EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 26 JUIN 2019
___________
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous examinons ce matin le rapport de notre collègue Claude Kern sur le projet de loi portant ratification de l'ordonnance du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui sera débattu en séance publique le 2 juillet prochain.
Ce texte assez baroque s'inscrit dans le prolongement de la loi du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, dont Claude Kern était rapporteur pour avis au nom de notre commission, et Muriel Jourda rapporteur au fond pour la commission des lois. Nos collègues échangent cette fois les rôles.
M. Claude Kern, rapporteur . - En effet, on ne change pas une équipe qui gagne ! J'ai plaisir à travailler de nouveau avec notre collègue du Morbihan, même si je n'ai eu qu'une semaine pour préparer ce rapport.
Ce projet de loi, quelque peu baroque en effet, a été conçu par le Gouvernement comme un texte purement technique qui, initialement, devait se limiter à deux articles. L'article 1 er a pour objet de ratifier l'ordonnance du 20 mars 2019 relative aux voies réservées et à la police de la circulation pour les jeux olympiques et paralympiques de 2024, tandis que l'article 2 attribue à la juridiction administrative le contentieux des déférés préfectoraux portant sur des opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière afférentes à ces jeux.
Notre commission a délégué au fond à la commission des lois l'examen des deux premiers articles de ce projet de loi, et elle n'aurait pas eu à connaître du texte si le Gouvernement en était resté là.
Mais, entre-temps, la réalité du projet de loi a beaucoup changé, comme nous l'a indiqué le président de l'Agence nationale du sport, Jean Castex.
Le Gouvernement avait prévu de créer l'Agence nationale du sport par voie réglementaire et la convention constitutive du groupement d'intérêt public avait été approuvée par arrêté du 20 avril 2019.
Or le Conseil d'État a relevé que plusieurs dispositions de la convention constitutive nécessitaient de recourir à la loi, compte tenu en particulier des distances prises avec les règles relatives aux groupements d'intérêt public définies par la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.
L'article 3, dont nous sommes saisis, sécurise le régime juridique de la nouvelle agence en actant dans la loi la création de l'Agence nationale du sport. Son objet premier n'est pas de clarifier son organisation, encore moins d'associer le Parlement à son fonctionnement.
Si, dans l'esprit du Gouvernement, cet article constitue une simple formalité, il évoque enfin officiellement l'Agence nationale du sport et je vous propose d'en faire une opportunité pour débattre d'une évolution majeure de notre modèle sportif.
En effet, nul ne doit mésestimer la portée du changement qui est opéré à travers les dispositions essentiellement techniques de cet article 3. Comme l'a très bien observé le Conseil d'État, la création de l'Agence nationale du sport revient pour l'État à se dessaisir des deux principales dimensions de la politique du sport : le soutien au sport de haut niveau et à la haute performance sportive, d'une part, le développement de l'accès à la pratique sportive, d'autre part. Il n'est pas anodin de noter que les recommandations du Conseil d'État, qui justifient pour l'essentiel l'article 3 du projet de loi, visent précisément à préserver une forme de contrôle de l'État sur l'Agence nationale du sport, au nom du principe selon lequel « les agences ne constituent pas des entités indépendantes et doivent intervenir dans un cadre qui leur est fixé par l'État ».
Si le Gouvernement entend donc, à travers cet article, maintenir une tutelle sur une institution à laquelle il entend confier des aspects essentiels de la politique du sport, j'observe que le projet de loi reste silencieux sur d'autres aspects, plus particulièrement le contrôle du Parlement ainsi que la place des collectivités territoriales et des fédérations sportives dans la gouvernance territoriale de l'Agence.
Les insuffisances de ce texte sont tellement nombreuses que certains d'entre nous ne souhaitent pas en discuter - je pense notamment aux signataires de l'amendement de suppression de l'article 3. On peut comprendre cette position de principe favorable au statu quo , mais supprimer l'article 3 reviendrait à nier les insuffisances de notre modèle sportif, qui nourrit un fort mécontentement de la part des fédérations sportives comme des collectivités territoriales. Que dire, par ailleurs, de nos résultats sportifs, qui stagnent à un niveau souvent insuffisant compte tenu de la qualité de nos athlètes et des moyens mobilisés ?
