C. PROFITER DES ÉVOLUTIONS DÉMOGRAPHIQUES EN COURS POUR AMÉLIORER LA PRODUCTIVITÉ DE L'ÉCOLE EN FAISANT ÉVOLUER LES RATIOS D'ENCADREMENT

Une baisse drastique des effectifs d'élèves découle des évolutions démographiques en cours , dont les effets ont déjà atteint l'enseignement primaire et qui devrait s'étendre au second degré dans les prochaines années. À défaut d'un rebond démographique, il importe d'avoir une vision de long terme de la gestion des enseignants . La diminution du nombre d'élèves devrait permettre d'augmenter le taux d'encadrement pour améliorer la qualité de l'enseignement et, à terme, la productivité du système scolaire français.

1. Une politique de recrutement qui doit s'adapter aux évolutions déjà en cours
a) Une chute du nombre d'élèves qui devrait atteindre le second degré en 2023

Le rapporteur spécial considère qu'il est désormais impératif de tenir compte des évolutions démographiques à venir dans la définition de la politique d'emploi de la mission.

On constate sur la décennie précédente une chute brutale du nombre de naissances, le pic ayant été atteint en 2010 avec 832 000 enfants, qui vont désormais rentrer en sixième. Le nombre de naissances est passé sous le seuil des 800 000 en 2015 et décroît ensuite jusqu'en 2019, avec une estimation de 743 000. La diminution du nombre de naissances devrait se poursuivre jusqu'à atteindre 734 000 naissances en 2022.

Évolution des effectifs d'élèves de l'enseignement préélémentaire
et élémentaire, en milliers

Source : DEPP

En d'autres termes, les effectifs du premier degré sont amenés à décliner structurellement , et ce en dépit de l'abaissement de l'âge de scolarisation obligatoire à 3 ans (+ 25 000 élèves en 2019) qui devrait contribuer à ralentir cette contraction des effectifs mais non pas à l'inverser.

Le nombre d'enfants de trois à cinq ans devrait ainsi diminuer de 50 600 entre 2019 et 2020 . Cette baisse devrait ralentir progressivement jusqu'en 2024 (- 8 300 enfants). La population des 6-10 ans, en grande partie scolarisés dans le premier degré, devrait diminuer légèrement en 2020 (- 11 000 enfants) avant de connaître des baisses très marquées de 2021 à 2024 (jusqu'à - 60 200 enfants en 2024). Ainsi, le premier degré aura perdu près d'un sixième de ses élèves en cinq ans.

Évolution des effectifs d'élèves dans l'enseignement primaire
entre 2009 et 2023 (en millions d'élèves)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de la DEPP et des documents budgétaires

Ces évolutions devraient gagner progressivement le second degré, à commencer par le collège. L'augmentation des effectifs constatée en collège depuis la rentrée 2017 pourrait se poursuivre jusqu'à la rentrée 2021 et serait suivie d'une très légère baisse en 2022 avant de diminuer sensiblement en 2023 et 2024 . Les perspectives démographiques du lycée ne devraient toutefois évoluer à la baisse qu'après 2024, correspondant au passage du pic de naissance de 2010.

Évolution des effectifs du second degré

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

Total collège

3 374 409

3 413 156

3 432 898

3 439 060

3 437 693

3 429 580

3 421 519

Total lycée professionnel

648 851

643 763

645 926

653 478

661 005

668 589

670 237

Total lycée général et technologique

1 621 758

1 619 564

1 620 206

1 634 870

1 647 921

1 664 394

1 664 104

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de la DEPP et des documents budgétaires

b) Un recours accru aux heures supplémentaires permettant d'adapter les recrutements à ces évolutions

Le rapporteur spécial insiste sur la nécessité de mettre en oeuvre une vision de moyen et long terme dans la politique de recrutement des enseignants , qui implique d'anticiper la « bosse » démographique. En effet, l'augmentation des effectifs qui a pu être constatée au cours des dernières années ou qui le sera dans un horizon temporel rapproché est appelée à se résorber.

