EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 13 novembre 2019, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi portant diverses mesures tendant à réguler « l'hyper-fréquentation » dans les sites naturels et culturels patrimoniaux.
M. Hervé Maurey , président . - Nous commençons notre réunion par l'examen de la proposition de loi tendant à réguler « l'hyper-fréquentation » dans les sites naturels et culturels patrimoniaux, dont l'examen aura lieu en séance publique jeudi 21 novembre prochain à 9 heures, dans le cadre de l'espace réservé au groupe Les Indépendants.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - Je remercie tout d'abord le président de m'avoir exceptionnellement permis d'être rapporteur d'une proposition de loi dont je suis le premier signataire.
Rapporter une proposition de loi que l'on a soi-même écrite est un exercice original, mais je me suis efforcé de pleinement « jouer le jeu ». J'ai souhaité, en tant que rapporteur, aborder ce texte avec le plus de neutralité possible, avec esprit critique et rigueur, en étant ouvert à toutes les remarques et difficultés qui ont pu être portées à mon attention lors de mes travaux.
Je remercie et salue notre nouveau collègue Hervé Gillé, qui a assisté à la dizaine d'auditions que j'ai menées. Nous avons pu échanger et travailler en bonne intelligence. Au-delà de mes auditions, j'ai également souhaité travailler avec la commission des lois, dans la mesure où le sujet de la proposition de loi entre également dans le champ de ses compétences. J'ai pu échanger avec le président Philippe Bas sur ce texte et sur les modifications que je vous proposerai d'y apporter, qui rejoignent pleinement son analyse.
J'en viens maintenant au fond.
Ce texte parle d'un sujet qu'un certain nombre d'entre nous connaissent déjà : l'hyper-fréquentation touristique dont certains sites naturels et culturels patrimoniaux font l'objet et les dommages que celle-ci peut causer sur l'environnement. Si l'attractivité de nos territoires est un enjeu important, à l'inverse, les raisons pour lesquelles certains sites bénéficient d'une protection particulière peuvent parfois être menacées par une fréquentation touristique trop abondante. C'est d'ailleurs dans ce cadre-là que j'ai été sollicité par des gestionnaires de sites, comme les parcs nationaux, et que j'ai été amené à déposer ce texte. Nous avons tous en tête les incidents de cet été dans le massif du Mont-Blanc : un touriste est notamment monté au sommet avec un rameur, qu'il a ensuite abandonné sur place. L'extravagance va vraiment très loin...
Voici quelques chiffres pour vous convaincre.
Au pic de la saison touristique au mois d'août, on dénombre près de 7 000 touristes par jour qui se pressent sur les 7 kilomètres de long et 3 kilomètres de large de la petite île de Porquerolles, dans le Var, 800 000 visiteurs par an dans les gorges du Verdon, 16 000 touristes par jour, l'été, sur la dune du Pilat en Gironde, site classé au titre de la loi de 1930 et faisant l'objet d'une « Opération Grand site » (OGS), 49 navires commerciaux faisant des navettes sur la zone de la réserve de Scandola en Corse, jusqu'à 30 000 touristes par jour sur le Mont-Saint-Michel. Et que dire de la baie de Somme, chère à mon coeur ? Certains sites protégés sont bel et bien « saturés ».
Lorsque l'on parle d'hyper-fréquentation, on parle du dépassement de la capacité d'accueil. Cette notion n'est pas forcément simple à apprécier dans le cas d'espaces naturels ; c'est plus simple pour un musée par exemple. Ce qui est sûr, c'est que la forte fréquentation de certains sites tend également à en changer la « nature ». Toutes les personnes que j'ai entendues en ont parlé. Le maire de Saint-Gervais-les-Bains parle du phénomène de « l'unique venue » : cela concerne des touristes qui ne reviendront jamais, qui souhaitent simplement prendre une photo - un selfie - pour la mettre sur les réseaux sociaux et qui ne respectent pas les sites. On ne va plus visiter le site pour ce qu'il est, mais pour ce qu'il dit de nous, parce qu'il nous met en valeur.
