TRAVAUX EN COMMISSION

MERCREDI 13 JANVIER 2021

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M. Laurent Lafon, président . - Nous nous réunissons à présent pour entendre le rapport de notre collègue Pierre-Antoine Levi et établir le texte de la commission sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, « visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises ».

Je cède sans plus tarder la parole à notre rapporteur pour nous présenter ses conclusions sur cette proposition de loi.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur . - À la demande du groupe UC, le Sénat examinera en effet le 21 janvier prochain une proposition de loi de Pierre Morel-À-L'Huissier, membre du groupe UDI et indépendants, adoptée par l'Assemblée nationale et visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes.

Chant du coq, sonneries des églises, crottins de cheval, coassements des grenouilles ou encore cancanements des canards et des oies : voici quelques-uns des contentieux de voisinage sur lesquels s'est penchée la justice.

La presse quotidienne régionale se fait d'ailleurs l'écho, depuis quelques années, de nombreuses pétitions ou contentieux dans les territoires ruraux relatifs à des sons et odeurs qui y sont présents depuis des générations.

Si certains cas peuvent étonner - comme cette demande de vacanciers dans le Var en 2018 de recourir à des insecticides pour se débarrasser de cigales trop bruyantes -, il n'en demeure pas moins que les élus locaux sont régulièrement interpellés sur ces sujets et doivent parfois jouer le rôle de médiateurs dans un conflit de voisinage.

Ces conflits de voisinage relatifs au patrimoine sensoriel des campagnes ne sont pas nouveaux : les gênes occasionnées par les odeurs et sons dans les territoires ruraux sont présentes depuis plusieurs décennies devant les tribunaux. En 1987, la cour d'appel de Dijon a ainsi été amenée à statuer sur le trouble anormal de voisinage causé par le chant d'un coq en milieu rural. Quant au dérangement lié aux sonneries civiles des églises et horloges municipales la nuit, il a été examiné par le Conseil d'État dès 1974.

Ces conflits s'inscrivent dans une évolution plus générale de la société. Aussi bien en ville qu'à la campagne, la population est moins tolérante au bruit et de manière générale au dérangement. Chacun, y compris dans les territoires ruraux, considère son habitation de plus en plus comme un ilot, déconnecté de l'ilot voisin.

Troisième point, et je pense que nous en sommes tous convaincus : les territoires ruraux, riches d'atouts, ne doivent pas être réduits à ces faits divers médiatisés. Le chant trop matinal ou trop fréquent d'un coq ou les cloches des églises ne doivent pas effacer l'action dynamique des communes et intercommunalités rurales, porteuses de projets de territoires et de développement. Les territoires ruraux, en pleine évolution, sont des territoires d'avenir dont il est important de faire connaître toutes les potentialités.

La volonté de certains d'opposer ruraux d'un côté et néoruraux ou urbains de l'autre est contre-productive. D'un côté, les territoires ruraux sont source d'intérêt croissant de la part d'une partie de la population urbaine, auquel contribuera le développement du télétravail à marche forcée en raison du confinement. De l'autre, ces territoires ont besoin que de nouveaux habitants s'y installent pour continuer à vivre et prospérer. Territoires ruraux et urbains vivent d'interactions et d'échanges.

Ces conflits de voisinage de plus en plus médiatisés restent marginaux et mineurs par rapport aux autres problématiques des territoires ruraux. J'ai auditionné André Torre, directeur de recherche à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), qui travaille depuis plusieurs années sur les conflits de voisinage. Il a ainsi étudié les causes de ces contentieux.

À la campagne, ils sont d'abord liés aux infrastructures : le tracé d'une route, d'une autoroute, l'extension d'un aéroport et la compensation des dommages, ou encore les atteintes à l'environnement du fait de ceux-ci. Ils sont ensuite causés par l'usage des sols, avec les plans d'occupation des sols qui transforment des terres agricoles en terrains industriels ou bâtis. Ils concernent également l'eau - qualité et quantité. Ces contentieux sont enfin dus à la pollution de l'eau et de l'air, mais également aux émanations toxiques.

