B. SI L'ATTRACTIVITÉ DU MÉTIER D'ENSEIGNANT DOIT ÊTRE AMÉLIORÉE, LA REVALORISATION DES SALAIRES NE PEUT PAS CONCENTRER L'ESSENTIEL DES EFFORTS AU RISQUE DE PERDRE DE VUE TOUTE MAÎTRISE BUDGÉTAIRE.
1. Une hausse qui peut être décomposée en différents facteurs
La hausse des crédits demandée concerne à 80 % les dépenses de personnel. Elle peut être décomposée en deux facteurs. Les mesures catégorielles pérennes , en particulier de revalorisation des traitements des enseignants, ont un impact positif à hauteur de 450 millions d'euros toutes mesures confondues.
L'impact des mouvements structurels, en particulier le glissement vieillesse technicité (GVT) est également essentiellement positif et explique pour moitié la hausse des dépenses de personnel. Le glissement vieillesse technicité (GVT) correspond au déroulement des carrières à l'ancienneté. Toutefois, si son évolution positive est de 765 millions d'euros, elle est tempérée par un GVT négatif de 427 millions d'euros. Une provision est prévue au PLF 2021 au titre du GVT solde pour un montant total de 332,50 millions d'euros hors CAS « Pensions ».
Part des différents facteurs d'évolution dans la hausse des dépenses de personnel de la mission demandée en 2021
Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires
Les mouvements structurels ont donc un impact équivalent à celui des diverses mesures catégorielles.
2. L'augmentation des dépenses résulte autant d'évolutions structurelles que de mesures catégorielles consécutives à la crise sanitaire
a) Un impact important des mesures catégorielles annoncées par le Gouvernement visant à revaloriser le métier d'enseignant
La volonté de revalorisation des personnels de l'éducation nationale annoncée par le ministre de l'éducation nationale dans son discours du 26 août 2020 se traduit en PLF 2021 par une augmentation des crédits au titre des mesures catégorielles, lesquelles, en incluant les mesures nouvelles, s'élèvent à 460 millions d'euros hors CAS « Pensions ».
Trois voies d'action peuvent être distinguées.
(1) L'accompagnement des mesures liées à l'agenda social
En premier lieu, une revalorisation globale de 400 millions d'euros hors CAS est proposée par le Gouvernement pour l'année 2021 afin d'accompagner diverses mesures inscrites à l'agenda social. Le montant de cette revalorisation s'élèvera en année pleine à 500 millions d'euros.
Le programme annuel de performance indique que la ventilation précise entre programmes, ainsi que les modalités de cette revalorisation feront l'objet d'une concertation avec les organisations représentatives des personnels. La date d'entrée en vigueur sera également précisée suite à cette concertation.
La répartition provisoire des crédits afférents est la suivante.
Ventilation provisoire par programme de la
revalorisation globale
de 400 millions d'euros prévue en PLF
2021
Programme |
Montant des dépenses |
Programme 140 |
141,2 |
Programme 141 |
173,5 |
Programme 230 |
141,2 |
Programme 139 |
73,6 |
Programme 214 |
2 |
Programme 143 |
0 |
Total (hors CAS « Pensions ») |
400 |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Le rapporteur regrette que cette décomposition ne soit qu'indicative dans les documents annexés au projet de loi de finances pour 2021. Selon ses informations, la prime de revalorisation se déclinerait ainsi :
- 178 millions d'euros de prime d'équipement informatique , soit 150 euros par an net par enseignant ;
- 260 millions d'euros sous forme de prime d'attractivité visant à accélérer l'augmentation du traitement en début de carrière . Actuellement, au terme des vingt premières années de carrière, un professeur gagnera 700 euros par mois net de plus que lors de sa première année. Par contre, il en gagnera 1 000 de plus au cours des 15 années suivantes. L'objectif de cette prime serait donc de permettre une progression plus rapide au cours des premières années ;
- 50 millions d'euros d'augmentations catégorielles, notamment à destination des chefs d'établissement et directeurs d'école .
