EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le mercredi 3 mars 2021, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de M. Philippe Mouiller, rapporteur, sur la proposition de loi n° 319 (2019-2020) portant diverses mesures de justice sociale.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous examinons ce matin trois propositions de loi, dont la première a été inscrite à l'ordre du jour des travaux du Sénat sur l'initiative de notre commission et les deux suivantes sont inscrites dans les espaces réservés des groupes politiques.
M. Philippe Mouiller , rapporteur . - L'essentiel de ce texte consiste à déconjugaliser le mode de calcul de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il a été adopté par l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement le 13 février 2020, et inscrit à l'ordre du jour par la Conférence des présidents, alors qu'une pétition en ligne s'apprêtait à franchir la barre des 100 000 signatures.
Je veux d'abord souligner que la commission des affaires sociales a instruit ce texte en toute liberté et dans un esprit de responsabilité. La précision peut sembler superflue, mais certains de nos collègues se souviennent que notre commission, puis le Sénat, ont rejeté une proposition de loi analogue en octobre 2018, et vous savez par ailleurs l'impatience des personnes en situation de handicap à ce que ces dispositions soient votées.
J'ai, quoi qu'il en soit, repris le sujet à zéro et procédé à de nombreuses auditions. J'ai tenu en particulier à écouter aussi bien l'administration et la ministre à sa tête, Mme Sophie Cluzel, que l'auteure de la pétition, Mme Véronique Tixier. Qu'ils soient motivés par la vision d'ensemble du gestionnaire ou l'expérience vécue de l'allocataire, il m'a semblé que tous les points de vue valaient d'être entendus. Nous avons aussi naturellement auditionné les représentants des départements et les associations représentant les personnes en situation de handicap.
J'ai cherché à documenter solidement l'évaluation des conséquences de ces dispositions. Hélas, je n'ai pas obtenu pleine satisfaction. L'AAH existe depuis 1975, mais les connaissances relatives aux bénéficiaires sont encore perfectibles. La Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), qui verse la prestation, n'a pas su me fournir les calculs utiles dans le délai qui nous était imparti et l'étude d'impact que nous envisagions de confier à un prestataire extérieur n'a pu voir le jour pour la même raison.
Même si la direction des statistiques des ministères sociaux nous a heureusement fourni des éléments pouvant servir de base de discussion, il y a là un sérieux motif de préoccupation, qu'exprimait déjà la Cour des comptes dans son rapport de novembre 2019. Car enfin, comment piloter une prestation de plus de 11 milliards d'euros perçue par plus de 1,2 million de personnes avec un appareil statistique si peu réactif ?
J'en viens au vif du sujet : faut-il retirer les revenus du conjoint de la base de calcul de l'allocation aux adultes handicapés ? Les allocataires et plus largement les associations du secteur du handicap le réclament au nom du soutien à l'autonomie des personnes. Le mécanisme de calcul actuel conduit en effet l'allocataire qui s'installe en couple avec quelqu'un dont les revenus, additionnés aux siens, excèdent le plafond de ressources applicable aux couples, à être privé de son allocation, et donc à dépendre de son conjoint pour les dépenses quotidiennes.
La demande sociale qui nous est adressée a sans doute des causes plus profondes que la seule inadéquation de notre système de prestations sociales aux besoins des personnes. Les sociologues de la famille le constatent, les statistiques des régimes matrimoniaux le confirment : un nombre croissant de conjoints, handicapés ou non, préfèrent gérer leur argent séparément plutôt que de mettre leurs revenus en commun.
Cette tendance sociétale de fond trouve un point d'application privilégié chez les jeunes femmes, dont les revenus sont encore inférieurs en moyenne à ceux de leur partenaire, et un point d'application sensible chez les jeunes femmes en situation de handicap, qui sont plus souvent victimes de violences conjugales. À ces bénéficiaires-là, une AAH déconjugalisée serait indiscutablement un élément de sécurité matérielle favorable à leur autonomie.
