EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Mise en place de dérogations ciblées à
l'encadrement des promotions en volume
[ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires]
Cet article entend permettre aux denrées alimentaires au caractère saisonnier marqué de déroger à l'encadrement des promotions en volume et donne une base légale à la faculté de la DGCCRF d'en exonérer au cas par cas certaines entreprises. La commission a apporté son soutien à cette souplesse, tout en réalisant une coordination juridique. Elle a estimé que donner une valeur législative à la possibilité pour la DGCCRF d'accorder des dérogations particulières alourdirait la procédure déjà en place sans sécuriser davantage le dispositif. |
I. La situation actuelle - Un encadrement des promotions à 34 % en valeur et à 25 % en volume sur les denrées alimentaires
L'article 15 de la loi Egalim a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour prévoir, sur une durée de deux ans, « d'encadrer en valeur et en volume les opérations promotionnelles financées par le distributeur ou le fournisseur portant sur la vente au consommateur de denrées alimentaires et de produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie, et de définir les sanctions administratives permettant d'assurer l'effectivité de ces dispositions. »
L'article 3 de l'ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires met en place un tel encadrement s'appliquant à tous les avantages promotionnés, immédiats ou différés, ayant pour effet de réduire le prix de vente au consommateur des denrées alimentaires et des produits destinés à l'alimentation des animaux de compagnie revendus en l'état au consommateur.
Le premier encadrement, défini au II du même article 3, plafonne le taux des avantages promotionnels cumulés par produit à 34 % du « prix de vente au consommateur » ou « à une augmentation de la quantité vendue équivalente », c'est-à-dire une augmentation de la quantité contenue dans le conditionnement habituel d'un produit sans augmentation de prix correspondante. Il est entré en vigueur le 1 er janvier 2019.
Sous réserve de l'appréciation des tribunaux, la DGGCRF a établi des lignes directrices relatives à l'encadrement des promotions, publiées en février 2019 et modifiées le 8 juillet 2019, qui précisent les contours de cet encadrement dit « en valeur ».
Doivent ainsi respecter le plafond de 34 % en valeur :
- les réductions chiffrées ( « moins 30 % » ) ;
- les quantités offertes (« 1 acheté, 1 offert ») ;
- le « cagnottage » affecté à un produit (« remise de 10 % du prix du produit sur carte de fidélit é ») ;
- les bons de réduction sur un produit déterminé (« 1 euro remboursé après envoi de la preuve d'achat ou valable sur le prochain achat du même produit »).
Le second encadrement, défini au III du l'article 3 de l'ordonnance susmentionnée, plafonne les quantités de produits sur lesquels portent des avantages promotionnels ( encadrement dit « en volume » ).
Ainsi, ils ne doivent pas porter sur plus de 25 % :
- du chiffre d'affaires prévisionnel déterminé par la convention annuelle entre le fournisseur et le distributeur prévue à l'article L. 441-7 1 ( * ) du code de commerce ;
- du volume prévisionnel fixé par le contrat portant sur des produits sous marque de distributeur ;
- des engagements de volumes sur des produits agricoles périssables ou issus de cycles courts de production d'animaux vifs, de carcasses ou pour les produits de la pêche et de l'aquaculture.
Ce sont donc des engagements contractuels prévisionnels, définis, par construction, par les parties au contrat, qui servent d'assiette à cet encadrement.
Un régime d'exception est prévu au IV de l'article 3 de l'ordonnance pour les « produits périssables et menacés d'altération rapide », à la condition que l'avantage promotionnel ne fasse l'objet d'aucune publicité ou annonce à l'extérieur du point de vente.
Les lignes directrices de la DGGCRF indiquent que l'appréciation de l'altération rapide des produits sera faite par le distributeur qui devra en rapporter lors des contrôles par tout moyen à sa disposition.
Enfin, le V de l'article 3 de ladite ordonnance établit des sanctions pour les fournisseurs et les distributeurs ne respectant pas ces mesures (amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € ou la moitié des dépenses de publicité effectuées au titre de l'avantage promotionnel pour une personne morale). Le maximum de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.
Toutefois, au regard de la jurisprudence 2 ( * ) , il n'est pas évident d'en conclure que l'ensemble des fruits et légumes sortiraient du dispositif. Ce flou place les professionnels du secteur fruits et légumes dans une situation inconfortable. Une clarification dans les lignes directrices de la DGCCRF est nécessaire sur ce point.
Outre cet encadrement spécifique, plusieurs autres réglementations limitant les avantages promotionnels sur les denrées alimentaires existent dans la législation en vigueur.
D'une part, les produits périssables font l'objet d'un encadrement spécifique défini à l'article L. 441-4 3 ( * ) du code de commerce depuis la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Sont plafonnés à 30 % de la valeur du barème des prix unitaires 4 ( * ) les avantages promotionnels consentis par le biais de contrats de mandat aux distributeurs pour les produits ciblés par l'article L. 441-2-1 du code de commerce (fruits et légumes destinés à être vendus à l'état frais au consommateur à l'exception des pommes de terre de conservation, viandes de volaille ou de lapin, oeufs et miel), ainsi que pour le lait et les produits laitiers.
D'autre part, si des opérations promotionnelles sur les produits alimentaires périssables sont susceptibles de désorganiser les marchés, « par leur ampleur ou leur fréquence », l'article L. 443-1 5 ( * ) du code de commerce dispose qu'un arrêté interministériel ou à défaut préfectoral peut encadrer la périodicité et la durée de ces opérations.
Les ministres chargés de l'agriculture et de l'économie ont sur ce fondement pris, dans un contexte de crise porcine, depuis 2015, des arrêtés, d'une durée d'un an, pour encadrer les opérations promotionnelles de la viande porcine fraîche.
Aux termes de l'arrêté du 27 novembre 2017, en dehors des périodes des fêtes de début d'année et de la sortie de l'été où les opérations sont utiles pour désengorger le marché, aucune opération promotionnelle mettant en avant des prix inférieurs à 40 % du prix moyen hors promotion du mois précédent ne pouvait être proposée.
Aucun arrêté sur la viande fraîche de porc n'a été pris pour réglementer spécifiquement les promotions sur ces produits en 2019.
Enfin, l'article 16 de la loi Egalim a interdit l'utilisation du terme « gratuit » pour la promotion d'un produit alimentaire 6 ( * ) . Toutefois, comme le rappelle les lignes directrices de la DGCCRF, et comme l'avait déjà dénoncé le Sénat lors de l'examen de la loi Egalim, « ces dispositions étant d'application stricte, seule l'utilisation du mot "gratuit" est interdite. Ainsi, il semble que des termes dérivés ou synonymes, comme par exemple "offert", peuvent être librement utilisés par les opérateurs. »
II. Le dispositif proposé - Des dérogations ciblées pour les produits saisonniers et certains cas particuliers appréciés par les autorités compétentes
L'article 1 er de la proposition de loi de MM. Daniel Gremillet, Michel Raison, Mmes Anne-Catherine Loisier et Sophie Primas et de plusieurs de leurs collègues propose certains assouplissements à l'encadrement des promotions sur les denrées alimentaires.
Pour prévoir de telles dérogations, l'article 1 er ratifie, en son I, l'ordonnance n° 2018-1128 du 12 décembre 2018 relative au relèvement du seuil de revente à perte et à l'encadrement des promotions pour les denrées et certains produits alimentaires afin de conférer à l'ordonnance une valeur législative.
Le II prévoit deux dispositifs dérogatoires.
Le 1° exclut de l'encadrement des promotions les « denrées alimentaires dont la vente présente un caractère saisonnier marqué ».
Cette terminologie existe déjà à l'article L. 442-5 du code de commerce régissant le seuil de revente à perte. Sont ainsi exclus de l'interdiction de revente à perte les « produits dont la vente présente un caractère saisonnier marqué ».
Pour plus de clarté sur le champ de la dérogation, le caractère saisonnier marqué sera déterminé par les autorités compétentes, par exemple en modifiant les lignes directrices de la DGCCRF afin de maintenir une réelle souplesse et de mettre en place au plus vite ces dérogations, tout en les limitant. Cela pourra, une fois les critères retenus pour apprécier un tel caractère saisonnier marqué, se matérialiser par une liste de produits explicitement déterminés par l'administration comme l'y invite l'exposé des motifs de la proposition de loi.