Ces nouveaux comportements peuvent avoir sur l'environnement des conséquences importantes : destruction de la faune et de la flore, augmentation des déchets et de leur dispersion, impacts sur la biodiversité, notamment marine, sur la qualité paysagère des sites, etc. Sans parler de l'impact négatif que cette hyper-fréquentation peut avoir sur le tourisme lui-même, en portant atteinte à l'attractivité du territoire.
C'est ce constat qui a amené un grand nombre d'élus et de gestionnaires de sites naturels à se poser la question d'un renforcement des outils à la disposition des maires pour remédier à ces difficultés. Car si des outils existent déjà aujourd'hui, ils présentent certaines limites.
Vous le savez, mes chers collègues, nous avons en France, un principe ancré de longue date, sur lequel il ne paraît pas souhaitable de revenir : celui d'un accès libre et gratuit à nos espaces naturels. Malgré cela, des outils de protection existent pour certains sites, eu égard à leurs caractéristiques écologiques ou culturelles patrimoniales.
Les régimes de protection qui existent sont nombreux ; force est de constater qu'ils n'offrent pas tous le même niveau de protection, ni le même niveau de contraintes réglementaires. Certains espaces sont ainsi protégés au titre d'une convention internationale : c'est le cas des zones humides via la convention Ramsar. Certains espaces bénéficient d'une protection dite « conventionnelle », comme les conventions de gestion de sites appartenant à l'État, les sites Natura 2000, les espaces faisant l'objet d'une OGS ou encore les parcs naturels régionaux.
Certains sites sont directement protégés par voie contractuelle et d'autres, de manière très générale, par la loi, par exemple la loi Littoral ou la loi Montagne.
Le Conservatoire du littoral dispose d'outils de protection via une politique d'acquisitions de terrains. Il établit, par exemple, des plans de gestion, en concertation avec le gestionnaire et les communes concernées, qui peuvent comporter des recommandations visant à restreindre l'accès du public et les usages des immeubles du site. À chaque conseil d'administration, il est amené à prendre des décisions par rapport à des demandes de participation sur les terrains qu'il gère, notamment les hyper-trails .
Enfin, certains sites bénéficient d'une protection réglementaire qui peut prendre des formes diverses. Les préfets peuvent ainsi prendre des arrêtés de protection de biotope (APB) pour protéger les habitats naturels. Les parcs nationaux, les parcs naturels marins, les réserves naturelles régionales et nationales ou encore les sites classés et les sites inscrits constituent également des exemples de protections réglementaires plus ou moins fortes dont peuvent bénéficier certains espaces.
Dans le coeur des parcs nationaux, le directeur de l'établissement public exerce les compétences attribuées au maire en matière de police de la circulation et du stationnement hors agglomération, la police des chemins ruraux, la police des cours d'eau, la police de destruction des animaux d'espèces non domestiques, la police des chiens et chats errants. La charte du parc, validée par décret en Conseil d'État après consultation de l'ensemble des acteurs du territoire, contribue également à la régulation de la fréquentation.
Pour les réserves naturelles nationales, l'acte de classement en réserve peut fermer et réglementer l'accès ou définir un zonage plus restrictif. Il peut également réglementer les activités, les manifestations sportives, etc. C'est également le cas pour les réserves naturelles régionales. En revanche, dans les sites classés, le classement du site ne permet pas de gérer les usages ou les comportements inadaptés.
Il existe un grand nombre de polices spéciales de la nature visant à assurer la préservation des espaces naturels et des espèces de la faune et de la flore sauvages, le plus souvent exercées sous l'autorité du préfet en ce qui concerne leur volet administratif.
