C. LE PROGRAMME 358 « RENFORCEMENT EXCEPTIONNEL DES PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT DANS LE CADRE DE LA CRISE FINANCIÈRE »

1. Un dispositif doté de 20 milliards d'euros a été créé pour permettre une intervention en capital ou en quasi-fonds propres de l'État dans des entreprises stratégiques mises en difficulté par la crise

À l'issue d'une première analyse conduite dès le mois de mars 2020, selon le rapport annuel de performances, la direction générale des entreprises (DGE) et la direction générale du Trésor ont identifié, dans les secteurs les plus exposés à la crise, une vingtaine d' entreprises stratégiques considérées comme particulièrement vulnérables .

Il est alors apparu qu'une intervention de l'État pourrait éviter que des sociétés cotées fassent l'objet d'une prise de participation hostile. Cette intervention pouvait également s'adresser à des entreprises faisant déjà partie du portefeuille de l'État actionnaire, qui pouvait les soutenir par la souscription à des fonds sectoriels.

En conséquence, la deuxième loi de finances rectificative du 25 avril 2020 a créé le programme 358 afin de soutenir l'économie en renforçant les ressources des entreprises présentant un caractère stratégique jugées vulnérables et dont la situation pourrait s'avérer critique en raison des conséquences économiques de la crise sanitaire.

Ce programme a été doté de 20 milliards d'euros , en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Contrairement aux autres programmes de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », il n'a pas fait l'objet de nouvelles ouvertures de crédit dans les lois de finances rectificatives ultérieures.

Les crédits ouverts sur ce programme devaient ensuite, au fur et à mesure de la réalisation des opérations identifiées par l'Agence des participations de l'État (APE), être transférés sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (CAS-PFE), qui assure l'ensemble des opérations de soutien en fonds propres, quasi-fonds propres et titres de créances auprès des entreprises.

La première loi de finances rectificative pour 2020 a donc augmenté du même montant, soit 20 milliards d'euros, les ressources et les charges du CAS-PFE.

2. L'utilisation des crédits, limitée, n'a été que partiellement liée à la crise sanitaire

Les opérations effectivement menées ont été moins importantes que prévu . En 2020, 8,3 milliards d'euros ont été consommés , c'est-à-dire versés au CAS-PFE, sur quatre opérations :

- 4,1 milliards d'euros pour la souscription de l'État à l'augmentation de capital de la SNCF , intervenue le 15 décembre 2020 ;

- 3,0 milliards d'euros pour une avance en compte courant d'actionnaire consentie le 6 mai 2020 à la société Air France - KLM , deux versements ayant eu lieu en novembre (1,0 milliard d'euros) et en décembre 2020 (2,0 milliards d'euros) ;

- 150 millions d'euros au titre de la souscription par l'État de parts dans le fonds Ace Aéro Partenaires , créé en juin 2020 pour accompagner les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises de la filière aéronautique. Ce fonds est également abondé par les grands donneurs d'ordre de la filière aéronautique française 23 ( * ) ;

- 1,1 milliard d'euros en prévision du règlement de la souscription à l'émission d'obligations à option de conversion ou d'échanges en actions nouvelles et existantes (OCEANEs) d'EDF , intervenue le 8 septembre 2020.

Consommation des crédits sur le programme 358

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir du rapport annuel de performances

Le montant des dépenses effectivement réalisées sur le CAS-PFE s'établit à 8,1 milliards d'euros, la différence avec le montant des crédits transférés par le programme 358 s'expliquant ainsi :

- un seul appel de fonds a eu lieu en 2020 sur le fonds Ace Aéro Partenaires, pour un montant de 6,5 millions d'euros ;

- s'agissant de la souscription d'obligations d'EDF, le montant effectivement versé, qui est déterminé à l'issue d'une phase d'allocation auprès des investisseurs, a été de 1 027,63 millions d'euros seulement.

Les sommes qui n'ont ainsi pas été utilisées par le compte d'affectation spéciale en 2020 ont vocation à alimenter les futurs appels du fonds Ace Aéro Partenaires ou d'autres opérations entrant dans le cadre du programme 358.

La sous-consommation de ce programme peut être interprétée comme une bonne nouvelle dans la mesure où, probablement sous l'effet des autres programmes de soutien aux entreprises, une entrée de l'État dans leur capital n'a pas été nécessaire.

Deux éléments sont toutefois contestables dans la gestion de ce programme.

D'une part, deux des quatre opérations menées , représentant 62 % des crédits consommés, n'ont qu'un lien partiel avec la situation d'urgence qui était l'objectif de la création du programme.

