E. LA SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION, UNE POLITIQUE PUBLIQUE À CONSOLIDER

Le programme 206 de la mission AAFAR est consacré à la sécurité et à la qualité sanitaire de l'alimentation.

Les rapporteurs spéciaux, il y a trois ans, ont consacré à la politique publique destinée à garantir la sécurité sanitaire des aliments un rapport de contrôle et d'évaluation 40 ( * ) qui avait pu souligner les besoins de consolidation d'une politique publique évidemment essentielle.

Y avait aussi été mise en exergue l'illisibilité budgétaire de cette politique et certaines ambiguïtés de l'information budgétaire apportée par le programme 206 de la mission.

Pour l'essentiel, les rapporteurs spéciaux renvoient aux soixante-et-une recommandations exposées dans leur rapport.

Ils expriment leur souhait que le rapport inter-inspections remis en début d'année relatif aux contrôles sanitaires leur soit rapidement transmis.

En 2019, les dépenses du programme ont été stables par rapport à celles constatées en 2018. Mais, l'exécution des crédits a conduit à adopter des ajustements très significatifs par rapport à la prévision budgétaire.

Données relatives à l'exécution du programme 206
« Sécurité et qualité sanitaire de l'alimentation » en 2019

Exécution 2018

Crédits votés en LFI 2019

Crédits consommés en 2019

Crédits consommés 2019/2018 (en %)

Crédits consommés/crédits votés en LFI en 2019 (en %)

Prévention et gestion des risques inhérents à la production végétale

25,7

30,1

27,9

+ 8,6 %

- 7,3

Lutte contre les maladies animales

113,1

83,8

111,1

- 1,8 %

+ 32,6

Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires

20,6

21,2

20,4

1 %

- 0,4

Actions transversales

74,8

82,2

72

- 3,7 %

- 12,4

Élimination des cadavres et des sous-produits animaux

3,2

3,8

3,5

+ 10

- 7,9

Mise en oeuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l'alimentation

311,2

310,2

311,5

NS

+ 0,4

Qualité de l'alimentation et offre alimentaire

3,8

3,7

4,2

+ 10,5 %

+ 13,5

Total

552,4

535

550,6

NS

+ 3

Source : commission des finances du Sénat à partir des données du rapport annuel de performances de la mission pour 2019

Les différents objectifs, dont le dispositif de performance ne rend pas compte de manière satisfaisante, sont loin d'être atteints et révèlent une fragilité du système de surveillance sanitaire à laquelle les rapporteurs spéciaux souhaitent une fois de plus qu'il soit remédié.

Enfin, l'année 2019 ressort comme très marquée par les enjeux internationaux, qu'il s'agisse de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne ou de la pression sanitaire exercée par des crises très préoccupantes, toutes contraintes dont il n'est pas utile de souligner combien le printemps 2020 en illustre le poids et les défis qu'il faudra rapidement relever.

1. Une programme fréquemment affecté par des difficultés de programmation budgétaire qui en a connu un nouvel épisode en 2019

Les errements de la programmation budgétaire de l'année 2017

En 2017, les crédits ouverts en loi de finances initiale dans le cadre du programme 206 avaient été fixés à un niveau supérieur de 4,1 % à celui de la loi de finances initiale pour 2016, mais à un niveau inférieur de plus de 8 % par rapport aux dépenses finalement constatées lors de cette année.

Plus encore que cela n'avait été le cas en 2016, la programmation budgétaire témoignait ainsi d'un « volontarisme » déconcertant au vu des défis sanitaires de toutes sortes dont l'intensification ne pouvait manquer d'être anticipée par les autorités sanitaires.

C'est d'ailleurs sur ce dernier motif que la programmation budgétaire avait reçu un avis défavorable du contrôleur budgétaire et comptable ministériel.

L'impasse budgétaire était donc parfaitement prévisible justifiant totalement le jugement d'insincérité porté par le rapporteur spécial Alain Houpert et finalement repris par la Cour des comptes dans sa note d'exécution budgétaire pour 2017.