Au-delà de ces outils juridiques, la plupart des acteurs que nous avons entendus ont mis en avant l'importance des solutions pragmatiques passant par l'aménagement du territoire dans le cadre de « projets de territoire ». On nous a exposé en audition l'exemple d'Étretat, où le réseau des Grands sites de France a permis de mettre autour de la table tous les acteurs concernés afin de trouver des solutions permettant de préserver le site du phénomène de « l'hyper-fréquentation » : recul des parkings en dehors de la ville, mobilités douces, mise en place d'une déviation, etc.
Ces outils d'aménagement du territoire ne règlent cependant pas tous les problèmes. Des limites se font sentir. Ainsi, il n'existe pas de régime général d'accès aux espaces naturels et toutes les réglementations qui existent ne permettent pas forcément d'agir sur les usages. Le Mont-Blanc par exemple, qui n'est pas un parc national, mais un site classé Unesco, bénéficie d'une forte reconnaissance, mais la réglementation que les maires peuvent mettre en oeuvre à ce titre est très limitée. La montagne est un espace libre, que l'on a du mal à réglementer.
J'en viens au dispositif de la proposition de loi. Il était très large. Je sais que cela a pu inquiéter. J'ai été la victime consentante de l'enthousiasme des juristes avec lesquels j'ai travaillé. Nous avons d'abord pensé, avec quelques acteurs concernés, qu'il convenait de passer par un élargissement des pouvoirs de police administrative générale du maire à la protection de l'environnement.
Cette solution, qui mériterait d'être approfondie et travaillée, ne serait-ce que parce qu'elle reviendrait à mon sens à tirer les conséquences des dispositions constitutionnelles de la Charte de l'environnement, est en réalité beaucoup plus large que l'objectif visé par le titre de la proposition de loi, qui est de permettre aux maires de réglementer l'hyper-fréquentation des zones touristiques aux fins de préservation de l'environnement. Selon le directeur des patrimoines du ministère de la culture, une question prioritaire de constitutionnalité pourrait permettre d'affirmer que la Charte de l'environnement est à même de créer un ordre public tiré de l'environnement.
En outre, au cours de mes auditions, un certain nombre d'acteurs m'ont alerté sur les conséquences non maîtrisées d'une telle évolution.
En effet, modifier le pouvoir de police général du maire conduit aussi à lui confier une responsabilité nouvelle et à l'exposer à d'éventuelles poursuites en manquement s'il ne s'en sert pas. Je perçois l'inquiétude qui a été exprimée à cet égard. Ce risque paraît d'autant plus dommageable que le maire ne dispose pas, la plupart du temps, des moyens techniques, juridiques ou humains qui lui permettraient d'exercer effectivement ce nouveau pouvoir de police. Peut-être que cela pourrait se faire dans le cadre de l'intercommunalité.
En outre, alors qu'il existe déjà de nombreuses polices spéciales de la nature, une telle extension du pouvoir de police générale du maire pourrait poser des problèmes d'articulation avec les autorités disposant de pouvoirs de police équivalents.
Le maire lui-même dispose d'ailleurs déjà de pouvoirs en matière d'environnement, dans le cadre de son pouvoir de police générale, d'une part, en matière de pollutions de toute nature et de prévention des fléaux, dans le cadre de pouvoirs de police spéciale, d'autre part, par exemple en matière de déchets, de salubrité des ruisseaux et des rivières, de circulation des véhicules à moteur ou encore de santé publique.
Enfin, alors que la plupart des polices spéciales de la nature sont exercées par l'État, une mauvaise interprétation de ces dispositions pourrait laisser penser que les maires sont désormais compétents de manière générale en matière de protection de l'environnement. La délimitation précise de ce que recouvrirait cette nouvelle compétence serait complexe en ce qu'elle s'inscrirait en fait « en creux » de l'ensemble des polices spéciales déjà attribuées par le code de l'environnement à d'autres autorités.
Pour toutes ces raisons, je vous proposerai de recentrer la proposition de loi sur une extension du pouvoir de police spéciale du maire en matière de circulation des véhicules motorisés, qui existe déjà à l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales.