Le 2° dispose que les agents de la DGCCRF pourront, dans leurs contrôles relatifs au respect de l'encadrement des promotions en valeur comme en volume, tenir compte de la situation particulière du fournisseur au regard d'« éléments objectifs » que la proposition de loi énumère : l'environnement concurrentiel du fournisseur, « sa situation financière, ainsi qu'à celle de son exploitation et de la continuité de cette dernière ».
Ces éléments consacrent au niveau législatif le contenu des lignes directrices de la DGCCRF qui, depuis le mois de juillet dernier, prévoient qu'« au stade des contrôles et aux fins de l'appréciation du bien-fondé de la mise en oeuvre des dispositions du V de l'article 3 de l'ordonnance n° 2018-1128, il pourra être tenu compte, dans certains cas, de la situation particulière du fournisseur au regard de l'impact de l'encadrement en volume des avantages promotionnels. La nécessité d'une telle prise en compte sera appréciée au cas par cas et à la lumière d'éléments objectifs relatifs à la situation financière du fournisseur, ainsi qu'à celle de son exploitation et de la continuité de cette dernière. »
Est ainsi ajouté comme critère « l'environnement concurrentiel du fournisseur » afin de compenser un biais anticoncurrentiel mis en place par l'encadrement des promotions en volume au détriment des PME. Comme le rappelle l'exposé des motifs, « les PME n'ont pas toutes les moyens de réserver un espace publicitaire en « prime time » à la télévision, d'imprimer une double page publicitaire dans un grand quotidien ou de passer dans les matinales à la radio. Le seul moyen pour exister aux yeux des consommateurs face à des firmes multinationales ayant un budget publicitaire très important, ce sont les promotions en rayon. C'est pourquoi certaines d'entre elles réalisent une part significative de leur chiffre d'affaires sous promotion en grande surface, avec parfois une part supérieure à 50 %. Avec l'encadrement des promotions imposé par la loi Egalim à 25 % sur leur volume d'affaires, les PME ne peuvent plus utiliser cet outil marketing et ne sont donc plus concurrentielles face aux budgets publicitaires des grandes marques. »
Enfin, lorsque la DGCCRF envisagera d'accorder des dérogations particulières au regard de ces critères déterminés dans la loi, la proposition de loi propose une consultation en amont de la commission d'examen des pratiques commerciales, mentionnée à l'article L. 440-1 du code de commerce en lui fournissant les documents justifiant sa volonté d'accorder une éventuelle dérogation.
III. La position de la commission - Des dérogations limitées indispensables à prévoir avant la fin de l'expérimentation
Le rapport d'information dressant un bilan du titre I er de la loi Egalim un an après sa promulgation, adopté par la commission des affaires économiques du Sénat le 30 octobre 2019, fait état de difficultés relatives à la mise en place de l'encadrement des promotions en volume pour certaines filières.
La situation est claire : si rien n'est fait, des entreprises alimentaires pourraient ne pas aller au bout de l'expérimentation compte tenu de la chute importante de leur chiffre d'affaires.
Le rapporteur rappelle que la commission estime évidemment qu'il importe de mettre fin à la dynamique de guerre des prix dans les grandes surfaces alimentaires afin de stopper la destruction de valeur des produits.
C'est pourquoi l'idée d'un encadrement des promotions est intéressante. La présente proposition de loi ne remet nullement en cause cet encadrement.
Le principe de cet encadrement est « philosophiquement » stimulant, notamment pour mettre fin à la surenchère promotionnelle sur certains produits qui aboutit à une vision floue du prix réel du produit.
Toutefois, « en pratique », il pose non pas une difficulté globale mais de graves problèmes relativement circonscrits : pour certaines PME et pour les produits les plus saisonniers. Sans avoir prévu de période de transition et en s'appliquant de la même manière pour tous les produits, l'encadrement des promotions déstabilise des filières par son excès de rigidité. On ne traite pas avec une seule mesure de manière homogène une multitude de filières différentes.
Pour certains produits, en effet, le chiffre d'affaires se réalisait très majoritairement en promotions avant l'adoption de la loi.
C'est le cas pour le foie gras (68 % du chiffre d'affaires sous promotion), les galettes des rois ou les bûches (61 %), les chocolats (58 %) notamment à la période de Pâques, les champagnes, les saucissons ou le pain d'épices 7 ( * ) .
Pour les entreprises produisant ces denrées, modifier radicalement leur modèle de vente en moins d'un an n'était matériellement pas possible.
Passer de ces niveaux élevés à 25 % en moins d'un an implique, mécaniquement, une réduction des ventes.
Plus grave peut-être, ces baisses d'activité pourraient être structurelles. En effet, en acquérant ces produits, le consommateur agit par le biais d'« achats impulsifs ». Bien qu'il n'ait pas l'ambition initiale d'acquérir un tel bien, il profite d'une promotion pour modifier, en regardant le catalogue ou en magasin, la composition de son panier. Ainsi, pour ces produits, à défaut de promotion, le consommateur va diminuer ses achats et pénaliser ainsi directement les ventes de certaines filières.
Les premières expérimentations visant à remplacer les promotions par l'affichage d'un « prix choc » depuis le début d'année démontrent ce phénomène : tous les chiffres reçus font état d'un recul significatif du chiffre d'affaires des entreprises concernées.
Pour la filière foie gras, dont près des 2/3 des ventes se réalisent lors des fêtes de fin d'année sous promotions, les chiffres font état d'un recul des ventes de près de 25 % en volume depuis janvier 2019. Or la grande distribution représente une part très importante des débouchés de la filière. Certaines entreprises auditionnées projettent un recul de 50 % de leur chiffre d'affaires annuel. Après deux années de crise de production, des producteurs pourraient ne pas s'en relever. En outre, compte tenu des difficultés d'écoulement en volume, les entreprises se livrent une véritable guerre des prix sur les marchés résiduels de foie gras, notamment à l'export, mais aussi sur d'autres produits. La loi Egalim aurait donc, pour certaines filières comme le foie gras, paradoxalement renforcé... la guerre des prix.
Il en va de même pour la filière champagne. Une bouteille sur deux en grandes et moyennes surfaces est vendue en promotion. Sur les six premiers mois, les volumes de ventes de champagne ont été réduits de 21 %.
En poursuivant leurs auditions dans le cadre de l'examen de cette proposition de loi, le rapporteur et les membres du groupe de suivi ont reçu d'autres exemples de filières touchées par cet encadrement.
C'est le cas de la filière cunicole. Les achats de lapins relèvent, à plus de 50 % selon les études produites pour l'interprofession cunicole, de l'achat par impulsion. La saisonnalité des ventes des lapins en grandes surfaces est relativement marquée, avec des pics à l'automne et au printemps et un creux en été. Il convient donc de soutenir promotionnellement les ventes toute l'année, et plus particulièrement dans les périodes de creux.
Or avec l'encadrement des promotions, certains distributeurs ont annoncé aux industriels qu'ils vont concentrer les promotions dans les périodes où les produits s'écoulent et vont les réduire voire les supprimer dans les périodes de creux, notamment en ne mentionnant plus les viandes de lapin dans les catalogues estivaux. Si le produit n'est pas dans les catalogues ou dans les linéaires, il ne s'écoule pas. Cette annonce revient à réduire les ventes annuelles de la filière entre 10 et 15 % selon les éléments transmis au rapporteur. Comment les producteurs cunicoles français, qui ont réalisé de lourds investissements dans leur outil de travail pour s'adapter aux exigences sociétales qu'ils doivent donc désormais amortir, vont-ils faire pour absorber ce choc ? La production de lapins durant en moyenne six semaines par « lot », comment peuvent-ils adapter leur modèle productif au fait de n'avoir potentiellement aucune commande l'été ?
Doivent également être mentionnés le cas de produits mis en vente selon certaines modalités comme les produits apéritifs.
Faute de leaders sur leurs marchés de niche, des entreprises vendent des produits saisonniers uniquement sur certaines périodes de l'année et en promotion. Lorsque c'est le cas, par le biais d'opérations promotionnelles « flash » qui constituent le coeur du modèle de ventes, le taux de produits sous promotion peut atteindre par construction plus de 80 %. Pour ces entreprises, notamment des producteurs de terrines ou de saucisses cocktails, l'encadrement pose de graves difficultés depuis le début d'année, certaines entreprises ayant perdu 16 % de leur chiffre d'affaires.