Par conséquent, le ministère de l'éducation nationale doit inscrire sa gestion des personnels dans une logique pluriannuelle . Le rapporteur spécial considère que la politique de recours aux heures supplémentaires dans le second degré, en lieu et place de recrutement de personnels supplémentaires, permettra effectivement d'anticiper la baisse du nombre d'élèves à venir.

Un ETP correspond à 648 heures supplémentaires par an. Sur l'année scolaire 2019/2020, dans l'enseignement public du second degré, 551 272 heures supplémentaires ont été effectuées par 253 122 enseignants du second degré . Près des deux tiers des enseignants effectuent des heures supplémentaires. En outre, le nombre d'heures supplémentaires que les enseignants peuvent être tenus d'effectuer, dans l'intérêt du service en sus de leur maximum hebdomadaire de service, a été porté à deux en 2019 5 ( * ) .

Le recours aux heures supplémentaires permet également de relever le nombre d'heures d'enseignement, qui aura ainsi augmenté de 13 % sur les 30 dernières années en lycée, et dans une moindre mesure de 7 % au collège.

Évolution du nombre d'heures d'enseignement par enseignants
et de leur service total de 2016 à 2019 dans le second degré public et privé

Source : commission des finances d'après la DEPP

Selon les informations fournies au rapporteur spécial, 29 600 postes auraient été ainsi économisés en 2019. En 2021, un million d'heures supplémentaires devraient être effectuées afin d'absorber la baisse de la démographie. Cette augmentation des heures supplémentaires permet l'augmentation des moyens d'enseignement dans le second degré, tout en favorisant le pouvoir d'achat des professeurs qui les effectuent.

En conséquence, le montant des crédits au titre des heures supplémentaires (y compris vacations) inscrit au PLF 2021 progresse de 1,9 % (soit 25,3 millions d'euros) par rapport à la LFI 2020.

2. Dont il importe de tirer profit afin d'améliorer la qualité de l'enseignement
a) Un taux d'encadrement supérieur à la moyenne européenne mais qui remonte dans le premier degré

(1) Un ratio plus élevé que la moyenne européenne

Dans le premier degré, la France présente le taux d'élèves par enseignant le plus fort de l'Union européenne avec plus de 19 élèves par enseignant dans l'élémentaire et plus de 23 élèves par enseignant dans le préélémentaire . Si les personnels auxiliaires sont comptabilisés en plus des enseignants (Atsem dans le cas français), comme le fait l'OCDE, le taux d'encadrement descend à 16 élèves par personnel en France et à 12 élèves en moyenne dans l'Union européenne.

Nombre moyen d'élèves par enseignant et par niveau en 2017

Source : État de l'école 2019, DEPP

Dans le premier cycle du secondaire en France, le taux d'encadrement est meilleur que dans le premier degré et s'élève à 14 élèves par enseignant . Il reste cependant plus élevé que dans tous les autres pays, sauf aux Pays-Bas (16) et au Royaume-Uni (15).

Évolution du nombre moyen d'élèves par classe (1980-2018)

Source : État de l'école 2019, DEPP

Seule exception, dans le second cycle du secondaire, lycées professionnels, généraux et technologiques confondus, le taux d'encadrement en France, à 11 élèves par enseignant est meilleur que celui de la moyenne UE-28 (12) et surtout celui des Pays-Bas (18) et du Royaume-Uni (17). Toutefois, ce faible nombre est tiré vers le bas par l'enseignement professionnel, dans lequel l'encadrement est nettement inférieur à la voie générale et technologique.

L'enseignement professionnel implique, pour maintenir des filières d'excellence au travers d'une offre d'enseignement large, la dispersion des professeurs sur les différentes branches d'activité. Ainsi, dans la filière verrerie, il y a actuellement six spécialités différentes, correspondant chacune à des professeurs spécialisés. Une réforme est actuellement en cours pour fluidifier la carrière des enseignants en lycée professionnel , qui devrait permettre de mieux adapter l'offre d'enseignement aux besoins de l'économie réelle , ce dont le rapporteur spécial se félicite.