Je crois donc utile de nous inscrire dans le cadre de cette réforme, qui a été conçue conjointement par le Gouvernement, les collectivités territoriales et les fédérations sportives tout en associant les acteurs du monde économique.
Dans les premières esquisses de l'Agence, il était prévu que celle-ci se concentre sur le haut niveau, dans la perspective des jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, mais les acteurs de terrain ont souhaité que la pratique sportive ne soit pas oubliée.
La double compétence est ainsi inscrite au fronton de l'Agence nationale du sport. Le texte proposé pour le nouvel article L. 112-10 du code du sport prévoit, en effet, que celle-ci est chargée de favoriser le sport de haut niveau et la haute performance sportive, en particulier dans les disciplines olympiques et paralympiques, mais aussi de développer l'accès à la pratique sportive.
Le Conseil d'État a souhaité mentionner que cette délégation de compétence s'exerçait dans le cadre de la stratégie définie par l'État dans une convention d'objectifs signée entre l'Agence et l'État. Il était nécessaire de passer par la loi pour rappeler le rôle du Gouvernement dans la détermination de la politique publique du sport et la stratégie nationale et internationale en matière de sport de haut niveau, de haute performance sportive et de développement de la pratique sportive. J'observe néanmoins que la rédaction du projet de loi fait peu de cas du rôle du Parlement, tant pour contribuer à l'élaboration de cette politique publique que pour contrôler sa mise en oeuvre. Pourquoi ne pas s'inspirer des contrats d'objectifs et de moyens dans l'audiovisuel public, qui associent les commissions de la culture et des finances dans l'élaboration et la mise en oeuvre de la stratégie des entreprises publiques ? Pourquoi, par ailleurs, ne pas prévoir la présence de parlementaires au conseil d'administration ? Je vous ferai des propositions en ce sens.
Le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 112-10 précise ensuite les modalités d'intervention de l'Agence nationale du sport : il lui revient d'apporter son concours aux projets et aux acteurs, notamment les fédérations sportives, contribuant au sport de haut niveau, à la haute performance sportive et au développement de l'accès à la pratique sportive.
Enfin, le dernier alinéa proposé pour ce nouvel article n'est pas le moins important : il prévoit pour l'Agence nationale du sport un statut de groupement d'intérêt public (GIP) particulier, qui relève des dispositions générales de la loi du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, mais qui comporte aussi des dérogations.
La principale dérogation aux principes du GIP concerne les ressources de l'Agence nationale du sport. Selon l'article 98 de la loi du 17 mai 2011, les partenaires du GIP doivent mettre en commun les moyens nécessaires à l'exercice de leurs activités. Or, en l'espèce, comme le précise le nouvel article L. 112-11 du code du sport, l'essentiel des ressources de l'Agence proviendra des trois taxes affectées dont bénéficiait déjà le Centre national pour le développement du sport, le CNDS. Cette dérogation peut surprendre, mais elle est nécessaire. Personne en effet ne peut imaginer que les crédits très importants, supérieurs à 12 milliards d'euros, que les collectivités territoriales consacrent chaque année au financement du sport transitent par l'Agence.
Le même article L. 112-11 rend obligatoires la présence d'un commissaire du Gouvernement et le contrôle économique et financier de l'État, alors qu'il ne s'agit que d'une faculté selon la loi du 17 mai 2011. Il est aussi prévu que l'Agence publie annuellement un rapport d'activité.
Pourquoi, dans ces conditions, recourir à un GIP ? Le statut d'établissement public aurait pu également être retenu, d'autant qu'il avait servi pour le CNDS. La réponse du ministère et de la direction de l'Agence tient à la souplesse que permet le GIP, en termes de gestion, avec le recours possible à des professionnels de droit privé, et de financement - l'Agence n'exclue pas de développer des financements innovants comme la commercialisation de marques propres ou le financement participatif.