Tous ces éléments recueillis au travers de quelques auditions font état d'une détresse de plusieurs dirigeants d'entreprises alimentaires qui ont subi une chute de leur chiffre d'affaires en raison de l'encadrement des promotions en volume. Ces chefs d'entreprise craignent, en l'absence de promotions pour les fêtes de fin d'année, un recul encore plus important de leur activité dans les mois à venir.
Le Gouvernement et tous les acteurs auditionnés, sauf quelques-uns, sont conscients de ces difficultés. La meilleure preuve réside dans la faculté que la DGCCRF s'est elle-même octroyée dans ses lignes directrices en juillet dernier de pouvoir, au cas par cas, permettre à des entreprises de déroger à l'encadrement des promotions sans aucune base légale. Peu de dérogations ont été accordées à ce stade, sans doute faute d'une connaissance de cette possibilité : cela constitue une injustice pour ces entreprises qui n'ont pas sollicité de dérogation.
Faute de sécurité juridique suffisante, ce dispositif dérogatoire accordé au bon vouloir des autorités compétentes prend le risque d'être peu opérant, alors qu'il a une réelle utilité en pratique pour les entreprises concernées. Le risque qu'un contentieux en annule tout le bénéfice n'est pas à écarter.
En conséquence, le rapporteur estime qu'il n'est pas envisageable de ne pas agir envers ces entreprises. L'expérimentation n'a pas été mise en place pour détruire de la valeur mais bien pour tenter d'en recréer.
Si les failles du dispositif sont déjà connues et risquent de fausser les résultats de l'expérimentation, il faut les corriger dès aujourd'hui. Modifier la loi Egalim à la marge, en ce sens, c'est peut-être en quelque sorte la sauver.
La proposition d'exonérer de l'encadrement des promotions les produits au caractère saisonnier marqué, défini par les autorités compétentes, est une nécessité à court terme. Pour plus de souplesse, il importe de ne pas fixer cette liste par décret mais davantage dans les lignes directrices de la DGCCRF au terme d'une concertation permettant de dégager des critères objectifs. La liste sera par construction restreinte à ces seuls produits et ne doit pas permettre, sous couvert d'une dérogation restreinte et justifiée, d'accorder une exonération générale.
Les producteurs de denrées saisonnières avaient, d'emblée, averti. Les conclusions de l'atelier 7 des États généraux de l'alimentation, déjà, prévoyaient que « des exceptions concernant le taux et le seuil maximum de promotion pourraient être prévues pour certains produits faisant l'objet d'une vente saisonnière. »
C'était d'ailleurs la position du Sénat lors de l'examen de la loi Egalim : le texte du Sénat prévoyait, à la demande du rapporteur, que l'encadrement des promotions ne fasse pas obstacle « à ce que des avantages promotionnels dépassant les seuils qui y sont mentionnés s'appliquent aux denrées alimentaires qui présentent un caractère périssable ou saisonnier particulièrement marqué, dont la liste est fixée par décret, lorsque ces avantages ont pour seul objet de faciliter l'écoulement des marchandises en stock. »
La proposition de loi entend simplement rétablir ce qui aurait dû, dès le départ, figurer dans la loi.
La commission, sur proposition de son rapporteur, a adopté l'amendement COM-1 de coordination qui consiste à bien prévoir, comme l'y invite l'exposé des motifs, de déroger uniquement à l'encadrement des promotions en volume et non en valeur.
Elle a adopté l'amendement COM-2 du rapporteur qui supprime la volonté de donner une base légale à la faculté de la DGCCRF de permettre à certaines entreprises de déroger à l'expérimentation. Cette faculté existe déjà dans ses lignes directrices et une telle consécration législative pourrait n'apporter aucune sécurité juridique. Le rapporteur alerte toujours sur la faible fiabilité du dispositif actuel, déterminé par circulaire sans aucune base légale.
La commission a adopté cet article ainsi modifié. |
Article 2
Expérimentation d'une clause de révision des prix
pour certains produits finis majoritairement composés d'une
matière agricole
Cet article vise à expérimenter, pour certains produits finis, définis par décret, composés à plus de 50 % d'une matière première agricole, la mise en place d'une clause automatique de révision des prix en cas de variation importante du cours de la matière première. La commission a souhaité simplifier le dispositif pour le laisser à la main des parties au contrat. |
I. La situation actuelle - une difficulté des industriels à renégocier leurs tarifs en cours d'année en cas de variation des cours de leurs matières premières
Depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, la plupart des contrats portant sur des denrées alimentaires entre un fournisseur et un distributeur doivent contenir une clause de renégociation afin de mieux répercuter les variations de prix des matières premières sur les prix de vente dans un contexte où les prix agricoles sont de plus en plus volatils.
La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation a en effet créé l'article L. 441-8 du code de commerce afin que les contrats portant sur la vente des produits connaissant des variations de coûts de production importantes disposent d'une clause précisant les modalités de renégociation des prix.
Ce dispositif a pour objectif de mieux répercuter les variations de prix des matières premières sur les prix de vente dans un contexte où les prix agricoles sont de plus en plus volatils. La renégociation doit toutefois jouer dans les deux sens et viser à une répartition équitable entre les parties des hausses comme des baisses de prix des matières premières agricoles.
Cette clause est applicable à plusieurs types de contrats :
a) aux contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires dont « les prix de production sont significativement affectés par des fluctuations des prix des matières premières agricoles et alimentaires. »
Ces produits sont mentionnés à l'article D. 442-7 du code de commerce.
Ainsi, le champ d'application de cet article ne concerne pas tous les produits agricoles puisque sont seuls visés les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits (fromages, lait, beurre, filets de poissons séchés, saucisses, ovoproduits,...). Ces produits comportant une part non négligeable de matières premières, sont, par construction, plus sensibles à la fluctuation des prix des matières premières.
Article D. 442-7 du code de commerce (version en vigueur au 6 juin 2019) I.- Pour l'application du premier alinéa de l'article L. 441-8, la liste des produits concernés comprend : - bovin, veau, porc, ovin-caprin, cheval, volaille et lapin : carcasses et leurs morceaux, viandes et abats, viandes hachées, saucisses fraîches et préparations de viandes ; - produits de la pisciculture ou issus de la première transformation de ces produits ; - lait et produits de la laiterie issus de la première transformation du lait ; - oeufs et ovo-produits alimentaires issus de leur première transformation. II.- Les produits mentionnés aux III, IV, V et VI du présent article sont classés par référence à la liste Prodcom des produits industriels, prévue par le règlement (CEE) n° 3924/91 du Conseil. III.- Les saucisses fraîches et préparations de viandes mentionnées au deuxième alinéa du I sont les produits suivants : - 10.13 : préparations et produits à base de viande : - 10.13.11 : viandes et abats de porc découpés, salés, séchés ou fumés (bacon et jambon) ; - 10.13.12 : viandes de boeuf salées, séchées ou fumées ; - 10.13.13 : autres viandes et abats comestibles salés, séchés ou fumés ; - 10.13.14 : saucisses et charcuteries similaires ; - 10.13.15 : autres préparations et conserves à base de viandes, abats et sang, à l'exclusion des plats préparés. IV.- Les produits issus de la première transformation des produits de la pisciculture mentionnés au troisième alinéa du I sont les produits suivants, sous réserve qu'ils soient issus de la pisciculture et non de la pêche : - 10.20 transformation et conservation de poisson : - 10.20.11 : filets de poissons et autres viandes de poisson (y compris hachées), frais ou réfrigérés ; - 10.20.12 : foies et oeufs de poissons, frais ou réfrigérés ; - 10.20.21 : filets de poissons séchés, salés mais non fumés ; - 10.20.22 : foies et oeufs de poissons séchés, salés ou fumés, farines, poudres et pellets de poissons pour alimentation humaine ; - 10.20.23 : poissons séchés, salés ou non ou en saumure ; - 10.20.25 : autres préparations et conserves à base de poissons, à l'exclusion des plats préparés. V.- Les produits de la laiterie issus de la première transformation du lait mentionnés au quatrième alinéa du I sont les produits suivants : - 10.51 : produits laitiers et fromages : - 10.51.11 : lait liquide ; - 10.51.12 : lait et crème contenant plus de 6 % de matières grasses, non concentrés, ni sucrés ; - 10.51.30 : beurre et pâtes à tartiner laitières ; - 10.51.30.30 : beurres d'une teneur en poids de matières grasses = 85 % ; - 10.51.40 : fromages ; - 10.51.51 : lait et crème, concentrés ou contenant des sucres ajoutés ou d'autres édulcorants, sous forme autre que solide ; - 10.51.52 : yaourts et autres produits lactés fermentés ou acidifiés. VI.- Les ovo-produits alimentaires issus de la première transformation des oeufs mentionnés au cinquième alinéa du I sont les produits suivants : - 10.89.12 : oeufs, en conserve, et jaunes d'oeufs, frais et en conserve ; oeufs cuits, en coquille ; ovalbumine. |
Cette liste, mentionnée à l'article L. 441-8 du code de commerce, peut être complétée par décret. Elle a ainsi été étendue aux pâtes alimentaires (non fraîches), macaronis, nouilles et autres produits similaires à base de farine et aux couscous à l'article D. 441-6 du code de commerce.