Au lieu de ne permettre que d'interdire les 4X4 sur certaines routes d'espaces naturels, cette modification permettrait au maire, par un arrêté motivé, de réglementer également la circulation des personnes - et non plus seulement des véhicules motorisés -, par exemple au sein d'espaces naturels hyperfréquences et fragiles, dont les milieux seraient menacés.
Cette solution présente l'avantage, d'une part, de ne pas conduire à des incompréhensions sur l'interprétation de ce nouveau pouvoir de police des maires, d'autre part, de limiter le risque de concurrence des polices spéciales.
Ce nouveau pouvoir doit être vu comme un outil venant compléter le panel d'outils qui existent déjà et le renvoi à un décret en Conseil d'État doit permettre de prévoir les consultations nécessaires avec les organes de gouvernance des espaces protégés concernés.
Telles sont, mes chers collègues, les modifications que je vous demanderai d'adopter sur cette proposition de loi dont l'objet est d'apporter une solution concrète aux élus se retrouvant démunis face à la sur-fréquentation de certains espaces naturels, qui sont des sites emblématiques.
M. Hervé Maurey , président . - Je salue le travail très intéressant du rapporteur qui a, dans sa sagesse, atténué la fougue de l'auteur de la proposition de loi.
M. Christophe Priou . - Chamfort disait : « Les raisonnables ont duré et les passionnés ont vécu. »
En France, les espaces naturels ne sont plus des sites sauvages depuis longtemps. Il n'est qu'à prendre l'exemple des marais salants dans ma région. Il faut noter le manque de moyens des parcs nationaux et du Conservatoire du littoral. La gratuité d'accès à ces sites finit par poser problème, soit pour les réhabiliter, soit pour canaliser cette fréquentation. Par ailleurs, avec l'avènement des intercommunalités, certains parcs nationaux ont du mal à trouver leur place. Je trouve que l'on ne va pas assez loin. On va nous reprocher d'interdire sans donner les moyens de faire vivre ces espaces, souvent façonnés par les usages et la main de l'homme.
M. Cyril Pellevat . - Le rapporteur a évoqué la situation du Mont-Blanc, où les abus et les accidents se multiplient ces dernières années. Sous l'impulsion du maire de Saint-Gervais-les-Bains, les élus ont travaillé avec le préfet et une brigade blanche a notamment été mise en place. Pour protéger et sécuriser, il faut prévoir un dispositif législatif. Ce texte y répond. C'est la raison pour laquelle je soutiens cette proposition de loi.
M. Guillaume Gontard . -Ce texte est le bienvenu et je l'aurais volontiers signé, si le temps ne m'avait pas manqué. Souvent, face à cette sur-fréquentation, les élus sont démunis.
Je formulerai une remarque sur les critères de régulation et la méfiance que susciterait un accès payant. On crée une distorsion entre ceux qui pourraient accéder à ces sites et ceux qui ne le pourraient pas. Il vaut mieux une régulation par inscription ou par interdiction intermittente. Par ailleurs, il faut réfléchir à une politique de prévention et d'accompagnement des collectivités vers un tourisme responsable et durable. Cela pourrait d'ailleurs devenir une mission de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).
L'État ne peut pas se désengager complètement de cette question : le préfet doit aussi pouvoir intervenir. Cela pose la question des moyens donnés à l'Office français de la biodiversité (OFB), notamment au regard de la baisse des personnels engagée.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Dans la Sarthe, il n'y a pas de problème d'hyper-fréquentation touristique ! On pourrait inciter les visiteurs du Mont-Blanc ou de la baie de Somme à venir manger des rillettes...
La question de l'hyper-fréquentation pose aussi le problème du patrimoine immobilier touristique. La gratuité joue un rôle extrêmement important dans ce cadre-là. Il faudrait peut-être prendre exemple sur la protection des monuments historiques. On pourrait ainsi créer des sites patrimoniaux remarquables environnementaux qui copieraient un peu l'organisation de protection qui existe pour les sites patrimoniaux remarquables.
