N° 48
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 octobre 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer le régime d' indemnisation des catastrophes naturelles ,
Par Mme Christine LAVARDE,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Mme Nadine Bellurot, MM. Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : |
3688 , 3785 et T.A. 557 |
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Sénat : |
325 (2020-2021), 45 et 49 (2021-2022) |
L'ESSENTIEL
Réunie le mercredi 13 octobre 2021 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport de Mme Christine Lavarde sur la proposition de loi n° 325 (2020-2021) visant à réformer le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles , déposée à l'Assemblée nationale le 14 décembre 2020 par Stéphane Baudu, Marguerite Deprez-Audebert et les membres du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés.
Le texte adopté en première lecture par l'Assemblée nationale et transmis au Sénat comprend 8 articles . Il a été renvoyé à la commission des finances , qui a délégué à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire l'examen au fond des articles 2, 4 et 7. Celle-ci s'est également saisie pour avis des articles 1 et 8.
Sur les articles qu'elle a examinés au fond, la commission des finances, sur proposition de son rapporteur, a adopté quatre amendements :
• deux amendements à l'article 1 er visant à :
- prévoir que l'arrêté interministériel de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle mentionne les voies et délais de l'ensemble des recours possibles ;
- supprimer des dispositions législatives sans portée.
• un amendement à l'article 5 visant à raccourcir d'un mois à dix jours le délai dont disposent les assureurs pour verser l'indemnisation due à compter de la réception de l'accord de l'assuré sur ce montant ;
• un amendement corrigeant une erreur matérielle à l'article 6 .
Elle a également adopté trois autres amendements :
• un amendement à l'article 1 er précisant que la motivation de la décision de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle doit être formulée de façon claire, détaillée et compréhensible ;
• un amendement portant article additionnel après l'article 3 allongeant de deux ans à cinq ans le délai de prescription en cas de sécheresse ;
• un amendement rétablissant l'article 9 et visant à créer un crédit d'impôt visant à encourager les dépenses de prévention en matière de catastrophes naturelles.
Pour mémoire, ces dernières années, les travaux du Sénat consacrés à l'évolution du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles ont été nombreux . Ainsi, une mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos régimes d'indemnisation, présidée par M. Michel Vaspart et dont la rapporteure était Nicole Bonnefoy, a rendu ses conclusions en juillet 2019. Celles-ci ont été traduites dans une proposition de loi à l'initiative de Mme Nicole Bonnefoy, examinée en janvier 2020 et pour laquelle Jean-François Husson avait été désigné rapporteur pour la commission des finances.
I. DES DISPOSITIONS BIENVENUES POUR ACCOMPAGNER LES SINISTRÉS FACE AUX CATASTROPHES NATURELLES...
La commission a regretté que la proposition de loi d'initiative sénatoriale, adoptée en janvier 2020 n'ait pas été inscrite dans la navette, retardant les avancées au bénéfice des sinistrés . Elle a néanmoins salué plusieurs dispositions du texte visant à améliorer la transparence de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et ouvrant plus de droits aux sinistrés .
A. UNE PROCÉDURE DE RECONNAISSANCE DE L'ÉTAT DE CATASTROPHE NATURELLE PLUS TRANSPARENTE
Procédure de reconnaissance de l'état de
catastrophe naturelle
et d'indemnisation des sinistrés
Source : ministère de l'intérieur
L'article 1 er modifie l'article L. 125-1 du code des assurances afin de préciser que l'arrêté interministériel doit être motivé et mentionner les voies et délais de recours et de communication des rapports d'expertise fondant cette décision . Cette disposition prend acte des conclusions de la mission d'information qui témoignaient de la complexité et de l'opacité, pour les sinistrés, des motifs fondant la décision ministérielle de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
B. UNE INDEMNISATION SÉCURISÉE ET DES DÉLAIS PLUS ADAPTÉS POUR LES SINISTRÉS
L'article 3 supprime la modulation de franchise restant à la charge des assurés en raison de l'absence, dans leurs collectivités territoriales, d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN). Cette disposition met fin à une injustice pour les assurés, dont la franchise était pénalisée par un manquement dont ils n'étaient pas responsables . Toutefois, la modulation de franchise est maintenue pour les biens assurés par les collectivités territoriales pour lesquels un PPRN a été prescrit mais non approuvé dans les délais réglementaires.
L'article 5 prévoit plusieurs modifications relatives à l'indemnisation des assurés en cas de catastrophe naturelle, afin de sécuriser la procédure d'indemnisation :
- il vise à accélérer la publication de l'arrêté de catastrophe naturelle , en raccourcissant de trois à deux mois le délai de publication après le dépôt des demandes des communes ;
- il précise les différents délais applicables à l'indemnisation des assurés , il allonge de dix jours à trente jours le délai dont dispose l'assuré pour faire sa déclaration de sinistre après la publication de la décision de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, et il permet d'expliciter ses droits en matière de contre-expertise ;
- il prévoit, qu'en cas de mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse ou la réhydratation des sols, les indemnisations doivent couvrir les travaux permettant un arrêt des désordres existants , dès lors que l'expertise constate une atteinte à la solidité du bâtiment, ou un état le rendant impropre à son usage.
L'article 6 inclut les frais de relogement d'urgence dans le périmètre de la garantie dite « catnat », ainsi que le remboursement des frais d'architecte et de maîtrise d'oeuvre associés à la remise en état du bien . Cette mesure indispensable pour les sinistrés n'aura qu'un coût négligeable pour le régime d'indemnisation, estimé entre 6 et 10 millions d'euros par an, à ramener au coût des indemnisations versées chaque année, s'élevant en moyenne à 1,1 milliard d'euros.
Enfin, l'article 8 reprend les dispositions de la proposition de loi sénatoriale en allongeant de dix-huit mois à vingt-quatre mois le délai dont disposent les communes pour transmettre leur demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, à compter de la date de l'évènement climatique.
II. ... MAIS QUI NE RÉPONDENT PAS AUX DÉFIS À VENIR POUR LA PÉRENNITÉ DU RÉGIME D'INDEMNISATION DES CATASTROPHES NATURELLES
Près de deux ans après avoir examiné la proposition de loi du Sénat sur ce sujet, la commission a rappelé que les dispositifs proposés n'épuisaient pas les questions relatives à l'avenir du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles .
D'une part, l'équilibre financier de celui-ci est amené à être de plus en plus sous tension , en raison de la fréquence et de l'intensité accrue des catastrophes naturelles, et des épisodes de sécheresse pour lesquels les réparations des dommages sont particulièrement onéreuses. Ainsi, si le ratio moyen de sinistralité/primes est de 72 % sur les quinze dernières années, il s'est élevé à 119 % en 2016, 202 % en 2017, et 137 % en 2018 d'après la direction générale du Trésor. Depuis 2016, la sinistralité avoisine 2 milliards d'euros par an, contre une moyenne annuelle de 1,1 milliard d'euros entre 2006 et 2020.
D'autre part, les enjeux relatifs à la prise en charge des dommages causés par le phénomène de retrait-gonflement des argiles ne sont qu'imparfaitement traités par le texte de la proposition de loi . Si l'article 5 constitue une première étape, directement inspirée des travaux du Sénat, il semble insuffisant au regard de l'ampleur des dommages potentiels des épisodes de sécheresse. En outre, la question du financement des dépenses de prévention devant être réalisées pour limiter les dégâts constitue un réel angle mort du texte proposé.
Sur ce point, une réflexion plus ambitieuse doit être menée afin de remédier aux lacunes d'un régime d'indemnisation à bout de souffle.