B. DES RÉSULTATS INFÉRIEURS AUX ATTENTES
Dans le contexte actuel du suivi de la performance, les résultats obtenus apparaissent pour le moins mitigés.
S'il est bien vrai que l'utilité sociale des actions financées par la mission n'est pas toujours susceptible d'être restituée par des indicateurs ponctuels, à dimension exclusivement quantitative et dont les niveaux dépendent en partie de facteurs extérieurs à l'action des responsables de programme, les indicateurs suivis n'en témoignent pas moins que les objectifs fixés ne sont pas atteints.
1. Les indicateurs de performance du programme 307 semblent traduire les difficultés certaines rencontrées dans l'accomplissement des missions évoquées, notamment dans le domaine de la sécurité civile
Des dix sous-indicateurs du programme 307, huit révèlent des résultats inférieurs aux attentes et présentent un niveau préoccupant .
Les objectifs de performance du programme 307 et leurs indicateurs Objectif de performance n° 1 : Améliorer la prévention des crises Indicateurs : Taux d'établissement recevant du public soumis à obligation de contrôle visités par la commission de sécurité : 91,9 % ; Taux d'exercice de sécurité civile réalisés dans les délais règlementaires sur les sites soumis à plan particulier d'intervention : 81,8 % Taux de préfecture ayant réalisé au moins 4 exercices dans l'année : 65,3 % Objectif de performance n° 2 : Optimiser les conditions de délivrance de titres fiables et l'efficacité des services de délivrance des titres : Indicateurs : Taux de dossier de fraude documentaire détectés pour la carte nationale d'identité, le passeport, le permis de conduire et le certificat d'immatriculation et, pour les seules préfectures, pour les titres de séjour : 1,3 % Délais moyens de délivrance des titres : Part des passeports biométriques délivrés en 15 jours : 53,2 % Part des cartes nationales d'identité mises à disposition en 15 jours : 58,1 % Part des permis de conduire délivrés en 19 jours : 96,6 % Objectif de performance n ° 3 : Moderniser et rationaliser le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire Indicateurs : Taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture : 90,4 % Taux de contrôle des actes budgétaires des collectivités locales et des établissements publics : 60 % Taux d'actes transmis par le système @ctes : 60,5 % |
Votre rapporteur spécial souhaite tout particulièrement que les cibles des indicateurs relatifs à la sécurité civile , qui pourraient être enrichis pour tenir compte des nouvelles menaces, soient toutes atteintes.
Les explications données aux difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs fixés renvoient à des motifs difficilement palpables mais qui paraissent suggérer des problèmes sérieux de coordination des moyens de la sécurité civile et de niveaux des moyens disponibles.
Face aux fragilités de certains espaces mises en évidence par des événements tragiques, l'inadéquation des moyens et des objectifs évoquée au détour de l'information budgétaire doit susciter une réflexion d'ensemble sur une politique absolument nécessaire à la sécurité de nos compatriotes.
2. La mise en oeuvre du PPNG n'a pas tenu toutes ses « promesses » et s'est accompagnée d'une dégradation de l'accessibilité des services de délivrance des titres
Le Conseil constitutionnel a invalidé un article de la loi de finances pour 2019 prescrivant la remise d'un rapport sur le bilan du « plan préfecture nouvelle génération » résultant d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement et que le Sénat n'avait pas adopté pour des raisons principalement formelles.
Elles n'équivalaient pas à juger sans intérêt une initiative à laquelle le Gouvernement serait bien inspiré de donner une suite, par exemple dans le cadre de sa réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial en vue de l'examen du PLF 2020.
Au demeurant, quelques informations figuraient sur ce point dans les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial pour le projet de loi de finances de 2019.
Il en ressortait que si le volet « suppressions d'emplois » du PPNG avait pu être mis en oeuvre moyennant les réserves mentionnées plus haut, le volet « redéploiement des emplois » n'avait pu l'être totalement.
On rappelle que le PPNG portait sur 4 000 emplois du réseau dont la partie correspondant aux emplois non supprimés devait être réallouée des opérations de guichet correspondant à la délivrance des titres, désormais abandonnées, aux missions considérées comme prioritaires : la lutte contre la fraude documentaire, l'expertise juridique et le contrôle de légalité, la coordination territoriale et la sécurité.