Au demeurant, la nécessité de procéder à des ajustements de crédits était vite apparue en cours d'année. Des crédits supplémentaires avaient été ouverts pour 148,1 millions d'euros, dont la majeure partie dès le décret d'avance du 20 juillet 2017. 101,4 millions d'euros de crédits d'intervention ont alors été ouverts. Si la plupart des crédits supplémentaires avaient été inscrits pour financer des dépenses de fonctionnement et d'intervention, 18,2 millions d'euros ont abondé les dotations du titre 2, soit une ouverture supplémentaire représentant plus de 6 % des crédits initiaux.

En lieu et place de la baisse des dépenses envisagée à hauteur de 8 % (soit 45,3 millions d'euros), les dépenses de sécurité sanitaire de l'alimentation avaient excédé celles effectuées en 2016 de 13,5 % (+ 74,5 millions d'euros).

Au total, la dérive par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale avait atteint près de 120 millions d'euros (23,4 % des crédits ouverts).

En 2018, une sorte de « normalisation » avait pu être relevée par les rapporteurs spéciaux.

La programmation des crédits en loi de finances initiale avait été globalement respectée en exécution. Les reports de crédits mis en place en 2018 avaient conduit à un disponible supérieur aux consommations si bien que des annulations de crédits étaient intervenues en fin d'année pour un montant de l'ordre de 8 millions d'euros.

En dépit du rapprochement entre la programmation et l'exécution budgétaire, les rapporteurs spéciaux avaient relevé que les modalités de restitution des opérations budgétaires ne permettent pas d'appréhender la contribution précise des différentes catégories de dépenses associées à des crises, non plus que les restes à payer corrélatifs, d'autant que de nombreuses erreurs d'imputation sont commises chaque année.

Ils exprimaient le souhait qu'à l'avenir une information budgétaire plus fonctionnelle soit mise en place, qui permette d'appréhender l'impact sur le programme 206 des crises au cours de l'exercice et pour les années suivantes.

Cette demande n'a pas été exaucée.

Ils avaient également exprimé des doutes sur la pertinence d'une gestion de fin d'exercice procédant à des annulations substantielles alors même que des dangers sanitaires nouveaux s'étaient concrétisés et que demeuraient à honorer des restes à payer très conséquents (57,3 millions d'euros) , en lien avec des dispositifs d'indemnisation dont la mise en oeuvre pouvait laisser envisager de nouveaux besoins non provisionnés.

Les conditions de l'exécution budgétaire de l'année sous revue viennent confirmer le bien-fondé de ces inquiétudes.

L'action n° 02 du programme « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » a été débordée en gestion, les dotations ouvertes en loi de finances initiale se révélant insuffisantes tant en autorisations d'engagement (24,3 millions d'euros soit un déficit de moyens de plus de 22 %) qu'en crédits de paiement (27,3 millions d'euros, soit un déficit de près de 25 %).

Au demeurant, le contrôleur budgétaire et comptable ministériel avait refusé de donner son visa à la programmation budgétaire de 2019.

Avec 4,9 millions d'euros de crédits reportés sur les dotations nationales à l'ouverture de l'exercice, les moyens ont manqué , obligeant à des ouvertures en loi de finances rectificative de fin d'année pour 13,4 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 7,2 millions d'euros de crédits de paiement, le rattachement de fonds de concours européens ayant allégé la contrainte de financement de l'impasse financière apparue dans l'année.

Le gestionnaire de programme a par ailleurs été contraint à des arbitrages le conduisant à réduire la consommation des dotations prévues au titre des « actions transversales » (action n° 04 du programme), report de contrainte budgétaire obéissant plus à la nécessité qu'à une cohérence stratégique entre les missions financées par l'action et les besoins de couverture des ambitions poursuivies (voir infra ).