b) aux contrats conclus entre des producteurs et des acheteurs de produits agricoles régis par l'article L. 631-24, aux contrats-types définis par les organisations interprofessionnelles et aux contrats conclus sur la base de ces derniers définis à l'article L. 632-2-1 ;
c) aux contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la conception et la production de produits figurant sur la liste précitée si leur conception et production est définie « selon des modalités répondant aux besoins particuliers de l'acheteur ». Sont visés ici les produits destinés à être vendus sous marque de distributeur (MDD).
La clause doit préciser les conditions de déclenchement de la renégociation. Elle doit également faire référence à des indicateurs de prix de marché ou de coûts de production mentionnés à l'article L. 631-24-1 du code rural et de la pêche maritime.
Dès que la clause est activée, la renégociation doit avoir lieu dans un délai précisé dans le contrat qui ne peut excéder un mois. Un compte rendu est établi à l'issue des négociations.
L'absence de clause tout comme l'absence ou le retard de déclenchement de la clause de renégociation, l'atteinte aux secrets de fabrication ou au secret des affaires lors de la renégociation ainsi que l'absence d'établissement d'un compte rendu sont passibles d'une amende de 75 000 euros pour une personne physique et de 375 000 euros pour une personne morale. Cette amende est doublée si ce manquement est réitéré dans un délai de deux ans.
L'article L. 441-8 du code de commerce précise que, sauf recours à l'arbitrage, le recours à la médiation préalablement à toute saisine du juge est obligatoire en cas de litige lié à la renégociation du prix, sans que le contrat puisse en disposer autrement.
L'article L. 441-8 du code de commerce n'induit donc qu'une obligation de négociation et non une obligation d'aboutir à une renégociation du prix.
Constatant une faible application dans les faits, l'article 9 de la loi Egalim a entendu faciliter le recours à la renégociation du contrat en cours d'année en :
- intégrant la prise en compte de la fluctuation des coûts de l'énergie dans la clause ;
- réduisant le délai de la négociation de 2 à 1 mois ;
- prévoyant le recours à une médiation obligatoire préalablement à une saisine du juge en cas d'échec de la renégociation.
II. Le dispositif envisagé - une expérimentation d'une clause de révision des prix pour les produits finis les plus exposés aux variations des cours des matières premières agricoles
L'article 2 de la proposition de loi invite à expérimenter, pour certains produits répondant à certains critères et listés par décret, une clause de révision automatique des prix en cas de choc conjoncturel sur les cours de la matière première.
Le I restreint le champ d'application de la clause aux contrats d'une durée d'exécution supérieure à trois mois portant sur la vente des produits agricoles et alimentaires.
Les produits soumis à une telle clause expérimentale de révision des prix devront répondre à trois critères :
- relever de la liste des matières premières de l'article L. 441-8 du code de commerce, à savoir les produits alimentaires de consommation courante issus de la première transformation de ces produits (fromages, lait, beurre, filets de poissons séchés, saucisses, ovoproduits...), liste étendue aux pâtes alimentaires (non fraîches), macaronis, nouilles et autres produits similaires à base de farine et aux couscous. Ce sont, principalement, les produits comportant une part non négligeable de matières premières, qui sont, par construction, les plus sensibles à la fluctuation des cours sur les marchés ;
- être composés à plus de 50 % d'un produit agricole dont le cours est reflété par un indice public librement accessible aux deux parties ;
- figurer sur une liste fixée par décret. La sélection de ces produits devra dépendre de l'exposition des produits aux fluctuations des prix des matières premières agricoles.
Dans son rapport d'information, le groupe de suivi de la loi Egalim a proposé de restreindre l'expérimentation à deux filières, déjà dotées d'indices publics accessibles et non contestés et qui sont particulièrement exposées à la variabilité des cours : la charcuterie et les pâtes alimentaires.
Le II précise que la clause de révision de prix sera définie par les parties, qui détermineront donc le seuil au-delà duquel elle s'activera. Cette clause ne sera pas asymétrique : elle fonctionnera à la hausse comme à la baisse.
Le taux de variation du prix du produit fini retenu dans la clause de révision des prix sera évidemment limité au taux d'augmentation ou de diminution du cours du produit agricole ou alimentaire qui le compose majoritairement multiplié par la part que représente ledit produit agricole ou alimentaire dans le produit fini.
Le III précise certaines modalités pratiques de mise en oeuvre de la clause de révision des prix.
Il prévoit que la clause s'active, compte tenu des critères définis par les parties. Le fournisseur est à l'initiative de la révision de son tarif et le communique à l'ensemble des acheteurs avec lesquels il a conclu un contrat. Ce tarif révisé permet de calculer le nouveau prix convenu entre le fournisseur et chacun de ses acheteurs, qui sera applicable au maximum dans un délai de huit jours suivant la date d'envoi du tarif révisé par le fournisseur.
Le IV instaure des sanctions en cas de non-intégration de la clause dans le contrat. Il reprend les sanctions applicables en cas de non-respect des dispositions législatives relatives à la clause de révision des prix. Ainsi, le fait de ne pas prévoir de clause de révision des prix conforme à la loi est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 75 000 € pour une personne physique et 375 000 € pour une personne morale. Le maximum de l'amende encourue est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai d'un an à compter de la date à laquelle la première décision de sanction est devenue définitive.
Pour mesurer les effets de cette expérimentation pour les produits désignés, le V prévoit que le Gouvernement présente au Parlement un bilan de l'application de cette expérimentation trois mois avant son terme.
III. La position de la commission - l'expérimentation proposée permettra de tester en pratique sur un nombre limité de filières l'efficacité d'une telle clause de révision des prix
Comme lors des débats de la loi Egalim, et ainsi que le mentionne le rapport d'information du groupe de suivi de la loi Egalim du Sénat, le rapporteur estime que la clause de renégociation n'a pas de réelle portée compte tenu :
- de la « lourdeur procédurale » inhérente à l'activation de la clause. En comptant les délais d'instruction, l'aboutissement de la procédure peut avoir lieu près de six mois après la hausse des prix supportée par le fournisseur... soit pour les produits concernés au début des négociations commerciales annuelles suivantes ;
- de la réouverture de l'ensemble des points du contrat lors de renégociation, ce qui place le fournisseur, qui entendait obtenir une simple révision à la hausse de ses tarifs pour compenser un coût de revient plus élevé, dans une situation déséquilibrée face à son distributeur qui peut exiger de lui de nombreuses contreparties ;
- de la nature de la clause elle-même qui oblige les acteurs à renégocier, et non à obtenir des résultats. En pratique, les acteurs préfèrent ne pas s'en saisir.
L'idée d'une clause de révision des prix est de nature à résoudre cette difficulté. Lors de son audition, le médiateur des relations commerciales agricoles a d'ailleurs précisé qu'une telle clause serait de nature à recentrer les négociations commerciales sur un autre point que le seul prix.
Le rapporteur rappelle en outre qu'il avait défendu l'idée d'une clause de révision des prix lors des débats sur la loi Egalim, idée qui avait été finalement adoptée par le Sénat mais non reprise par l'Assemblée nationale.
