N° 214
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 décembre 2019 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi modifiant la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l' équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l' activité des entreprises alimentaires françaises ,
Par M. Michel RAISON,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , président ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean- Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot . |
Voir les numéros :
Sénat : |
138 et 215 (2019-2020) |
L'ESSENTIEL :
PRÉSERVER L'ACTIVITÉ DES ENTREPRISES
ALIMENTAIRES MISES À MAL PAR CERTAINES DISPOSITIONS DE LA LOI EGALIM
La commission des affaires économiques a adopté, le 30 octobre 2019, le rapport d'information n° 89 (2019-2020) du groupe de suivi de la loi Egalim intitulé : « Loi Egalim un an après : le compte n'y est pas » .
Ce rapport alerte sur les premiers effets néfastes produits par l'application du titre I er de la loi sur les PME, sur leurs marques propres et principalement sur les produits sous marque de distributeur.
Plus spécifiquement, il constate que cette législation a déjà eu trois effets de bord particulièrement problématiques :
- certaines PME accusent un recul considérable de leur activité compte tenu de l'encadrement des promotions. Elles ne pourront pas enregistrer une telle chute des volumes de leurs ventes deux années de suite sans connaître de réelles difficultés financières ;
- certains industriels peinent à renégocier leurs contrats avec leurs distributeurs en cours d'année en cas de hausse des cours des matières premières agricoles entrant dans la composition de leurs produits. Par conséquent, leurs marges se rétractent, ce qui ampute leur capacité à investir et innover ;
- une mesure de l'ordonnance sur les coopératives agricoles prise par le Gouvernement laisse la possibilité d'engager la responsabilité d'une coopérative pour une rémunération des apports abusivement basse alors qu'une telle possibilité n'était pas clairement prévue par le champ de l'habilitation donnée par le Parlement.
La présente proposition de loi , présentée par M. Daniel Gremillet, président du groupe de suivi de la loi Egalim, par M. Michel Raison et Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteurs du groupe de suivi, et plusieurs de leurs collègues s'inspire des conclusions de ce bilan pour corriger à la marge la loi .
Ce n'est pas un démantèlement de cette loi adoptée il y a moins d'un an. La proposition de loi comporte trois articles : une loi se restreignant à ce périmètre très circonscrit ne saurait avoir une telle prétention. En outre, dans la mesure où l'expérimentation de deux ans sur le relèvement du seuil de revente à perte et l'encadrement des promotions n'est pas terminée, tout le monde s'accorde sur le fait qu'il faut attendre d'avoir tous les éléments statistiques à la fin de cette période avant d'en tirer les conclusions définitives.
Ce n'est pas non plus une attaque politique contre une loi qui peine à avoir des effets sur le revenu des agriculteurs à ce stade. Au reste, près de 130 sénateurs, issus de la quasi-totalité des groupes politiques du Sénat, se sont associés à cette initiative.
Ces défauts de la loi sont connus et ont très tôt été dénoncés par le Sénat : absence de mécanisme assurant le ruissellement, excès de rigidité de certaines mesures s'appliquant uniformément à des filières très différentes, illusion de penser traiter le revenu de l'agriculteur en n'agissant que sur le seul levier des recettes, le prix de vente de ses produits à l'industrie ou à la grande distribution, tout en augmentant considérablement ses charges d'exploitation... Toutefois, la loi a été adoptée il y a un an et il est trop tôt pour prétendre en dresser un bilan exhaustif et incontestable. Les négociations commerciales de 2020 seront un indicateur intéressant. Le groupe de suivi de la loi Egalim poursuivra ses travaux de contrôle cette année, notamment sur le titre II, dans le but de dresser, au fur et à mesure, un tel bilan.
Cette proposition de loi relève plutôt d'une pratique institutionnelle que le rapporteur salue. Elle démontre toute l'importance pour le Parlement d'exercer ses fonctions de contrôle et d'évaluation des politiques publiques pour mesurer les effets d'une loi avant, au besoin, de proposer des correctifs nécessaires, au moyen d'une proposition de loi s'ils sont de niveau législatif.
Le rapport du groupe de suivi du Sénat est clair : des PME et des ETI sont aujourd'hui très fragilisées par la loi. Au bout de la chaîne, ce sont bien les producteurs agricoles qui verront leur revenu pâtir de la baisse d'activité de ces entreprises. La rigidité de l'encadrement des promotions en volume est la mesure qui pose, à très court terme, le plus de difficultés. Si des failles sont d'ores et déjà repérées, pourquoi ne pas agir tout de suite ?
Certes, le rôle d'un Parlement est de trouver un équilibre entre la nécessaire stabilité des lois et l'importance de corriger rapidement les effets néfastes d'une législation afin qu'elle puisse, justement, s'inscrire dans le temps.
Pour le rapporteur, le critère à retenir dans cet exercice complexe est l'urgence de la situation. En l'espèce, au regard des nombreux témoignages de PME, d'industriels et d'agriculteurs reçus lors des auditions du groupe de suivi de la loi Egalim comme lors des auditions préparatoires à l'examen de cette proposition de loi, il importe d'agir .
Le rapporteur, comme les autres membres de la commission des affaires économiques, n'a qu'un souhait : que la loi Egalim soit un succès et qu'elle permette aux agriculteurs d'être mieux rémunérés. Pour lui, la présente proposition de loi entend justement renforcer ses chances de succès en limitant ses effets de bord. C'est pourquoi elle propose trois mesures d'urgence qui visent simplement à corriger les dispositions les plus problématiques du titre I er de la loi Egalim sans rompre l'équilibre général .
Réunie le mercredi 18 décembre 2019, sous la présidence de Mme Sophie Primas, la commission des affaires économiques a examiné le rapport de M. Michel Raison. Sur ses recommandations, elle a établi son texte sur la proposition de loi n° 138 (2019-2020) modifiant la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises, déposée en première lecture sur le Bureau du Sénat le 21 novembre 2019. La proposition de loi sera examinée en séance publique le mardi 14 janvier 2020 à la demande de la commission des affaires économiques.
Lors de cette réunion, la commission a adopté les amendements suivants proposés par le rapporteur. Ils visent à :
- assurer que la dérogation proposée ne porte que sur l'encadrement des promotions en volume pour les produits au caractère saisonnier marqué. L'encadrement en valeur leur restera applicable ( COM-1 ) ;
- conserver la possibilité pour la DGCCRF d'exonérer des entreprises de l'encadrement des promotions, sans alourdir le dispositif déjà existant par une inscription au niveau de la loi ( COM-2 ) ;
- simplifier le dispositif proposé de clause de révision des prix ( COM-3 ) ;
- modifier le titre de la proposition de loi ( COM-4 ).
La proposition de loi n° 138 (2019-2020) modifiant la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous afin de préserver l'activité des entreprises alimentaires françaises est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission. |