Si finalement les dotations disponibles n'ont pas été totalement consommées, les conditions de la sous-exécution ne sont pas réellement appréciables. En ce qui concerne les autorisations d'engagement, un reliquat de 14,6 millions d'euros (2,6 % du disponible) doit être constaté. Il porte sur les dépenses de fonctionnement, d'investissement et celles liées aux interventions. La non consommation ne semble pas provenir d'une quelconque surestimation des besoins mais plutôt des difficultés rencontrées pour réaliser les programmes. Quant aux crédits de paiement, la sous exécution jouxte les 10 millions d'euros, sur les mêmes postes.

La gestion s'achève ainsi sur un déficit d'engagement mais également sur un niveau de paiements restant à entreprendre qui, malgré une légère réduction, demeure élevé (55 millions d'euros, soit environ 10 % des crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2019 et 2020).

2. Une exécution budgétaire qui matérialise certains déséquilibres de l'action publique de sécurité sanitaire des aliments

L'action publique mise en oeuvre sous l'égide de la direction générale de l'alimentation tend à s'inscrire dans des logiques diversifiées alliant la prévention des crises et la réaction à celles-ci une fois déclenchées.

Chacun de ces objectifs se trouve lui-même compartimenté, la prévention pouvant s'attacher à modifier en profondeur les modalités de la production agricole (orientation qui, bien que mise à la charge du responsable de programme, n'est, en réalité que peu développée et, ainsi, ne devrait pas être mise sous sa responsabilité à titre principal), ou, de façon plus routinière, à exercer une surveillance constante des productions primaires ou des processus plus proches de la mise à disposition des produits alimentaires sur le marché.

En régime courant (c'est-à-dire quand les crises ne suscitent pas de lourdes dépenses indemnitaires), l'essentiel de l'effort budgétaire porte sur la surveillance en continu de la santé des végétaux (un peu) et des animaux (beaucoup), les moyens de prévention les plus en amont et les plus proches de l'assiette du consommateur se trouvant globalement délaissés (excepté du point de vue strictement réglementaire).

L'exécution 2019 ne dément pas cette configuration constante mais y ajoute le poids d'événements exogènes.

Hors titre 2, la surveillance des végétaux (11,6 % des dépenses) mobilise nettement moins de moyens que celle des animaux (46,2 %) tandis que les interventions sur les stades de l'aval de la chaîne alimentaire (en particulier, l'inspection en abattoir), il est vrai relativement consommatrice en emplois, ne concentre que 8,5 % des moyens.

La faiblesse des moyens mis en oeuvre à ce dernier stade a fait l'objet d'une prise de conscience puisque ces dernières années des effectifs supplémentaires avaient été recrutés pour assurer une plus forte surveillance des abattoirs de volailles.

Cependant, non plus que l'exécution du programme 206 en 2018 l'exercice 2019 n'a été au rendez-vous du comblement de notre déficit en moyens de contrôle.

Les audits européens sont régulièrement l'occasion d'identifier des manquements aux obligations de contrôle imposées à la France. Ainsi, une augmentation de l'enveloppe consacrée à la prévention et à la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, de 4,1 millions d'euros, avait dû être inscrite en 2018 à la suite d'avertissements concernant la lutte contre les salmonelles en élevage et du besoin d'améliorer l'application de la réglementation européenne en matière de gestion des foyers de salmonelloses aviaires 41 ( * ) .

C'est d'ailleurs très largement que les cibles du programme 206 ne sont pas atteintes (voir infra ).

Tout en renvoyant aux développements relatifs au défaut de visibilité des moyens consacrés à la sécurité sanitaire des aliments (voir infra ), l'exécution des emplois du programme en 2019 paraît traduire un nouveau désarmement des moyens du contrôle sanitaire.

Sans doute peut-on relever que le plafond d'emplois initialement défini (4 695 ETPT, en légère hausse par rapport à la consommation de 2018 de 4 653) a été dépassé en exécution (4 748 ETPT, soit + 95 ETPT par rapport à la consommation de 2018), mais ces données ont été tributaires d'un recrutement de 100 ETPT pour renforcer les contrôles aux frontières dans la perspective du Brexit. Ainsi, les emplois appelés à être mobilisés pour les missions traditionnelles s'inscrivent en baisse de 5 ETPT.