L'objectif est bien d'expérimenter une telle clause sur quelques produits très spécifiques où les difficultés seront moindres. Le rapporteur estime que cela pourrait être le cas pour la charcuterie et pour les pâtes alimentaires dans la mesure où ces produits dépendent presque exclusivement des cours d'une matière première, et sont donc particulièrement exposés à la variation des cours. En outre, un indice public sur lequel les parties peuvent facilement se mettre d'accord existe pour chacune des matières premières concernées. Les parties n'auront ainsi qu'à définir, dans leur clause, le seuil de déclenchement et, éventuellement, les modalités d'activation de la clause.
Afin d'améliorer la simplicité du dispositif, la commission, à l'initiative du rapporteur, a adopté l'amendement COM-3 du rapporteur qui a simplifié le dispositif proposé.
La durée de l'expérimentation a été portée à trois ans. Outre des coordinations juridiques, l'amendement renvoie aux parties le soin de définir le contenu de la clause de révision des prix, tant sur ses conditions, son seuil de déclenchement au regard d'un indice ou d'un indicateur et ses modalités de mise en oeuvre.
La commission a adopté cet article ainsi modifié. |
Article 3
Modification d'un article de l'ordonnance relative à la
coopération agricole ayant excédé le champ d'habilitation
donnée au Gouvernement par le législateur
[ordonnance n° 2018-362 du 24 avril 2019 relative à la coopération agricole]
Cet article ratifie l'ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 relative à la coopération agricole tout en la modifiant afin d'assurer le strict respect du champ d'habilitation défini par le législateur. L'article supprime la possibilité d'engager la responsabilité de la coopérative pour la fixation d'une rémunération des apports anormalement basse dans la mesure où elle n'était pas prévue dans le champ d'habilitation de l'ordonnance que le législateur a lui-même déterminé. La commission a soutenu cette démarche de suivi des ordonnances prises par le Gouvernement, tout en s'engageant à travailler pour que le mécanisme de construction des prix de la loi Egalim soit applicable, de manière adéquate, aux coopératives. |
I. La situation actuelle - une ordonnance issue de la loi Egalim ayant sans doute excédé le champ de l'habilitation donnée par les parlementaires
Pris en application de l'article 11 de la loi Egalim, l'ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 relative à la coopération agricole modifie le titre II du livre V du code rural et de la pêche maritime relatif au cadre juridique régissant les coopérations agricoles.
1) Elle renforce la transparence en augmentant les obligations d'informations envers les associés-coopérateurs
(i) Davantage d'obligations d'informations à destination des associés-coopérateurs
Le premier objectif de l'ordonnance est, aux termes du rapport au Président de la République relatif à celle-ci, « d'améliorer l'information des associés-coopérateurs pour leur permettre de bénéficier des avancées de la contractualisation rénovée ».
Son article 1 er prévoit de nouvelles obligations d'informations des associés-coopérateurs, à savoir :
- au moment de leur adhésion, la réception d'une information sur les valeurs et les principes coopératifs ;
- une meilleure publicité des modalités de retrait en les incluant dans le document unique récapitulant l'engagement de l'associé-coopérateur ;
- la publication d'informations relatives à la rémunération globale des associés-coopérateurs par l'élaboration par l'organe chargé de l'administration de la coopérative de documents en trois temps :
- avant l'assemblée générale, un document présentant la part des résultats de la société coopérative qu'il propose de reverser aux associés-coopérateurs à titre de rémunération du capital social et de ristournes ainsi que la part des résultats des filiales destinée à la société coopérative, en expliquant les éléments pris en compte pour les déterminer ;
- lors de l'assemblée générale, un document donnant des informations sur l'écart entre les prévisions de prix des apports et les prix effectivement payés ainsi que sur l'écart entre ces prix et les indicateurs de coûts de production et de prix de marché figurant dans le règlement intérieur ;
- après l'assemblée générale, dans un délai d'un mois, un document récapitulant la rémunération définitive globale des apports pour chaque associé coopérateur ;
- une information spécifique sur les modalités de gouvernance d'entreprise dans le rapport de l'organe chargé de l'administration à l'assemblée générale ;
- une communication aux associés-coopérateurs du nom des filiales, des administrateurs et des rapports des commissaires aux comptes de ces filiales.
Il définit également le contenu des règlements intérieurs des coopératives en le précisant au niveau de la loi.
Ils devront contenir :
- les règles de composition, de représentation et de remplacement des membres, de quorum , les modalités de convocation, d'adoption et de constatation des délibérations de l'organe chargé de l'administration et le cas échéant des autres instances, statutaires ou non statutaires, mises en place par la coopérative ;
- les critères et modalités de détermination et de révision du prix des apports, comprenant, le cas échéant, les modalités de prise en compte des indicateurs choisis pour calculer ce prix ;
- les modalités de détermination du prix des services ou des cessions d'approvisionnement ;
- les modalités pratiques de retrait de l'associé-coopérateur ;
- les modalités du remboursement des parts sociales qui intervient de droit dans le délai maximal prévu par les statuts ;
- les conditions dans lesquelles il peut être recouru à la médiation et, le cas échéant, à tout autre mode de règlement des litiges.
(ii) Une proportionnalité de l'indemnité de départ en fonction des pertes induites pour la coopérative et la mise en place d'une date d'échéance unique pour tous les engagements du coopérateur
En outre, l'indemnité de départ d'un coopérateur en cas de retrait anticipé devra être proportionné en fonction des pertes induites pour la coopérative et de la durée restant à courir jusqu'à la fin de son engagement.
En cas de changement de mode de production, et si la coopérative ne démontre pas qu'elle rémunère la valeur supplémentaire générée par cette modification, le délai et l'indemnité sont réduits. Ces possibilités sont permises assez largement en cas de passage au label « agriculture biologique », à une « AO, IGP, spécialité traditionnelle garantie », au « label rouge » ou l'obtention de la mention « exploitation de haute valeur environnementale » (troisième niveau ou HVE3).
Enfin, l'ordonnance prévoit la mise en place d'une date d'échéance unique pour tous les engagements de l'associé-coopérateur (coordination entre le bulletin d'adhésion et le contrat d'apport).
(iii) Un Haut conseil de la coopération agricole aux missions mieux définies
Le Haut conseil de la coopération agricole (HCCA) est chargé de la publication d'un guide sur les bonnes pratiques de gouvernance des sociétés coopératives qu'il actualise chaque année.
Ses pouvoirs de contrôle sont précisés.
Toute modification des statuts d'une coopérative et tout rapport de révision constatant un non-respect des principes coopératifs non suivi par la mise en place de mesures correctives devront être portés à la connaissance du HCCA. S'il reçoit un rapport de révision constatant des non conformités, il en informe le ministre chargé de l'agriculture. Il ordonne la convocation d'une assemblée générale, au besoin aux frais de la coopérative. Sans rétablissement du fonctionnement normal de la coopérative, il demande au juge d'enjoindre les organes de direction de se conformer aux règles.
Le HCCA peut diligenter un contrôle de révision s'il l'estime nécessaire, s'il est saisi par 1/5 è des membres, si les documents obligatoires ne sont pas transmis aux associés-coopérateurs ou s'il est saisi par des agents chargés des contrôles ou le commissaire aux comptes.
Les agents chargés des contrôles peuvent demander au HCCA de leur rendre un avis sur le fait que les statuts ou le règlement intérieur de la coopérative comportent des dispositions produisant des effets similaires aux clauses minimales des contrats agricoles.
Une commission consultative composée de représentants des syndicats agricoles, des sociétés coopératives et des personnalités qualifiées est adjointe au comité directeur du HCCA. La commission consultative pourra être convoquée à la demande de ses membres ou sur sollicitation du comité directeur.
Elle rend des avis sur toute question relative à l'application du droit coopératif et au fonctionnement des sociétés coopératives (cas individuels ou fonctionnement global).
(iv) Vers la fin du rôle du médiateur de la coopération agricole ?
Le médiateur de la coopération agricole ne sera plus nommé par le HCCA mais par le ministre, sur avis simple du comité directeur du HCCA.
Contrairement au projet précédent, ses missions et leur articulation avec celles du médiateur des relations commerciales agricoles ne sont pas tranchées par ordonnance mais seront fixées par décret en Conseil d'État.
Pour rappel, aujourd'hui, le médiateur de la coopération agricole est pleinement compétent sur ces questions si elles concernent un conflit entre un associé coopérateur et sa coopérative. Il doit simplement « tenir compte » des avis et recommandations publiques du médiateur des relations commerciales agricoles.