Si le statut de GIP apparaît donc pertinent pour lancer l'Agence, il ne devrait pas être pérenne, le Conseil d'État ayant rappelé que « le choix du statut de GIP n'est adapté qu'à des collaborations dédiées à un projet ou à la phase de mise en place d'une agence ». La convention constitutive prévoit d'ailleurs dans son article 4 que, d'ici le 31 décembre 2025 au plus tard, l'action de l'Agence « sera évaluée de manière globale et indépendante afin que les membres puissent confirmer le bien-fondé du GIP et de ce nouveau modèle sportif ».
Si l'existence de l'Agence n'est donc pas garantie au-delà des jeux de Paris 2024, une autre incertitude concerne la mise en place de la gouvernance territoriale, plus particulièrement les concours apportés à la pratique du sport pour tous.
Le texte proposé pour le nouvel article L. 112-12 du code du sport ouvre un débat sensible en faisant du préfet de région le délégué territorial de l'Agence nationale du sport au niveau régional. Selon les services du ministère des sports, les règles constitutives des GIP obligent à désigner dans la loi le responsable de l'échelon territorial, lorsqu'il y en a un. Il ne serait donc pas possible de prévoir que le délégué territorial est élu par les différents partenaires. Par ailleurs, si le rôle de ce délégué n'est pas précisé dans l'article 3, on peut imaginer qu'il pourrait lui incomber d'ordonnancer des dépenses essentiellement publiques et qu'il n'est pas anormal que ce rôle revienne au représentant de l'État. Je vous proposerai d'adopter une précision en ce sens.
Pour autant, cette désignation du préfet suscite une réaction défavorable du mouvement sportif, qui craint à la fois un investissement variable de ce haut fonctionnaire selon les territoires et une gestion directive de la concertation dans l'hypothèse où il lui reviendrait d'animer les conférences régionales du sport et les conférences des financeurs.
Pour répondre à ces objections sérieuses, il me semblerait pertinent d'inscrire dès maintenant dans la loi le principe de la création des conférences régionales du sport en charge d'établir le projet territorial et des conférences des financeurs. La loi pourrait prévoir que ces deux types de structures élisent leurs présidents en leur sein, ce qui exclurait dans les faits une présidence du préfet. J'ajoute que l'inscription des modalités de la gouvernance territoriale dans la loi permettrait de mettre un terme au soupçon de report de la construction du second pilier de l'Agence nationale du sport relatif au développement de la pratique du sport.
À l'issue de la première série d'auditions conduites dans le cadre de la mission d'information sur les nouveaux territoires du sport, je ne peux que partager ces inquiétudes, mes interlocuteurs ayant tous indiqué qu'ils ne disposaient d'aucune précision sur la mise en place de ce pilier territorial. Certains ont même considéré qu'il faudrait plusieurs années pour qu'une nouvelle organisation succède au CNDS, dont les commissions territoriales ont été maintenues en activité malgré la suppression de l'établissement public.
Les autres dispositions de l'article 3 concernent la lutte contre la corruption et l'application des règles relatives à la transparence de la vie publique. Le nouvel article L. 112-13 prévoit en particulier les modalités de soumission de l'Agence nationale du sport au contrôle de l'Agence française anticorruption. Par ailleurs, le président, le directeur général et le responsable de la haute performance sont soumis aux obligations de déclaration de situation patrimoniale et de déclaration d'intérêts prévues par l'article 11 de la loi du 11 octobre 2013.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, la création de l'Agence nationale du sport constitue bien le coeur du projet de loi. C'est pourquoi je vous proposerai de modifier l'intitulé du projet de loi, qui ne la mentionne pas.
Par ailleurs, par cohérence avec les travaux menés avec notre collègue Michel Savin sur l'avenir des conseillers techniques sportifs, il m'a semblé également opportun de prévoir que ces cadres d'État, dont le ministère des sports ne voulait plus et que beaucoup de fédérations n'ont pas les moyens d'accueillir, rejoignent l'orbite de la nouvelle Agence nationale du sport. Celle-ci pourrait avoir la responsabilité de leurs affectations, de leur formation et de l'évaluation de leurs compétences, en veillant à leur répartition équitable entre les disciplines.
Cette proposition pourrait permettre de mettre un terme à une crise qui n'a que trop duré et, surtout, d'assurer la cohérence de la réforme souhaitée par le Gouvernement, en donnant à l'Agence les ressources humaines nécessaires pour accomplir ses missions.