Ainsi en est-il de l'opération de recapitalisation de la SNCF , qui est également inscrite dans le plan de relance présenté en septembre 2020 24 ( * ) . Ces fonds contribueront en effet à la régénération et la modernisation du réseau par SNCF Réseau. L'imputation sur la mission « Plan d'urgence » résulte donc d'un choix de gestion contestable et s'inscrit en outre dans un schéma budgétaire particulièrement complexe, puisque les fonds ont été immédiatement reversés par fonds de concours à la mission « Écologie, développement et mobilité durables », comme l'a décrit le rapporteur général à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances rectificative 25 ( * ) .

La souscription à des obligations convertibles d'EDF ne présente elle non plus pas de lien exclusif évident avec les conséquences de la crise sur les comptes de l'entreprise. Le rapport annuel de performances rappelle certes les effets de la crise sur les activités de l'entreprise : la baisse de la consommation d'électricité et certaines difficultés opérationnelles auraient eu un effet négatif de 1,5 milliard d'euros sur l'EBITDA 26 ( * ) du groupe en 2020, mais d'autres modes d'action auraient également pu être envisagés. L'opération d'émission d'obligations « vertes » de septembre 2020, dans laquelle s'inscrit la souscription de la part de l'État, a d'ailleurs été présentée non comme une réponse à la crise, mais comme une étape dans la stratégie de développement des énergies renouvelables pour le groupe EDF 27 ( * ) .

D'autre part, les crédits non consommés , au lieu d'être annulés dans le collectif budgétaire de fin d'année, ont été reportés de 2020 à 2021 . La sous-consommation était pourtant prévue dès le mois de septembre 2020 : le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021 indiquait que la dotation au CAS-PFE au titre des interventions dans les entreprises en difficulté de 20 milliards d'euros serait de 9 milliards d'euros en 2020 et 11 milliards d'euros en 2021, ce qui a été confirmé dans l'exposé des motifs du quatrième projet de loi de finances rectificative, déposé le 4 novembre 2020. Ces crédits n'ont donc pas été retracés dans la loi de finances initiale pour 2021 , ce qui nuit à l'information du Parlement comme au principe d'annualité budgétaire .

3. Le dispositif de performance

Le deuxième projet de loi de finances rectificative a assigné deux objectifs au programme 358 : « Assurer le succès des opérations de renforcement des fonds propres, quasi-fonds propres et titres de créances des entreprises stratégiques » et « Contribuer au redressement économique et financier des entreprises stratégiques les plus affectées par la crise sanitaire ».

Le premier objectif devait être mesuré par deux indicateurs, portant respectivement sur les plus-values réalisées lors de la cession des titres acquis et sur la durée séparant l'opération financière de prise de participation et l'opération de cession des titres acquis . Ces indicateurs sont pour l'instant sans objet. Ils ne pourraient éventuellement s'appliquer dans le futur qu'aux opérations d'acquisition d'obligations d'EDF et d'augmentation de capital de la SNCF.

L'objectif relatif au redressement économique et financier des entreprises concernées est également difficile à mesurer. L'indicateur relatif au rapport entre la dette et les fonds propres est par exemple sans objet, car les trois opérations réalisées n'ont pas eu d'effet sur les fonds propres en 2020 :

- l'avance en compte courant d'actionnaire à Air France - KLM s'apparente à de la dette et non à une augmentation des fonds propres ;

- comme indiqué supra, l'opération dite de recapitalisation de la SNCF n'a pas d'impact sur les fonds propres en 2020 puisque la somme a été immédiatement reversée au budget général de l'État ;

- les obligations d'EDF acquises par l'État ne seront comptabilisées comme des fonds propres que si les titres sont convertis, ce qui n'a pas été le cas en 2020.

Les opérations menées sur le programme 358 n'ont donc pas diminué, mais plutôt augmenté le poids de la dette des entreprises concernées , relativement à leurs capitaux propres. Toutefois cette dette supplémentaire est due à l'État et les sommes ainsi obtenues aident les entreprises à accéder aux financements.


* 23 Nouveau fonds d'investissement aéronautique pour soutenir les PME et les ETI de la filière , communiqué de presse du ministère de l'économie, des finances et de la relance, 28 juillet 2020.

* 24 Annexe au dossier de presse du plan France Relance, p. 89-90.

* 25 Voir le rapport n° 124 (2020-2021) de Jean-François Husson, rapporteur général, fait au nom de la commission des finances, sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021, déposé le 23 mai 2021.

* 26 L'EBITDA (en anglais, earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization ) correspond au bénéfice avant soustraction des intérêts, des impôts, des dépréciations et des amortissements. Il permet d'évaluer le profit généré par l'activité de la société.

* 27 EDF annonce le succès de son émission inaugurale majeure d'obligations vertes à option de conversion et/ou d'échange en actions nouvelles et/ou existantes (OCEANEs Vertes) à échéance 2024 pour un montant nominal d'environ 2,4 milliards d'euros , communiqué de presse, 8 septembre 2020.

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