L'information sur les effectifs fournie par la documentation budgétaire est indigente, les demandes répétées des rapporteurs spéciaux d'un exposé fonctionnel et territorial, aisé à réaliser compte tenu de leur disponibilité auprès du responsable de programme, continuant à être ignorées.

Cependant, l'attrition des effectifs déployés dans les départements (51 ETPT de moins que la prévision) et le renforcement des personnels régionaux (104 ETPT de plus que la prévision) 42 ( * ) témoignent d'une déterritorialisation du déploiement des moyens de la vigilance sanitaire ordinaire qui ne peut être justifiée autrement que par la contrainte budgétaire.

Les menaces sanitaires sont extrêmement vives et les risques tendent à se concrétiser, comme l'ont montré une série d'événements retentissants ces dernières années, les infections à plus bas bruits demeurant tout à fait ordinaires. L'exécution 2019 témoigne sous cet angle d'une réelle nonchalance. Il faut ajouter certaines inquiétudes pour l'avenir puisqu'aussi bien la direction générale de l'alimentation va se trouver concernée par les transferts d'emplois de certains de ses services vers la mission AGTE et, ainsi, exposée à des arbitrages préfectoraux qui peuvent manquer de certaines informations, et se traduire par une dispersion territoriale des choix de priorité.

Dans le même temps, il est possible de s'interroger moins sur les raisons pour lesquelles il fut procédé au recrutement de 100 ETPT, recrutement justifié par une sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne sans accord, que sur les prolongements donnés à ces recrutements. L'événement envisagé ne s'est pas concrétisé. Bien sûr, il est facile d'être « savant avec un livre » et l'on peut comprendre qu'un degré suffisant d'anticipation soit absolument nécessaire. Cela étant, l'évaluation des besoins reste à fournir. Si la France est le point d'entrée principal des exportations en provenance d'Albion et à destination de l'Union européenne, on observera quand même que les recrutements entrepris sont plus qu'équivalents à la totalité des agents actuellement mobilisés par le service d'inspections vétérinaires et phytosanitaires aux frontières (le SIVEP), qui était de 90 ETPT en 2018. Au demeurant, la loi de finances pour 2020 a commencé à apporter une forme de réponse à ces questionnements en ouvrant 300 ETPT nouveaux par rapport à la prévision initiale de 2019, indiquant par-là que les recrutements de l'exercice sous revue n'ont traduit qu'insuffisamment les besoins d'anticipation pris en compte par les rapporteurs spéciaux.

Le dispositif de performances du programme, qui est mal construit, révèle de sérieuses difficultés auxquelles il faut remédier.

En ce qui concerne la structure du dispositif de performances, elle repose sur trois objectifs documentés par neuf indicateurs. Plusieurs objectifs ne relèvent pas directement du responsable de programme qui, pour certains d'entre eux, paraît même n'exercer qu'une très faible influence, soit que l'action publique correspondante soit partagée entre de multiples intervenants sur lesquels le responsable de la politique de sécurité sanitaire n'exerce aucune influence appréciable, soit que les missions correspondantes soient confiées à des entités dont la tutelle, au demeurant partagée qu'exerce le responsable de programme, n'exclut nullement une large autonomie. En outre, les indicateurs sont sur tel ou tel point fort contestables, laissant parfois une assez grande marge de computation ou n'entretenant qu'un rapport très lointain avec la donnée qu'ils sont supposés mesurer.

Il faut ajouter que les indicateurs financiers ont totalement disparu. Ainsi alors que cette donnée est évidemment essentielle pour un contrôle de gestion sérieux, le coût moyen des inspections n'est plus fourni.

Les rapporteurs spéciaux souhaitent que le dispositif de performances fasse l'objet des améliorations indispensables que son état appelle.

Quant aux résultats, force est d'observer qu'ils sont très loin d'être à la hauteur d'une exigence minimale de sérieux.

