N° 138 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 , Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur |
TOME III LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de finances) |
ANNEXE N° 25 RÉGIMES SOCIAUX ET DE RETRAITE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : PENSIONS |
Rapporteure spéciale : Mme Sylvie VERMEILLET |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean Bizet, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500 Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021) |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE LA RAPPORTEURE
SPÉCIALE
Régimes sociaux et de retraite
Observation n° 1 : La mission « Régime sociaux et de retraite » couvre tout ou partie des besoins de financement de régimes spéciaux de retraite qui diffèrent chacun par leurs spécificités. Certains régimes sont propres à une entreprise (SNCF, RATP), la plupart englobent un secteur économique (mines, marins). Certains régimes sont « fermés », leurs équilibres étant alors déterminés par le rythme d'extinction des droits, la plupart sont des régimes ouverts, mais, du fait de l'étroitesse de leur champ, ils subissent une dégradation de leurs conditions démographiques, le déséquilibre entre les cotisants et les prestataires tendant à s'accentuer.
Les règles des régimes ne suivent pas un modèle commun. Cependant, elles tendent à réserver des dispositions dérogatoires aux affiliés des régimes spéciaux par rapport à celles des autres régimes de retraite, même si une banalisation est intervenue ces dernières années. Les charges supportées par les régimes spéciaux portent encore la trace des engagements pris sous l'empire du droit préexistant à l'alignement encore partiel des règles des régimes spéciaux sur le droit commun.
Enfin, la diversité des régimes spéciaux concerne également leur généalogie. Certains d'entre eux ont répondu à des volontés identitaires fortes, reflétant une forme d'héritage culturel (SNCF, RATP, agriculteurs...), d'autres tout en n'étant pas exempts de ce substrat, ont été par ailleurs marqués par les crises économiques des secteurs concernés : marins, mines, routiers. Tous peuvent se réclamer de singularités accusées des conditions de travail d'une part plus ou moins importante des affiliés, qui justifient dans d'autres régimes l'application de dispositifs correcteurs, rompant avec un principe d'uniformité des rendements contributifs qui représenterait un bouleversement de l'économie du système de retraite et un défi pour les régimes spéciaux, qui seraient appelés à disparaître. La rapporteure spéciale observe toutefois qu'en réponse à toutes ses questions sur l'impact des projets de loi adoptés par l'Assemblée nationale pour réformer le système des retraites, il a été répondu qu'aucune précision ne pouvait lui être fournie, le Premier ministre ayant annoncé une nouvelle concertation, dont il y a lieu de se demander sur quelles informations elle pourra s'appuyer.
Observation n° 2 : Les crédits demandés, qui s'élèvent à 6,153 milliards d'euros pour 2021, sont en baisse minime (- 74,2 millions d'euros). Les subventions aux régimes fermés diminuent (- 54 millions d'euros dont - 52 millions d'euros pour le régime minier) tandis que les subventions prévues pour les régimes de la SNCF, de la RATP et des marins baissent de 34,4 millions d'euros. En revanche, un accroissement de charges est prévu du fait du régime de fin d'activité des conducteurs routiers (ceux employés par des entreprises de transport de marchandises). Les évolutions anticipées peuvent être considérées comme assez décevantes, compte tenu du contexte d'amplification des impacts des réformes des régimes spéciaux et de la hausse des taux de contribution des affiliés. Mais, il faut tenir compte de la revalorisation des pensions.
Observation n° 3 : La programmation budgétaire est soumise à de très forts aléas qui portent tant sur l'exercice en cours que sur l'année 2021. Du côté de ceux liés à la situation sanitaire, l'essentiel provient à ce stade des pertes de recettes (la surmortalité n'ayant qu'un assez faible impact et les pertes de droits résultant du freinage des salaires ne devant se matérialiser qu'avec retard), qui ne sont pas réellement provisionnées. Elles concernent les régimes ouverts. Pour la SNCF et la RATP, les enjeux liés à la période du confinement sont de l'ordre de 100 millions d'euros pour 2020 mais ils pourraient aller au-delà et se prolonger en 2021. Le régime des marins devrait également perdre des cotisations. D'autres incertitudes doivent être signalées : l'impact du Brexit sur ce dernier régime, l'issue donnée à la négociation relative au partage des cotisations des nouveaux embauchés de la SNCF entre leurs régimes d'accueil et le régime spécial de l'entreprise ferroviaire.