Dans le cadre d'un site patrimonial remarquable, les communes savent parfaitement comment cela fonctionne, alors que ce n'est pas le cas pour un parc national, régional ou autre. Il y a là une réflexion à mener.
Mme Pascale Bories . - Je félicite le rapporteur de cette proposition de loi. Notre département compte plusieurs sites, notamment le site remarquable du pont du Gard qui bénéficie de mesures pour limiter les entrées et réguler la population.
J'ai en mémoire la proposition de loi tendant à renforcer l'encadrement des rave-parties dont je suis l'auteur et qui a été récemment débattue. À cette occasion, j'ai entendu que c'était un texte liberticide. Pourtant, il va dans le sens de ce que vous demandez, monsieur le rapporteur, à savoir réglementer et donner aux élus des moyens d'intervenir pour préserver la biodiversité et les espaces naturels.
Peut-être n'y a-t-il pas de communication en amont à destination des populations concernées : ravers , sportifs, randonneurs, curieux qui viennent faire un selfie . L'objectif est le même : préserver tous les espaces, qu'ils soient répertoriés ou non, disposant d'une biodiversité.
M. Guillaume Chevrollier . - La proposition de loi soulève une vraie question, celle de l'hyper-fréquentation des sites naturels et culturels patrimoniaux, au regard de l'impact sur l'environnement, de l'évolution du comportement de certains touristes ou de la massification du tourisme.
Je fais écho aux propos de mon collègue de la Sarthe et invite à mon tour les touristes à sortir des sentiers battus. Il faut à la fois sensibiliser sur les méfaits de l'hyper-fréquentation et ouvrir les touristes à d'autres horizons. En effet, dans les territoires qui ne manquent pas d'atouts touristiques, on mène des actions pour attirer davantage de touristes.
Ce texte met-il en oeuvre des moyens qui répondent à la situation constatée ?
Le pouvoir de police confiée au maire en cette matière n'est-il pas une charge et une responsabilité supplémentaires pour les élus locaux, alors que d'autres acteurs, notamment l'Office français de la biodiversité, peuvent agir en matière de préservation de l'environnement ? Il s'agit de ne pas alourdir les responsabilités des élus.
M. Pascal Martin . - Le projet d'Opération Grand Site d'Étretat est assez emblématique - la ville compte 1 000 habitants, mais accueille plus d'un million de visiteurs chaque année - : il s'agit de rassembler treize communes, le conseil départemental assurant la maîtrise d'ouvrage. Mme le maire d'Étretat se sent démunie face aux problématiques de stationnement et de circulation, d'autant que celles-ci débordent sur les communes voisines. Se pose aussi le problème de la surpêche de l'estran.
Certes, le renforcement des pouvoirs de police qui sont confiés aux maires accroîtra la responsabilité qui pèse sur les épaules de ces derniers, mais il faut aussi évoquer la problématique des propriétaires des terrains.
Je défends et soutiens cette démarche pour essayer de proposer une économie touristique durable et respectueuse des habitants des sites, qui vivent difficilement l'arrivée massive de touristes tout au long de l'année.
M. Jean-Marc Boyer . - Je salue la passion du rapporteur sur ce dossier, qui nous permet de prendre conscience des difficultés liées aux différents classements envisagés partout sur notre territoire.
Sur-classement, sur-protection et hyper-fréquentation : tout cela a des conséquences en termes de sécurité et de conciliation des usages. Le problème de la dégradation se pose aussi. Ne sommes-nous pas dans un cercle vicieux où l'on va à l'encontre de l'objectif visé, à savoir la protection et la préservation des sites et de la biodiversité ?
M. Hervé Gillé . - L'évolution de ce texte vers le renforcement d'une police spéciale me semble aller dans le bon sens.
Restent quelques points qu'il faudrait approfondir. Il est important de travailler sur ce sujet dans le cadre d'un projet de territoire. Il faut éviter en effet que ces prises de décision soient trop isolées : elles doivent s'inscrire d'une manière collective et consensuelle avec l'ensemble des parties prenantes pour parvenir à un équilibre. C'est cet équilibre qui fondera le maire à prendre sa décision dans le cadre de l'extension du pouvoir réglementaire.