Selon M. Torre, le nombre de conflits de voisinage en lien avec le patrimoine sensoriel des campagnes est stable ces dernières années. En revanche, leur médiatisation est croissante, ce qui ne doit pas faire oublier les autres problèmes auxquels doivent faire face nos territoires ruraux : le numérique, la desserte et l'enclavement territorial ou encore l'accès aux services publics.

Certaines odeurs font partie de l'environnement traditionnel d'un territoire et sont indispensables à son équilibre sociétal, mais aussi économique. Ces gênes sont inhérentes aux territoires ruraux. J'ai auditionné Christian Hugonnet, président de la semaine du son de l'Unesco et expert en acoustique auprès des tribunaux. Je reprends à mon compte ses mots : « le silence n'appartient pas plus à la campagne qu'à la ville . » Le bruit n'est pas forcément le même à la ville et à la campagne, mais il est présent partout.

J'en viens maintenant au droit actuel. Pour évaluer le trouble anormal de voisinage généré par les bruits et odeurs, le juge prend en compte les circonstances de temps et de lieu. Le caractère rural du lieu d'habitation est souligné de manière explicite dans plusieurs décisions. Mais, le chant d'un coq peut tout de même constituer un trouble anormal du voisinage en milieu rural, s'il est jugé trop fort et trop fréquent.

Il existe toutefois une exception au trouble anormal du voisinage : l'antériorité de l'activité génératrice du trouble. Les activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques ne peuvent générer un trouble anormal dès lors que le permis de construire du bâtiment exposé aux nuisances est postérieur à leur existence, à deux conditions : qu'elles s'exercent conformément aux lois et règlements et dans les mêmes conditions que précédemment.

Les sonneries des églises bénéficient d'un régime juridique particulier issu de la loi de séparation des Églises et de l'État et des textes d'application de cette loi. Quatre principes se dégagent : elles sont réglées par arrêté municipal ; lorsqu'elles correspondent à une manifestation religieuse - messe, enterrement -, elles relèvent de la liberté de culte ; lorsqu'elles sont civiles, elles sont autorisées par la pratique locale - dont le juge administratif a longtemps exigé qu'elle soit attestée depuis 1905, mais qui, depuis une jurisprudence de 2015 du Conseil d'État, peut se borner à une pratique régulière et suffisamment durable ; enfin, la responsabilité de la commune peut être engagée si le maire a refusé sans justification valable de prendre des mesures pour assurer la tranquillité publique, ainsi qu'il ressort d'une décision de la cour administrative d'appel de Nancy de 2001 - mais seulement si un trouble anormal est constaté, la sonnerie de cloches n'étant pas en soi un trouble anormal.

J'en arrive maintenant à la proposition de loi. Un texte de loi est-il nécessaire ? Les personnes auditionnées, dans leur grande majorité, ont indiqué que celui-ci pouvait être utile, à deux conditions : que le recensement de ce patrimoine sensoriel soit effectué en partenariat avec l'ensemble des acteurs locaux, et que ce texte soit un outil à destination des élus locaux, facilitant la pédagogie et le dialogue sur ces questions.

La proposition de loi en elle-même a été profondément modifiée lors de son examen par l'Assemblée nationale. Elle a même été intégralement réécrite par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale sur la base de l'avis formulé par le Conseil d'État.

L'article 1 er du texte dont nous sommes saisis aujourd'hui prévoit d'insérer dans le code de l'environnement la notion de « sons et d'odeurs qui caractérisent » les espaces, ressources et milieux naturels et terrestres. Cela permet de les inclure, de manière explicite, dans le patrimoine commun de la nation. La symbolique est forte en affirmant la dimension sensorielle du patrimoine naturel.