L'argument le plus classiquement défavorable à la déconjugalisation consiste à dire que l'AAH est un minimum social, et que la solidarité nationale qui s'exerce à travers un minimum social passe après la solidarité familiale, en conséquence de quoi ce sont les revenus du ménage qui doivent être pris en compte avant de calculer la prestation. Selon cette logique, comment justifier la déconjugalisation de la seule AAH et non de tous les autres minima sociaux, comme le revenu de solidarité active (RSA) par exemple, qui resteraient calculés en fonction des revenus du ménage ?
Cet argument, en réalité, est de moins en moins convaincant. Ce qui confère à l'AAH son caractère de minimum social, c'est essentiellement son mécanisme. L'AAH est une prestation versée sous condition de ressources et de manière différentielle : le montant de prestation varie en fonction des ressources du bénéficiaire pour le porter à un niveau minimal de subsistance. Elle est, en outre, financée par l'État et n'a donc pas de caractère indemnitaire.
L'AAH est toutefois un minimum social d'un type un peu particulier : l'assiette des revenus pris en compte est plus étroite que pour le RSA par exemple, le mode de calcul de la prestation est plus avantageux relativement aux autres minima sociaux et, surtout, le niveau de la prestation est relativement plus élevé, grâce à quoi le niveau de vie de ses bénéficiaires est sensiblement meilleur que, par exemple, celui des bénéficiaires du RSA.
Si ce niveau est plus élevé, c'est aussi parce qu'il a été fortement revalorisé à deux reprises, en 2008 et en 2017, par les présidents Nicolas Sarkozy et Emmanuel Macron. Or comment justifier de fortes revalorisations de la seule AAH autrement qu'en y voyant un moyen de compenser un accès plus difficile à des revenus d'activité ?
C'est là toute l'ambiguïté de la prestation, qui semble hésiter, dans son rapport à l'emploi des allocataires, entre substitut de salaire et incitation à travailler. La rédaction du critère d'éloignement de l'emploi pour les demandeurs dont le taux d'incapacité permanent est compris entre 50 % et 79 % a ainsi beaucoup varié depuis 1975, sans parvenir à un résultat satisfaisant.
Dans cet état de confusion où nous voici rendus, l'administration et le Gouvernement ont beau jeu de trouver illogique la déconjugalisation d'un minimum social.
Je dirai les choses autrement. Voilà des années que le débat relatif à l'AAH porte en fait sur la chauve-souris de la fable de La Fontaine, qui se fait passer pour un oiseau ou une souris selon la circonstance. Je suis minimum social : voyez mon mécanisme ; je suis prestation de compensation : vive les critères d'insertion professionnelle et les revalorisations spécifiques !
Je crois que nous avons tout à gagner à une clarification. Or il se trouve que les moyens de cette clarification nous ont été donnés récemment.
D'abord, le Président de la République a choisi de retirer l'AAH du chantier relatif au revenu universel d'activité, lors de la conférence nationale du handicap de février 2019. En faisant un tel choix, il a confirmé en creux la logique au moins en partie compensatoire de l'AAH : dont acte.
Le législateur, passant outre aux tergiversations des quinze dernières années, a créé une cinquième branche de la sécurité sociale consacrée au soutien à l'autonomie. Son périmètre n'est pas finalisé ; nous pouvons y voir l'occasion de repenser notre système d'intervention. Il serait ainsi cohérent, comme le proposait le rapport de Laurent Vachey de préfiguration de la cinquième branche, remis en septembre dernier, d'admettre que l'AAH « n'est pas un pur minimum social » et de la rapprocher des dispositifs gérés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
Si l'on accepte ce changement de logique, que faut-il penser du texte qui nous est transmis ?
La commission ne peut hélas pas le voter en l'état.
D'une part, il aurait des conséquences injustes, ce qui serait un comble pour un texte portant diverses mesures de justice sociale. Rappelons que l'AAH est versée à environ 270 000 couples. Selon les évaluations obtenues de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), la déconjugalisation ferait certes un grand nombre de ménages gagnants, environ 196 000, mais aussi, du jour au lendemain, 44 000 ménages perdants. Il s'agit des personnes vivant en couple avec quelqu'un ayant pas ou peu de revenus, dont le ménage reste donc sous le plafond applicable aux couples, mais ayant à titre personnel des revenus supérieurs au plafond qui s'applique aux personnes seules. Mais tandis que les pertes s'observent dans les ménages de tous les déciles de niveau de vie jusqu'au septième, les gains seraient un peu plus concentrés dans les ménages du milieu de la distribution des revenus. Autrement dit : la déconjugalisation creuserait légèrement les inégalités de niveau de vie.