On n'évoquera ici que pour mémoire, la constante progression de la consommation de « dosesunités de pesticides » vendus (72 % de plus que prévu pour 2019) qui manifeste une fois de plus l'insuccès des plans successifs de diminution de l'usage des pesticides. Le responsable du programme ne peut tout à fait être considéré comme responsable d'un échec qui est partagé, mais dont les facteurs appellent une explication rigoureuse. On relèvera que le développement des surfaces en conversion ou déjà exploitées en bio a été signalé comme pouvant, paradoxalement, exercer un effet inflationniste sur la croissance de la consommation de substances actives dans la mesure où certaines de celles utilisées en agriculture biologique (en conformité avec le cahier des charges du bio) semblent assez intensément employées.

Le suivi du plan Ecophyto

Tout en se félicitant que ce dernier soit suivi dans le cadre de la mission AAFAR, les rapporteurs spéciaux relèvent qu'on pourrait y voir une entorse à la logique. Le ministère de l'agriculture et de l'alimentation n'est responsable financièrement de ce plan que de façon très seconde, secondaire même, si l'on exclut du champ les crédits destinés à l'agriculture biologique 43 ( * ) , puisqu'il n'apporte que 325 000 euros de crédits au dispositif contre 41 millions d'euros par le ministère de l'écologie et ses opérateurs, les Agences de l'eau. Mais, il est vrai que les agriculteurs sont, de loin, les premiers contributeurs au financement de l'action publique en ce domaine avec la redevance pour pollutions diffuses. En toute hypothèse, la préoccupation principale est bien dans ce domaine de devoir constater l'échec massif d'un projet par ailleurs enrichi au fil du temps de nouveaux objectifs, parmi lesquels la fin de l'utilisation du glyphosate à échéance de 3 ans.

Cet objectif annoncé en 2018, qui n'est pas partagé par l'ensemble des représentants de la profession agricole, suppose une politique publique particulièrement vigoureuse à laquelle l'année budgétaire 2018, année de son annonce, n'a apporté aucun prolongement appréciable. L'exercice 2019 conduit à prolonger ce constat. L'introduction d'un indicateur, techniquement perfectible, consacré spécifiquement à l'utilisation du glyphosate dans le dispositif de performances à partir de 2020 appellera une forte vigilance.

On passera également rapidement sur les difficultés rencontrées pour développer les projets alimentaires territoriaux (27 d'entre eux ont été pris en charge par le ministère de l'agriculture entre 2017 et 2020 contre un objectif de 200). Sur ce point également, une analyse en profondeur des verrous devra être réalisée.

En revanche, il convient de très vivement déplorer les « performances » qui voient le taux de réalisation des exercices interministériels de préparation à la gestion des crises sanitaires (épizooties) ne pas dépasser 40 %, les délais de traitement des rapports d'inspection des services de contrôle sanitaire jouxter les vingt jours, les échantillons exploitables se limiter à 80 % et le nombre des non conformités majeures relevées dans certains élevages augmenter.

Les défaillances sont manifestes dans le domaine du suivi des contrôles. Le dispositif de performances du programme en rend compte malgré la dilution de l'information à laquelle il aboutit du fait de l'agrégation excessive d'éléments de gestion qu'il conviendrait de décomposer à ce stade, afin de fournir une information plus proche de celle accessible au responsable du programme.

En ce qui concerne l'information contenue dans le RAP, si le suivi des constats de non-conformité semble s'améliorer (85 % de suites données contre 77 % seulement en 2017), on est assez loin d'un suivi systématique, qui devrait s'imposer. Par ailleurs, l'amélioration traduite par l'indicateur vaut ce que vaut ce dernier, étant observé que sous le pavillon des « suites données aux inspections non conformes » peuvent se cacher bien des marchandises.

Dans la version plus détaillée de l'indicateur qui a été un temps accessible et à laquelle il convient de revenir, on pouvait ainsi relever que les mises en demeure adressées par les services ne donnaient lieu à réitération du contrôle que dans moins de 70 % des cas alors même que la cible de 95 % apparaît déjà très permissive. Les établissements agréés ayant fait l'objet d'une inspection défavorable ne faisaient l'objet d'un suivi renforcé que dans 88 % des cas (contre une cible également fixée à 95 %).

