EXAMEN EN COMMISSION
__________
M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Montaigne, qui fut maire de Bordeaux, écrivait que cette charge lui paraissait « d'autant plus belle qu'elle n'a ni loyer, ni gain autre que l'honneur de son exécution ». Cette conception se heurte toutefois, dans une société démocratique, à la nécessité de compenser les charges et sujétions liées à l'exercice des mandats locaux pour permettre à tout citoyen d'y accéder.
Plus largement, le législateur se doit d'offrir aux élus les garanties nécessaires pour qu'ils puissent exercer leur mandat dans de bonnes conditions, au service de l'intérêt général. Ce sujet occupe les travaux de notre haute assemblée depuis de nombreuses années, et plus intensément ces derniers mois avec les travaux de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui a publié un rapport en six volumes en juillet 2018. Ce sujet a également été abordé à l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative à l'équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale que nous avons adoptée en juin 2018.
Assurer aux élus locaux de bonnes conditions d'exercice de leur mandat constitue une préoccupation aiguë. Tout d'abord, parce que les vagues de décentralisation successives ont augmenté considérablement les responsabilités des élus locaux. Ensuite, parce que le droit à appliquer devient de plus en plus complexe, tandis que les services de l'État diminuent leur appui aux collectivités territoriales. Résultat, l'exercice d'un mandat local demande toujours plus de temps et d'investissement, alors que les conditions d'exercice des mandats n'ont que faiblement progressé.
Par ailleurs, les citoyens sont de plus en plus exigeants vis-à-vis des élus. En outre, le monde du travail évolue, ce qui explique qu'il soit de plus en plus difficile de concilier l'exercice d'un mandat avec la vie professionnelle. Les dernières évolutions institutionnelles, notamment relatives à l'intercommunalité, rendent enfin cet exercice de plus en plus chronophage.
Les maires et les autres élus municipaux sont le visage de la République au quotidien, et si nous souhaitons qu'ils continuent à s'engager, il est urgent d'apporter des réponses à leurs attentes.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation s'est saisie du sujet, et a abouti à la conclusion que les conditions d'exercice des mandats locaux devaient être améliorées, sans que soit remise en cause la conception française de la démocratie locale. Les améliorations pourraient plus particulièrement concerner quatre volets : le régime indemnitaire, le régime social, la formation et le statut pénal des élus locaux.
C'est dans ce contexte que nous sommes appelés à examiner la proposition de loi créant un statut de l'élu communal de notre collègue Pierre-Yves Collombat, dont certaines dispositions sont intéressantes, mais dont d'autres nécessiteraient un examen plus approfondi. De manière générale, le texte semble inabouti.
Les mesures proposées ne répondent pas toujours à un besoin avéré, et leur impact, notamment financier n'a pas été pleinement mesuré. D'assez nombreuses divergences peuvent être observées entre l'exposé des motifs et les conséquences en droit des dispositions proposées. Enfin, certaines mesures pourraient avoir des effets contre-productifs, par exemple en matière de formation.
L'article 1 er , de portée exclusivement symbolique, proclame la création d'un « statut de l'élu territorial » et, surtout, vise à supprimer le principe de gratuité des fonctions électives en s'engageant sur la voie de la professionnalisation des mandats locaux, ce qui constituerait une véritable rupture dans notre conception de la démocratie locale.
L'article 2 a pour objectif d'assurer la disponibilité des candidats aux élections municipales et des élus. Il propose d'abaisser de 1 000 à 500 habitants le seuil de population des communes au-delà duquel les candidats aux élections ont droit à un congé de dix jours pour participer à la campagne électorale. Je n'y suis pas hostile par principe, mais le seuil de 500 habitants paraît arbitraire et cette évolution représenterait une charge nouvelle pour les employeurs : soyons prudents !