La volonté du Gouvernement serait de dessaisir le médiateur de la coopération agricole des conflits liés aux prix et aux indemnités de départ pour les transférer au médiateur des relations commerciales agricoles. Or ces conflits couvrent sans doute une très grande majorité des conflits entre un associé-coopérateur et sa coopérative.
2) Elle permet d'engager la responsabilité des coopératives pour le fait de fixer une rémunération des apports abusivement basse
(i) Des coopératives pouvant voir engagée leur responsabilité pour le fait de fixer une rémunération des apports abusivement basse
Le V de l'article 1 er soumet les coopératives au mécanisme des prix abusivement bas.
La responsabilité de la coopérative serait engagée pour le fait « de fixer une rémunération des apports abusivement basse » par rapport aux indicateurs. Cela transpose la notion de prix abusivement bas issue du code de commerce au droit coopératif.
En pratique, la partie lésée « justifiant d'un intérêt direct et certain » pourra saisir le juge après une médiation tout comme le ministre chargé de l'économie après avis motivé du ministre de l'agriculture et du HCCA.
La sanction pourra s'élever à 5 millions d'euros ou à 5 % du chiffre d'affaires réalisé par l'auteur. Les pénalités dues par la coopérative pénaliseront, mécaniquement, les autres coopérateurs. La décision de justice serait publiée, diffusée et affichée.
L'adjonction selon laquelle le juge doit « tenir compte des spécificités des contrats coopératifs » risque de ne pas apporter de solides garanties aux coopératives.
II. Le dispositif envisagé - Un strict retour au champ de l'habilitation adoptée par les parlementaires
Le I de l'article 3 de la proposition de loi propose de ratifier l'ordonnance n° 2019-362 du 24 avril 2019 relative à la coopération agricole afin de donner une valeur législative à l'ensemble de ses articles.
Dans son II, l'article propose de modifier l'ordonnance ainsi ratifiée afin d'abroger le V de l'article L. 521-3-1 du code rural et de la pêche maritime relatif à l'engagement de la responsabilité de la coopérative pour le fait de fixer une rémunération des apports abusivement basse par rapport aux indicateurs. Cette suppression est motivée par le fait que le Gouvernement n'a pas respecté le champ d'habilitation de l'ordonnance sur les coopératives.
III. La position de la commission - au-delà de la question de fond, le Parlement doit s'assurer du respect du champ d'habilitation avant de ratifier l'ordonnance
Le rapporteur rappelle, tout d'abord, qu'une partie de l'article 1 er de l'ordonnance n'a pas été prise sur le fondement de l'habilitation de l'article 11 de la loi Egalim, relative au droit coopératif, mais sur celui de l'habilitation de l'article 17 qui entend réformer le code de commerce.
L'article 17 habilite en effet le Gouvernement à prendre « toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour mettre en cohérence les dispositions de tout code avec celles prises par voie d'ordonnance » en matière de réforme du code de commerce. L'article ayant modifié le régime des prix abusivement bas du code de commerce, le Gouvernement estime qu'il est habilité à l'étendre à d'autres sociétés dont les statuts doivent respecter des dispositions d'un autre code, en l'espèce le code rural et de la pêche maritime.
Or l'application d'un nouveau régime déjà existant dans le code de commerce aux coopératives semble aller bien au-delà de la simple mise en cohérence.
Un contentieux est en cours devant le juge administratif pour connaître de la légalité de l'ordonnance, notamment au regard du respect du champ d'habilitation déterminé par le législateur.
Le juge administratif tranchera et s'appuiera, dans ses analyses, sur les débats parlementaires pour comprendre les intentions du législateur sur ce point.
Le rapporteur s'étonne de la présentation en conseil des ministres par le Gouvernement fin juin d'un projet de loi de ratification de l'ordonnance, inscrit à l'ordre du jour pour mi-juillet selon la procédure accélérée à l'Assemblée nationale.
Ce traitement fort inhabituel pour une ratification (qui n'est pas exigée pour que l'ordonnance entre en vigueur) laisse penser que les risques que l'ordonnance se fasse retoquer par le juge administratif ne sont pas négligeables. En effet, une ratification de l'ordonnance par le législateur revient à lui conférer une valeur législative : l'adoption du projet de loi de ratification d'une ordonnance valide a posteriori le contenu ou le champ d'habilitation de l'ordonnance. Dans la mesure où sa ratification lui donne une valeur législative, le Conseil d'État n'aurait plus le pouvoir de l'annuler.
Le rapporteur, qui était également rapporteur lors de l'examen de la loi Egalim au Sénat sur le titre I er , estime que les débats parlementaires n'ont pas porté sur cet aspect du texte. L'idée de soumettre les coopératives à ce dispositif issu du code de commerce n'a donc pas été, formellement, adoptée par l'hémicycle du Sénat.
Le rapporteur rappelle qu'il rejoint, en tout point, le rapporteur de l'Assemblée nationale de la loi Egalim, Jean-Baptiste Moreau, en considérant que jamais dans les débats parlementaires n'a été évoquée, débattue et votée l'idée de soumettre les coopératives à un tel mécanisme issu du code de commerce. Dans un rapport d'information 8 ( * ) sur l'application de la loi Egalim, il précise que « lors des débats parlementaires relatifs aux articles 17 et 11, il n'a pas été question de réformer les coopératives agricoles sur d'autres aspects que celui de la transparence et du contrôle des informations données à l'associé-coopérateur. »
Lors des débats sur la loi Egalim, le Sénat avait d'ailleurs obtenu, après une lecture intégrale d'un amendement de compromis en commission mixte paritaire par un des rapporteurs du Sénat, un encadrement du champ de l'habilitation qui avait été finalement porté en nouvelle lecture par le rapporteur de l'Assemblée nationale.
L'objectif était de ne pas donner un blanc-seing au Gouvernement pour réformer le droit coopératif sans intervention du législateur.
Ce tour de passe-passe démontre toute la difficulté posée, pour la qualité du débat parlementaire, par le recours accru aux ordonnances.
C'est pourquoi il est essentiel pour le Parlement de s'assurer du strict respect du champ de l'habilitation par le Gouvernement. Faute d'un tel contrôle, compte tenu de la systématisation regrettable des ordonnances dans tous les projets de loi que le Parlement doit examiner, apparaîtrait une grave atteinte à la compétence législative du Parlement dans son ensemble.
S'il appartient au juge administratif de vérifier que l'ordonnance n'excède pas le champ de l'habilitation, le Parlement doit aussi exercer sa mission de contrôle dans la mesure où il a lui-même déterminé les limites à ne pas franchir. Le débat va au-delà d'une querelle juridique : elle est essentiellement politique et constitutionnelle. Cet engagement à en débattre est, sans doute, au coeur même de la mission de contrôle de l'action du Gouvernement conférée, par la Constitution, au Parlement.
Le problème va au-delà de la question posée par le fond de l'article. Certains auditionnés insistent sur le nécessaire parallèle à faire entre une entreprise et une coopérative au regard du mécanisme de la loi Egalim reposant sur des indicateurs à prendre suffisamment en compte sous peine d'engager la responsabilité de l'acheteur pour prix abusivement bas.
D'autres relèvent qu'il importe de ne pas oublier les spécificités du modèle coopératif par rapport à celui des entreprises privées. L'ordonnance ainsi rédigée assimilerait une relation entre un associé coopérateur et sa coopérative à une relation commerciale entre un client et un acteur privé. Or les coopératives opèrent dans un cadre différent : les apports des coopérateurs ne sont pas des ventes (la coopérative a d'ailleurs l'obligation de prendre tous les apports et ne peut, sauf exception limitée, se fournir auprès de tiers), la coopérative appartient à ses coopérateurs (les coopérateurs prennent des décisions en assemblée générale et il est presque impossible d'évincer un coopérateur avant la fin de la durée d'engagement sauf sanction).
C'est au reste l'ensemble de la rémunération qu'il convient de prendre en compte (d'autant qu'elle est décidée, in fine , en assemblée générale par l'ensemble des associés-coopérateurs) et non la rémunération des apports, qui n'inclut pas les ristournes et compléments de prix qui constituent un élément important et typique du statut de la coopération agricole.
Les pénalités dues par la coopérative à un coopérateur qui s'en plaindrait semblent disproportionnées et pénaliseront, mécaniquement, les autres coopérateurs. Cela remettra en cause le principe de solidarité entre les associés-coopérateurs, quel que soit le volume de leur production, qui est au coeur du modèle coopératif.
