B. AGIR CONTRE LES PARTIS COMMUNAUTARISTES
a) La liberté des partis et des groupements politiques
L'article 4 de la Constitution garantit la liberté des partis et groupements politiques : « ils se forment et exercent leur activité librement », la loi assurant leur « participation équitable à la vie démocratique de la Nation ».
Il ne prévoit qu' une seule limitation : les partis et groupements politiques « doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».
La jurisprudence du Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel rattache trois principes à l'article 4 de la Constitution :
- le libre exercice de l'activité des partis et groupements politiques ;
- l'égalité entre ces différentes structures ;
- le pluralisme des courants d'idées et d'opinions.
Les aides financières versées par l'État doivent donc obéir à des critères objectifs, sans « établir un lien de dépendance d'un parti politique vis-à-vis de l'État, ni compromettre l'expression démocratique des divers courants d'idées et d'opinions » 66 ( * ) .
Ces principes doivent être conciliés avec les autres garanties offertes par la Constitution . À titre d'exemple, les aides financières peuvent être modulées pour inciter les partis et groupements politiques à présenter des candidats des deux sexes 67 ( * ) .
Comme tout citoyen, les membres d'un parti ou d'un groupement politique s'exposent à des sanctions pénales en cas de provocation « à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion » 68 ( * ) .
En revanche, il n'existe pas d'équivalent à l'article 21 de la loi fondamentale allemande , qui permet de déclarer inconstitutionnels « les partis qui, d'après leurs buts ou d'après le comportement de leurs adhérents, tendent à porter atteinte à l'ordre constitutionnel libéral et démocratique, ou à le renverser, ou à mettre en péril l'existence de la République fédérale ».
b) Le nécessaire respect du principe de laïcité
L'article 2 de la proposition de loi constitutionnelle impose aux partis et groupements politiques de respecter le principe de laïcité, au même titre que les principes de souveraineté nationale et de démocratie .
D'après l'exposé des motifs, il s'agit de faire « obstacle à ce qu'une formation politique remette en cause le principe constitutionnel de séparation des Églises et de l'État ».
L'objectif est ainsi de lutter contre les partis et groupements communautaristes, qui prônent l'application de règles différentes en fonction de l'origine ou de la religion des citoyens. À l'inverse, cette disposition ne concerne pas les partis issus d'une tradition religieuse mais respectant l'unicité du peuple français, comme les partis issus de la démocratie chrétienne (Mouvement républicain populaire, Union pour la démocratie française, etc .).
Le débat concernant l'émergence de listes communautaires lors des récentes élections municipales démontre toute l'actualité de cette question. Comme l'a écrit le président Bruno Retailleau, « attendre que de tels candidats [communautaristes] soient élus en comptant sur l'exercice du contrôle de légalité ou du contrôle de constitutionnalité, comme le proposent certains, relève de l'angélisme et traduit une méconnaissance évidente du fonctionnement des pouvoirs publics tant nationaux que locaux » 69 ( * ) .
Sur le plan opérationnel, la proposition de loi conférerait une base constitutionnelle pour interdire le financement public des partis communautaristes , ce qui nécessiterait également de modifier la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
Elle ouvrirait explicitement la possibilité de dissoudre ces partis , dans le prolongement de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure 70 ( * ) . Une telle mesure est déjà admise par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).
Comme l'indique le professeur Anne Levade, « les partis et groupements politiques ne pourraient, dans le cadre de leurs programmes et campagnes, prôner l'adoption de réformes visant à accorder à des individus ou des groupes le droit de s'exonérer du respect de la règle commune - donc des lois de la République - à raison de leur origine ou de leur religion » 71 ( * ) .
*
La commission a adopté la proposition de loi constitutionnelle sans modification.
Ce texte sera examiné en séance publique le 19 octobre 2020.
* 66 Conseil constitutionnel, 11 janvier 1990, Loi relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques , décision n° 89-271 DC.
* 67 Conseil constitutionnel, 9 décembre 2010, Loi de réforme des collectivités territoriales , décision n° 2010-618 DC.
* 68 Article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
* 69 Exposé des motifs de la proposition de loi n° 108 (2019-2020) tendant à assurer le respect des valeurs de la République face aux menaces communautaristes.
* 70 Cet article permettant, notamment, de dissoudre, par décret en conseil des ministres, des associations ou groupements de fait qui provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence.
* 71 Contribution écrite transmise au rapporteur.