Observation n° 4 : À ces aléas « accidentels » s'en ajoutent d'autres plus usuels. La conjonction de l'entrée en vigueur du relèvement de l'âge de départ en retraite (2017), de l'augmentation de la durée d'affiliation conditionnant le taux plein (depuis 2019) et des perspectives d'instauration d'un régime universel de retraite crée une zone de flexibilité des comportements de départ en retraite, qui réduit la visibilité des gestionnaires. Dans ces conditions, l'hypothèse d'une réduction des flux de nouveaux pensionnés qui modère les dépenses en diminuant le stock des pensions (excepté pour la RATP) doit être considérée comme fragile. Une accélération des nouvelles liquidations conduirait à une progression des charges d'autant plus marquée que les pensions nouvellement liquidées sont significativement supérieures aux pensions en stock.
Observation n° 5 : La loi de programmation pluriannuelle des finances publiques n'a pas été actualisée. Elle a été respectée pour la période 2018 à 2020. Cependant, l'essentiel est bien que, malgré des revalorisations de pension inférieures à celles envisagées, cette dernière est tout juste mise en oeuvre, cette tension étant le résultat d'une population de pensionnés un peu plus élevée que prévu et de recettes de cotisations et hors cotisations plus faibles qu'anticipé. Toute programmation des crédits de la mission repose sur des hypothèses dont la concrétisation échappe en partie au pilotage des gestionnaires.
Observation n° 6 : Comme les autres organismes de sécurité sociale, les caisses de retraite des régimes spéciaux sont incitées à participer à l'effort de maîtrise de la dépense publique. Dans le cadre de conventions d'objectifs et de gestion (COG), les caisses se sont vues prescrire des économies de gestion différenciées. La Caisse de la SNCF doit, en application de la COG 2018-2021, réduire de 15 % ses dépenses avec une diminution des effectifs de 2 % par an. Cette COG n'est pas respectée en 2021, année au cours de laquelle les coûts de gestion augmenteraient à 26 millions d'euros. La caisse est censée participer à l'abondement de la trésorerie de la Caisse nationale d'assurance maladie du fait de l'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour un montant de 176 millions d'euros versés à l'ACOSS, ce qui ne va pas sans susciter une certaine perplexité. La superposition de centres de gestion est sous-optimale. Les préconisations du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites (HCRR) suivies par les projets de loi instaurant un système universel de retraite ne permettent pas de dessiner avec précision l'avenir de l'architecture organisationnelle des caisses, la création d'une caisse nationale de retraite universelle appelant des articulations nouvelles encore peu documentées.
Observation n° 7 : L'an dernier, la revalorisation différenciée des pensions (0,3 % au-delà de 2 000 euros ; 1 % pour les autres pensions), d'autant qu'elle se cumulait avec l'introduction d'un taux médian de contribution sociale généralisée sur les revenus de remplacement, conduisait à moduler le taux de rendement des contributions des retraités, dérogeant en cela aux orientations de la réforme des retraites. En 2021, une revalorisation uniforme des pensions serait appliquée au taux de 0,4 %, pour un supplément de charges de pensions de l'ordre de 40 millions d'euros. Compte tenu d'une prévision d'inflation de 0,6 %, évidemment très incertaine, l'économie procurée à la mission pourrait avoisiner 20 millions d'euros.
Observation n° 8 : Les subventions versées par l'État représentent 67 % des ressources des régimes spéciaux financés par la présente mission, une part considérable, qui demeure stable depuis 2015. Même si le ratio démographique des régimes spéciaux est nettement plus faible que dans les autres régimes (0,63 à la SNCF, 0,85 à la RATP contre près de 1,3 dans le régime général et 1,7 tous régimes), les règles spécifiques aux régimes spéciaux, qui ont largement contribué à cette situation, jouent un rôle important dans les déséquilibres financiers que l'État est appelé à combler. Selon une estimation de la Cour des comptes publiée en 2019, la subvention versée à la caisse de la SNCF serait due pour 570 millions d'euros à des avantages spécifiques, tandis que pour la RATP, où la surcotisation prévue pour financer ces derniers n'a pas été mise en oeuvre jusqu'à présent, elle couvrirait 400 millions d'euros d'avantages particuliers liés au statut, notamment les départs précoces. Les perspectives de renforcement de l'alignement des régimes spéciaux sur les règles communes inscrites dans la législation actuelle, mais surtout, l'extinction acquise du régime de la SNCF, devraient à très long terme réduire cette contribution, tout en renforçant les effets du déséquilibre démographique. Sans être négligeable, l'impact financier du projet de réforme des retraites en ce qui concerne les régimes spéciaux couverts par la mission doit être considéré comme plutôt mineur, l'essentiel des enjeux étant liés à une application juste du principe d'équité.