En conclusion, je vous propose que nous saisissions l'occasion de l'examen de ce projet de loi pour apporter d'indispensables garanties à la nécessaire réforme de notre modèle sportif.
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Mme Jourda devant ensuite nous quitter, nous allons examiner les amendements portant sur les articles délégués à la commission des lois, avant de passer au débat général et à l'examen de l'article 3.
Examen des articles délégués à la commission des lois
Article 1 er (délégué)
Mme Muriel Jourda, rapporteur pour avis de la commission des lois . - L'article 1 er correspond à l'intitulé initial du projet de loi : il prévoit la ratification par le Parlement de l'ordonnance sur les voies réservées qui seront utilisées pour les jeux de 2024.
Les portions de voies réservées à la circulation des véhicules de sécurité et des véhicules accrédités seront déterminées ultérieurement par décret. Il est désormais prévu 289 kilomètres de voies réservées, du 1 er juillet au 1 er septembre 2024, contre 324 kilomètres dans le dossier de candidature et 366 kilomètres dans un deuxième temps. Leur but est d'assurer la fluidité et la sécurité de la circulation. Des voies annexes sont également prévues pour assurer le délestage des voies réservées et la desserte des sites.
La police de la circulation et du stationnement est transférée sur ces voies au préfet de police pour l'Île-de-France et aux préfets des zones de défense et de sécurité pour les autres départements. Par ailleurs, en Île-de-France exclusivement, la coordination des travaux est confiée au préfet de police pour les voies réservées, par souci de cohérence.
L'article 2 du projet de loi se fixe un objectif d'harmonisation. Pour raccourcir les délais de procédure, la loi relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 prévoyait que les recours contre les opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière relatives aux jeux soient examinés directement par la Cour administrative d'appel, pour gagner du temps. Le Conseil d'État a demandé que le champ de cette compétence soit élargi au déféré préfectoral, si jamais le préfet était tenté de contester un projet de chantier piloté par l'État...
L'amendement COM-6 précise l'ordonnance du 20 mars 2019. Il mentionne tout d'abord que les voies réservées devront être activées de manière proportionnée aux objectifs de sécurité et de fluidité poursuivis, afin d'inciter le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour restreindre au strict nécessaire le nombre de voies concernées.
Il encadre ensuite les conditions dans lesquelles les autorités préfectorales se verront déléguer, pendant la période des jeux, le pouvoir de police de la circulation, en prévoyant notamment que les autorités normalement détentrices de ce pouvoir soient préalablement consultées.
Enfin, il précise les conditions dans lesquelles le préfet de police sera, en Île-de-France, saisi pour avis des projets de travaux et d'aménagement portant sur les voies réservées.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Muriel Jourda , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-7 réécrit la fin de cet article afin d'éviter toute référence, dans la loi, à une disposition de nature réglementaire. Il renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de procéder à l'énumération des actes concernés par la dérogation procédurale que j'ai mentionnée précédemment.
L'amendement COM-7 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Bruno Retailleau . - Je félicite Muriel Jourda pour son travail original et créatif !
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Nous reprenons la discussion sur l'ensemble du texte.
Malgré nos demandes réitérées depuis un mois, la commission n'a pas pu auditionner la ministre des sports. Grâce à mon intervention auprès de Marc Fesneau, certains ont pu la rencontrer hier midi, dans des conditions qui n'étaient vraiment pas idéales. Je n'ai jamais préparé un texte dans de telles conditions !
M. Claude Kern , rapporteur . - Hier, la ministre a argué qu'il s'agissait d'un texte technique sur lequel il était inutile que nous nous attardions...
Mme Catherine Dumas . - Il a été question d'un texte baroque ; je dirai que le Gouvernement est en plein flou artistique ! Même l'intitulé du texte n'est pas approprié. Le Parlement en est totalement absent, de même que les collectivités territoriales, et le ministère abandonne une partie de ses compétences.
On parle d'un budget de 300 millions d'euros pour l'Agence. Le rapporteur peut-il le confirmer ?
Enfin, j'exprime une nouvelle fois notre mécontentement du report de la liaison CDG Express.