L'article 1 er bis prévoit de confier aux services régionaux de l'inventaire une mission d'étude et de qualification de l'identité culturelle des territoires. Je me suis interrogé sur l'attribution d'une nouvelle mission aux services régionaux. Ils me semblent, après réflexion, les mieux à même de remplir cette mission, puisqu'ils élaborent déjà une carte d'identité des territoires. Il s'agirait de la compléter en y intégrant des éléments relatifs au patrimoine sensoriel.

La formation du personnel participant à l'élaboration de l'inventaire ne lui permet pas de remplir pleinement la nouvelle mission prévue par la proposition de loi. Mais il pourrait être formé à ces nouvelles missions et le panel de chercheurs associés élargi : le Gouvernement a d'ailleurs levé le gage. Quant à la question de la méthodologie, je rappelle que les services de l'inventaire ont dû faire un travail similaire de définition de méthodologie, de grilles de critères, ou encore de thésaurus lors de sa mise en place pour le patrimoine dans les années 1960-1970.

Enfin, l'article 1 er ter prévoit un rapport du Gouvernement sur le trouble anormal du voisinage. Le Sénat supprime habituellement les demandes de rapport, mais je vous propose de conserver celui-ci.

Une réforme de la responsabilité civile est prévue depuis plusieurs années, sans avoir encore abouti. Nos collègues de la commission des lois ont déposé en juillet dernier une proposition de loi reprenant le projet de la Chancellerie et incluant des dispositions relatives au trouble anormal du voisinage.

Ce rapport est de nature à éclairer les futurs débats sur ce projet de réforme de la responsabilité civile, attendu de longue date. Il serait l'occasion de procéder à un recensement précis des critères d'appréciation pris en compte par le juge lorsqu'il se prononce dans une affaire de trouble anormal du voisinage, notamment la prise en compte des circonstances de lieu.

Je vous propose d'adopter conforme ce texte qui affirme la volonté du Parlement de protéger le patrimoine sensoriel des campagnes sans toutefois remettre en question les équilibres juridiques existants. Il peut constituer un outil utile pour les élus locaux au quotidien pour les accompagner dans leurs démarches de pédagogie et de médiation.

M. Laurent Lafon, président . - Il nous revient à présent de définir le périmètre de la proposition de loi en vertu de l'article 45 de la Constitution.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur . - Je vous propose de considérer que le périmètre inclut les dispositions relatives à la protection et à la valorisation du patrimoine sensoriel des territoires ruraux.

En revanche, je vous propose d'estimer que n'auraient pas de lien, même indirect, avec le texte, les amendements relatifs à la protection et la valorisation du patrimoine matériel, à la protection et la valorisation des territoires urbains, au régime juridique, fiscal et social applicable au secteur agricole et aux agriculteurs et à l'aménagement des territoires ruraux.

M. Olivier Paccaud . - Merci pour cette présentation particulièrement précise. L'intitulé de cette proposition de loi inattendue et originale a pu étonner ou faire sourire. Mais elle n'est pas anecdotique et encore moins comique. Certains parleront d'un texte symbolique, car elle nous parle du sens que nous voulons donner au vivre-ensemble, en particulier dans la ruralité. Nous aurions sans doute préféré l'éviter : le bon sens, la tolérance, la courtoisie et la discussion valent toujours mieux qu'une loi !

Cette proposition de loi de Pierre Morel-À-L'Huissier, notre collègue député de Lozère, part d'un triste constat : notre société est de plus en plus conflictuelle, de plus en plus judiciarisée, avec des issues parfois ubuesques, kafkaïennes. Le ridicule ne tue pas, mais il peut alimenter les prétoires et les tribunes médiatiques.

