C. FACE À LA CRISE, UN IMPACT DIFFICILE À APPRÉHENDER ET UNE MOBILISATION INÉGALE DES ADMINISTRATIONS

L 'exécution des programmes 186 « Recherche culturelle et culture scientifique » et 191 « Recherche duale » n'a été que très marginalement impactée par la crise sanitaire , si bien que des efforts budgétaires ont été demandés à ces programmes, dans l'optique d'équilibrer l'ensemble.

A contrario , il semble que les programmes 172 « Recherche scientifique et technologique pluridisciplinaire », 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » et 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable » aient été particulièrement sollicités dans le contexte de la lutte contre la Covid-19.

Ainsi, près de 61,7 millions d'euros de dépenses supplémentaires ont été mobilisées dans le cadre du programme 172 , afin de financer un fonds d'urgence pour la recherche contre le Covid (52,1 millions d'euros), de soutenir les jeunes chercheurs (6,6 millions d'euros) et d'abonder la subvention pour charges de service public versée aux opérateurs les plus fragilisés sur le plan financier, à savoir le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement - CIRAD (2,2 millions d'euros) et le Bureau de recherches géologiques et minières -BRGM (0,8 million d'euros).

De la même manière, l'impact financier de la crise pour le programme 142 est de l'ordre de 10,1 millions d'euros , en raison de manques à gagner significatifs sur certaines activités, associés à des dépenses supplémentaires pour prolonger les contrats de recherche et acheter du matériel pour le télétravail.

Enfin, comme évoqué précédemment, les programmes 190 et 192 ont bénéficié d'ouvertures de crédits en lois de finances rectificatives , pour financer le plan de soutien de l'État à la filière aéronautique ainsi que les aides de Bpifrance à destination des PME.

Le plan de soutien de l'État à la filière aéronautique

Annoncé le 9 juin 2020 et doté de 15 milliards d'euros sur 3 ans, le plan de soutien à la filière aéronautique s'articule autour de trois axes :

- le soutien d'urgences aux entreprises en difficulté (12,5 milliards d'euros) ;

- l'investissement dans les PME et les ETI (1 milliard d'euros) ;

- le soutien à la recherche et au développement de la filière (1,5 milliard d'euros dont 300 millions d'euros engagés dès 2020 sur le programme 190).

Ce dernier volet a pour ambition d'accompagner le développement des prochaines ruptures technologiques (i.e. réduction de la consommation en carburant, électrification des appareils, transition vers des carburants neutres en carbone), par l'octroi de subventions à la recherche auprès des grands avionneurs, motoristes et systémiers de la filière.

Une partie des crédits sera portée par la mission « Plan de relance », la répartition avec le programme 190 ayant vocation à varier selon les années.

Source : commission des finances à partir de la note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes

Dépenses supplémentaires afin de lutter
contre les conséquences de la crise sanitaire

(en millions d'euros)

Dépenses supplémentaires

Financement

Mobilisation d'un fonds d'urgence pour la recherche contre le Covid

+ 52,1

Dégel partiel de la réserve de précaution en cours de gestion

+ 50

Mesures de soutien aux jeunes chercheurs (prolongation de contrats de doctorants et CIFRE)

+ 6,6

Dégel partiel en loi de finances rectificatives n° 4 14 ( * )

+ 30

Augmentation de la subvention pour charges de service public aux opérateurs fragilisés par la crise

+ 3

Total programme 172

+ 61,7

Total

+ 80

Compensation du manque à gagner de recettes concernant le logement étudiant, les prestations de recherche et conseil, les prestations de soin dans les centres hospitaliers vétérinaires, la taxe d'apprentissage, la formation continue et les exploitations agricoles

+ 14,2

Redéploiement en fin de gestion : compléments de subventions pour charges de service public au profit des établissements publics les plus en difficulté

+ 2,07

Moindres dépenses consécutives à la réduction des activités

- 6,7

Prolongation des contrats de recherche, achat de licences pour le télétravail et l'enseignement à distance

+ 2,6

Total programme 142

+ 10,1

Total

+ 2,07

Plan de soutien à la filière aéronautique

+ 85,0

Loi de finances rectificative n° 3

+ 85,0

Total programme 190

+ 85,0

Total

+ 85,0

Aides à l'innovation de Bpifrance, soutien aux PME

+ 30,0

Loi de finances rectificative n° 3

+ 30,0

Total programme 192

+ 30,0

Total

+ 85,0

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Le rapporteur note, enfin, que l'impact direct de la crise sanitaire demeure difficile à appréhender pour le programme 193 .

La Cour des comptes avance que « l'essentiel des impacts de la crise concerne le CNES », mais que « ces impacts sont pour l'heure difficiles à estimer » 15 ( * ) . Les documents budgétaires font néanmoins état d'une dégradation significative de la situation financière du CNES, dont le budget pour 2020 serait in fine déficitaire de 109,9 millions d'euros . Par ailleurs, si ce dernier a obtenu un dégel partiel de sa réserve de précaution, afin de financer l'intégralité de la contribution française à l'ESA, il n'a bénéficié d'aucune mesure de soutien direct en cours de gestion.

La dotation publique totale versée à cet opérateur se caractérise, au demeurant, par un schéma de fin de gestion particulièrement opaque : la 4 ème loi de finances rectificative pour 2020 a ainsi procédé à une annulation des crédits mis en réserve, à hauteur de 30 millions d'euros sur le programme 191 et 120 millions d'euros sur le programme 193, mais le CNES a pu bénéficier de subventions additionnelles de même niveau en provenance du programme 146 de la mission Défense.

Or, non seulement le Parlement n'a été que très partiellement informé de ces mouvements de crédits, mais en plus aucun crédit supplémentaire n'a été ouvert au titre du programme 146 de la mission Défense , qui a donc vu ses moyens amputés .

De surcroît, ce procédé , qui contrevient très clairement au principe de spécialité des crédits, se répète pour la deuxième année consécutive. En 2019, le CNES a en effet également bénéficié d'une subvention qualifiée « d'exceptionnelle », à hauteur de 80 millions d'euros, en provenance du programme susmentionné.

Le rapporteur invite donc le Gouvernement à faire preuve de davantage de transparence à l'avenir, en présentant à la représentation nationale des éléments circonstanciés pour justifier l'emploi de tels procédés .


* 14 Le solde de ce deuxième dégel a été mobilisé pour financer les contributions françaises aux organismes scientifiques internationaux.

* 15 Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire, Mission Recherche et enseignement supérieur, 2020.

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