M. Michel Laugier . - L'intitulé du texte est trompeur. La ministre prétend que les articles 1 er et 2 sont techniques, et que l'article 3 prend en compte les remarques du Conseil d'État. Mais elle était mal à l'aise, hier, quand nous lui avons posé des questions pertinentes sur le rôle de l'Agence, ses moyens et le contrôle du Parlement.
Les collectivités territoriales financent en grande partie les équipements sportifs. Il faut leur trouver une place dans le dispositif.
Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup... En l'occurrence, il s'agit de la nouvelle position de l'Agence nationale du sport. Si tous les pouvoirs sont transférés aux préfets de région, à quoi servira, demain, le ministère des sports ?
Les propositions de Claude Kern vont dans le bon sens ; nous les suivrons sans hésitation.
Mme Céline Brulin . - L'Agence nationale du sport est devenue, de façon assez cavalière, le sujet principal de ce projet de loi.
Ceux qui portent des amendements de suppression de l'article 3 ne refusent pas le dialogue, mais ils auraient préféré un débat global sur l'organisation du sport dans notre pays - la ministre nous a confirmé hier le dépôt d'un projet de loi en 2020.
En créant cette agence, on sépare encore un peu plus le sport de haut niveau et le sport de masse, alors que les deux vont de pair. Les professionnels de la haute performance peuvent très bien se recruter au sein de la fonction publique, a fortiori avec les assouplissements prévus par le projet de loi de transformation de la fonction publique.
Je me dis que ce texte créera, dans les territoires, une véritable usine à gaz, alors que ces derniers demandent une pause pour pouvoir absorber les dernières modifications législatives et réglementaires.
Le risque de disparition du ministère des sports est réel : hier, la ministre nous a assuré de son maintien jusqu'aux jeux Olympiques... Et après ?
Certaines politiques portées aujourd'hui par le ministère des sports pourraient, demain, être placées dans les territoires sous l'égide des directeurs académiques des services de l'éducation nationale (Dasen). On peut comprendre la logique d'un pôle regroupant l'éducation populaire, la vie associative et le sport, mais il doit être porté par un ministre au niveau national.
M. Jean-Jacques Lozach . - Le président de l'Agence nationale du sport lui-même évoque une « voie baroque »...
Hier, la ministre a déclaré que l'Agence était un outil de l'État. Elle risque en réalité de devenir la politique sportive de l'État. On attend depuis deux ans la grande réforme du modèle sportif français, mais le Premier ministre n'a même pas évoqué le sport dans son discours de politique générale.
Plusieurs initiatives semblent converger vers le démantèlement du ministère des sports : diminution du budget en 2018 et 2019, transfert de la moitié des fonctionnaires du ministère aux fédérations sportives, fusion des corps d'inspection générale de la jeunesse et des sports et de l'éducation nationale, directions régionales de la jeunesse et des sports soumises à la tutelle des rectorats dans la circulaire du 12 juin dernier...
Le pôle éducatif et sportif envisagé au sein du ministère de l'éducation nationale sera demain très largement suffisant pour gérer les 120 millions d'euros de budget alloués au ministère des sports.
Notre amendement de suppression de l'article 3 n'est pas fait pour boycotter, mais pour alerter.
Nous voterons également contre l'amendement COM-12 relatif à la représentation des parlementaires, préférant en rester à la proposition de loi déposée par Michel Savin et cosignée par tous les groupes politiques, et contre l'amendement COM-10, car nous ne pensons pas que le Medef ou le secteur marchand en général doive intervenir sur la répartition des conseillers techniques sportifs (CTS).
Mme Mireille Jouve . - Je partage l'analyse du rapporteur sur la gouvernance de l'ANS, qui comporte trop de zones d'ombre. Il nous faut préciser le rôle du Parlement et décliner le rôle de l'agence dans les territoires - la ministre a insisté sur sa mission de proximité.
Nous devons enfin être vigilants sur le développement des politiques publiques - sport santé, sport pour tous, sport féminin - et sur le possible affaiblissement du ministère des sports, voire sa disparition après 2024.
M. Alain Dufaut . - J'insiste sur le sort réservé aux CTS et sur les problèmes de financement qui se poseront pour les fédérations. Nous devons impérativement déposer des amendements solides sur le sujet.