Toutefois, ces questions de fond mériteraient un débat apaisé, qui a été refusé une première fois lors des débats de la loi Egalim en agissant uniquement par voie d'ordonnance, et qui l'est une nouvelle fois en prenant des mesures en dehors du champ de l'habilitation.
C'est donc pour des raisons avant tout constitutionnelles que la commission n'a pas souhaité modifier l'article 3 de la proposition de loi.
La commission a adopté cet article sans modification. |
Intitulé de la proposition de loi
La commission a adopté l'amendement COM-4 du rapporteur modifiant l'intitulé de la proposition de loi dans la mesure où elle entend préserver les activités des entreprises alimentaires signataires des contrats régis par le code de commerce qu'elles soient françaises ou non.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 18 décembre 2019, la commission a examiné le rapport de M. Michel Raison sur la proposition de loi n° 138 (2019-2020) modifiant la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises.
Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, nous allons maintenant examiner le rapport sur la proposition de loi de Daniel Gremillet modifiant la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises.
M. Michel Raison , rapporteur. - Comme vous le savez, notre commission a adopté le 30 octobre dernier un rapport d'information dressant un premier bilan du titre I er de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Egalim) un an après son adoption et soulignant de premières tendances inquiétantes que nous connaissons tous. À ce stade, alors que le seuil de revente à perte a été revalorisé de 10 % dans la grande distribution, les agriculteurs n'en ont pas vu la couleur, car la grande distribution a adapté son modèle à la nouvelle loi. Le ruissellement ne fonctionne pas.
Tout d'abord, compte tenu de la hausse des marges des distributeurs sur les produits des grandes marques, celles-ci sont davantage mises en avant dans les linéaires au détriment des marques propres des produits de PME.
Ensuite, la guerre des prix n'a pas cessé, elle s'est déplacée vers les produits du rayon « droguerie, parfumerie, hygiène » et vers les produits sous marques de distributeur (MDD). Les fournisseurs, souvent des PME, retrouvent du volume de ventes avec ces derniers produits, mais après de très dures négociations sur les prix. De plus, ces produits gagnant des parts de marché, les produits sous marques propres sont encore dévalorisés, alors qu'ils créaient de la valeur ajoutée pour ces entreprises bien réparties dans nos territoires et créatrices d'emplois.
Enfin, la grande distribution a revu son modèle de promotion pour réduire l'effet de l'encadrement. En effet, si les produits offerts sont différents, l'encadrement des promotions ne s'applique pas. Par exemple, la grande distribution a substitué à la promotion « un cidre brut acheté, un cidre brut offert », celle consistant à proposer « un cidre brut acheté, un cidre doux offert ».
Ces premières tendances sont inquiétantes, alors que l'expérimentation doit encore durer une année avant la présentation du rapport d'évaluation à la fin de l'année 2020, qui permettra de disposer d'éléments complémentaires.
Notre rapport d'information révélait aussi trois effets néfastes concernant l'encadrement des promotions en volume, la difficile renégociation des prix pour des filières produisant des denrées à forte composante de matières premières et la potentielle remise en cause du modèle coopératif par l'ordonnance prise par le Gouvernement, cette dernière ne respectant pas le champ d'habilitation fixé par le Parlement. Notre commission a déposé une proposition de loi afin de prendre trois mesures d'urgence visant à les corriger. Cosignée par plus de 130 sénateurs de toutes tendances, elle sera examinée en séance publique le 13 janvier prochain. Il serait optimal qu'elle puisse être adoptée avant la fin des négociations commerciales qui s'ouvriront en février.
Je rappelle que notre objectif n'est pas de démanteler la loi Egalim. Toutefois, des failles sont d'ores et déjà constatées ; dès lors, pourquoi ne pas agir ? Certaines entreprises ont déjà perdu entre 30 % et 50 % de leur chiffre d'affaires depuis le début d'année à cause du seul encadrement des promotions. Dans deux ans, il sera sans doute trop tard. Enfin, certains des effets de la loi aboutissent à détruire de la valeur et donc à réduire directement le revenu des agriculteurs. Notre seule ambition est de faire en sorte que la loi Egalim soit un succès : il convient pour cela de limiter ses effets de bord.
L'article 1 er de la proposition de loi prévoit un double assouplissement de l'encadrement des promotions en volume. Il tend à exclure de cet encadrement les produits à caractère saisonnier marqué, ces produits étant déterminés par l'autorité administrative compétente.
La filière cunicole nous a informés que l'encadrement des promotions exposait les producteurs de lapins à une réduction des ventes annuelles évaluée entre 10 % et 15 %. Il s'agit en effet d'un produit saisonnier : très vendu au printemps et à l'automne, il l'est beaucoup moins en été et est donc vendu en promotion à cette période. L'encadrement des promotions a conduit par conséquent les distributeurs à moins référencer ce produit durant l'été, avec le risque de ventes nulles. Les producteurs de foie gras nous ont confirmé qu'ils prévoyaient une baisse de 25 % en volume. Aucune filière ne peut endurer un tel choc sur la durée. Pour le champagne, les chiffres sont équivalents, avec une baisse de 21 % par rapport à l'année dernière. Enfin, certaines entreprises au modèle particulier pâtissent directement de cet encadrement des promotions. Ainsi, une PME produisant des produits apéritifs, très saisonniers et référencés uniquement lorsqu'ils sont susceptibles d'être vendus par beau temps, vend presque toute sa production en promotions. Avec l'encadrement, elle a constaté depuis le début d'année un recul de 12 % de son chiffre d'affaires. Nous devons donc réagir.
Je vous propose, sans toucher au dispositif de la proposition de loi, d'adopter un amendement de coordination juridique et de ne pas inscrire dans la loi la faculté accordée à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) d'exonérer certaines entreprises de l'encadrement des promotions.
L'article 2 tend à expérimenter, pour quelques filières, la mise en place d'une clause de révision automatique des prix en cas de variation des cours des matières premières. Les acteurs, à l'exception de la grande distribution, trouvent l'idée intéressante. Je vous proposerai un amendement visant à en simplifier le fonctionnement. Je rappelle que nous entendons borner l'expérimentation à un faible nombre de filières très exposées, afin d'en mesurer les résultats. Par exemple, la filière de la charcuterie et celle des pâtes alimentaires pourraient être concernées.
Enfin, l'article 3 vise à corriger une anomalie juridique. J'ai été rapporteur au Sénat de la loi Egalim, nous n'avons jamais évoqué l'engagement de la responsabilité d'une coopérative pour des prix abusivement bas. M. Moreau, rapporteur à l'Assemblée nationale, partage ce point de vue. C'est pour éviter ce type de fantaisies que nous avions convenu de circonscrire le champ d'habilitation de l'ordonnance sur les coopératives aux seules mesures annoncées.
Lorsque le Gouvernement dépasse ainsi le champ d'habilitation que lui a donné le Parlement, il y a deux manières d'agir. La première est de porter le contentieux devant le juge administratif, ce qui a été fait par Coop de France. Le juge analysera les débats parlementaires et cette proposition de loi envoie un signal fort dans le cadre de cet examen contentieux. La seconde, qui n'est pas incompatible avec la première, est de débattre du contenu de l'ordonnance devant le Parlement lors de sa ratification. Le Parlement doit exercer cette fonction de contrôle, sauf à admettre sans rien faire qu'il a été dessaisi de ses droits par le Gouvernement.
L'article 3 propose donc de ratifier l'ordonnance tout en en modifiant le contenu pour supprimer les mesures qui sortent du champ de l'habilitation.
Ces mesures d'urgence se veulent donc pragmatiques.
À mon sens, entrent dans le champ des dispositions présentant un lien direct ou indirect avec le texte les mesures suivantes, qui reprennent logiquement les différents points du texte : les mesures tendant à modifier les modalités d'application de l'ordonnance relevant le seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions ; les mesures améliorant les dispositifs de modification des prix convenus entre les parties en cours d'année ; les mesures tendant à modifier les modalités d'application de l'ordonnance sur les coopératives.
Mme Sophie Primas , présidente. - Merci mon cher collègue. La loi Egalim contient, certes, d'autres scories, mais nous n'avons pas touché à l'économie globale du texte. Les protestations, notamment de la part des organisations agricoles, indiquent que celles-ci n'ont sans doute pas lu attentivement le texte. La disparition des transformateurs n'enrichirait en effet pas les agriculteurs.