L'article 3, convergeant en cela avec le rapport de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, vise à renforcer l'offre de formation à destination des élus locaux en étendant aux communes dont la population est comprise entre 1 000 et 3 500 habitants l'obligation d'organiser une formation à l'intention des élus ayant reçu délégation. Serait également créé un fonds national pour la formation des élus locaux, alimenté par les sommes non dépensées des crédits inscrits au budget des communes au titre de la formation professionnelle. L'intention est évidemment louable, mais le dispositif proposé risque d'avoir du mal à fonctionner. Les communes sont aujourd'hui libres de budgéter, au titre de la formation, entre 2 % et 20 % du montant total des indemnités de fonction susceptibles d'être allouées aux membres du conseil municipal.
L'article 4 propose une augmentation conséquente des indemnités de fonction des maires, ainsi que l'institution d'une majoration indemnitaire pour les maires des communes de moins de 10 000 habitants ayant cessé leur activité professionnelle - c'est un point assez subjectif, mais le rapport de la délégation et d'autres travaux du Sénat ont effectivement noté que les maires des communes les moins peuplées, très investis, devaient être mieux indemnisés. Mais les montants proposés occasionneraient des dépenses non négligeables : prudence !
L'article 5 reproduit des dispositions déjà en vigueur concernant les remboursements de frais des élus locaux.
L'article 6 concerne le régime fiscal et social des élus : il vise à revenir sur les récentes réformes en matière de fiscalisation des indemnités des élus locaux, comme cela avait été évoqué lors de l'examen du dernier projet de loi de finances. Le Gouvernement a en effet été très maladroit vis-à-vis des communes démographiquement les moins importantes, mais un premier compromis a été trouvé sur ce sujet à l'occasion de la dernière loi de finances, à l'initiative du Sénat.
L'article 7 vise à augmenter le nombre d'élus qui ont droit à la suspension de leur contrat de travail pendant la durée de leur mandat et à leur réintégration dans l'entreprise à l'issue de celui-ci. De manière plus pertinente à mes yeux, il prévoit de supprimer les conditions de population auxquelles est soumis le versement de l'allocation différentielle de fin de mandat aux maires et à leurs adjoints, ainsi qu'aux présidents et vice-présidents d'EPCI à fiscalité propre. Mais là encore, aucune compensation financière n'est prévue...
L'article 8 vise à limiter le risque pénal pesant sur les élus. Là encore, c'est un objectif légitime et largement partagé. L'article propose une nouvelle définition du délit de prise illégale d'intérêts en reprenant une rédaction plusieurs fois adoptée par le Sénat. Il prévoit toutefois d'instaurer une nouvelle cause d'irresponsabilité pénale au bénéfice des personnes investies d'une fonction d'autorité, ce qui me paraît inenvisageable et contraire aux principes du droit pénal.
Enfin, l'article 9 a pour objet le droit à l'information des conseillers municipaux et les droits de l'opposition. Lors des auditions, nous avons assisté à des débats vifs, certaines associations d'élus craignant que l'on alourdisse les contraintes pesant sur les collectivités.
Si nous convergeons sur plusieurs sujets, il serait intéressant d'avoir un point de vue plus informé sur ces mesures, dont certaines auraient un coût élevé et d'autres pourraient générer des dysfonctionnements. Malgré l'intérêt de certaines autres propositions, je vous propose de ne pas adopter le texte.
M. Philippe Bas , président . - Les conditions d'exercice du mandat des élus locaux est un sujet sur lequel le Sénat doit être à l'initiative. Je remercie Pierre-Yves Collombat d'avoir abordé ce sujet.
Notre rapporteur a souligné les nombreux points sur lesquels la proposition de loi converge avec les travaux du Sénat, et notamment les travaux quasi unanimes de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Nous aurons de nouveau l'occasion de parler de ce sujet lorsque le Gouvernement présentera un texte, annoncé prochainement, portant sur les « irritants » de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), mais aussi sur les conditions d'exercice des mandats locaux.
Monsieur le rapporteur, quel pourrait être le champ des amendements recevables ?