Ce texte nous permet néanmoins de progresser sur un aspect réglementaire autour de la notion environnementale et d'aller au-delà de l'approche purement logistique sur les véhicules à moteur. Souvent, dans un certain nombre de sites, la réglementation des accès se fait seulement au niveau des parkings ! On parle de gratuité, alors que tous les accès sont payants : parkings et moyens de déplacement. C'est notamment le cas de Cauterets.
Il y a parfois des paradoxes sur lesquels il faut réfléchir.
M. Éric Gold . - Ce texte élargit les pouvoirs du maire et lui donne aussi des responsabilités nouvelles et souvent difficiles à assumer, notamment dans les communes les plus petites. Les sites remarquables se trouvent souvent sur plusieurs communes : j'insiste à nouveau sur le fait qu'il faut un partage des problématiques à l'échelon de l'intercommunalité, du parc, du département, de l'État. L'assermentation des garde-nature dans les parcs peut être un outil parallèle important. Or, sur cette question, on attend depuis quatre ans la parution d'un décret.
M. Pierre Médevielle . - Pour les sites moins protégés, il faut des actions de pédagogie et d'éducation à destination des touristes, notamment pour leur expliquer les dangers de l'hyper-fréquentation. Sur les aires marines, avec des smartphones, les touristes peuvent avoir directement accès à la réglementation locale. Ils peuvent comprendre les dangers liés au tourisme de masse dans certains endroits.
Pour mener ces actions, il faut arriver à dégager une ressource. Ainsi, sur l'île de Ré, il y a une taxe sur les voitures.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - Je prends bonne note de vos contributions riches. Elles sont relativement convergentes, notamment en ce qui concerne le rétrécissement du champ de la proposition de loi, en la focalisant sur l'élargissement du pouvoir de police spéciale du maire qui existe déjà. Tout cela va dans le bon sens. Ce texte est une étape.
Cent millions de visiteurs, dont 10 millions au Louvre : c'est la revendication des pouvoirs publics. La sur-fréquentation du Louvre pose également des problèmes à l'intérieur comme à l'extérieur de l'édifice.
Au-delà de l'appétence culturelle, il y a des enjeux économiques, notamment dans le secteur de l'hôtellerie. L'activité touristique permet de réaliser des travaux, de moderniser, de créer notamment des postes de guide. La question qui se pose est celle de l'équilibre. Comment régule-t-on ? L'appellation de cette commission montre que deux ambitions nous animent : l'aménagement du territoire et l'environnement. L'un est au service de l'autre : sans aménagement, pas de protection.
Cent millions de visiteurs : c'est un défi considérable. Il ne faut pas que ce soit contreproductif et que cela abîme notre pays. Le cas du Mont-Blanc est quasi caricatural.
Il ne faut pas fermer les yeux sur ces problèmes. Il est probable que la commission aura à se ressaisir de ce sujet à l'avenir. Si le tourisme est du ressort de la commission des affaires économiques, nous avons une sensibilité particulière à cause de l'aménagement du territoire et de notre responsabilité en matière d'environnement.
J'ai été pendant vingt ans maire d'une commune de 130 habitants. Je sais ce que signifie le manque de moyens et je connais les difficultés d'un maire à qui l'on donne des pouvoirs de police, mais qui n'a même pas de garde-champêtre. Si l'on veut une économie touristique, il faut lui donner les moyens juridiques et matériels.
J'ai réuni tous les sites Ramsar de France la semaine dernière dans le cadre de l'association Ramsar France : nous étions 200, alors que nous n'étions que 20 il y a dix ans.
L'environnement et l'aménagement du territoire doivent s'articuler.
EXAMEN DES ARTICLES
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-13 est central. Il vise à compléter l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales en permettant au maire de réglementer l'accès et la circulation des personnes.