(2) Une évolution consécutive au renforcement du premier degré

La France a entrepris au cours des dernières années de rattraper son écart sur le reste des pays de l'OCDE concernant le premier degré. Si le plafond d'emplois de la mission est stable, 1 273 ETP supplémentaires sont recrutés parmi les effectifs des enseignants du premier degré, soit 973 ETP supplémentaires une fois déduite la suppression de 300 ETP pour les personnels administratifs. Cette hausse permettra notamment d' accompagner le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 en cours dans l'enseignement prioritaire , ainsi que le plafonnement à 24 élèves par classe.

Évolution du nombre d'enseignants

2008

2018

2019

Variation 2019/2018

Variation 2019/2008

Premier degré

366 813

378 067

377 678

-0,10 %

2,88 %

Premier degré public

323 402

332 996

332 832

-0,05 %

2,83 %

Premier degré privé sous contrat

43 411

45 071

44 846

-0,50 %

3,20 %

Second degré

492 652

492 138

488 805

-0,68 %

-0,79 %

Second degré public

395 265

395 471

392 349

-0,79 %

-0,74 %

Second degré privé sous contrat

97 387

96 667

96 456

-0,22 %

-0,97 %

Source : commission des finances d'après la DEPP

À l'inverse, les effectifs de l'enseignement secondaire sont réduits d'autant , dans la mesure où 893 ETP sont supprimés dans le secondaire public et 282 dans le secondaire public. Les dépenses de personnel du second degré public (programme 141) augmentent nettement plus lentement que ceux du premier degré public (respectivement + 2,5 % et + 1,3 %).

En 10 ans, les effectifs du premier degré ont augmenté de 2,88 %, quand ceux du second degré ont diminué de 0,79 %.

Évolution du taux d'encadrement dans le premier degré

Source : commission des finances d'après la DEPP

On assiste donc à un rééquilibrage du taux d'encadrement entre le primaire et le secondaire . Ce faisant, le ratio élèves/professeur français devrait se rapprocher de la moyenne de l'OCDE.

b) Une gestion des effectifs d'enseignants qui doit être orientée vers une hausse du taux d'encadrement pour accompagner la baisse démographique

Le rapporteur spécial se félicite de la dynamique à l'oeuvre de réduction du taux d'encadrement dans le premier degré . Il estime toutefois que celle-ci doit être approfondie et surtout étendue au secondaire. Du fait des évolutions démographiques mentionnées plus haut, la logique qui doit prédominer est celle de la réduction du nombre d'enfants par classe .

Au-delà d'entraîner des économies potentielles, la baisse des effectifs constitue en effet selon le rapporteur spécial l'occasion de poursuivre la transformation du système scolaire français. Par un effet mécanique, la réduction du nombre d'élèves entraînera une baisse du taux d'encadrement qui est de nature à améliorer le suivi des élèves , dans le prolongement des dédoublements de classe déjà mis en oeuvre. Les évaluations de la DEPP montrent un effet positif du dédoublement en zone prioritaire ( cf. infra ), qui permet d'améliorer la qualité de l'enseignement.

Dans les petites écoles rurales, la question n'est pas tant celle du taux d'encadrement qu'au contraire celle d'un nombre d'élève trop faible. Le Gouvernement mène actuellement une politique de non fermeture des classes en zone rurale sans l'accord du maire . Si le rapporteur spécial ne peut qu'approuver l'attention portée aux petites communes rurales, le coût de cette mesure lui semble difficilement soutenable. Selon ses informations, le maintien des classes en 2020 était exceptionnel, et la prochaine réforme de la carte scolaire doit être l'occasion de redistribuer les effectifs d'enseignants sans mettre de côté les zones rurales .


* 5 Décret n° 2019-309 du 11 avril 2019 portant création d'une seconde heure supplémentaire hebdomadaire non refusable par les enseignants du second degré.

Page mise à jour le

Partager cette page