Or, si globalement les guichets du réseau préfectoral ont bien été fermés aux usagers, les difficultés rencontrées de ce fait ont conduit à reporter la réaffectation des emplois ainsi libérés, les effectifs nécessaires devant en outre être recrutés et formés.
Au total, il était prévu, une fois armé le réseau des 58 centres d'expertise et de ressource titres (CERT) appelé à se substituer au réseau installé des préfectures et sous-préfectures dans la fonction de délivrance des titres, de positionner 603 emplois sur les priorités énoncées afin de porter les moyens consacrés à ces priorités de 2 391 ETP à 2 994 ETP à l'horizon 2020.
Les redéploiements encore à mettre en oeuvre à ce titre porteraient sur un peu plus de la moitié du plan.
Jusqu'à présent, l'augmentation des moyens correspondant aux priorités données au réseau aurait été principalement dirigée vers les préfectures (+ 173 ETP), les sous-préfectures bénéficiant de leur côté de 77 ETP supplémentaires. C'est dire que de nombreuses entités du réseau n'ont bénéficié d'aucun moyen supplémentaire.
En outre, les missions ont fait l'objet de renforcements différenciés. Pour la plupart, les nouveaux moyens ont été destinés à la lutte contre la fraude (+ 89) et au contrôle de légalité et expertise juridique (+ 48), les questions de sécurité et gestion de crise n'étant que fort peu renforcées (+ 11 ETP), de même que la coordination des politiques publiques (+ 25 ETP).
Il est évidemment difficile d'apprécier le bien-fondé des orientations et des allocations de moyens données à un réseau positionné sur l'ensemble du territoire jusqu'à un niveau fin, celui de l'arrondissement, où, dans des parties entières du territoire, correspondant au « monde rural » le sous-préfet se trouve quelque peu seul pour mettre en oeuvre des missions, dont certaines sont impalpables.
Néanmoins, à ce stade, le constat objectif peut être fait que les gains de productivité prévus dans le cadre de l'abandon des fonctions de guichet n'ont pu être aussi importants que prévu et que le renforcement des moyens des missions prioritaires, dont il faut penser sans erreur manifeste qu'il a pu être considéré comme stratégique par les responsables du ministère de l'intérieur, n'a pu être conduit à son terme.
En attendant, la fermeture des guichets du réseau, même tempérée par des mesures non anticipées (la création de points numériques pouvant bénéficier de l'appui de « médiateurs », le développement considérable du centre d'appels de l'agence nationale des titres sécurisés), s'est traduit par l'affaiblissement d'une administration de proximité que la maturité du numérique, notamment sa pénétration en tout point du territoire et auprès de toute personne quel que soit son âge, moins aboutie que supposée, n'a pu entièrement compenser, malgré l'engagement des mairies sélectionnées pour offrir un point d'entrée indispensable à nos concitoyens, dans leurs démarches pour obtenir les titres qui leur sont nécessaires.
En outre, la fermeture des guichets a conduit à mettre en place des technologies de remplacement dont l'efficacité n'a pas toujours été au rendez-vous, obligeant à recourir à des emplois en plus grand nombre que prévu et qu'il a bien fallu recruter et former. Même si des nuances doivent sans doute être apportées, il existe très certainement une relation entre cette désorganisation et la détérioration des résultats obtenus dans le domaine de la délivrance des titres sécurisés.
Les cibles ne sont pas atteintes et les délais de délivrance s'allongent, excepté pour les permis de conduire.
Encore faut-il rappeler que les indicateurs n'enregistrent que des délais moyens, qui semblent affectés d'une très large dispersion, et qu'ils ne rendent pas compte des délais nécessaires à la délivrance de l'ensemble des catégories de titres et qu'en particulier, ne sont pas restitués les délais de délivrance des certificats d'immatriculation qui ont connu un allongement considérable en 2018 pour les certificats d'immatriculation demandés en dehors du réseau des concessionnaires ou autres intermédiaires privés.
3. Le programme 216, des inquiétudes sur le contentieux, l'informatique et l'immobilier
En ce qui concerne le programme 216, l'un des enjeux majeurs est de mieux maîtriser les contentieux traités par le ministère. Les cibles fixées ne sont pas complètement atteintes, mais peu s'en faut.