Son adoption permettra de compléter une partie du dispositif susceptible d'aider les maires dans les endroits de crise, tout en respectant les libertés publiques. Le décret en Conseil d'État doit préciser les modalités de consultation des différentes parties prenantes du territoire concerné.
M. Patrick Chaize . - Je remercie le rapporteur d'avoir remis à plat son texte initial.
Je veux revenir sur l'inquiétude des maires à assumer cette responsabilité nouvelle dans le cadre de leurs missions. Sur le plan juridique et constitutionnel, il me semble nécessaire d'avoir une expertise plus approfondie de la proposition qui nous est faite. Une incohérence ou un manque de conformité apparaît entre l'exposé des motifs et le texte dans la rédaction proposée par le rapporteur. J'avoue en être assez gêné.
La question de la définition de l'hyper-fréquentation se pose. Dans quelles conditions ce texte pourra-t-il s'appliquer ? Je ne trouve pas les réponses à ce stade de la discussion.
Le groupe LR s'abstiendra sur ce texte, sans le bloquer pour autant au stade de son examen en commission. Il nous faut le temps du débat en séance publique pour prendre une position définitive.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - Sur la constitutionnalité du texte, je répète avoir travaillé en lien avec la commission des lois.
Par ailleurs, l'Association des maires de France (AMF) était dans un premier temps très réservée à l'égard du texte, même négative. La version d'aujourd'hui a reçu un avis favorable de sa part, puisque cela correspond à ses attentes.
Sur l'incohérence entre l'exposé des motifs et le texte dans sa rédaction actuelle, je ne peux malheureusement pas amender l'exposé des motifs, mais ce que je dirai en séance publique fera office de correction et figurera au Journal officiel . Le texte est déposé en l'état, je ne peux pas le modifier, il faudrait que j'y renonce et en dépose un autre.
En effet, il n'y a pas de définition de l'hyper-fréquentation. L'hyper-fréquentation, c'est le cri d'alerte que lancent les organismes concernés, qui demandent des moyens. En plus des moyens matériels et de police, il existe des moyens juridiques. En l'état, un maire ne peut interdire à une personne l'accès d'un site naturel, car il appartient à la nation et que cela s'oppose au principe de liberté publique, alors qu'il peut le faire pour un véhicule. Il s'agit de permettre de réguler l'accès pour éviter la sur-fréquentation. C'est un devoir pour la protection du site.
Je reconnais que vos interrogations sont légitimes.
M. Cyril Pellevat . - Je voterai cette proposition de loi.
L'amendement COM-13 est adopté.
L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-14 est un amendement de cohérence, qui vise à supprimer l'article 2.
L'amendement COM-14 est adopté et l'article 2 est supprimé.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-15 est un amendement de cohérence, qui vise à supprimer l'article 3.
L'amendement COM-15 est adopté et l'article 3 est supprimé.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-16 est un amendement de cohérence, qui vise à supprimer l'article 4.
L'amendement COM-16 est adopté et l'article 4 est supprimé.
Articles additionnels après l'article 4
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-1 porte sur l'avis des collectivités territoriales concernées par le commissaire-enquêteur.
En vertu des dispositions de l'article L. 341-3 du code de l'environnement, les projets de classement de sites, tout comme les projets de création de parcs nationaux ou encore les projets de classement en réserve naturelle, font l'objet d'une enquête publique environnementale en application de l'article L. 123-1 du code de l'environnement.
L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement. Elle permet à toute personne de prendre connaissance du projet afin d'être à même de présenter ses appréciations et suggestions sur ce dossier. Un commissaire enquêteur est désigné à cet effet.
Il s'agit de prévoir que, pour tout projet d'inscription sur la liste départementale des monuments et pour tout projet de classement, le commissaire enquêteur sollicite l'avis des collectivités concernées et que cet avis est réputé favorable dans un délai de deux mois. Cet ajout, qui semble de bon sens, ajoute de la complexité à une procédure déjà complexe et longue. En outre, il semble que les collectivités soient déjà aujourd'hui consultées dans les faits.
