B. LA NOUVELLE STRATÉGIE POUR LES AIRES PROTÉGÉES : UN MANQUE DE LISIBILITÉ DES CRÉDITS ALLOUÉS
1. Des crédits supplémentaires bienvenus avant l'élaboration de la nouvelle stratégie 2020-2030 sur les aires protégées
Compte tenu des négociations internationales devant être menées à court et moyen terme (congrès de l'UICN, conférence des parties en Chine sur les suites de la convention sur la diversité biologique, SNB 3), notre pays se doit de consacrer les moyens nécessaires à la protection de la biodiversité, enjeu jusqu'alors relégué au second plan derrière l'enjeu non moins important du réchauffement climatique .
Ainsi, le Président de la République a décidé d'accroître la part des espaces naturels protégés, avec un objectif de 30 % d'aires protégées , dont un tiers sous protection forte d'ici 2022 (soit 10 %) .
Cet objectif implique la création de nouvelles aires protégées et le renforcement de la gestion des aires déjà existantes. D'après les informations communiquées au rapporteur spécial, l'accompagnement financier de cette politique représentera 13,1 millions d'euros en 2022, tant sur les dépenses de l'État que sur les moyens des opérateurs et nécessite également des moyens en effectifs supplémentaires . La nouvelle stratégie 2020-2030 sera adoptée avant la fin de l'année 2020, après un processus de consultation conduit jusqu'en septembre 2020.
Pour 2021, 8 millions d'euros de crédits supplémentaires sont proposés , déclinés comme indiqué dans le tableau ci-dessous.
Évaluation des moyens supplémentaires
pour la création
des aires protégées en protection
forte en 2021
(en millions d'euros)
Projet d'aires protégées |
Budget |
Création de 20 réserves naturelles nationales Confortement du financement des réserves naturelles nationales existantes (revalorisation des salaires des gestionnaires et financement de la mission éducation à l'environnement et au développement durable) |
5 /an |
Forêts (ONF) |
0,4/an |
APB : arrêté préfectoral de protection de biotope |
0,7 |
Lutte contre orpaillage illégal dans aires protégées |
0,84/an |
Création de 4 parcs naturels régionaux |
0,48/an |
Apport à la fondation d'utilité publique des conservatoires d'espaces naturels |
0,58 |
Total |
+ 8 |
Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial
2. Une articulation complexe avec les crédits du « Plan biodiversité » et du « Plan de relance »
Le rapporteur spécial salue cet effort en faveur des aires protégées, et plus largement, de la protection de la biodiversité, mais déplore toutefois le manque de lisibilité sur les moyens totaux alloués : ainsi, certains crédits « supplémentaires » étaient déjà prévus dans le « plan biodiversité », auquel l'État consacre 10 millions d'euros par an en AE et en CP .
Par exemple, le financement des projets de création et d'extension de réserves naturelles nationales (RNN) en 2021 était déjà prévu par le « plan biodiversité » , à hauteur de 500 000 euros par an . Cette dotation est donc renforcée en 2021 :
- 1,8 million d'euros est prévu pour la création de RNN en 2020 et 2021, dont notamment celles des Glorieuses et de Mayotte ;
- 3,2 millions d'euros sont destinés à la revalorisation des dotations des RNN existantes, gelées depuis 2014 et à un financement de la mission d'éducation à l'environnement.
La DGALN indique par ailleurs que pour assurer l'atteinte de 10 % de protection forte, « un travail est en cours pour renforcer les mesures et notamment la protection des sites Natura 2000. Ce travail pourra conduire à la mise en oeuvre de nouvelles zones de protection forte ou d'obligations envers les usagers des sites (agriculteurs, forestiers) qui pourraient faire l'objet de compensations financières par l'État, postérieurement à 2021 ».
