

La branche, les acteurs concernés, les prescripteurs et les salariés eux-mêmes doivent faire preuve de vigilance pour que la situation ne conduise pas les assurés à renoncer à leurs droits. À cet égard, les déclarations de maladies professionnelles sont un enjeu essentiel, d'autant plus dans ce contexte de sortie de crise.

Le PLFSS pour 2022 porte les conclusions de la commission de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles ; il augmente progressivement le montant du transfert de la branche AT-MP vers l'assurance maladie. Cela encourage le renforcement des actions de gestion des risques professionnels, dans le but de promouvoir l'imputation des dépenses de santé aux bons risques.

Nous avons travaillé à la détection de l'origine professionnelle des maladies, en associant non seulement les services médicaux de l'assurance maladie et les médecins traitants, mais aussi les assurés concernés, afin de sensibiliser ceux-ci à la recherche de l'origine potentiellement professionnelle de leur pathologie.

La branche AT-MP de la sécurité sociale s'est également vu confier une nouvelle mission : assurer la reconnaissance du covid-19 comme maladie professionnelle. Le dispositif réglementaire, paru en septembre 2020, a créé un tableau dédié aux pathologies liées au covid-19 et a mis en place un comité d'experts médicaux, chargé de déterminer les situations qui ne rempliraient pas complètement les conditions du tableau. Sur les 5 000 dossiers transmis aux caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), 1 690 d'entre eux sont reconnus et pris en charge, essentiellement sur la base des critères du tableau ; 80 % des bénéficiaires sont des soignants.

Concernant la prévention des risques durant la crise, la branche s'est fortement mobilisée. Nous avons publié et actualisé les plans de reprise d'activité pour treize secteurs économiques que nous considérions comme particulièrement touchés par le risque sanitaire et les risques professionnels. En outre, la branche a alloué 50 millions d'euros de subventions aux entreprises de moins de 50 salariés pour les aider à adapter leur organisation de travail, en vue d'assurer le maintien de leur activité, dans le respect des mesures barrières. Ainsi, 33 000 entreprises et 4 000 travailleurs indépendants ont reçu cette subvention.

Toutes les composantes de la branche se sont mobilisées pour aider les entreprises à faire face à la crise sanitaire : la gouvernance paritaire, la direction nationale de la CNAM, le réseau des caisses régionales et l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS), entièrement financé par la branche AT-MP et représenté à l'échelon européen par Eurogip. Aujourd'hui, 17 subventions figurent au catalogue de nos offres de services ; 1 200 préventeurs et agents administratifs en prévention accompagnent les entreprises les plus sinistrogènes.

Enfin, les contrats de prévention que nous proposons engagent les entreprises concernées dans des démarches de plus longue haleine, au-delà des simples aides financières.

M. Laurent Burgoa , en remplacement de Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles . - Pascale Gruny participe ce matin à la réunion de la commission des lois pour l'examen du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire dont elle est rapporteur pour avis. Elle m'a donc demandé de vous transmettre ses questions.

Après le déficit enregistré en 2020, le solde de la branche AT-MP est redevenu excédentaire en 2021. Alors que la prévention se développe, le coût des indemnités journalières (IJ) croît de façon continue depuis 2013. Comment expliquez-vous ce phénomène ?

La sinistralité en matière d'AT-MP diminue tendanciellement depuis dix ans. On observe toutefois un rebond des maladies professionnelles dans le secteur tertiaire et de l'action sociale et une plus forte gravité des accidents du travail, en particulier dans les activités de travail temporaire. Comment l'expliquez-vous ? Quelles actions de prévention ont été mises en place ou envisagées par la branche pour y faire face ?

Que pensez-vous du système actuel de reconnaissance des maladies professionnelles ? N'est-il pas obsolète ? Le processus de reconnaissance semble particulièrement lent ; le décret relatif aux maladies liées au trichloréthylène n'a été pris que quatre ans après la reconnaissance de la dangerosité de ce solvant par la commission AT-MP de la CNAM. Quelles actions pourraient être menées pour améliorer ce processus ?