L'article L. 123-13 prévoit déjà que le commissaire enquêteur mène l'enquête de manière à pouvoir présenter au public l'information la plus complète possible. Il peut ainsi d'ores et déjà entendre toutes les personnes qu'il juge utile. Il est très fréquent qu'un commissaire enquêteur estime nécessaire de prendre contact avec les élus concernés. Je propose un avis défavorable.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - Je propose de rejeter l'amendement COM-2 à ce stade et d'inviter son auteur à le redéposer afin que nous puissions en discuter en séance publique. À mon sens, il est déjà satisfait.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-3 me paraît un peu extravagant. Si une commune veut être exclue du périmètre du territoire concerné par le label « Grand site de France », il lui suffit de ne plus assister aux réunions. Par ailleurs, le label est renouvelé tous les six ans. Il n'y a donc ni contrainte ni obligation. Je propose un avis défavorable.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-4 prévoit la présence de personnalités qualifiées en matière de tourisme au sein de la commission supérieure des sites et des commissions départementales. Qu'est-ce qu'une personne qualifiée en matière de tourisme ? Je propose un avis défavorable sur cet amendement, en attendant peut-être des explications en séance publique.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-5 prévoit l'interdiction par une collectivité territoriale à tout exploitant d'un service électronique de géolocaliser certains monuments ou sites. Cela paraît difficile à mettre en oeuvre. Imagine-t-on demander à Google de ne plus placer le Mont-Blanc sur ses cartes ? Ce serait curieux et compliqué !
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-6 vise à moduler la taxe due par tous les passagers de véhicules terrestres à moteur empruntant un ouvrage d'art pour se rendre sur une île ainsi que la taxe Barnier. Je propose un avis défavorable, mais le débat pourra avoir lieu en séance.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-7 vise à préciser que les plans départementaux des itinéraires de promenade et de randonnée doivent répondre aux principes du développement durable. Cela s'applique à toutes les collectivités et à toutes les politiques publiques, puisque c'est un engagement de l'État pris en 2015, appelé le Millenium Assessment , qui va jusqu'en 2030. Avis défavorable.
L'amendement COM-7 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-8 vise à donner au conseil départemental la possibilité d'interdire temporairement l'accès aux îles en cas de dépassement d'une capacité de charge maximale. Je comprends l'esprit de l'amendement. Beaucoup de sites commencent à réfléchir aujourd'hui à cette notion et c'est d'autant plus pertinent lorsque l'on parle d'une île. Néanmoins je propose de rejeter cet amendement à ce stade et d'avoir le débat en séance publique.
L'amendement COM-8 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-9 a trait aux missions du Centre des monuments nationaux. Je propose un avis défavorable, car cet amendement est à mon sens satisfait.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-10 vise à subordonner le classement des sites patrimoniaux remarquables à la mise en oeuvre d'un projet de préservation, de gestion et de mise en valeur du site, répondant aux principes du développement durable. Je pense que c'est déjà le cas, sinon cette idée me semble intéressante, car nous devons à la fois combiner aménagement du territoire et protection de l'environnement. Ayons le débat en séance. Je propose un avis défavorable à ce stade.
L'amendement COM-10 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-11 vise à créer une commission locale chargée du suivi du projet du Grand site de France. Une telle instance existe de fait. Tous les grands sites se réunissent à intervalles réguliers. Je ne vois pas pourquoi on ajouterait une commission de plus. Avis défavorable.
L'amendement COM-11 n'est pas adopté.
M. Jérôme Bignon , rapporteur . - L'amendement COM-12 vise à prévoir que les conventions passées entre les collectivités territoriales ou leurs groupements et les propriétaires de bois, parcs et espaces naturels incluent un volet évaluant les impacts d'une telle ouverture sur la nature et les limitant. Un problème de faisabilité technique se pose.
J'y serais peut-être plutôt favorable, mais je propose que nous ayons le débat en séance publique.
L'amendement COM-12 n'est pas adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.