M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Conformément aux recommandations faites par le Président du Sénat à la suite de la réunion de la Conférence des présidents de la fin du mois de février, il nous appartient, au moment où nous établissons le texte de la commission, de définir le périmètre de la proposition de loi déposée sur le bureau du Sénat afin de déterminer les critères de recevabilité des amendements au titre de l'article 45 de la Constitution.
En l'occurrence, la proposition de loi créant un statut de l'élu communal vise à modifier certaines garanties accordées aux titulaires de mandats locaux ou plus spécialement municipaux, à créer ou à modifier des dispositions relatives à la responsabilité pénale des élus et des autres personnes dépositaires de l'autorité publique ou chargées d'une mission de service public et à renforcer le droit à l'information des conseillers municipaux sur les affaires soumises à leur délibération et sur le fonctionnement de la commune.
Nous pourrions donc considérer comme recevables au titre de l'article 45 tout amendement relatif aux conditions d'exercice des mandats locaux, tout amendement relatif à la responsabilité pénale des élus, mais aussi tout amendement ayant pour objet le droit à l'information des conseillers municipaux, voire des autres élus locaux.
En revanche, les amendements n'entrant pas dans ce champ pourraient être considérés comme des « cavaliers ».
M. Pierre-Yves Collombat . - Je souscris à la conclusion du rapporteur sur le sort de ce texte en commission : c'est d'ailleurs ce qui pouvait m'arriver de mieux ! Car il ne pouvait pas en être autrement...
Je ne savais pas qu'il y avait une commission permanente spécifiquement chargée des questions relatives aux collectivités, qui était la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Je croyais naïvement que la commission des lois était compétente. Je n'avais donc pas compris que mon texte devait être confronté au point de vue des membres de la délégation, et non à celui des commissaires aux lois...
M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Ce n'est pas ce que j'ai dit.
M. Pierre-Yves Collombat . - Cela revient à cela : « Je ne suis pas d'accord car c'est en contradiction avec la position de la délégation aux collectivités territoriales... ».
J'aurais bien sûr accepté de m'effacer devant un texte produit conjointement, mais un tel texte n'existe pas. Je suis le seul à m'être saisi du problème.
Pour l'anecdote, Michel de Montaigne n'a été maire qu'une seule année ; dans ses Essais , il dit que jamais ses fonctions n'ont troublé son esprit. Pour ma part, quand j'étais maire, mon esprit a été troublé. J'ai donc l'impression qu'il ne s'est pas totalement consacré à sa tâche, dont la principale grandeur était selon lui la possibilité de ne rien faire.
Les élus municipaux sont les seuls élus pour lesquels les fonctions sont gratuites, depuis une loi de 1831. Je salue ce coup de chapeau de la République à la Monarchie de Juillet. À l'époque, pour voter, il fallait prêter serment d'allégeance à la charte et au Roi. On pourrait rétablir cette obligation et exiger un serment d'allégeance au président de la République !
Les fonctions de maire sont gratuites, mais les maires sont indemnisés. Pourquoi ? Parce qu'ils ont perdu une partie de leur salaire, de leur retraite ? Ils reçoivent une indemnité compensatoire, mais on ne sait pas ce qu'elle compense. Cela n'empêche pas qu'elle soit soumise à l'impôt
M. Philippe Bas , président . - Il s'agit d'un revenu, c'est pour cela que ces indemnités sont fiscalisées.
M. Pierre-Yves Collombat . - S'il s'agit d'un revenu, c'est que la fonction n'est pas gratuite. Je crains que cette contradiction ne vous ait échappé, monsieur le président...
Je ne m'attendais pas à soulever un enthousiasme formidable sur l'idée d'attribuer certains droits à l'opposition. Je la défends d'autant plus facilement que je n'en ai jamais eu dans mon conseil municipal ! Mais il s'agit d'une question de principe : au Sénat, l'opposition a des droits, certes modérés, équilibrés, comme on dit au Sénat, mais bien réels : la preuve.