Quels efforts ont été accomplis depuis l'an dernier pour limiter la sous-déclaration des AT-MP ? Qu'est-il fait pour renforcer l'attractivité de la médecine du travail et la formation professionnelle continue des médecins en matière d'AT-MP ? Parallèlement, avez-vous connaissance de phénomènes de prise en charge indue, par la branche AT-MP, de maladies et d'accidents qui devraient normalement relever de la branche maladie ?

Dans le prolongement des évaluations proposées par la commission chargée d'évaluer la sous-déclaration des AT-MP, le PLFSS prévoit de financer à hauteur de 1,1 milliard d'euros le montant du transfert de la branche AT-MP vers la branche maladie. Les avis sont partagés sur le sujet. Certains soulignent l'amélioration de la qualité de l'estimation réalisée par la commission, grâce à des données épidémiologiques récentes. D'autres pensent que ce surcroît de 100 millions d'euros gagnerait à être mobilisé pour d'autres actions de prévention, dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs et de gestion (COG) 2023-2027. Cela pourrait avoir un effet bénéfique sur les dépenses d'assurance maladie. Qu'en pensez-vous ?

Aux termes de l'article 50 du PLFSS, les salariés agricoles d'outre-mer, alors qu'ils relèvent du régime général, pourront se voir appliquer les tableaux des maladies professionnelles du régime agricole. La branche AT-MP du régime général est-elle bien préparée pour déployer cette procédure de reconnaissance ?

Mme Anne Thiebauld . - Les dépenses d'IJ croissent de façon continue depuis 2013. Plusieurs facteurs l'expliquent. La durée des arrêts en AT-MP est bien plus longue que les durées moyennes constatées sur le risque maladie. En moyenne, 70 jours d'arrêt sont prescris pour un accident du travail ou un accident de trajet et 189 jours d'arrêt pour une maladie professionnelle. Les dépenses d'IJ d'une année considérée sont constituées à 40 % des dépenses liées à des sinistres d'années antérieures. Il y a donc un effet cumulatif. En outre, l'augmentation de la masse salariale s'accompagne mécaniquement d'une augmentation des accidents du travail.

En 2018 et en 2019, la croissance des AT-MP a induit 4 à 8 % de dépenses d'IJ supplémentaires. Cette situation était liée à la mise en oeuvre d'une mesure permettant d'indemniser une maladie professionnelle jusqu'à deux ans en amont de sa date de déclaration, ce qui a nécessité un rattrapage d'historiques.

La sinistralité est particulièrement forte dans les secteurs médico-social et du travail intérimaire : l'augmentation du nombre d'AT-MP est corrélée à l'accroissement de la masse salariale. Aussi la branche développe-t-elle des actions de prévention.

Dans le secteur de l'emploi intérimaire, la hausse des sinistres est inférieure à celle de sa masse salariale - le risque est donc relativement contenu -, tandis que dans le secteur médico-social, la croissance des sinistres est, en fréquence, trois fois supérieure à la moyenne.

En 2014, nous avons créé le programme TMS Pros. Je rappelle que 50 % des accidents du travail sont liés à des problèmes de manutention et 87 % des maladies professionnelles aux TMS. Dès lors que les entreprises adhèrent à ce programme, nous sommes capables de mesurer la diminution de leur sinistralité. Nous avons ainsi constaté que, entre 2014 et 2019, l'indice de fréquence pour 1 000 salariés du nombre de maladies professionnelles liées aux TMS a baissé.

La démarche que nous adoptons sur le programme TMS Pros est sectorielle : nous y intégrons plus d'un millier d'établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), quelques centaines d'hôpitaux et de cliniques, des établissements d'hébergement pour personnes handicapées et des services d'aide à domicile. Le programme, bâti et déployé avec les fédérations professionnelles du secteur, permet d'accompagner les entreprises en quatre étapes, de l'évaluation du risque jusqu'à la mise en oeuvre des actions et leur évaluation.

La branche est liée avec les fédérations professionnelles par une convention nationale d'objectifs, sur la base de laquelle les caisses régionales chargées de la prévention des AT-MP peuvent conclure des contrats de prévention avec les entreprises en difficulté. Ces dernières peuvent ainsi bénéficier d'un accompagnement de longue durée de la part des préventeurs, en vue d'améliorer les conditions et l'organisation du travail, et recevoir des aides financières.

