PROGRAMME 203
« INFRASTRUCTURES ET SERVICES DE
TRANSPORTS »
Depuis deux ans, de nombreux travaux ont été conduits, notamment dans le cadre des Assises de la mobilité , pour repenser la politique des transports de notre pays, laquelle avait donné lieu dans les vingt années précédentes à un certain nombre de dérives, en particulier la dégradation des grands réseaux structurants (routier, ferré, fluvial) indispensables aux transports du quotidien.
Ces travaux ont débouché sur le projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), auquel est pour la première fois annexée une programmation financière pluriannuelle des infrastructures de transports qu'avait réclamée le groupe de travail constitué par notre commission des finances sur le financement des infrastructures de transport dans son rapport d'information « Infrastructures de transport : sélectionner rigoureusement, financer durablement » 1 ( * ) présenté en septembre 2016.
Cette programmation financière, qui porte sur la période 2018-2027, permet à notre pays de disposer enfin d'une feuille de route validée par le Parlement dans un domaine stratégique pour notre avenir, même si elle est loin de répondre à tous les défis de la mobilité au XXI e siècle.
Alors que les engagements financiers du Gouvernement pour 2019 n'ont pas été respectés, 2020 constituera la première année de mise en oeuvre de cette programmation financière postérieure à la promulgation de la LOM.
Le Parlement devra donc veiller à ce que celle-ci soit pleinement respectée .
I. LE PROJET DE LOI D'ORIENTATION DES MOBILITÉS (LOM) PRÉVOIT D'AUGMENTER DE 40 % LE BUDGET CONSACRÉ AUX INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT SUR LA PÉRIODE 2018-2022
Le financement par l'État des infrastructures de transports repose largement sur une agence , l'AFITF , celui des services de transports étant pour sa part porté par le programme 203 « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».
Adopter une programmation financière pluriannuelle des infrastructures de transports crédible consiste donc avant tout à déterminer le montant du budget de l'AFITF pour les années à venir et à identifier les recettes qui lui permettront de le financer.
L'Agence de financement des infrastructures de
transport de France
L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) est un établissement public administratif de l'État créé en 2004 2 ( * ) dont la tutelle est assurée par la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) . Elle est administrée par un conseil d'administration composé de douze membres comprenant six représentants de l'État, un député, un sénateur, trois élus locaux et une personnalité qualifiée. Elle est présidée depuis avril 2018 par le maire d'Angers Christophe Béchu. Mais elle dépend entièrement pour son fonctionnement de la DGITM . Ainsi que le reconnaît elle-même l'AFITF, elle est « un opérateur transparent » 3 ( * ) , une simple caisse de financement dont les décisions engagent directement l'État . Comme le rappelle le projet annuel de performances pour 2019, « à partir de 2006, notamment à la suite de l'extension de son domaine d'intervention au financement des contrats de projets État-régions , l'AFITF est devenue l'acteur privilégié du financement de l'ensemble des infrastructures de transport (hors domaine aérien). Son champ d'intervention ne se limite donc pas aux grands projets d'infrastructures d'intérêt national , mais inclut les dépenses de modernisation , de gros entretien et de régénération des réseaux , et, pour les transports collectifs de personnes, les projets portés par les communautés d'agglomération ». Pour assurer son financement, l'AFITF bénéficie de taxes qui lui sont affectées par l'État ( cf. infra ), à qui elle reverse ensuite les deux tiers de son budget sous forme de fonds de concours, en ayant préalablement « fléché » les sommes ainsi reversées vers des projets précis (routes, ferroviaires, fluvial, etc.). Elle favorise ainsi le report modal , en contribuant avant tout au financement d'infrastructures ferroviaires et fluviales grâce à des ressources provenant du secteur routier . Source : commission des finances du Sénat |
A. 13,4 MILLIARDS D'EUROS POUR LA PÉRIODE 2018-2022 PUIS 14,3 MILLIARDS D'EUROS POUR LA PÉRIODE 2023-2027 POUR LES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT
La programmation financière pluriannuelle annexée au projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) fixe pour la première fois la trajectoire des investissements en matière d'infrastructures de transport pour les 10 ans à venir .
Une programmation financière préparée par le Conseil d'orientation des infrastructures de transport (COI) Dans le cadre de la préparation du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM), le Gouvernement a confié à un Conseil d'orientation des infrastructures de transport (COI) présidé par l'ancien député Philippe Duron, la mission de lui proposer une programmation pluriannuelle des infrastructures de transports crédible et financée . Le COI a rendu le 1 er février 2018 à la ministre des transports son rapport intitulé « Mobilités du quotidien : répondre aux urgences et préparer l'avenir », dans lequel il proposait trois scénarios de programmation financière pour les infrastructures de transport en se projetant sur une période de 20 ans , c'est-à-dire jusqu'en 2037 . Il s'agissait de rétablir la soutenabilité du budget de l'AFITF mais également d'affirmer des priorités stratégiques , en dépit des nombreux engagements financiers pris par le passé et qui continueront longtemps à peser sur les comptes de l'agence (ce sera le cas, notamment, du financement des lignes LGV mises en service ces dernières années). Le scénario n° 2 du COI, qui avait clairement la préférence de ses membres, mobilisait environ 60 milliards d'euros pour l'AFITF au cours des vingt prochaines années. Il portait les dépenses de l'agence à 3,0 milliards d'euros par an dès 2019, soit 55 % de plus que la moyenne de la période 2012-2016 . Il nécessitait de dégager 600 millions d'euros de recettes supplémentaires pour le secteur des transports tous les ans. Selon le COI, ce scénario permettait de passer enfin à la vitesse supérieure en matière de restauration et de modernisation des réseaux existants et de débuter un certain nombre de grands projets de LGV en commençant par les noeuds ferroviaires , dont la réduction de la saturation est également utile aux transports du quotidien. Source : commission des finances, d'après le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures de transport du 1 er février 2018 |
Cette programmation prévoit que l'AFITF sera dotée de 13,4 milliards d'euros sur la période 2018-2022 pour investir dans les infrastructures de transport, soit un peu moins de 2,7 milliard d'euros par an , puis de 14,3 milliards d'euros sur la période 2023-2027, soit un peu moins de 2,9 milliards d'euros par an .