D'autre part, la rédaction de l'article 3 supprimerait tout plafond de cumul de la prestation avec les ressources personnelles des bénéficiaires, ce qui conduirait à attribuer l'AAH à taux plein à tous les demandeurs qui rempliraient les conditions nécessaires. La Drees estime que cela représenterait une dépense d'au moins 20 milliards d'euros.
Je vous propose par conséquent de préciser l'article. D'abord, pour rétablir le plafond de cumul entre les ressources personnelles des bénéficiaires et le montant de la prestation. Ensuite, pour acter le changement de modèle souhaité en supprimant les revenus du conjoint de la base de calcul de l'allocation. Enfin, pour créer un mécanisme transitoire pour que les bénéficiaires de l'AAH, pendant dix ans, continuent à en bénéficier selon les modalités de calcul actuelles, afin de ne pénaliser personne.
J'ai bien conscience que ces solutions ne sont pas totalement satisfaisantes. Si l'on voit dans l'AAH une prestation de compensation de moindres chances de percevoir des revenus d'activité et de suivre une carrière normale, la cohérence exigerait de revoir plus profondément nos outils d'intervention, en supprimant aussi les majorations de plafond pour enfants à charge, et en réfléchissant aux caractéristiques de la prestation ou à son financement. Il faudrait même repenser son articulation avec la prestation de compensation du handicap (PCH) ou le régime des pensions d'invalidité, dont l'AAH n'est jamais que le pendant hors couverture assurantielle.
Mais procédons par étapes, en acceptant d'abord de reconsidérer les choses sous la nouvelle lumière que leur donne le chantier ouvert par la création de la branche autonomie de la sécurité sociale et la décision de ne pas fondre l'AAH dans le minimum social unique.
Un mot enfin sur l'article 4, qui relève de 60 à 65 ans la barrière d'âge pour solliciter la prestation de compensation du handicap. C'est une idée ancienne que celle de supprimer toutes les barrières d'âge puisqu'elle date de la grande loi du 11 février 2005 sur le handicap. Sa mise en oeuvre a depuis toujours été ajournée.
J'avais naguère proposé de supprimer la seconde barrière d'âge, celle des 75 ans, pour solliciter la PCH, proposition qui est devenue la loi du 7 mars 2020. Il est désormais temps d'aller plus loin, en élargissant la couverture des besoins des bénéficiaires de la PCH jusqu'à leurs 65 ans. Il faudra ensuite s'atteler sérieusement au décloisonnement des politiques destinées au handicap d'une part et au grand âge d'autre part, dans une logique de parcours de vie. C'est tout l'enjeu de la branche autonomie, qui ne pourra rester en chantier trop longtemps.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Merci beaucoup pour cette présentation limpide. Nous sommes dans le cadre de l'expérimentation des pétitions voulue par le président Larcher.
Mme Michelle Meunier . - Merci pour ce rapport. Le sujet n'est pas nouveau puisque nous nous étions prononcés sur une proposition en ce sens de nos collègues du groupe CRCE. J'ai eu l'occasion d'assister à plusieurs auditions.
Si je devais n'en retenir qu'une, ce serait la dernière, qui était extraordinaire. Philippe Mouiller avait invité l'auteur de la pétition, Mme Tixier, qui s'est attaquée seule, avec toute sa fragilité, au monstre administratif, au carcan qu'est l'AAH. J'ai pensé à la phrase de Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c'était impossible, alors ils l'ont fait. » Je ne sais pas jusqu'où ce texte ira. Philippe Mouiller nous propose une solution pour qu'il y ait moins de perdants au total. Je ne peux toutefois pas encore donner la position définitive du groupe socialiste qui, en cet instant, va s'abstenir. Il se peut que nous votions les amendements du rapporteur mais, comme ils modifient la proposition de loi, ils posent la question de savoir ce qui pourra se passer à l'Assemblée nationale.