La performance doit cependant être appréciée en fonction d'une cible qui fixe le taux de réussite devant les juridictions saisies à un niveau de l'ordre de 80 % qui admet un taux de « déconvenue» relativement élevé.
L'exécution 2018 a été une nouvelle fois marquée par un niveau de dépenses de contentieux en excès par rapport aux ouvertures de la loi de finances initiale (91,5 millions d'euros contre 80 millions d'euros) alors même que ces dernières avaient été sensiblement « sincérisées », ce dont votre rapporteur spécial se félicite. Des reports de crédits ont pu compléter les ressources en cours de gestion, mais des redéploiements internes ont été nécessaires.
Au total, l'année 2018 a été moins impactée que l'exercice précédent par des contentieux présentés comme exceptionnels concernant pour la plupart le versement de dotations aux collectivités territoriales par l'État. Il faut souhaiter que ce mouvement se poursuive.
En revanche, le niveau des indemnisations versées à la suite de refus de concours de la force publique, même s'il baisse, reste élevé (33,4 millions d'euros). Le RAP indique que l'analyse juridique des services permettra de réduire cette charge. Il serait peut-être un peu illusoire de souscrire totalement à cette prévision puisqu'aussi bien la responsabilité de l'Etat est en ce domaine sans doute moins corrélée avec une expertise technique qu'avec des orientations décidées sur d'autres motifs.
Quant aux autres chefs de mise en jeu de responsabilité de l'État (droit des étrangers, attroupements, protection des fonctionnaires), il peut être hasardeux d'en prévoir l'évolution dans un contexte très tendu.
Le RAP mentionne que des évolutions concernant les dépenses de contentieux ont été mises en oeuvre à la suite du rapport de l'inspection générale de l'administration de février 2018 qui a préconisé de mieux responsabiliser les directions fonctionnelles du ministère de l'intérieur. La logique de cette préconisation est de « sortir » un certain nombre de charges liées au contentieux du programme 216. Le RAP n'indique pas si ce processus a commencé de s'appliquer en 2018, mais le rapport du contrôleur budgétaire et comptable ministériel ne mentionne que peu d'évolutions.
Votre rapporteur spécial souhaite qu'il ne résulte pas de cette évolution une nouvelle déperdition de l'information budgétaire avec l'éclatement des charges de contentieux dans les différents documents budgétaires correspondants au point que s'en perde la trace.
Quant aux systèmes informatiques , l'année 2018 a été marquée par une réduction des charges correspondantes (- 10 millions d'euros, soit - 12,2 %). L'explosion des dépenses informatiques en 2017 passées de 543 euros par poste en 2016 à 1 537 euros a fait place à un retour à un niveau de dépenses moins inhabituel (743 euros) mais qui paraît élevé. En outre, de nouvelles charges très lourdes devraient être supportées à l'avenir. Le projet de réseau radio du futur qui s'intègre dans la démarche initiée par le comité « Action publique 2022 » n'a « coûté » qu'un million d'euros en 2018 mais est évalué au total à 166,3 millions d'euros.
La durée d'indisponibilité moyenne des applications informatiques a enregistré une baisse appréciable. Mais, elle demeure élevée, particulièrement pour certaines applications informatiques. La portée de l'indicateur d'indisponibilité des applications reste difficile à apprécier. En premier lieu, le résultat de l'indicateur (près de 27 heures d'indisponibilité) ne peut être mis en cohérence avec les informations présentées par le RAP que sous certaines conditions de pondération non explicitées et qui viennent réduire le sens de l'indicateur.
De la même manière, la maîtrise des opérations immobilières, dont les indicateurs varient avec une forte ampleur d'une année sur l'autre, semble perfectible au vu des dépassements de délais et de budgets dont ces indicateurs témoignent. On ne saurait oublier, par ailleurs, les interrogations sur l'état des emprises immobilières des préfectures et des sous-préfectures et leur niveau d'utilisation.
Au total, malgré une diminution des écarts entre les durées de réalisation des grands projets et les durées prévues, ces derniers demeurent à un haut niveau (17,7 %) et contribuent sans doute au dépassement des enveloppes nécessaires à ces projets par rapport aux enveloppes prévues à l'origine, dépassement qui atteint près de 10 %, et qu'il convient de réduire.