À ces mesures générales s'ajoute une enveloppe indemnitaire ad hoc de 30 millions d'euros destinée à accompagner les mesures de l'agenda social relatives aux ressources humaines , en améliorant notamment le taux d'accès à la hors classe des professeurs des écoles.
(2) La mise en oeuvre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR)
Le dernier volet du protocole parcours professionnels, carrières et rémunérations (PPCR) prévoit, outre une revalorisation indiciaire, des mesures d'accompagnement et de nouvelles modalités d'évaluation. 300 millions d'euros supplémentaires auront été accordés jusqu'à présent au total au titre de la revalorisation des carrières.
La hausse prévue en 2021 au titre du PPCR est de 26,44 millions d'euros hors CAS « Pensions ».
Cette revalorisation est notamment axée sur le soutien aux jeunes professeurs au travers d'une revalorisation progressive portant sur les débuts de carrière.
La mise en oeuvre de l'accord « Parcours
professionnels, carrières
Le protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) est le fruit d'une négociation entre le précédent gouvernement et les organisations syndicales, ouverte le 7 octobre 2014 et clôturée le 17 juillet 2015. Couvrant les trois versants de la fonction publique, ce protocole comprend deux mesures principales : - transformer une partie des primes des fonctionnaires en points d'indice, pour harmoniser les rémunérations des agents mais aussi augmenter les pensions des futurs retraités ; - rénover les grilles indiciaires, pour étendre l'amplitude entre le début et la fin de carrière et conforter le traitement indiciaire des fonctionnaires. Le protocole a une portée interministérielle mais sa déclinaison s'adapte aux spécificités des métiers de l'éducation nationale. L'accord PPCR se traduit concernant le personnel de l'éducation nationale par : - pour tous les corps enseignants, une revalorisation des grilles ainsi qu'une augmentation du taux des heures supplémentaires ; - pour les professeurs des écoles, une augmentation du taux d'accès à la hors classe ; - pour tous les corps enseignants, une augmentation du taux d'accès à la classe exceptionnelle. Un enseignant qui accède à la classe exceptionnelle bénéficie d'un gain de rémunération d'environ 1150 euros bruts annuels en fonction de son échelon d'appartenance. Le gain moyen résultant de ces mesures s'élève à 900 euros bruts annuels pour un stagiaire recruté en 2019 par rapport à un stagiaire recruté en 2016 et à 1 000 euros bruts annuels pour un stagiaire recruté en 2020. Pour un professeur des écoles ou un professeur certifié en milieu de carrière, la hausse attendue se situe aux environs de 690 euros bruts annuels en janvier 2019 et de 1250 euros bruts annuels en janvier 2020 par rapport à 2016. Les parcours de carrières auront été dynamisés et revalorisés pour près de 900 000 agents entre 2017 et 2022 . Source : Ministère de l'éducation nationale |
(3) Les mesures de soutien à l'éducation prioritaire
Troisième axe de mesures catégorielles présentées, la revalorisation du dispositif indemnitaire de l'éducation prioritaire entraîne une hausse de crédits de 29 millions d'euros en 2021 .
Celle-ci est mise en oeuvre depuis la rentrée scolaire 2018 3 ( * ) et concerne les personnels exerçant dans les écoles et établissements de réseaux d'éducation prioritaire renforcés (REP+) 4 ( * ) . La revalorisation actuelle a été précédée à deux reprises, en 2018 et 2019, d'une hausse de 1 000 euros nets par an et par personne.
Entre 2018 et 2020, 137 millions auront été mobilisés en faveur des professeurs de ces réseaux . 50 000 personnes sont concernées par cette mesure, qui sera achevée au terme de l'année scolaire 2020-2021, la dernière tranche étant selon le programme annuel de performance attribuée selon des critères à définir après évaluation du dispositif.