Le « Plan biodiversité » : financement et état d'avancement Présenté en juillet 2018, le « Plan biodiversité » prévoit de mobiliser 600 millions d'euros de crédits sur 4 ans : - 150 millions d'euros seraient consacrés aux paiements pour les services environnementaux dans le domaine de l'agriculture, afin de préserver les prairies, restaurer les haies, développer le couvert végétal et protéger les sols ; - 250 millions d'euros seront dédiés au renforcement des actions engagées par le ministère et ses opérateurs pour la restauration et la gestion des milieux, la lutte contre les plastiques, les actions destinées à encourager le développement de la nature en ville , et pour le déploiement des solutions innovantes fondées sur la nature ; - enfin, 200 millions d'euros seront issus de la hausse de la redevance sur les pollutions diffuses et viendront financer le développement de l'agriculture biologique . Les agences de l'eau contribuent à hauteur de 510 millions d'euros par un redéploiement de leurs interventions : - 200 millions d'euros sur l'agriculture biologique ; - 150 millions d'euros sur les paiements pour services environnementaux ; - 160 millions d'euros sur la restauration et la gestion des milieux terrestres et marins. L'État contribue à hauteur de 40 millions d'euros (10 millions d'euros par an) : cette enveloppe est répartie dans les territoires via les services déconcentrés qui mettent en oeuvre la territorialisation du plan. Enfin, l'OFB contribue à hauteur de 50 millions d'euros . Pour en faciliter la gestion opérationnelle, les 90 actions ont été divisées en 153 sous actions, dont 100 % sont engagées et 40 sont terminées (dont 15 actions complètes) au 4 juillet 2020. Parmi les actions réalisées, peuvent être citées la réintroduction de deux ourses dans le massif pyrénéen, la création du parc national de Forêts, la publication du plan national d'action en faveur de la protection des récifs coralliens, la relance de la politique en faveur des zones humides, initié par la publication du rapport parlementaire « Terres d'eau, terres d'avenir - Faire de nos zones humides des territoires pionniers de la transition écologique » par Frédérique TUFFNEL et Jérôme BIGNON, le lancement de l'expérimentation des paiements pour services environnementaux (PSE), à la suite de l'accord obtenu de la Commission européenne, avec 150 millions d'euros mobilisés par les Agences de l'eau en 2019 et 2020 sur cette contractualisation avec les exploitants agricoles qui s'engagent dans la plantation de haies, la préservation des zones humides, la réduction de l'usage des pesticides, etc. Source : réponse du ministère de la transition écologique au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial |
En outre, au sein du programme n° 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » créée par le présent projet de loi de finances, 235 millions d'euros d'AE seraient consacrés sur deux ans à la biodiversité sur les territoires et au renforcement de la résilience des écosystèmes au travers d'investissements dans les aires protégées ou encore sur le littoral, et par des mesures de restauration de continuités écologiques .
Ainsi, 25 millions d'euros d'AE seront consacrés sur deux ans à la protection du littoral et 19 millions d'euros aux parcs nationaux . 33 millions d'euros sont également attribués à l'OFB pour la restauration écologique et les aires protégées.
48 millions d'euros seront alloués aux services déconcentrés, s'agissant de la restauration écologique et des aires protégées . 10 millions de CP sont ainsi prévus en 2021 pour les aires protégées (notamment parcs nationaux, réserves naturelles, parcs naturels régionaux, parcs naturels marins) pour la réalisation d'opérations de restauration ou de gestion des écosystèmes ainsi que pour des « investissements permettant d'améliorer l'accès au public, l'éco-tourisme et l'éducation à l'environnement » .
30 millions d'euros de CP seront consacrés en 2021 à la réalisation de chantiers d'adaptation et de restauration écologique sur les principaux points noirs écologiques . Un des projets importants, attendu par la Commission Européenne, sera la mise en place de passes à poissons sur les barrages de Rhinau et Markholsteim sur le Rhin , grand projet de coopération avec les pays riverains du Rhin qui mobilisera 80 millions d'euros d'investissement en partenariat avec EDF et dont les travaux commenceront en 2021.
Ces crédits complémentaires s'ajoutent donc aux crédits prévus sur le programme 113, afin d'accélérer les actions mises en oeuvre par le programme. S'il faut saluer cet effort, l'éclatement des crédits dans deux programmes différents complexifie la lecture des moyens totaux alloués ces deux prochaines années à la protection de la biodiversité.