M. Bruno Retailleau . - De nouveau, une réforme lourde de conséquences est lancée sans concertation - c'est désormais la marque de fabrique de ce gouvernement - et, de nouveau, l'État tente de faire les poches de ses partenaires, qu'il s'agisse des collectivités ou du monde du sport.
Plus fondamentalement, nous nous éloignons du modèle français d'organisation du sport, fondé sur une parité entre le mouvement sportif et l'État, pour aller vers un modèle plus anglo-saxon.
Pourtant, dans une France de plus en plus divisée, le sport reste une grammaire commune essentielle. Les cadres sportifs bénévoles nous rappellent le sens de l'engagement, dans une société qui demande toujours plus de droits et a tendance à oublier les devoirs.
L'allégorie de la démocratie athénienne, à laquelle nous nous référons fréquemment, repose sur la pensée et le sport. Ne l'oublions pas ! L'implication de l'État dans le sport, c'est aussi le creuset de notre communauté nationale !
Mme Sonia de la Provôté . - La baisse du budget des sports et la répartition des fonds alloués à l'ANS sont de vrais sujets. Il ne suffit pas que l'État promette de ne pas se désengager. Nous devons l'obliger à maintenir une participation plancher.
La réforme du mécénat me préoccupe également, car les entreprises font aussi vivre les clubs à travers l'événementiel sportif.
Avec cette manie de créer des structures parapubliques, les grandes politiques publiques échappent au regard de l'État, qui se dispense ainsi de veiller à l'équité territoriale.
M. Pierre Ouzoulias . - Je souscris aux propos de Bruno Retailleau quant à la rupture du modèle républicain. Alors que l'État est le garant de l'intérêt général depuis la seconde guerre mondiale, nous nous dirigeons aujourd'hui vers un modèle anglo-saxon où l'intérêt général est conçu comme la somme des intérêts particuliers.
Dans son dossier de candidature, la France s'était engagée à ce que les jeux ne soient pas une source de nuisance pour la population. Nous en sommes loin ! L'État a renoncé à la réalisation de certains transports en commun et, pour éviter le chaos, on attribue aujourd'hui au préfet de police des pouvoirs spéciaux qui vont avoir pour conséquence la relégation de certaines populations.
En revanche, il était nécessaire de renoncer au CDG Express, car l'État était incapable de nous garantir que la ligne B du RER serait épargnée par les travaux.
Mme Annick Billon . - L'audition de la ministre, hier, ne m'a rassurée ni sur les clefs de répartition du financement ni sur le rôle du ministère à l'avenir. Par ailleurs, les instances de l'éducation nationale sont-elles prêtes à prendre leur part dans le domaine du sport ? Il ne me semble pas qu'une concertation ait eu lieu.
La voie qui nous mène aux jeux olympiques me semble bien incertaine...
M. Claude Kern , rapporteur . - La concertation a eu lieu avec les fédérations sportives et les représentants des élus locaux, mais pas avec les parlementaires.
Oui, c'est une remise en cause du modèle sportif français, mais elle a été demandée par les fédérations et les représentants des territoires, dans le but d'améliorer les résultats des sportifs français.
Le budget de l'Agence est en effet de 300 millions d'euros, car il reste 44,9 millions d'euros à verser pour financer les projets déjà engagés par le CNDS.
La circulaire du 12 juin dernier sur l'organisation des territoires pose beaucoup de questions sur le devenir du ministère des sports. Les transferts vers l'éducation nationale apparaissent clairement. Les recteurs et les Dasen vont gérer le dispositif « sport pour tous » et, après 2024, beaucoup pensent que le ministère sera remplacé par une direction des sports au sein du ministère de l'éducation nationale.
Hier, le principal conseiller de la ministre a pointé une petite incertitude sur le dépôt du projet de loi relatif au sport en 2020.
Monsieur Lozach, les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale ne sont pas placées sous la tutelle des rectorats ; elles sont intégrées dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte). Les directions départementales, en revanche, sont rattachées au rectorat.
Mon amendement sur les CTS ne donne pas les coudées franches au Medef ; leur gestion sera confiée au responsable chargé de la haute performance.