M. Daniel Gremillet , auteur de la proposition de loi. - Je remercie tous nos collègues qui ont cosigné ce texte, fruit du travail de l'ensemble des sénateurs du groupe de suivi. Les auditions ont confirmé nos analyses quant au bilan à dresser de la première année d'application de la loi Egalim ; il y a donc urgence à modifier les expérimentations de manière responsable pour éviter que des entreprises, donc des emplois et des producteurs, ne disparaissent, ce qui n'est évidemment pas l'objet du texte initial.
S'agissant de l'article 3, cette mesure était le seul point d'accord unanime en commission mixte paritaire entre le Sénat et l'Assemblée nationale ; il y va donc du respect du travail parlementaire.
Je soutiens les ajustements proposés par notre rapporteur et je suis très satisfait que ce texte passe devant le Sénat dès le début de l'année 2020 et que l'Assemblée nationale soit en mesure de s'en emparer dès le 14 janvier. Les négociations commerciales s'achèveront fin février et le Sénat aura pu apporter des ajustements avant cette date. Notre travail vise seulement à améliorer la loi Egalim, à la rendre plus efficiente, afin que le dispositif fonctionne, sachant que, en 2020, le groupe de suivi s'attaquera au titre II du texte. Je souhaite donc que ce texte soit voté avec une majorité significative afin de renforcer notre analyse sur la nécessité d'ajuster la loi.
Mme Anne-Catherine Loisier . - En complément, j'insiste sur le fait que notre démarche est vertueuse. La loi Egalim prévoit des expérimentations, ce qui signifie que toutes ses conséquences ne sont pas maîtrisées. Aujourd'hui, un certain nombre d'effets négatifs se font jour, il est donc de notre responsabilité d'y remédier. Par exemple, l'encadrement des promotions crée pour certaines entreprises des barrières à l'entrée sur le marché. Depuis un an, la croissance du chiffre d'affaires des marques issues des PME a diminué de 3 % et ces entreprises nous appellent à l'aide, nous avons donc adopté une démarche d'amélioration de la loi pour lui donner une meilleure efficacité.
M. Michel Raison , rapporteur. - Je remercie les membres du groupe de travail, en particulier Daniel Gremillet et Anne-Catherine Loisier. Nous avons travaillé ensemble et je ne suis que le porte-parole de ce trio !
M. Laurent Duplomb . - Chacun sait que j'ai peu d'engouement pour la loi Egalim. Combien de temps perdu ! Les trois sujets de ce texte avaient déjà été relevés, des amendements défendus et des mesures introduites dans le projet de loi. La commission mixte paritaire s'est pourtant conclue sur une fin de non-recevoir. Notre seul gain avait été d'obtenir un engagement sur l'article 8 concernant les coopératives, qui n'a pas été tenu.
Le problème, c'est que cette loi met l'accent sur l'alimentation, alors qu'il faudrait un texte sur la situation de l'agriculture aujourd'hui et sur le dénigrement que nous subissons. Les 2 500 amendements déposés à l'Assemblée nationale sur le titre II d'Egalim comme le discours du Président de la République à la Sorbonne ouvrant la porte à la diminution du budget de la politique agricole commune (PAC) et à la possibilité de subsidiarité pour les États ont amplifié un phénomène existant de diffamation et de critiques et lui ont donné plus de poids. Peut-être parviendrons-nous à améliorer la situation, mais l'agriculture a besoin de plus : il manque à la loi Egalim un projet sur l'agriculture, un titre III qui traite de l'ensemble du revenu et des charges des agriculteurs. Les députés auraient dû écouter le Sénat et poser la question du projet global envers l'agriculture.
M. Henri Cabanel . - Ce texte est vertueux, en effet ; nous sommes dans notre rôle de recherche d'intérêt général en corrigeant cette loi, dont certains articles posent des problèmes, que nous essayons de résoudre ici. Je souhaite que le voeu de Daniel Gremillet de voir cette proposition de loi discutée à l'Assemblée nationale avant fin février soit exaucé : la balle est dans le camp des députés, nous aurons fait notre part pour corriger le tir.
M. Joël Labbé . - Il s'agit ici de tenter de corriger à la marge une loi qui est passée à côté. Laurent Duplomb affirme qu'il faut légiférer sur l'agriculture et pas sur l'alimentation, je tiens la position exactement inverse : à mon sens, ces deux dimensions sont définitivement liées l'une à l'autre. Il évoque un dénigrement de l'agriculture dans la population française, il me semble que c'est exagéré et je ne le ressens pas. Il y a des critiques qui concernent certaines pratiques et leurs conséquences.
L'agriculture est pieds et poings liés face à l'industrie agroalimentaire et la grande distribution, laquelle trouve toujours des solutions de contournement, suivant une logique financière. Nous devons favoriser tout ce qui permettra de sortir de la grande distribution et de redistribuer sur les territoires à travers de nouvelles filières et de nouveaux types de magasins qui ne seront pas liés à la grande distribution, laquelle, en échec en périphérie, cherche d'ailleurs à réinvestir les centres-bourgs. Il faut une réappropriation de l'alimentation par les territoires, par les producteurs agricoles, par les transformateurs, un nouveau système relocalisé permettant de répondre, certes partiellement, mais de manière grandissante, aux besoins de la population et aux intérêts des producteurs. Pour cela, il convient de donner les moyens aux territoires de s'organiser.
J'ai beaucoup de réserves sur ce texte, qui ne va pas au bout des choses. C'est mieux que rien, mais cela ne permettra pas d'aller loin.
Mme Sophie Primas , présidente. - En tant que présidente, je me dois de rester neutre, mais je bous intérieurement !
M. Michel Raison , rapporteur. - Mon cher collègue Joël Labbé plus nous ferons de vente directe, plus nous relocaliserons, plus tout le monde sera heureux, c'est vrai, mais cela restera marginal. Nous avons, hélas, encore besoin de la grande distribution, même si l'on déteste ses méthodes. Quant à l'agroalimentaire, nous avons aussi de belles entreprises qui travaillent plutôt bien.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Michel Raison , rapporteur . - L'amendement COM-1 vise à réaliser une coordination juridique afin de s'assurer que la dérogation ne s'applique qu'à l'encadrement des promotions en volume.
L'amendement COM-1 est adopté.
M. Michel Raison , rapporteur . - La DGCCRF permet déjà à certaines entreprises de déroger à ces dispositions, elle l'a fait pour une entreprise à notre connaissance à ce jour. Consacrer cette possibilité au niveau de la loi ne changerait donc rien et n'apporterait pas, selon les auditionnés, une sécurité juridique suffisante à ce dispositif particulier. Dans ce cas, autant en rester à la situation actuelle. Tel est l'objet de l'amendement COM-2 .
L'amendement COM-2 est adopté.
L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Michel Raison , rapporteur . - L'amendement COM-3 vise à simplifier la mise en oeuvre de la mesure expérimentale de révision automatique des prix sur trois ans.
L'amendement COM-3 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 3
L'article 3 est adopté sans modification.
Intitulé de la proposition de loi
M. Michel Raison , rapporteur . - L'amendement COM-4 vise à supprimer le mot « françaises » de l'intitulé du texte. En effet, la proposition de loi entend préserver les activités des entreprises alimentaires signataires des contrats régis par le code de commerce, qu'elles soient françaises ou non. Nous nous conformons ainsi aux règles européennes.
L'amendement COM-4 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
* 1 Ancien article L. 441-4 du code de commerce.
* 2 CA Chambéry, 27 septembre 1989 : un distributeur qui revendait des pommes de terre à perte n'a pu bénéficier de l'exception à l'interdiction au motif que la menace d'altération rapide en raison du gel n'était pas établie.
* 3 Ancien article L. 441-7 du même code.
* 4 Frais de gestion compris.
* 5 Ancien article L. 441-2 du même code.
* 6 Aujourd'hui, cette interdiction figure à l'article L. 443-1 du code de commerce.
* 7 Chiffres de Nielsen
* 8 Rapport d'information n° 1981 (2018-2019) de MM. Jean-Baptiste Moreau et de Jérôme Nury, déposé en application de l'article 145-7 alinéa 1 du règlement par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale sur la mise en application de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.