Il apparaît que le scénario du Conseil d'orientation des infrastructures de transport (COI) dont se rapproche le plus la programmation financière retenue par le Gouvernement est le scénario n° 2 qui prévoyait 60 milliards d'investissements en vingt ans, soit 15 milliards d'euros d'investissements sur la période 2018-2022 .
Manqueront néanmoins 1,6 milliard d'euros pour atteindre ce scénario, ce qui a suscité des déceptions légitimes.
Les montants prévus par la LOM sont toutefois nettement supérieurs à ceux dont a effectivement bénéficié l'AFITF sur la période 2013-2017, à savoir 9,5 milliards d'euros .
Les 13,4 milliards d'euros pour la période 2018-2022 correspondent de fait à un effort financier très significatif de la part de l'État , puisqu'ils représenteront une hausse de 40 % des crédits qu'il consacrera aux infrastructures de transport .
Sur cette somme, 3,4 milliards d'euros devraient venir financer de grands projets déjà engagés, voire même déjà mis en service (c'est le cas des quatre LGV mises en service en 2016 et en 2017). 3,1 milliards d'euros seront destinés à la régénération des réseaux existants , 4,0 milliards d'euros au financement des contrats de projet État-Régions (CPER) et 1,7 milliard d'euros au renouvellement du matériel roulant des trains d'équilibre du territoire (TET).
En ce qui concerne la répartition de ces crédits par modes de transport, on constate que 51 % des 13,4 milliards d'euros devraient être consacrés au rail , 38 % au routier , 6 % au fluvial et au portuaire et 5 % aux autres formes de mobilité .
Les cinq priorités prévues par le projet de loi d'orientation des mobilités Le rapport annexé au projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) prévoit que les investissements portés par l'AFITF, mais également par le budget du programme 203 et par les opérateurs publics tels que Voies navigables de France (VNF) ou SNCF Réseau, se concentreront au cours des vingt années à venir sur cinq grandes priorités . La première d'entre elles consiste à mieux entretenir et à moderniser les réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux existants , dont l'état s'était considérablement dégradé . Le réseau routier national non concédé devrait ainsi bénéficier de 31 % de moyens supplémentaires sur la décennie 2018-2027 par rapport à la décennie précédente. 3,6 milliards d'euros par an devraient être investis par SNCF Réseau sur le réseau ferroviaire existant au cours des dix prochaines années, ce qui représente une hausse de + 50 % par rapport à la décennie précédente . L'AFITF verserait 30 millions d'euros supplémentaires par an à Voies navigables de France (VNF) jusqu'en 2022 puis 60 millions d'euros supplémentaires par an à compter de 2023 en faveur du réseau fluvial. La deuxième priorité consiste à désaturer les grands noeuds ferroviaire , ce qui permet à la fois d'améliorer le fonctionnement des services ferroviaires du quotidien (RER, TER) mais également de rendre plus crédible la perspective d'une réalisation de certaines grandes lignes LGV , en particulier la liaison Bordeaux-Toulouse. Il est prévu que 2,6 milliards d'euros pourraient être consacrés à cette priorité dans les dix ans à venir par l'État, SNCF Réseau et les collectivités territoriales, la part de l'État s'élevant à 1,3 milliard d'euros via l'AFITF. La troisième priorité est le désenclavement routier des villes moyennes et des territoires ruraux . Cette priorité se matérialiserait notamment par la réalisation d'une vingtaine d'opérations de désenclavement routier au sein des contrats de plan État-Région (CPER), pour un montant de 1 milliard d'euros sur dix ans . Le développement des mobilités propres (transports en commun, vélo, marche à pied, etc.) constitue la quatrième priorité portée par la LOM. Il est notamment prévu de lancer plusieurs appels à projets qui pourraient représenter environ 1,2 milliard d'euros sur dix ans. Enfin, la dernière priorité annoncée est celle du rééquilibrage du transport de marchandise de la route vers le train et le transport fluvial , qui s'accompagne nécessairement d 'un meilleur aménagement des ports et de leur hinterland . Les crédits consacrés à cette politique par l'État représenteraient 1 milliard d'euros au cours du quinquennat et 2,3 milliards d'euros sur 10 ans. Source : commission des finances, d'après le rapport annexé au projet de loi d'orientation des mobilités (LOM) |
* 1 Rapport d'information n° 858 (2015-2016) du 28 septembre 2016 de Vincent Capo-Canellas, Yvon Collin, Marie-Hélène des Esgaulx, Thierry Foucaud, Roger Karoutchi, Fabienne Keller, François Patriat et Daniel Raoul, fait au nom de la commission des finances.
* 2 Par le décret n° 2004-1317 du 26 novembre 2004.
* 3 AFITF, Rapport d'activité 2015, octobre 2016.