Enfin, la clef de répartition des financements n'existe pas aujourd'hui ; elle sera négociée au cas par cas. La notion de guichet unique constitue toutefois une avancée.
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Avant de passer à l'examen de l'article 3, il nous revient de définir le périmètre précis d'application du texte, afin de juger de la recevabilité des amendements au regard de l'article 45 de la Constitution.
M. Claude Kern , rapporteur . - Je vous propose que le périmètre du texte s'étende aux dispositions relatives à la gestion de la circulation routière pendant les jeux de 2024 dans les départements accueillant des épreuves ainsi que dans les départements limitrophes ; aux dispositions relatives à la répartition des compétences entre juridictions pour le traitement du contentieux portant sur les opérations d'urbanisme, d'aménagement et de maîtrise foncière afférentes aux jeux ; aux dispositions relatives à la gouvernance et au contrôle de l'ANS ; aux dispositions relatives à l'organisation nationale et territoriale de l'ANS ; enfin, aux dispositions relatives aux missions de l'ANS dans l'organisation du sport de haut niveau et de la haute performance sportive, ainsi que dans le développement de l'accès à la pratique sportive.
Compte tenu du périmètre du texte ainsi défini, aucun des amendements déposés n'est susceptible d'être déclaré irrecevable sur le fondement de l'article 45 de la Constitution et du troisième alinéa de l'article 48 du règlement du Sénat.
M. Claude Kern , rapporteur . - L'amendement COM-1 vise à supprimer l'article 3.
La suppression de l'Agence nationale du sport ne satisferait ni les fédérations sportives ni les collectivités territoriales.
Nous préférons vous proposer de renforcer les garanties entourant le fonctionnement de la nouvelle Agence, notamment en termes de gouvernance territoriale.
En conséquence, l'avis est défavorable.
M. Jean-Jacques Lozach . - À ma connaissance, les associations d'élus ne demandaient pas spécialement la création de l'ANS. Cela étant, nous ne déclarons pas la guerre à l'Agence, mais elle constitue un élément, parmi d'autres, d'une politique globale.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
M. Claude Kern , rapporteur . - L'amendement COM-8 vise à préciser que l'Agence apporte son concours à la réalisation des projets des collectivités territoriales et de leurs groupements. Les collectivités constituent en effet des partenaires de l'ANS, au même titre que les fédérations sportives. Elles représentent par ailleurs le premier financeur du sport français à travers les équipements de proximité.
L'amendement COM-8 est adopté.
M. Claude Kern , rapporteur . - L'amendement COM-9 vise à préciser la mission de délégué territorial de l'ANS, confiée, de droit, au préfet de région. Il lui reviendrait, en particulier, de veiller au développement des projets dans les territoires carencés et de mettre en oeuvre les concours financiers selon les orientations arrêtées par les conférences des financeurs. Il ne lui reviendrait pas, en revanche, d'animer les conférences régionales du sport et les conférences des financeurs, qui désigneraient en leur sein leurs présidents.
L'amendement COM-9 est adopté.
M. Claude Kern , rapporteur . - L'amendement COM-10 prévoit d'insérer 24 alinéas après l'alinéa 11 de l'article 3 pour inscrire dans la loi les modalités de gouvernance territoriale de l'ANS.
Il pose tout d'abord le principe de la création dans chaque région d'une conférence régionale du sport chargée d'établir un projet sportif territorial. Ce dernier donnerait lieu à la conclusion de contrats pluriannuels d'orientation et de financement précisant les actions que les membres des conférences des financeurs s'engageraient à conduire, ainsi que les ressources humaines, matérielles et financières qui y seraient dédiées.
Par ailleurs, la conférence régionale du sport serait consultée lors de l'élaboration du projet de convention territoriale d'exercice concerté de la compétence sport avant son adoption par la conférence territoriale de l'action publique.
L'amendement prévoit enfin que chaque conférence régionale du sport institue une ou plusieurs conférences des financeurs du sport chargées de coordonner les concours financiers apportés aux projets territoriaux. La rédaction ne précise pas le périmètre territorial de ces conférences, qui pourront recouvrir un ou plusieurs départements, un bassin de vie, une métropole... Ces conférences éliraient leurs présidents en leur sein.