Difficile d'avoir des statistiques infaillibles, mais le ministère de la justice a recensé ces dernières années plus de 1 800 dépôts de plainte pour dommages liés à l'environnement et 490 recours pour troubles anormaux de voisinage - pas tous liés à la ruralité - ont été examinés. Parmi eux, quelques affaires clochemerlesques, comme aurait dit Gabriel Chevallier, ou abracadabrantesques, comme aurait dit Arthur Rimbaud, ayant pour héros malheureux des animaux qui chantaient trop : des coqs, des grenouilles qui croassent, des cigales qui craquettent, des canards qui cancanent, sans compter des chiens, des ânes, et même des goélands. Je n'oublie pas les cloches trop sonores, ainsi que des moteurs de tracteurs ou de trayeuses dont la mélodie mécanique n'est pas du goût de tous. Seul le pivert semble s'être faufilé entre les mailles du filet des grincheux ! Mais pas les déjections d'abeilles, qui ont fait l'objet d'un recours à Pignols, dans le Puy-de-Dôme.

Toujours est-il que l'identité et l'authenticité de la vie rurale peuvent s'avérer menacées si nous n'y prêtons pas garde, de même que cette évidence : on ne vit pas à la ville comme on vit à la campagne. Apporter un bouclier juridique solide pour soutenir les maires ruraux et les magistrats confrontés à des plaintes farfelues n'est donc pas inutile. L'outil législatif proposé par Pierre Morel-À-L'Huissier a ainsi un double objectif : protéger ce patrimoine sensoriel de nos campagnes, qui constitue une partie de l'ADN de notre pays, mais aussi instaurer les bases d'un dialogue constructif entre deux voisinages qui peuvent avoir du mal à se comprendre. Le texte permet également de préciser deux définitions : le patrimoine sensoriel à inventorier selon les territoires et le trouble anormal du voisinage, une notion floue et jusqu'à présent jurisprudentielle en l'état actuel du droit.

Il faut rendre hommage à Pierre Morel-À-L'Huissier et à sa méthode. Cosigné par 71 députés de tous bords, le texte a été soumis à la sagacité du Conseil d'État, autopsié par les conseillers ministériels concernés, avant d'être ciselé, magnifié, perfectionné par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, et qui a su faire consensus. Il mérite d'être voté conforme : c'est ce que fera le groupe Les Républicains.

Mme Marie-Pierre Monier . - Nous avons tous, lorsque nous pensons à nos territoires respectifs, des sons ou odeurs caractéristiques qui nous viennent à l'esprit. Maire de Vinsobres, commune viticole, c'est pour moi le son du tracteur. Mais si je pense au sud de la Drôme, ce sont bien sûr les cigales que j'entends.

Cette proposition de loi peut paraître anodine à première vue, voire cocasse, mais il n'en est rien. Elle traduit en réalité l'existence d'une frontière de plus en plus marquée, séparant habitants de longue date des territoires ruraux et nouveaux arrivants, qu'ils soient touristes de passage ou résidents fraîchement installés, souvent désireux de commencer une nouvelle vie en marge de l'agitation urbaine.

Si à la campagne, l'activité prend des formes différentes qu'en ville, cela ne veut pas dire qu'elle n'existe pas ; les sons des tracteurs, l'odeur du lisier, le chant du coq en sont les conséquences. La campagne s'apprivoise : il est nécessaire que celles et ceux qui font le choix d'y vivre apprennent à la connaître.

Au fil des auditions, nous avons pu constater que les conflits de voisinage qui parvenaient effectivement jusqu'au tribunal ne constituaient que la partie émergée de l'iceberg : bon nombre d'entre eux sont réglés bien en amont, le plus souvent grâce à la médiation active des maires. Si nous en entendons autant parler, c'est que la presse, locale, mais aussi nationale s'en fait régulièrement l'écho, suscitant de nombreuses réactions oscillant entre moquerie et consternation. Cette ampleur médiatique révèle l'intérêt que ce sujet suscite pour l'opinion publique.

Aux conséquences très concrètes pour les acteurs des territoires concernés, le texte apporte plusieurs pistes de réponse. Le complément apporté au premier article du code de l'environnement constitue un premier jalon dans la reconnaissance et la protection de ce patrimoine sonore et olfactif qui participe de la richesse de nos espaces naturels.