Observation n° 9 : Les âges de départ à la retraite dans les régimes spéciaux sont systématiquement supérieurs aux âges d'ouverture des droits, qui, légalement, sont plus précoces que dans le régime général ou dans les régimes de la fonction publique (hors agents des catégories actives). Les mesures de convergence, en particulier l'application progressive à compter de juillet 2019 de la plupart des mesures d'âge des réformes des retraites, devraient aboutir à réduire progressivement un écart qui s'est déjà, plus ou moins, atténué ces dernières années, constituant à terme un puissant facteur de rééquilibrage financier des régimes spéciaux financés par la mission, que ce soit en diminuant le nombre des retraités ou en abaissant le niveau des pensions servies. Il n'en reste pas moins que la durée de service d'une pension est en moyenne nettement plus élevée dans les régimes spéciaux, du fait de la situation particulière réservée à certains personnels, que pour l'ensemble de la population. Sous bénéfice d'un inventaire que la documentation budgétaire devrait entreprendre, les rapports entre durée de carrière et durée de service de la retraite ressortent alors comme plus favorables (mais, au total, légèrement) dans les régimes spéciaux. Si jusqu'à présent cette situation ne s'est accompagnée que de sacrifices modérés du niveau des pensions, elle est appelée à en exiger de plus en plus, en raison de la décote.
Observation n° 10 : Il faut toutefois remarquer que les régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP, qui retiennent globalement des règles de liquidation identiques à celles des régimes de la fonction publique, offrent une dynamique des pensions nouvelles plus forte que dans ces derniers régimes puisque les salaires sont assez loin d'être aussi contraints que dans la fonction publique. Cette situation vient d'ailleurs contrebalancer la légère réduction du volume des pensions en 2021.
Observation n° 11 : Soutenant la perspective d'une diminution tendancielle du montant des subventions nécessaires pour équilibrer les régimes spéciaux, le besoin de financement des régimes financés par la mission est estimé entre 129,7 milliards d'euros et 188,7 milliards d'euros à l'horizon 2050 selon le taux d'actualisation. Au-delà, le besoin de financement se creuserait mais moyennant des annuités divisées par deux. La création d'un nouveau régime fermé à la SNCF a creusé transitoirement le besoin de financement mais il réduit progressivement les engagements financiers de l'État.
Compte d'affectation spéciale « Pensions »
Observation n° 1 : Après une augmentation entre 1990 et 2012 résultant d'une combinaison de facteurs, en particulier des gains salariaux des agents publics et de l'augmentation du volume des pensionnés, les dépenses de pensions de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État tendent à ralentir sous l'effet d'une diminution des flux de pensionnés et du freinage de l'augmentation de la valeur unitaire des nouvelles pensions. Celui-ci est tel que la base de liquidation moyenne des pensions subit un décrochage par rapport à l'inflation observée ces dernières années. Entre 2017 et 2018, la valeur de liquidation des pensions a même baissé en valeur absolue, les effets de la politique salariale de l'État étant amplifiés par un durcissement des conditions de la décote, qui joue tout particulièrement pour les catégories actives de la fonction publique.
Observation n° 2 : En 2021, les dépenses de pensions progresseraient sur un rythme nettement ralenti par rapport à la tendance longue des pensions (1,2 % contre 4,1 % en moyenne au cours de la période 1990-2017), l'impact des dispositions prises par le Gouvernement en matière de revalorisation des pensions en 2021 (+ 0,4 % contre + 0,5 % au total en 2020) se soldant par des économies substantielles par rapport à une situation de revalorisation basée sur l'inflation prévue. La valeur unitaire des pensions nouvellement liquidées varie d'une année sur l'autre en plus ou en moins mais dans des proportions étroites, malgré une tendance à la hausse de l'indice moyen à la liquidation. Les taux de liquidation évoluent très modérément surtout lorsqu'on tient compte de l'impact des mécanismes de décote-surcote. La décote atteint un nombre stabilisé de liquidants mais ses implications sont de plus en plus sensibles.