On prétend que la démocratie représentative est morte et on lui préfère la démocratie participative... Mais avant de la mettre à la poubelle, il faudrait déjà la faire fonctionner correctement.
M. Philippe Bas , président . - Très bien !
M. Pierre-Yves Collombat . - Ce n'est pas très confortable d'avoir une opposition, mais ça l'est toujours plus que les manifestations, les pavés, les émeutes... La démocratie est peut-être le pire de tous les régimes, mais bien à l'exception de tous les autres.
Dernier point, l'article L. 2123-12-1 du code général des collectivités territoriales dispose que : « Les membres du conseil municipal bénéficient chaque année d'un droit individuel à la formation d'une durée de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat. Il est financé par une cotisation obligatoire dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, prélevée sur les indemnités de fonction ». C'est même une invention du Sénat - je ne préfère pas citer de nom... N'est-ce pas extraordinaire pour des fonctions gratuites ?
M. Alain Richard . - C'est comme cela pour tous les salariés !
M. Pierre-Yves Collombat . - Mais ce ne sont pas des salariés, puisque c'est une indemnité ! Il faut savoir ce que l'on veut !
M. Alain Richard . - Mais si nous adoptons la proposition de loi, ils le deviendront.
M. François Grosdidier . - S'ils avaient droit à un salaire, ils auraient droit au SMIC horaire !
M. Philippe Bas , président . - Un élément dans le propos de Pierre-Yves Collombat peut tous nous rassembler, c'est son hymne à la démocratie représentative.
M. Éric Kerrouche . - Ce texte comporte quelques apports : il montre la nécessité d'ouvrir l'accès aux mandats locaux. Il propose des dispositifs allant dans le sens d'une plus grande professionnalisation des mandats locaux, mais uniquement en déclinant le principe de gratuité. La proposition de loi comporte quelques faiblesses : elle est incomplète au vu de ce que devrait être la définition d'un vrai statut de l'élu - qui est l'objet affiché du texte. Un tel statut devrait aussi être défini au niveau départemental et régional.
Les conditions d'exercice du mandat ne sont pas toutes abordées. On peut aussi se demander quelle est la cohérence des seuils et des taux. Certaines dispositions sont déjà dans le code du travail et le code général des collectivités territoriales. On ne voit pas ce que cela ajoute.
Sans être une instance de décision, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a mené une consultation qui donne des indications très factuelles sur les aspirations des élus locaux, en particulier des élus communaux. J'avais compris que le Gouvernement avait voulu s'en inspirer. Mais cela devrait être présenté d'abord à l'Assemblée nationale.
M. Alain Richard . - Non, c'est impossible constitutionnellement.
M. Philippe Bas , président . - En effet, les projets de loi ayant pour principal objet l'organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat.
M. Éric Kerrouche . - J'avais craint que le Gouvernement ne considère autrement le statut de l'élu.
Je regrette la décision de considérer comme irrecevable au titre de l'article 40 l'amendement permettant le report de la suppression des indemnités de fonction des présidents et vice-présidents de syndicats ou de syndicats mixtes ayant un périmètre inférieur à celui d'un EPCI, alors qu'il maintient une charge existante, et ne l'aggrave pas. Il est regrettable que ces élus ne disposent pas d'une indemnité.
Même si elle comporte des apports, la proposition de loi ne crée pas un vrai statut de l'élu, qui n'existe d'ailleurs pas en France
M. Alain Richard . - C'est vrai que la France manque de statuts !
Mme Françoise Gatel . - Merci à Pierre-Yves Collombat pour sa capacité à stimuler notre réflexion. Merci aussi à Mathieu Darnaud, qui fait le lien avec des travaux du Sénat, notamment ceux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui, sans avoir vocation à légiférer, peut donner son avis.
