N° 747
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 septembre 2019 |
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi visant à encourager l' adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux ,
Par Mme Dominique ESTROSI SASSONE,
Sénateur
Procédure de législation en commission,
en application de l'article 47 ter du Règlement
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, M. Jean-Claude Tissot . |
Voir les numéros :
Sénat : |
456 et 748 (2018-2019) |
La commission a examiné cette proposition de loi selon la procédure de législation en commission, en application de l'article 47 ter du Règlement.
En conséquence seuls sont recevables en séance, sur cette proposition de loi, les amendements visant à :
- assurer le respect de la Constitution,
- opérer une coordination avec une autre disposition du texte en discussion, avec d'autres textes en cours d'examen ou avec les textes en vigueur,
- procéder à la correction d'une erreur matérielle.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. UNE DEMANDE FORTE POUR UN ASSOUPLISSEMENT DES REGLES D'ELABORATION DES REGLEMENTS LOCAUX DE PUBLICITE INTERCOMMUNAUX
Déposée le 11 avril 2019 au Sénat , la proposition de loi n° 456 (2018-2019) de M. Serge BABARY et plusieurs de ses collègues visant à encourager l'adoption de règlements locaux de publicité intercommunaux rappelle à l'ordre du jour un sujet très attendu par les collectivités territoriales et les intercommunalités.
Ayant appliqué de bonne foi certaines procédures d'élaboration de règlements locaux de publicité intercommunaux (RLPi), documents de planification de la publicité, alors que la loi ne le prévoyait pas expressément, nombre de métropoles et d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) se trouvent aujourd'hui dans une situation de forte insécurité juridique, qui paralyse les procédures en cours.
De plus, ces collectivités ayant engagé la transformation de leur RLP en RLPi font face à des délais très serrés : la loi prévoit en effet que si aucun RLP répondant aux nouvelles dispositions législatives n'est adopté d'ici au 14 juillet 2020, tous les documents existants seront frappés de caducité, laissant les communes concernées face un vide réglementaire qui met en jeu la protection du cadre de vie urbain et les priverait de leur pouvoir de police en matière de publicité.
La caducité des RLP actuellement en vigueur et l'illégalité des RLPi élaborés seraient des sanctions disproportionnées pour ces collectivités. Les élus locaux ayant engagés d'importants efforts pour adopter un RLP intercommunal, mais qui risquent de ne pas tenir les délais très contraints imposés par la loi, doivent bénéficier d'une souplesse supplémentaire.
La présente proposition de loi vise en conséquence à remédier à cette situation, qui constitue un véritable obstacle à l'élaboration de documents de planification plus performants et partagés à l'échelle intercommunale.
A. LA SOLUTION À DES DIFFICULTÉS IDENTIFIÉES DE LONGUE DATE, APPORTEE DANS LA LOI ELAN, A ÉTÉ CENSURÉE EN TANT QUE CAVALIER LEGISLATIF
1. Les lourdes conséquences d'une articulation manquée entre la loi ENE, la loi ALUR et la loi égalité et citoyenneté
a) Une grande instabilité de la législation relative à la planification locale
L'origine des difficultés auxquelles les collectivités territoriales et les intercommunalités font aujourd'hui face est le manque d'articulation entre les dispositions législatives relatives à la planification locale, adoptées en rapide succession entre 2010 et 2017.
Tandis que la loi dite « ENE » n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, a prévu l'adossement de la compétence en matière de RLP à la compétence en matière de plan local d'urbanisme (PLU), la loi dite « ALUR » n°2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, a ensuite prévu le transfert automatique de la compétence en matière de PLU aux établissements publics de coopération intercommunale. Par ricochet, la grande majorité des intercommunalités a donc acquis compétence exclusive en matière de RLP.
En moins de quatre ans, les communes disposant d'un RLP ont donc successivement dû aligner les procédures d'élaboration des RLP avec celles applicables aux PLU, puis perdu la compétence en matière de RLP au profit des intercommunalités. De leur côté, les EPCI ont dû se saisir de cette compétence nouvellement acquise pour élaborer des RLP intercommunaux sur le fondement des procédures établies par la loi ENE. Il s'agit de transferts de compétences et d'évolutions procédurales profondes, lourdes de conséquence pour la vie des communes et des intercommunalités.
b) Des facilités offertes aux PLU intercommunaux, mais pas aux RLP
Pourtant, la loi n'a pas prévu de souplesses particulières visant à faciliter la transition vers des RLP intercommunaux, ou à accompagner les collectivités et EPCI dans ce changement.
Cela est d'autant plus étonnant que ces facilités avaient bien été offertes aux PLU intercommunaux (PLUi) par la loi dite « égalité et citoyenneté » n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté. Conscient des difficultés des EPCI, le législateur avait par exemple autorisé l'élaboration de plusieurs PLUi infra-communautaires au sein des EPCI de grande taille, ou encore permis aux EPCI nouvellement créés de mener à terme les procédures d'élaboration de PLU initiées auparavant par les communes membres. Ces mesures de bon sens, facteur de souplesse pour les intercommunalités et de sécurité juridique pour les communes, n'ont pas été étendues aux règlements locaux de publicité intercommunaux.
Cette situation est paradoxale, alors que les mêmes établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont responsables de l'élaboration des PLUi et des RLPi, et que la forme et le contenu des deux documents de planification sont très similaires.
De bonne foi, de nombreuses collectivités ont donc initié l'élaboration de RLPi selon des modalités que la loi n'avait en réalité pas expressément étendues aux RLP.
c) Des délais très contraignants pour effectuer la transition vers les règlements locaux intercommunaux
D'autre part, la loi ENE a prévu des délais très contraignants pour la transformation des anciens RLP communaux en RLP intercommunaux conformes aux nouvelles exigences législatives. En l'état du droit, la totalité des RLP communaux adoptés avant 2010 1 ( * ) seront frappés de caducité au 14 juillet 2020, si aucun RLPi n'est élaboré pour les remplacer.
Les EPCI font donc face à une échéance stricte, leur imposant d'adopter d'ici juillet prochain un nouveau RLPi, et ce alors même que certains viennent à peine d'acquérir la compétence en matière de RLP et doivent se familiariser avec ce nouvel outil.
2. La solution apportée par la loi ELAN, en réponse à l'inquiétude des collectivités et intercommunalités, a été censurée par le Conseil constitutionnel
Très rapidement après l'adoption des trois lois précitées, les intercommunalités ont pointé du doigt la difficulté à établir des documents intercommunaux dans les délais imposés, a fortiori lorsqu'il s'est avéré que les procédures qui avaient été lancées pour élaborer les nouveaux RLPi étaient exposées à une insécurité juridique forte.
Dans la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite « loi ELAN » , les députés ont introduit en première lecture deux articles additionnels visant à remédier à ces difficultés. Précisés lors de l'examen au Sénat, ces deux articles 52 et 53 ont été adoptés par les deux assemblées lors de la lecture définitive. 2 ( * )
Cependant, dans sa décision n°2018-772 DC du 15 novembre 2018, le Conseil constitutionnel, saisi sur la loi ELAN, a soulevé spontanément la non-conformité à la Constitution des articles 52 et 53, qu'il a censurés au motif qu'ils constituaient des « cavaliers législatifs » .
* 1 Plus précisément, avant la publication de la loi ENE.
* 2 Articles 14 bis et 14 ter lors de l'examen parlementaire.