Le texte propose par ailleurs de confier aux services régionaux de l'inventaire le soin d'étudier et de qualifier l'identité culturelle des territoires, dans une logique de valorisation et de transmission du patrimoine propre à la ruralité. La pertinence de cet échelon décentralisé nous a été confirmée au cours de nos auditions.

Enfin, la demande d'un rapport sur la possibilité d'engager la responsabilité civile pour trouble anormal du voisinage, en éclairant la portée juridique de cette problématique, nous permettra de mieux la poser d'un point de vue législatif. Même si le Sénat n'aime pas voter les demandes de rapports, il faut faire une exception pour celle-ci.

Si les différentes solutions introduites par cette proposition de loi auraient sans nul doute pu être affinées, l'existence même de ce texte a le mérite de poser les premières bases d'une discussion collective autour d'un sujet qui nous renvoie finalement à une problématique fondamentale, celle du vivre-ensemble.

Soulignons par ailleurs que le député rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, Pierre Morel-À-L'Huissier, a eu l'initiative de saisir le Conseil d'État et de largement remanier son texte en fonction de son avis. Il serait donc contre-productif de le modifier. C'est pourquoi le groupe SER le votera.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Bravo à nos collègues pour leur travail en un temps très court. Cette proposition de loi est originale, mais opportune : d'ici à quelques jours, la semaine du son sera lancée. Son fondateur, Christian Hugonnet, qui a été auditionné par notre rapporteur, témoigne que notre monde est beaucoup plus rétinien qu'auditif et prend insuffisamment en compte les qualités acoustiques. Il est pourtant nécessaire de réguler le bruit. Ce texte nous parle de la difficulté du vivre-ensemble, mais surtout du déficit d'appréciation des sons qu'il faut réparer dans notre éducation. Je vous invite à participer aux ateliers proposés cette semaine dans le cadre de cette manifestation. L'attention au son peut ainsi permettre d'appréhender les questions de biodiversité.

J'approuve cette proposition de loi qui met un coup de projecteur sur des questions légitimes. Les cloches rythment la vie des villages, mais aussi des villes, dont certains habitants se plaignent aussi qu'elles les dérangent la nuit. Notre commission, qui a dans son champ de compétences l'architecture, devrait se préoccuper de la prise en compte du son dans nos bâtiments et notre urbanisme. Le groupe UC soutiendra ce texte.

Mme Monique de Marco . - Je me suis d'abord interrogée sur l'intitulé de ce texte, ayant le sentiment d'avoir affaire à un sujet un peu secondaire sur lequel j'étais étonnée d'avoir à légiférer. Puis j'ai compris qu'il s'agissait de faciliter la tâche des maires face aux conflits de voisinage. Ce texte va-t-il cependant tout régler ? Ce ne sera pas facile.

Attention à la vision idéalisée du rural qui se dégage de ce texte. Il ne faut pas faciliter l'introduction de nouveaux bruits et de nouveaux effluves ou l'augmentation du nombre des fermes usines et des épandages de pesticides, comme en Gironde. Ils se font avec peu de bruit et d'odeur, mais leurs conséquences sanitaires sont bien là. Nous voterons ce texte.

Je m'interroge sur un point : y a-t-il eu une réelle augmentation du nombre de conflits de voisinage ou bien plutôt une hausse de leur médiatisation ?

Mme Céline Brulin . - Nous souhaitons voter ce texte conforme. Il est intéressant de le mettre en perspective avec la manière dont nos concitoyens conçoivent leur habitat, qu'ils souhaitent hermétique. Je le dis sans jugement de valeur : cela tient à un certain individualisme, mais aussi au fait que la société ne convient plus à leurs attentes. Il faut aussi tenir compte d'une conception de la nature comme milieu sous cloche, sans activités.