Observation n° 3 : La situation actuelle n'exerce aucun effet sur les équilibres du compte d'affectation spéciale (une réduction des dépenses de pension de 49 millions d'euros est cependant attendue du fait de la surmortalité) mais elle se traduit par une légère augmentation du poids des dépenses de pensions des régimes de la fonction publique d'État dans le PIB, qui passerait de 2,4 à 2,7 points de PIB en 2020 pour refluer vers son niveau de 2019 sous réserve de la réalisation du scenario macroéconomique du Gouvernement. Dans la mesure où le système de contributions au CAS suppose l'équilibre permanent de celui-ci et puisque la masse salariale servant d'assiette n'est à court terme pas influencée par la situation, le solde n'est pas impacté. Cependant, à plus long terme, la crise économique, et celle annoncée des finances publiques, paraît rendre encore plus incertaine quelle n'est déjà l'hypothèse posée par le Conseil d'orientation des retraites d'une progression des rémunérations indiciaires.
Observation n° 4 : Le ralentissement de l'augmentation des dépenses du CAS, qui est le résultat des réformes passées (voir infra ) est renforcé par la politique salariale de l'État. L'absence de revalorisation du point d'indice induit un décrochage entre la base de liquidation des pensions et l'inflation qui, sans être équivalente à une absence de revalorisation des bases liquidatives, concourt à en freiner l'ampleur. Celle-ci tend à être déterminée par la seule progression des carrières qui suscite un effet de noria déterminant une augmentation de la valeur de la pension en stock. Ces dynamiques, très freinées ces dernières années, varient selon les affiliés. Compte tenu des conditions de liquidation des pensions, il en résulte une ouverture de l'éventail des valeurs liquidatives nettement plus forte que ce qui serait constaté avec une politique salariale de l'État reposant davantage sur des revalorisations générales.
Observation n° 5 : Une dépense nette des prélèvements opérés par l'État sur les pensions versées et leur consommation devrait être calculée pour mieux rendre compte des transferts entre l'État et ses retraités. Par rapport aux estimations passées, les constats rendus possibles par le passage au prélèvement à la source laissent supposer un prélèvement plus élevé au titre de l'impôt sur le revenu acquitté à partir des pensions servies par le Service des retraites de l'État. Au total, le cumul des prélèvements au titre de l'impôt sur le revenu et de la CSG laisse supposer un total de « retour » fiscaux de 7,9 milliards d'euros, correspondant à 13,4 % des contributions employeurs versées pour financer les pensions civiles et militaires de l'État.
Observation n° 6 : Les ressources du CAS seraient en légère baisse, les cotisations sociales n'augmentant que très peu. Les contributions totales de l'État et de ses opérateurs au programme 741 du CAS « Pensions » s'élèvent à 49,7 milliards d'euros en 2021 (+ 0,13 % par rapport à 2020). Les contributions employeurs freinées par la réduction des cotisations en provenance des anciens monopoles (France Télécom et La Poste) sont prélevées à taux inchangés. En l'absence de revalorisation du point d'indice, seul joue l'effet GVT et, plus modérément, la poursuite du déroulement du PPCR. L'évolution des emplois est défavorable notamment du fait de la déformation de la structure d'emplois mobilisée par l'État qui recourt de plus en plus à des contractuels. Le poids des contractuels hors champ des régimes de retraite des fonctionnaires s'est renforcé de plus de 4,7 points en quelques années, passant à 17,8 % en 2018. Les recettes tirées des cotisations salariales sont atones dans un contexte où les taux de cotisation sont stabilisés au niveau de l'année en cours après avoir augmenté de 4,7 points depuis 1990.