L'INRS, de son côté, a renforcé la formation au bénéfice des salariés, des animateurs en prévention et des dirigeants d'entreprises. Concrètement, l'INRS se charge d'habiliter les organismes qui dispensent cette formation.

Les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) sont particulièrement bien placées dans le secteur de l'aide et des soins à la personne. Elles disposent en leur sein à la fois du service prévention des AT-MP et de l'action sociale à l'intention des personnes âgées. Certaines Carsat déploient des programmes « aidants-aidés » permettant d'examiner les facteurs de risques dans un lieu privé, qui sont les mêmes pour les personnes âgées que pour les aidants.

Le système de tableau de reconnaissance des maladies professionnelles présente en effet une certaine lenteur. Les décrets sont quelquefois pris bien après le début des travaux et des échanges au sein de la commission spécialisée du conseil d'orientation des conditions de travail (COCT). La CNAM ne peut qu'être favorable à l'accélération de l'adaptation des tableaux de maladies professionnelles. Pour autant, si la procédure doit être modifiée, il est primordial de préserver la concertation avec les partenaires sociaux siégeant au sein des différentes gouvernances de branche et du COCT, ce pour respecter le compromis social qui a abouti à la loi du 9 avril 1898.

La procédure de modification des tableaux a évolué en 2018 grâce à l'introduction d'une expertise extérieure à l'appui des travaux du COCT, confiée notamment à l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). La réalisation des travaux d'expertise est encadrée dans un délai d'un an ; le COCT doit rendre son avis immédiatement après leur achèvement. En revanche, les délais de publication des tableaux relèvent des services de l'État. Le tableau de reconnaissance du covid-19 comme pathologie professionnelle a pu être adopté très rapidement.

La médecine du travail ne relevant pas des compétences de la branche AT-MP, je ne suis pas en mesure de répondre à vos interrogations. Pour l'heure, ce qui est essentiel pour la branche, c'est la formation des médecins prescripteurs concernant la détection de l'origine professionnelle des pathologies.

Le rapport de 2021 de la commission de la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles a fait le constat d'une stagnation, voire d'un recul des inscriptions aux demandes de formation continue en matière de risque professionnel de la part des médecins prescripteurs. Nous souhaitons donc faciliter l'accès à la formation aux risques professionnels via le dispositif de certification périodique, créé en juillet dernier.

Nous avons également mobilisé les délégués de l'assurance maladie pour mieux aider au remplissage des certificats médicaux initiaux ou de prolongation - ils ne sont pas simples à manipuler, même pour un médecin prescripteur aguerri. Nous avons rationalisé la procédure de reconnaissance des AT-MP pour apporter davantage de visibilité sur les différentes étapes de la procédure. Nous avons refondu nos canaux d'information sur le site Ameli, tant en considération des assurés que des professionnels de santé, et mené diverses campagnes d'information sur la lombalgie, les cancers professionnels ou les risques psychosociaux, qui contribuent à augmenter le niveau d'information et la culture en matière de risques professionnels.

Le PLFSS pour 2022 prévoit de financer à hauteur de 1,1 milliard d'euros le transfert de la branche AT-PM à la branche maladie. Faut-il opérer ce transfert a posteriori pour compenser le coût des dépenses de santé qui ont pesé indûment sur l'assurance-maladie ou doit-on investir ces crédits en matière de prévention ? Les deux démarches ne sont pas incompatibles. On peut à la fois rectifier l'imputation sur le risque a posteriori et, dans le même temps, investir davantage sur la prévention. On balaierait ainsi la totalité du dispositif.

L'article 50 du PLFSS prévoit que les salariés agricoles d'outre-mer peuvent bénéficier du tableau du régime agricole même si leur entreprise cotise au titre du régime général. Ce dispositif n'est pas un sujet d'inquiétude à ce stade. Nous resterons toutefois vigilants lors de son application l'année prochaine. Les caisses générales de sécurité sociale (CGSS) sont chargées d'instruire l'ensemble des demandes, tant en ce qui concerne les salariés agricoles que les salariés relevant du régime général.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous vous remercions de votre venue, madame Thiebauld.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

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