L'article 4 sur l'âge barrière est un premier pas dans le bon sens.
Globalement, la conjugalisation de l'AAH n'est pas acceptable pour nous, d'autant que les femmes porteuses de handicap courent un risque important de cumuler cette inégalité avec une violence économique accrue. Elles ont quatre à six fois plus de risques de subir des violences que les femmes valides.
M. Daniel Chasseing . - Je veux féliciter Philippe Mouiller qui a réalisé un travail très complet. Je rejoins son analyse sur presque tous les points. Je peux comprendre qu'il y ait une violence économique dans certains couples, mais la solidarité familiale doit passer avant la solidarité nationale. Il faut aussi tenir compte des dépenses qui seraient entraînées par la déconjugalisation et par la suppression de tout plafond. Il s'agit tout de même de 20 milliards d'euros : il faudrait plus de précisions.
La réécriture proposée de l'article 3 est un pas en avant positif. Nous aurons besoin de travaux supplémentaires et de plus d'informations pour une individualisation en fonction d'une base de ressources, pour plus d'autonomie de la personne handicapée.
Quant à la réécriture de l'article 4, j'y suis également favorable.
Mme Laurence Cohen . - Je remercie à mon tour Philippe Mouiller pour son travail. Il a eu la délicatesse de rappeler la proposition de loi analogue d'octobre 2018. J'aurais aimé qu'il cite notre groupe, qui en était à l'origine. Si nous avions été écoutés, moins de temps aurait été perdu. Ma collègue Cathy Apourceau-Poly et moi-même l'avons déjà dit : il est important d'écouter les groupes minoritaires pour faire avancer les choses et au Sénat, en général, on cite ses sources...
Un travail d'ampleur a été mené. Il est extrêmement important d'écouter les personnes handicapées et de se positionner du côté des femmes. La revendication vient, là, des personnes porteuses de handicap, mais elle est bien plus globale, en provenance des femmes, qui revendiquent leur autonomie dans leur couple. Il s'agit de revisiter tout un système, et je sens que le Gouvernement n'y est pas prêt. Nous prenons cette proposition de loi comme un pas en avant, malgré les blocages. Il y a beaucoup de réécritures, et il nous faudra peser leurs conséquences, mais nous sommes plutôt favorables a priori au texte proposé par le rapporteur. Nous serons aussi éclairés par le débat en commission et en séance.
M. Laurent Burgoa . - À mon tour de féliciter Philippe Mouiller pour son travail important. Cette proposition de loi est issue d'une pétition citoyenne - comme quoi, la participation citoyenne appartient à tous les groupes politiques. Les apports de Philippe Mouiller vont dans le bon sens, en espérant que les députés y seront réceptifs. Le groupe Les Républicains votera ce texte.
M. Philippe Mouiller , rapporteur . - Madame Meunier, on verra ce qui se passera à l'Assemblée nationale ; les députés comme le Gouvernement sont très attentifs - j'ai eu quelques retours extrêmement favorables. Il y a peut-être une fenêtre, même si la ministre est clairement opposée à la déconjugalisation.
Monsieur Chasseing, les 20 milliards d'euros correspondent, selon la Drees, au coût des dispositions prévues par le texte tel que rédigé par l'Assemblée nationale, qui supprime tout plafond de cumul de l'AAH avec les ressources du bénéficiaire. Notre réécriture, axée sur la déconjugalisation, restaure le principe d'un plafond de ressources et l'individualise : le coût est donc ramené à 560 millions d'euros. Pour certains, cela reste important, pour une prestation coûtant un peu plus de 11 milliards d'euros. Nous avons également réintroduit les majorations pour enfants à charge dans le calcul de la prestation.
Surtout, pour éviter qu'il y ait des perdants, à savoir ceux qui ont des revenus propres mais sont en couple avec quelqu'un qui n'en a pas, nous avons prévu une transition de dix ans.