Encore faut-il qu'ils soient inspectés. Or, si pour les abattoirs l'obligation européenne d'une inspection permanente est peu ou prou mise en oeuvre, il est loin d'en aller de même pour les établissements situés plus en aval de la production. Les conditions dans lesquelles un transformateur de produits laitiers a pu poursuivre ses activités malgré la persistance de résultats défavorables de ses examens d'autocontrôle suggèrent une défaillance de la supervision publique.

À cet égard, on observera qu'alors que les résultats des autocontrôles des opérateurs sont désormais beaucoup plus largement diffusables aux services de l'État, les moyens correspondants d'en assurer un suivi ne sont pas à ce jour réunis.

3. Les moyens de la politique de sécurité sanitaire de l'alimentation sont illisibles et la nomenclature budgétaire ne respecte pas la loi organique relative aux lois de finances

Les rapporteurs spéciaux doivent ici répéter leur insatisfaction face au maintien de conditions de budgétisation de la politique de sécurité sanitaire des aliments qui enfreignent gravement la lisibilité budgétaire souhaitée par la loi organique relative aux lois de finances.

La nomenclature budgétaire n'offre pas de lisibilité de la politique publique de sécurité sanitaire de l'alimentation, ce diagnostic pouvant s'appuyer sur la dissémination des données budgétaires tant au sein du programme 206 que dans la documentation budgétaire générale. En cela, elle manque au respect de la loi organique relative aux lois de finances.

Dans ces conditions, il est impossible d'appréhender la dynamique de la dépense destinée spécifiquement à assurer la protection des consommateurs contre les risques sanitaires de l'alimentation, et, plus généralement, de l'effort public consacré à la sécurité sanitaire des aliments.

Les rapporteurs spéciaux ont pu mettre en évidence les problèmes posés par la définition du périmètre de cette politique publique.

Schématiquement, on rappellera que le programme 206 comprend des interventions visant à assurer l'intégrité sanitaire des matières premières animales et végétales, interventions dont le poids dans les dépenses du programme est très largement majoritaire, mais aussi d'autres interventions plus proches du risque sanitaire lié à la consommation des aliments. Si les premières interventions ont une vocation marquée de préservation de l'intégrité des cheptels et des végétaux, elles ne sont cependant pas étrangères à la problématique générale de sécurité sanitaire de l'alimentation. Dans une conception où celle-ci va « du champ à l'assiette », la nomenclature budgétaire ne retient pas sans raison les différentes actions du programme 206 comme concourant à la sécurité et à la qualité sanitaires de l'alimentation. Pour autant, les crédits ouverts n'en financent pas moins des interventions hétéroclites dont certaines n'ont qu'un lien très ténu avec les objectifs affichés par l'intitulé du programme.

Ce constat conduit à juger que le programme 206 n'est pas conforme à la loi organique relative aux lois de finances qui a entendu préserver le principe de spécialité des crédits tout en en enrichissant la conception par une prise en compte plus systématique de leur destination fonctionnelle de moyens au service d'une politique publique donnée .

Dans ces conditions et au-delà même du contenu de la mission budgétaire, les rapporteurs spéciaux ne peuvent qu'exprimer leur refus de décerner un certificat de qualité à la présentation budgétaire des interventions nécessitées par la politique de sécurité sanitaire des aliments, qui est sérieusement défectueuse.

Sur ce point, une série d'observations complémentaires s'impose.

En premier lieu, doit être évoquée l'extrême fragmentation des moyens déployés, éparpillés dans plusieurs missions budgétaires . Celle-ci reflète l'interministérialité des interventions de l'État, qui témoigne d'une superposition des services opérationnels qui est loin d'être optimale.

Du point de vue de l'information budgétaire, il serait, à tout le moins, justifié d'entreprendre l'élaboration d'un document de politique transversale unifiant les crédits de la politique publique de sécurité sanitaire des aliments.

