N° 654
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021
Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 juin 2021
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à nommer les enfants nés sans vie ,
Par Mme Marie MERCIER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .
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Sénat : |
189 et 655 (2020-2021) |
L'ESSENTIEL
Réunie le 2 juin 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a examiné le rapport de Marie Mercier (Les Républicains - Saône-et-Loire) sur la proposition de loi n° 189 (2020-2021) visant à nommer les enfants nés sans vie. Cette proposition de loi a été déposée par Anne-Catherine Loisier (Union centriste - Côte-d'Or) et inscrite à l'ordre du jour de son espace réservé par le groupe Union centriste (UC).
La commission des lois a estimé qu'il était justifié de compléter la reconnaissance mémorielle de l'enfant sans vie en accordant aux parents le droit de lui donner un nom et d'inscrire dans le code civil la pratique déjà existante concernant l'octroi d'un prénom . Elle a toutefois souhaité s'assurer du caractère purement symbolique de cette mesure, en excluant de manière expresse tout effet juridique. Elle a donc adopté cette proposition de loi, tout en modifiant la rédaction de son article unique.
I. L'ACTE D'ENFANT SANS VIE : ACCOMPAGNER LE DEUIL DES PARENTS PAR UNE INSCRIPTION MÉMORIELLE À L'ÉTAT CIVIL
Le cadre juridique des enfants nés sans vie ou non viables a été défini par l'article 6 de la loi du 8 janvier 1993 1 ( * ) , qui les a distingués des enfants nés vivants et viables , dotés d'une personnalité juridique . Lorsque l'enfant n'est pas né vivant ou viable, les parents peuvent demander l'établissement d'un acte d'enfant sans vie qui est inscrit dans le registre des décès (alinéa 2 de l'article 79-1 du code civil). Il n'y a alors pas d'obligation de déclarer l'enfant à l'état civil et le délai de cinq jours après l'accouchement, posé par l'article 55 du code civil, ne s'applique pas.
Deux décrets du 20 août 2008 2 ( * ) sont venus compléter le dispositif en précisant :
- d'une part, que l'acte d'enfant sans vie est conditionné à la production d'un certificat médical attestant de l'accouchement de la mère spontané ou provoqué pour raison médicale, selon un modèle défini par arrêté du ministre de la santé. N'ouvrent pas la possibilité d'un tel certificat d'accouchement les interruptions du premier trimestre de grossesse (interruptions spontanées précoces de grossesse et interruptions volontaires de grossesse) ;
- d'autre part, que les couples non mariés dont le premier enfant est sans vie pouvaient se faire délivrer par l'officier de l'état civil un livret de famille pour y inscrire leur enfant sans vie.
Une circulaire du 19 juin 2009 3 ( * ) a ensuite reconnu aux parents le droit de pouvoir choisir un ou des prénoms pour leur enfant sans vie .
En revanche, selon cette circulaire, « aucun nom de famille ne peut lui être conféré et aucun lien de filiation ne peut être établi à son égard. En effet, la filiation et le nom de famille constituent des attributs de la personnalité juridique ».
Les familles peuvent également organiser des funérailles et ont 10 jours à compter de l'accouchement pour demander le corps à cette fin. Elles bénéficient de droits sociaux tels que les congés de maternité et paternité, le congé de deuil ou une allocation spécifique délivrée par les caisses d'allocations familiales.
Comme le relève l'auteure de la proposition de loi, le statut des enfants sans vie reste ambigu, voire paradoxal .
Le lien de filiation n'est pas reconnu faute de personnalité juridique, alors que l'acte d'enfant sans vie énonce « les prénoms et noms, dates et lieux de naissance, professions et domiciles des père et mère ».
Comment, en effet, nommer autrement ceux pour qui cette mesure a été conçue comme un accompagnement bienveillant du droit ?
L'inscription à l'état civil vient ici donner l'apparence d'une existence juridique - voire l'apparence d'une filiation - même si dans la réalité, elle n'est que mémorielle.
* 1 Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales.
* 2 Décrets n° 2008-800 du 20 août 2008 relatif à l'application du second alinéa de l'article 79-1 du code civil et n° 2008-798 du 20 août 2008 modifiant le décret n° 74-449 du 15 mai 1974 relatif au livret de famille.
* 3 Circulaire interministérielle DGCL/DACS/DHOS/DGS du 19 juin 2009 relative à l'enregistrement à l'état civil des enfants décédés avant la déclaration de naissance et de ceux pouvant donner lieu à un acte d'enfant sans vie, à la délivrance d'un livret de famille et à la prise en charge des corps des enfants décédés, des enfants sans vie et des foetus.