Madame Cohen, il n'y avait pas de malice dans mes propos et je vous rassure : le groupe CRCE sera bien sûr cité tout à l'heure lors de la conférence de presse. J'en profite pour faire une précision : pourquoi la position de mon groupe n'est plus celle qu'elle était il y a deux ans ?
D'abord, il y a deux ans, nous n'avions pas tous les éléments apportés par la Drees. Les incidences financières n'étaient pas assez travaillées. Tout le problème, ce sont les perdants, qui se trouvent souvent dans les déciles les plus faibles. Enfin, autre élément essentiel, l'actualité politique a changé. D'une part, le Gouvernement a déclaré que l'AAH n'était pas un élément du revenu universel, donc pas un minimum social. D'autre part, et peut-être surtout, on a créé une cinquième branche de sécurité sociale. On va devoir mettre en place une réflexion globale sur son périmètre. On pourrait donc basculer d'une notion de minimum social à une notion de prestation de compensation. Le débat a été lancé sur ces évolutions par le Gouvernement lui-même, même si tout reste à faire dans le détail.
Oui, monsieur Burgoa, on peut souligner la mise en place de la pétition citoyenne par le président Larcher. Lors de son lancement, on pouvait se poser des questions sur son efficacité ; on constate qu'elle a fonctionné. C'est une forme de test dont nous devons saluer l'initiative portée par le président Larcher.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Avec Philippe Mouiller, nous avons voulu partir de cas réels pour voir la différence entre les montants perçus actuellement et qui le seraient si le texte de l'Assemblée nationale était voté. Lors de la conférence de presse, nous présenterons six exemples, que nous publierons sur le site du Sénat - nous n'avons changé que les prénoms. Il est important de voir les situations réelles.
Mme Raymonde Poncet Monge . - Je remercie le rapporteur. À l'issue de vos auditions, y a-t-il eu un engagement à améliorer les outils statistiques ? Les personnes que j'ai jointes se plaignent d'une mauvaise prise en compte de ces données. J'espère que ce n'est pas une illustration de la valeur accordée aux personnes en situation de handicap...
Je me félicite du mécanisme transitoire car le creusement des inégalités par la déconjugalisation me posait problème ; il fallait un phasage. Le mécanisme sur dix ans concerne-t-il seulement, si je puis dire, le stock ou les nouveaux entrants ? A-t-on évalué la faisabilité d'une clause du grand-père, les entrants étant, eux, soumis à la nouvelle règle ?
Nous sommes bien sûr favorables au passage à 65 ans pour solliciter la PCH. Il faut rappeler l'extrême inégalité entre les plans d'aides au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la PCH : le rapport va de 1 à 8, alors qu'il s'agit de la même chose, quel que soit l'âge, à savoir compenser la perte d'autonomie ! Les organisations du handicap ont souvent été défavorables à la convergence par peur d'une baisse des prestations. Il faudrait que la loi sur le grand âge, différée depuis des décennies, arrive vite car il n'est pas normal que la compensation des besoins des personnes bénéficiant respectivement de l'APA et de la PCH soit si défavorable aux premières.
Mme Pascale Gruny . - Merci, madame la présidente, d'avoir repris cette pétition. C'est un sujet que le président Larcher m'a demandé de regarder de près. Merci à Philippe Mouiller qui prend ce sujet du handicap, complexe, à bras-le-corps.
La logique veut que l'intégration des revenus du conjoint engendre une baisse des aides pour le bénéficiaire. On ne comprend donc pas bien pourquoi il y a des perdants, et il faut remercier au rapporteur de le mettre en lumière. Reste qu'il est dommage de ne pas disposer de statistiques croisées pour un sujet aussi important, qui est sur la table depuis 2005. Mme Marie-Anne Montchamp et le président Jacques Chirac se posaient déjà ces questions.
Pendant le régime transitoire de dix ans, les personnes auront le choix. Pour moi, cela ne concerne que les personnes déjà inscrites et non les nouveaux. On a tous en tête l'autonomie et l'émancipation de la femme. Merci pour ces propositions de réduction des inégalités.