Les rapporteurs spéciaux relèvent, en outre, que les crédits de personnel du programme se trouvant agglomérés dans une action dédiée (l'action n° 6), il est impossible de disposer d'une vue satisfaisante de l'affectation des personnels (et des crédits correspondants) aux différentes catégories d'intervention financées par le programme.

En témoignent les données fournies aux rapporteurs spéciaux pour rendre compte des personnels spécifiquement dédiés à la surveillance de la qualité sanitaire des aliments dans le cadre de leur contrôle sur la politique de sécurité sanitaire des aliments, qui n'apparaissent pas comme tels dans la nomenclature budgétaire.

Ainsi, selon ces données, les effectifs affectés par la DGAL à la sécurité sanitaire des aliments stricto sensu, dans le cadre de l'action 3 du programme 206, se seraient élevés en 2015, à 1 844 ETPT (soit environ 2 820 agents) sur les 4 511 ETPT du programme 206, soit 40,9 % des ETPT du programme.

Il apparaît ainsi nécessaire de mieux imputer les emplois et les crédits de rémunération aux différentes interventions opérationnelles du programme , en particulier à celles concourant spécifiquement à la sécurité sanitaire de l'alimentation.

Les rapporteurs spéciaux suggèrent enfin que l'information budgétaire fasse l'objet d'une amélioration sur un point particulier. Il s'agit des produits tirés des nombreux prélèvements obligatoires appliqués dans le champ de la politique sanitaire de l'alimentation.

Une présentation systématique de ces prélèvements (dont certains attendent depuis des années la détermination de leurs taux) devrait être fournie dans le cadre des documents budgétaires, d'autant que certains d'entre eux résultant directement des obligations européennes contractées par la France ont un lien très direct avec les interventions financées sur les crédits du programme 206.

Sur ce point, l'annonce de la mise en oeuvre d'une taxe sanitaire appelée de ses voeux par le comité action publique 2022 n'a pas prospéré davantage en 2019 qu'en 2018.

Enfin, il conviendrait évidemment de pouvoir disposer d'un indicateur mesurant l'efficacité du contrôle sanitaire international et interne à l'Union européenne, donnée absolument indispensable dans son domaine très marqué par les échanges internationaux.

En conclusion, les rapporteurs spéciaux, sur la base de leurs analyses récurrentes des données de la politique de sécurité sanitaire, et rappelant que les infrastructures de la sécurité sanitaire de l'alimentation ont été diagnostiquées comme très fragiles par plusieurs rapports réalisés ces dernières années, demandent que des états généraux de l'action sanitaire dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation soient rapidement organisés sur la base de l'ensemble des travaux disponibles et avec le concours évidemment pluriel et pluraliste des parties prenantes.


* 40 « Pour une politique de sécurité sanitaire des aliments « zéro défaut » ». Rapport d'information de MM. Alain Houpert et Yannick Botrel, fait au nom de la commission des finances n° 442 (2016-2017) - 23 février 2017.

* 41 Selon la Commission, la procédure suivie aurait dû être beaucoup plus rigoureuse que celle jusqu'alors mise en oeuvre, avec, en particulier, un abattage dès le premier résultat positif, devant, par ailleurs, toucher des étages de reproduction de plus en plus élevés.

* 42 Renforcement « comptable », les effectifs recrutés dans la perspective du renforcement du contrôle aux frontières étant rattachés à cet échelon.

* 43 L'aggravation de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques observée ces dernières années (+ 10,6 % entre 2008 et 2016) est intervenue alors même que les surfaces converties à l'agriculture biologique ont presque quadruplé. L'essor des surfaces sans pesticides a mobilisé des dépenses publiques en forte croissance mais, surtout, un effort conséquent des consommateurs de produits bio. En réalité sans ce dernier effort, assez paradoxal si l'on y songe, les résultats obtenus sur le front des pesticides auraient été encore pires que ceux relevés année après année.

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