Cette troisième tranche représentera un coût total en 2021 de 48,6 millions d'euros au titre de l'extension en année pleine des mesures engagées.
b) Diverses mesures complètent les mesures catégorielles pérennes mises en oeuvre
(1) La poursuite de la politique de professionnalisation des AESH influe sur les dépenses du programme 230
La politique de dé-précarisation et de professionnalisation des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) se poursuit comme l'année précédente. Celle-ci concerne plus spécifiquement le programme 230 et est mise en oeuvre au travers de la généralisation du recrutement de ces personnels en contrat de droit public de trois ans , renouvelable une fois, avant signature d'un contrat à durée indéterminée (CDI).
Les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) représentent 59 % des effectifs du programme 230 et sont rémunérés sur le titre 2.
Le PLF 2021 prévoit une augmentation de la dotation au titre de la rémunération des AESH (+232,1 millions d'euros), qui permet de financer 38 516 AESH en moyenne annuelle en 2021.
Cette dotation permet de financer les 8 000 recrutements prévus en 2020, ainsi que le recrutement direct de 4 000 AESH supplémentaires au titre de l'année scolaire 2021-2022 afin de répondre à l'augmentation des prescriptions des maisons départementales des personnes handicapées en matière d'aide humaine.
Toutefois, si cette politique a engendré une hausse des dépenses de personnel du programme 230 plus rapide que celle des autres programmes au cours des années précédentes, l'influence de la « CDI-sation » des AESH est moindre en 2021.
La dynamique des dépenses de titre 2 du programme 230 devrait en effet s'aligner sur les mouvements des autres composantes de la mission.
(2) L'impact budgétaire des mesures de garantie d'un accès égal à la scolarisation
La généralisation de la scolarité obligatoire à 3 ans prévue par l'article 11 de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance entraîne une dépense supplémentaire de 100 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2020.
Celle-ci n'est pas fléchée sur le programme 140 - Enseignement du premier degré, mais sur le programme 230 - Vie de l'élève, sur lequel une nouvelle action est créée.
Il s'agit en effet d'une provision de 100 millions d'euros, cette évolution constituant une extension de compétences pour les communes concernées qui, en application des dispositions de l'article 72-2 de la Constitution, donnera lieu à un accompagnement financier de la part de l'État.
Le PLF 2021 intègre également une hausse de 31,2 millions d'euros des crédits prévus au titre de la rémunération des assistants d'éducation (AED), prenant notamment en compte la montée en charge du dispositif de préprofessionnalisation.
En effet, la loi pour une école de la confiance prévoit à son article 49 la possibilité pour les écoles, collèges et lycées de recruter des assistants d'éducation pour qu'ils y exercent des fonctions d'enseignement intégrées à leurs parcours de préprofessionnalisation.
Les recrutements d'AED en préprofessionnalisation sont au nombre de 1 181 à la rentrée scolaire 2019, 2 492 à la rentrée scolaire 2020, et 3 000 supplémentaires sont prévus à la rentrée 2021.
Enfin, diverses augmentations de crédit sont destinées à améliorer la scolarisation des élèves défavorisés. L'évolution des crédits dédiés aux bourses de collège et de lycée dans le PLF 2021 (+ 31,9 millions d'euros) tient compte des effectifs de boursiers attendus à la rentrée 2021 et de l'indexation des échelons de bourses de collège et de lycée sur l'évolution de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF).
Par ailleurs, afin de favoriser la scolarité en internat, le montant de la prime d'internat évolue selon l'échelon de bourse à compter de la rentrée 2020. Le PLF 2021 prévoit également une augmentation des crédits demandés dédiés aux fonds sociaux (+ 19,1 millions d'euros).
* 3 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
* 4 La revalorisation ici décrite s'ajoute aux indemnités prévues par le décret n° 2015-1087 du 28 août 2015 en faveur des personnels exerçant dans l'éducation prioritaire.