Observation n° 7 : Le CAS dégagerait un excédent de 0,759 milliard d'euros en 2021, en baisse par rapport aux prévisions pour 2020. Le solde cumulé du CAS « Pensions » s'élèverait fin 2020 à 9,9 milliards d'euros, contre 3,2 milliards d'euros fin 2016. Les produits des cotisations retenues sur les salaires des fonctionnaires ont permis au cours des dernières années de couvrir les suppléments de charges du compte si bien que l'augmentation des contributions employeurs au demeurant contenue par la politique d'emploi de l'État n'a pas dégradé le solde du budget de l'État. La gestion financière du CAS reflète le choix du Gouvernement de privilégier la stabilisation des taux des contributions employeurs à moyen terme et de constituer un fonds de réserve utile dans une perspective très longue, qui est celle de tout régime de retraites, mais qui se traduit par l'application d'un mécanisme d'épargne forcée au terme duquel la logique du financement par répartition se mitige d'une logique de fonds de réserve. Cette orientation n'est pas nécessairement à condamner dans la mesure où elle peut permettre un pilotage plus souple du système si les hypothèses sur lesquelles repose la projection de ses équilibres devaient se trouver déjouées par les évolutions réelles. Par ailleurs, il faut tenir compte de la préoccupation d'accompagner les suppléments de cotisations perçus auprès des agents, d'assurer le financement des avantages non contributifs qui est l'un des objets de la contribution de l'État et de ne pas desserrer excessivement la contrainte que cette contribution exerce sur les recrutements.
Observation n° 8 : Les engagements financiers portés par l'État au titre des retraites de ses agents, sont estimés dans une fourchette large comprise entre 1 393 milliards d'euros (taux d'actualisation de 1,50 %) et 2 383 milliards d'euros (taux d'actualisation négatif, de - 0,92 %). Sous ce dernier taux, les conditions monétaires et financières exceptionnelles du moment conduisent à extérioriser une dette hors bilan d'un poids qui tendrait à se réduire considérablement en cas de retour à des conditions plus usuelles. Dans ces conditions, il serait aventureux de considérer que ces estimations puissent rendre compte des actifs patrimoniaux actualisés détenus par les affiliés du régime de retraite. En toute hypothèse, elles ne recouvrent pas les conditions prévisibles d'équilibre du système de retraite qui ressortent, en revanche, de la projection des besoins de financement (voir infra ).
Observation n° 9 : L'équilibre du régime de pensions des fonctionnaires civils et militaires n'est pas inatteignable à terme malgré la forte révision à la baisse de son excédent cumulé et un profil temporel évolutif. Dans trois des quatre scenarios de croissance proposés par le conseil d'orientation des retraites en 2017, le poids des dépenses totales de retraite dans le PIB baisse, conduisant dans deux de ces scenarios à un excédent du système de retraite à l'horizon de 2070. Pour le CAS « Pensions », le poids de ses dépenses dans le PIB baisserait dans tous les cas. Le résultat cumulé serait plus ou moins bénéficiaire. Ces estimations sont réalisées à législation constante. Celle-ci implique notamment un maintien du taux de contribution de l'État à son niveau de départ et un recul de l'âge effectif de liquidation des droits des fonctionnaires sous l'effet du durcissement des conditions posées pour l'acquisition d'une pension à taux plein. À court terme, l'âge de liquidation des droits devrait être de 64 ans avec toutefois de fortes disparités selon l'appartenance à la catégorie active (des départs plus précoces) ou sédentaire. La durée de vie en retraite dépendra des évolutions de l'espérance de vie, le scenario central de mortalité du COR impliquant un gain d'espérance de vie de 4 ans entre les générations 1960 (proche du départ à la retraite) et la génération née en 2000. Si l'espérance de vie a progressé sur un rythme ralenti ces dernières années, l'espérance de vie sans incapacité a plutôt stagné et se trouve à un niveau très inférieur à l'espérance de vie totale.