Les associations d'élus et le Comité national olympique et sportif français, le CNOSF, ont été étroitement associés à la rédaction de cet amendement.
M. Laurent Lafon . - Au sein de la métropole du Grand Paris, les établissements publics territoriaux détiennent également en partie la compétence sportive. Serait-il possible de les mentionner expressément dans le texte ?
M. Claude Kern , rapporteur . - J'accepte de rectifier l'amendement en ce sens.
M. Jean-Jacques Lozach . - Nous souscrivons à la création des conférences régionales du sport, qui vient combler un manque de la loi Notre. En revanche, l'institution par ces dernières de conférences des financeurs du sport nous pose problème. N'imposons pas d'usine à gaz et laissons de la souplesse aux territoires.
M. Claude Kern , rapporteur . - On laisse de la souplesse en laissant les territoires libres de créer une ou plusieurs conférences. En revanche, on ne croit pas à la création spontanée.
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Au regard de mon expérience dans le domaine de la culture, il me semble en effet pertinent de les rendre obligatoires.
L'amendement COM-10 rectifié est adopté.
M. Claude Kern , rapporteur . - L'amendement COM-11 propose que le Parlement donne un avis sur la convention d'objectifs signée entre l'État et l'Agence nationale du sport sur le modèle des contrats d'objectifs et de moyens prévus dans l'audiovisuel public.
L'amendement COM-11 est adopté.
M. Claude Kern , rapporteur . - La création de l'Agence nationale du sport, qui devrait jouer un rôle fondamental dans la mise en oeuvre de la politique du sport, s'est faite sans associer le Parlement. Il semble donc naturel que le conseil d'administration de l'Agence comprenne en son sein des parlementaires qui pourront veiller à préserver l'existence d'une politique publique du sport substantielle.
Notre collègue Michel Savin avait souhaité dans une proposition de loi en date du 18 février 2019 que deux députés et deux sénateurs intègrent le conseil d'administration sans voix délibérative. Nous proposons plutôt, avec l'amendement COM-12 , que les parlementaires puissent exercer pleinement leur rôle avec voix délibérative : deux sénateurs, dont un titulaire et un suppléant et deux députés, dont un titulaire et un suppléant.
M. Jean-Jacques Lozach . - Nous voterons contre. Nous n'aurons jamais de voix délibérative !
M. Claude Kern , rapporteur . - Il s'agit de se plier aux statuts.
L'amendement COM-12 est adopté.
M. Claude Kern , rapporteur . - L'amendement COM-13 donne compétence à l'Agence nationale du sport pour affecter les conseillers techniques sportifs. Je propose de rectifier l'amendement pour préciser que cette mission incombe au responsable de la haute performance.
L'amendement COM-13 rectifié est adopté.
M. Claude Kern , rapporteur . - L'amendement COM-14 modifie l'intitulé du projet de loi, qui devient « relatif à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. »
L'amendement COM-14 est adopté.
Mme Catherine Morin-Desailly , présidente . - Dans la loi NOTRe, la conférence territoriale de l'action publique est convoquée par le président de la région. Ce texte prévoit un système différent. Un jour, il faudra harmoniser.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Article 3 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. LOZACH |
1 |
Suppression de l'article 3 |
Rejeté |
M. KERN, rapporteur |
8 |
Mention des collectivités territoriales comme bénéficiaires des concours de l'ANS |
Adopté |
M. KERN, rapporteur |
9 |
Encadrement du rôle du préfet de région comme délégué territorial de l'ANS |
Adopté |
M. KERN, rapporteur |
10 |
Modalités de la gouvernance territoriale de l'ANS |
Adopté avec modification |
M. KERN, rapporteur |
11 |
Avis du Parlement sur la convention d'objectifs entre l'Etat et l'ANS |
Adopté |
M. KERN, rapporteur |
12 |
Présence des parlementaires au conseil d'administration de l'ANS |
Adopté |
M. KERN, rapporteur |
13 |
Affectation des CTS auprès des fédérations par le responsable de la haute performance de l'ANS |
Adopté avec modification |
M. KERN, rapporteur |
14 |
Modification de l'intitulé du projet de loi |
Adopté |