Ce texte dit quelque chose sur la judiciarisation croissante de tous les conflits. Ceux-ci sont intrinsèques à la vie, mais rien n'oblige à les porter au tribunal. Beaucoup de nos concitoyens ne peuvent plus se loger au coeur des grandes métropoles. Ce qui a longtemps été une ascension sociale - l'acquisition d'un pavillon avec son bout de jardin - tourne au déclassement : la vie dans un environnement sans médecin, sans service public, sans transports en commun. Nous voyons donc arriver dans nos communes rurales des gens qui ne sont pas préparés à y vivre, parce que ce n'est pas leur choix : ils viennent simplement parce qu'ils ne peuvent pas vivre ailleurs.

Il faudrait aussi contraindre les lotisseurs à organiser des rencontres entre les acquéreurs et le maire, qui pourrait leur expliquer à quoi ressemble la vie dans sa commune. J'ai bien peur que ces conflits ne fassent qu'augmenter avec l'envie de campagne générée par le confinement...

M. François Patriat . - La ruralité doit avoir des défenseurs ; ce texte n'est pas anecdotique. Les épiphénomènes dont il est question font sourire, mais ils reflètent une réalité durable sur le territoire. Le groupe RDPI votera ce texte.

M. Pierre Ouzoulias . - Un point sur les services régionaux de l'inventaire. Lorsque je travaillais dans une direction régionale des affaires culturelles (DRAC), ils y étaient rattachés. En 2005, ils ont été confiés aux régions, sous prétexte que leur activité n'était pas régalienne. Ce texte leur donne une mission législative, mais sans changer leur rattachement administratif. Il faudra se demander si la protection du patrimoine ne devrait pas être du ressort de la DRAC. Il y a un chantier à mener sur les interactions complexes entre collectivités et État en matière patrimoniale. Les services ont mis 35 ans pour réaliser 35 % de l'inventaire. Ce texte les incite à aller plus vite, mais ajoute de nouveaux objets qui n'étaient pas prévus.

Une précision sur les sonneries de cloches ; elles sont soumises à deux régimes : celui de l'article 43 de la loi de 1905 et celui du Concordat. Les cloches ne sonnent pas de même façon en Alsace-Moselle et ailleurs.

M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur . - Merci pour votre soutien unanime. J'ai échangé avec Pierre Morel-À-L'Huissier, qui m'a confirmé que le texte avait été modifié de manière significative après la consultation du Conseil d'État. Il y est attaché ; je l'ai félicité. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai tout d'abord été étonné par cette initiative législative. Mais le texte m'a rapidement beaucoup intéressé. Il constituera une boîte à outils pour les élus.

L'une des raisons du problème vient de la méconnaissance du travail agricole. Les agriculteurs sont obligés de travailler la nuit, non pour embêter leurs voisins, mais en vertu de la règlementation. Je pense notamment à l'arrêté visant à protéger les insectes pollinisateurs qui interdit certains traitements des champs en présence des abeilles, soit le jour.

Il n'y a pas eu d'augmentation des troubles de voisinage, mais les plaintes pour pollution sont plus nombreuses. On oublie que la campagne a une vie économique. Nul ne peut accepter une odeur de purin toute la journée, mais il faut bien accepter quelques nuisances.

Cette proposition de loi est un début. Le plus judicieux est de la voter conforme. La première audition nous avait un peu perturbés ; la dernière nous a confortés dans le fait que c'est aux services de l'inventaire de faire ce travail. Je tiens d'ailleurs à remercier l'ensemble de mes collègues qui ont participé à ces auditions malgré le calendrier très contraint et avec lesquels j'ai longuement échangé dans le cadre de mes travaux. Cette loi devrait aider les élus.

M. Laurent Lafon, président . - Aucun amendement n'a été déposé. Je mets donc aux voix la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

M. Laurent Lafon, président . - Belle unanimité ! Merci à notre rapporteur, qui élabore son premier rapport. ( Applaudissements. )

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