M. René-Paul Savary . - Je suis assez réservé. C'est une proposition de loi dont on ne connaît pas l'impact entier. Elle va pourtant entraîner des complications, en aggravant l'écart entre l'AAH et le RSA par exemple, qui sont séparés par des barrières assez floues. Le financement, qui s'appuie sur la taxe sur le tabac, n'est pas assuré. Et en plus, le Gouvernement est contre ! On va donc donner de l'espoir à des gens avec un texte qui n'aura pas de suite. Or il est toujours compliqué de faire des déçus...
Je remercie le rapporteur de son excellent travail, mais a-t-il prévu un amendement pour inscrire tout ça dans la cinquième branche ? Il faut une clarification, sinon, on va encore modifier les équilibres de notre modèle social. Allons au bout de la démarche pour savoir comme nous finançons les 500 millions d'euros supplémentaires de cette prestation, qui pèse tout de même 11 milliards d'euros.
Mme Jocelyne Guidez . - Au bout d'un moment, il faut bien avancer.
Merci à Philippe Mouiller pour ce travail très approfondi ; pour moi, qui ne suis certes pas élue depuis longtemps, c'est le premier travail sur le handicap qui le soit autant.
L'AAH pourra-t-elle être rattachée à la sécurité sociale plutôt qu'au budget général ? Si l'AAH n'est plus un minimum social, il faudra peut-être la renommer pour éviter toute brèche dans le calcul des minima sociaux.
Mme Corinne Imbert . - Merci pour cet excellent rapport. Quelle est la position de l'Assemblée des départements de France ? Quel impact aura la déconjugalisation sur le calcul du RSA ?
M. Philippe Mouiller , rapporteur . - Madame Poncet-Monge, nous n'avons pas d'engagement formel sur les statistiques ; le point commun de toutes les auditions est que l'on a des difficultés à obtenir des chiffres précis. Nous avons des données, mais nous considérons qu'elles ne sont pas suffisantes, surtout en matière de prospective. La Cour des comptes demande un engagement extrêmement fort à se doter de nouveaux outils de pilotage d'une prestation dont les dépenses sont très dynamiques. Je le précise, les 11 milliards d'euros sont déjà financés : c'est le budget actuel de la prestation. On parle des 500 millions supplémentaires. Il y a une vraie mobilisation, notamment de la CNSA pour fiabiliser les données. Tous les acteurs sont extrêmement demandeurs.
Sur les perdants, nos mesures concernent le stock et non les nouveaux entrants. L'idée, c'est que si le nouveau calcul vous est défavorable, vous restez dans l'ancien régime. Les nouveaux entrants seront sous le nouveau régime. Le mécanisme et la durée s'inspirent de ce qui avait été retenu lors de la suppression du complément de ressources au profit de la majoration pour la vie autonome.
Nous envoyons aujourd'hui un message politique, en renvoyant au projet de loi de finances, au projet de loi de financement de la sécurité sociale et à la loi sur l'autonomie. Avec cette proposition de loi, nous ouvrons le débat et prenons une position de principe.
Nous avons repris le texte de la proposition de loi sur les 65 ans, mais mon idée, depuis que je travaille sur ces questions, est de faire sauter toutes les barrières d'âge pour arriver à raisonner en parcours de vie - ce qui concerne aussi bien la barrière des 18 ou 20 ans pour les adultes bénéficiant de l'amendement Creton.
Monsieur Savary, nous sommes sur un message politique. Le débat sur le financement se tiendra lors de l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit d'un transfert du budget général vers le budget de la sécurité sociale. Pour information, depuis 2017, l'État a financé une augmentation de l'AAH de 2 milliards d'euros. L'idée est de maîtriser la dépense globale, avec une prise en compte de ce coût supplémentaire de 500 millions d'euros.
