B. DES MODIFICATIONS OPPORTUNES, D'AUTRES REVENANT SUR LE TEXTE ADOPTÉ AU SÉNAT ET UNE DIVERGENCE FONDAMENTALE SUR LA GOUVERNANCE DE L'AGENCE ET LE RÔLE DES ÉLUS LOCAUX

• Plusieurs amendements de précision constituent des modifications opportunes aux yeux du rapporteur.

En premier lieu, les députés ont inscrit, à l'article 2 du texte, la notion de contrat de cohésion territoriale . Ce nouvel instrument, évoqué dans le rapport du préfet Serge Morvan 7 ( * ) , a vocation à intégrer une pluralité d'instruments contractuels existant entre l'État et les collectivités territoriales, dans une logique de rationalisation et d'adaptation à la situation de chaque territoire. Ils ont également exigé la publication, par l'agence, d'un rapport annuel d'activité .

S'agissant du rôle des préfets de département , délégués territoriaux de l'agence aux termes de l'article 5 de la proposition de loi, leur rôle de coordination des interventions de l'État a été conforté et les députés ont également adopté un amendement précisant qu'en dehors des départements métropolitains, le représentant de l'État dans les collectivités à statut particulier ou dans les collectivités d'outre-mer serait le délégué territorial de l'ANCT.

Concernant la capacité de l'agence à créer ou céder des filiales , acquérir, étendre ou céder des participations dans des sociétés, groupements ou organismes actifs dans le champ de ses missions et concourant au développement des territoires ( article 6 bis ) , l'Assemblée nationale a précisé que cette disposition ne serait ouverte que dans le champ des missions de l'Epareca , c'est-à-dire pour l'aménagement et la restructuration d'espaces commerciaux et artisanaux dans les territoires en difficulté, en l'absence de besoins clairement identifiés à ce stade pour les autres missions de l'agence .

Enfin, par l'introduction d'un nouvel article 8 ter , les députés ont souhaité instituer une nouvelle réserve thématique , visant à ce que toute personne volontaire puisse servir des projets de territoire soutenus par l'agence afin de « compléter les moyens habituellement mis en oeuvre dans le cadre des missions de l'agence par les services de l'État et par toute personne morale concourant à l'action de l'agence ». Cette réserve serait instituée dans les conditions prévues à l'article 1 er de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté 8 ( * ) , impliquant le caractère volontaire, bénévole et occasionnel de l'activité de ces personnes 9 ( * ) . Ces volontaires devraient conclure un contrat avec le délégué territorial de l'ANCT, qui pourrait par ailleurs conclure avec des établissements d'enseignement public ou privé des conventions permettant la mobilisation des étudiants de ces établissements au titre de la réserve thématique dans le cadre de leur parcours scolaire. Les conditions d'application de ces dispositions seraient fixées par décret, qui devrait notamment définir les catégories de personnes pouvant entrer dans cette réserve thématique ainsi que la durée et les clauses du contrat d'engagement à servir dans la réserve thématique.

• D'autres modifications adoptées par l'Assemblée nationale tendent à revenir sur le texte voté par le Sénat et soulèvent plusieurs remarques de la part du rapporteur. La question de la gouvernance de l'agence et du rôle des élus locaux au sein du conseil d'administration s'est par ailleurs constituée comme une ligne de fracture entre les deux assemblées.

À l' article 7 , les députés ont supprimé la présence de représentants des agences régionales de santé dans la composition du comité d'action territoriale, rebaptisé comité national de coordination . Cette précision, introduite en commission au Sénat à l'initiative du rapporteur, visait pourtant à donner un écho aux difficultés rencontrées par de nombreux élus dans leurs relations avec les ARS . Aussi, le rapporteur ne peut que regretter la disparition de cette disposition mais relève que les débats ont été vifs sur cette question en séance à l'Assemblée nationale, témoignant de son importance.

S'agissant de la gestion des personnels de l'agence et des modalités de leur représentation au sein de l'ANCT ( article 8) , les députés sont revenus sur la fusion des trois comités de gestion du personnel prévue par le Sénat dans une logique de simplification. En commission, un amendement du Gouvernement a été adopté pour permettre à l'ANCT d'employer des fonctionnaires issus des trois fonctions publiques (territoriale, hospitalière, de l'État). En séance, deux amendements du Gouvernement ont en outre été adoptés : l'un visant à revenir au texte initial de la proposition de loi s'agissant des instances représentatives du personnel et réintroduisant le triptyque comité technique - CSE - CHSCT ; l'autre simplifiant la définition du personnel de l'agence , en ne distinguant plus les fonctionnaires et les agents publics non titulaires.

Une nouvelle catégorie de conventions a, en outre, été créée à l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales pour développer les synergies entre les métropoles ou les communautés urbaines et les territoires ruraux et créer un cadre permettant aux premières de fournir une offre d'ingénierie aux secondes en dehors de leur périmètre géographique de compétences , par dérogation au principe de spécialité applicable aux intercommunalités ( article 8 bis ). En pratique, ces conventions auraient pour objet la réalisation de prestations de services entre d'une part, une métropole ou une communauté urbaine et, d'autre part, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou des communes situés en dehors du territoire de la métropole ou de la communauté urbaine. Elles devraient s'inscrire dans le cadre de la mise en oeuvre des contrats de cohésion territoriale précités. Si le rapporteur accueille favorablement l'idée d'une coopération entre les territoires urbains et ruraux via l'apport, par les métropoles ou les communautés urbaines, d'une offre d'ingénierie , il ne peut que constater le flou entourant cette proposition quant au financement de ces prestations . Les conventions de l'article 8 bis ne constitueront une avancée que si elles permettent de développer un « mécénat de compétences », par des prestations mises à titre gratuit par les territoires urbains au service des territoires ruraux. Aussi, il est nécessaire que les métropoles s'inscrivent dans cette logique, dans le cadre conventionnel établi par l'article 8 bis .

Enfin, l'article 3 de la proposition de loi, relatif à la gouvernance de l'agence et à la composition de son conseil d'administration , a été profondément remanié par les députés selon une orientation en contradiction manifeste avec la volonté affichée par le Sénat en première lecture 10 ( * ) . Contrairement à la représentation paritaire souhaitée par le Sénat entre, d'une part, les élus (représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que deux députés et deux sénateurs) et, d'autre part, l'État, ses établissements publics et le personnel de l'agence, les députés ont voté en faveur d'une majorité de l'État au conseil d'administration. Ils ont également souhaité redonner aux représentants des quatre agences de l'État concluant des conventions avec l'ANCT un siège avec voix consultative au sein du conseil d'administration, disposition qui figurait dans le texte initial de la proposition de loi mais qui relève, aux yeux du rapporteur et du Conseil d'État 11 ( * ) , du domaine réglementaire .

Le rapporteur rappelle qu'à ses yeux il ne peut y avoir de cohésion des territoires sans réelle concertation et sans confiance entre les élus et l'État. Aussi, il regrette particulièrement l'orientation retenue par la commission et confirmée en séance à l'Assemblée nationale en première lecture.


* 7 Voir France territoires , rapport de préfiguration de Serge Morvan, juin 2018.

* 8 Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017.

* 9 Par ailleurs, les règles relatives à l'âge des réservistes (majeur ou mineur de plus de seize ans ayant obtenu l'accord de ses représentants légaux) ou encore celles relatives à l'accord nécessaire du réserviste pour son affectation à une mission s'appliqueraient.

* 10 Voir l'amendement n° 7 rect. bis du président Hervé Marseille, adopté en séance publique.

* 11 Voir le point 7 de l'avis n° 395974, publié par le Président du Sénat.

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