Observation n° 10 : Les équilibres du système des retraites passent par une réduction de la valeur de la pension moyenne relativement aux revenus d'activité, qui, de 67 % se replierait vers un niveau compris entre 40 % et 50 % du revenu moyen d'activité, conduisant à une baisse prononcée des taux de remplacement assurés par les pensions. Pour le régime de la fonction publique, le taux de remplacement déjà comparativement faible perdrait entre 5 et 8 points pour n'être plus que de l'ordre de 55 % en moyenne, selon les scenarios du Conseil d'orientation des retraites antérieurs à la crise actuelle. La décroissance du taux de remplacement est moins forte que dans le régime général où celui-ci est aujourd'hui plus élevé de près de 15 points. Ces différences sont largement dues à l'exclusion des primes des fonctionnaires de leur régime de retraite et aux différences dans les conditions de calcul des pensions. L'effet équilibrant de la règle d'une liquidation sur les 25 meilleures années de la carrière revalorisées à l'inflation qui entraîne une réduction forte du taux de remplacement en projection joue en théorie beaucoup moins pour les fonctionnaires, dont la base liquidative (les six derniers mois de salaires) bénéficie des revalorisations liées à la croissance économique sur une période plus longue. C'est du moins le cas quand les indices sont revalorisés. La situation s'inverse en période de gel indiciaire. Malgré une configuration déprimant les taux de remplacement offerts par les régimes de retraite, la valeur réelle des retraites serait croissante, du fait d'un effet de base de liquidation, les pensions n'étant revalorisées que comme l'inflation. Cependant, la baisse de la valeur moyenne de la pension liquidée en 2018 appelle l'attention sur un scenario moins favorable. Le niveau de vie relatif des retraités qui comprend aujourd'hui plus de 30 % de revenus autres que les retraites en moyenne baisserait par rapport à celui du reste de la population. Les retraités perdraient entre 10 et 20 points de niveau de vie relatif.
Observation n° 11 : Ni les niveaux très disparates des taux prélèvements nécessaires à la couverture des dépenses des différents régimes, ni l'hétérogénéité des avantages non contributifs au sein d'un même régime, ni les durées relatives de cotisations et de service de la pension - ces deux derniers éléments pouvant aboutir à des rendements contributifs très différents - ne peuvent à eux seuls établir le constat d'une rupture d'équité par les régimes de retraite, sauf à retenir une conception étroitement financière de ce critère, qui n'est pas celle des principes fondamentaux de la sécurité sociale. Au demeurant, la réforme en cours d'élaboration semble quelque peu en retrait de l'application d'un principe d'uniformité des rendements contributifs et d'universalisation du régime des retraites. Sur le premier point, si demain un euro de cotisation pourrait avoir la même valeur pour tous, le maintien d'un étage de solidarité devrait aboutir à un système de retraite présentant une certaine hétérogénéité des droits, comme c'est aujourd'hui le cas. Néanmoins, la détermination de l'empreinte de l'étage de solidarité devra être réenvisagée, perspective de nature à diviser les opinions et, en théorie, le financement des avantages correspondants ne pourra plus recourir à des péréquations internes aux régimes, si bien, notamment que des modifications devront être apportées à la structure de financement de la solidarité, au sein de laquelle l'appel à l'impôt devrait être renforcé, la totalité des revenus du travail devrait être intégrée au régime. Sur le second point, si l'annonce d'un régime prenant en compte ces revenus jusqu'à trois plafonds de la sécurité sociale paraît exclure, pour l'essentiel, la constitution d'un étage fourni de capitalisation, la possibilité offerte à certains régimes de rester à l'écart de la réforme mais également l'hypothèse de constitution de régimes supplémentaires d'entreprises tendent à réduire le degré d'universalisation du système des retraites, qui pourrait souffrir également du maintien de conditions spécifiques, non sans justifications, mais déjà à l'oeuvre dans le système actuel.
Observation n° 12 : À contrainte financière inchangée, l'intégration des primes des fonctionnaires dans la base de liquidation des pensions suppose une modification de la répartition des droits à retraite pénalisante pour les fonctionnaires disposant d'un taux de primes comparativement bas. Compte tenu de la hausse des cotisations qu'ils devraient supporter, le taux de rendement offert à ces fonctionnaires par le régime universel de retraite se réduira. Il en ira de même de leur pouvoir d'achat en tant qu'actifs. Sur ce point qui concerne tout particulièrement les personnels enseignants, des annonces ont été faites allant dans le sens d'une revalorisation des salaires, mais sans que les perspectives induites pour les personnels en cause et pour le budget de l'État ne soient clairement précisées.
Au 10 octobre 2020, date limite fixée par la LOLF, 97 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues au rapporteur spécial .