Madame Guidez, l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) a été transférée à la cinquième branche sans aucune concertation, parce qu'il fallait bien mettre quelque chose dedans. Je resterai prudent. Tout ne sera abouti que lorsque nous aurons réellement travaillé sur la loi sur l'autonomie. À ce stade, nous déconnectons l'AAH de la notion de minimum social pour aller vers l'idée d'une compensation financière. Le rapport Vachey a fourni des pistes, et j'ai moi-même des idées sur la question, mais il ne nous appartient pas de la trancher maintenant au détour de cette proposition de loi. Il y a urgence à ce que la loi sur l'autonomie soit préparée et que l'on avance sur la mise en cohérence et le financement de tout cela.
Bien sûr, nous avons travaillé avec les départements. Il n'y a aucune difficulté sur l'AAH. La question porte surtout sur la PCH de 60 à 65 ans, pour un coût de 20 millions d'euros. Le débat sur la barrière d'âge s'est tenu entre l'Assemblée des départements de France et le secrétariat d'État. De nombreux chantiers ont été lancés sur la PCH ; ses contours, ses financements, la relation des départements et de l'État restent des questions ouvertes pour la loi autonomie.
Cette proposition de loi nous a donné un rendez-vous législatif. Nous devons prendre une position de principe, mais nous ne sommes qu'au début du chantier.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Notre idée, en choisissant d'examiner cette proposition de loi, est de mettre le Gouvernement face à ses responsabilités. La cinquième branche a été créée il y a neuf mois et l'on n'avance toujours pas. Je ne vois pas non plus quand la loi sur l'autonomie et le grand âge sera examinée. Au-delà des effets d'annonce, il faut entrer dans le concret. Nous voulions pointer ces contradictions.
Passons maintenant à l'examen des articles. Je vous informe que l'amendement COM-3 rectifié de Mme Poncet-Monge a été déclaré irrecevable en application de l'article 40 de la Constitution.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1 er (suppression maintenue)
L'article 1 er demeure supprimé.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
M. Philippe Mouiller , rapporteur . - L'article 3 supprime le plafonnement du cumul de l'AAH avec les ressources propres des bénéficiaires. Mon amendement COM-4 rétablit le principe d'un plafonnement, afin de considérer l'ensemble des revenus de la personne qui reçoit l'AAH.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Articles additionnels après l'article 3
M. Philippe Mouiller , rapporteur . - L'amendement COM-1 exclut les primes de performance versées aux sportifs paralympiques de l'assiette des revenus pris en compte pour diverses prestations destinées aux personnes handicapées. Avis défavorable pour l'heure à cet amendement qu'il faudrait rédiger différemment. Je suggère de le redéposer en séance.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
M. Philippe Mouiller , rapporteur . - L'amendement COM-2 , dans le même esprit, concerne les aides ponctuelles de l'Agence nationale du sport avant les compétitions, qu'il exclut du calcul des prestations aux personnes handicapées. Avis défavorable pour les mêmes raisons formelles. J'invite son auteur à le redéposer en séance.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
M. Philippe Mouiller , rapporteur . - Mon amendement COM-5 prend en considération les 44 000 ménages perdants de la déconjugalisation de l'AAH afin qu'ils continuent, pendant dix ans, à en bénéficier dans les conditions actuelles.
L'amendement COM-5 est adopté et devient article additionnel.
Article 4
L'article 4 est adopté sans modification.
Article 5 (suppression maintenue)
L'article 5 demeure supprimé.
Article 6
L'article 6 est adopté sans modification.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
TABLEAU DES SORTS
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 3
|
|||
M. MOUILLER, rapporteur |
4 |
Rétablissement d'un plafond de cumul de l'AAH avec les ressources du bénéficiaire ainsi que des majorations de plafond pour enfants à charge |
Adopté |
Articles additionnels après l'article 3 |
|||
M. SAVIN |
1 |
Exclusion des primes de performance versées par l'État aux sportifs paralympiques de la base de calcul de différentes prestations destinées aux personnes handicapées |
Rejeté |
M. SAVIN |
2 |
Exclusion des aides ponctuelles de l'Agence nationale du sport aux sportifs paralympiques de la base de calcul de différentes prestations destinées aux personnes handicapées |
Rejeté |
M. MOUILLER, rapporteur |
5 |
Prolongation transitoire des modalités de calcul actuelles de l'AAH |
Adopté |