L'élu est-il un professionnel salarié, ou un citoyen engagé au service de ses concitoyens ? Le Sénat a tranché en faveur de la seconde solution. Mais vous avez raison, monsieur Collombat, en ce qui concerne l'assujettissement des indemnités aux cotisations sociales. Ces cotisations ont été ajoutées à un moment où il fallait trouver de l'argent, tard le soir lors d'une séance sur le projet de loi de finances...
Je regrette que votre proposition de loi ne permette pas, malgré des avancées, d'aller plus loin. Si le Gouvernement fait un projet de loi, j'espère qu'il prendra en compte les travaux de la délégation aux collectivités territoriales et notamment son enquête, qui a révélé des demandes, notamment la sécurisation juridique de la fonction du maire et les facilités offertes à ceux qui doivent conjuguer leurs vies professionnelle et familiale avec leurs fonctions d'élu.
M. François Grosdidier . - Ce texte va dans le bon sens, mais il est loin de résoudre la question fondamentale, celle du statut de l'élu. Aujourd'hui, les maires ne sont pas des salariés. S'ils l'étaient, l'immense majorité d'entre eux pourrait se présenter devant le juge et faire valoir qu'ils sont rémunérés deux ou trois euros de l'heure, bien en dessous du SMIC. Même pour les élus de grandes collectivités, la rémunération est bien inférieure à ce qui est pratiqué dans la fonction publique ou le privé.
C'est à tort que le gouvernement, socialiste, je crois, avait choisi de soumettre ces indemnités à cotisation sociale. Il faudrait y mettre fin.
Non seulement l'indemnité des maires n'a pas été revalorisée, mais ils ont de plus en plus de travail, ils sont de plus en plus sollicités par leurs administrés et de plus en plus mobilisés par une activité chronophage, mais très faiblement rémunérée : l'intercommunalité. Certains ont crié au scandale devant le nombre de vice-présidents des intercommunalités, mais sans se rendre compte que c'était en contrepartie du temps terriblement long que ces instances représentent pour les maires, même s'ils n'ont pas de vraie responsabilité exécutive.
Combien de fois ai-je entendu des maires de communes de quelques milliers d'habitants solliciter un mandat départemental ou régional pour pouvoir mieux s'acquitter de leurs tâches de maire ?
En Allemagne, les bourgmestres sont trois fois mieux payés qu'en France, et surtout, ils sont mieux payés que le plus haut des fonctionnaires de leur collectivité.
M. Alain Marc . - Merci d'avoir amené ce débat passionnant qui nous concerne tous : nous sommes souvent interpellés par nos collègues maires à ce sujet. Je crains qu'une trop grande professionnalisation des maires ne soit le corollaire d'une diminution du nombre de communes. Il y a aujourd'hui plus de 500 000 élus municipaux. Or la France n'est pas comme l'Espagne : elle est habitée sur tout le territoire. Chaque élu municipal est un point de veille, un point de démocratie. On a vu, avec la crise des gilets jaunes, combien cela pouvait compter. Je suis donc contre leur professionnalisation.
M. François Bonhomme . - Je suis tout à fait favorable à des droits de l'opposition municipale, qui mériteraient d'être formalisés. C'est un inconfort nécessaire. Sur la formation, je suis étonné d'apprendre que depuis qu'elle a été mise en place, la cotisation pour financer le droit individuel à la formation a généré 14 millions d'euros par an, alors que les demandes de formations n'ont été que de deux millions d'euros. La Caisse des dépôts et consignations a ainsi accumulé en trois ans 48 millions d'euros. On peut s'interroger sur les causes d'une si faible mobilisation. Le droit à la formation dure pendant toute la durée du mandat, mais aussi pendant six mois après la fin de ce dernier.
M. Jean-Pierre Sueur . - Merci à Pierre-Yves Collombat pour cette proposition de loi utile. Je ne crois pas qu'il existera un jour un statut de l'élu, qui se dresserait comme un monument. Il s'agit d'une construction progressive.
En 1992, étant membre du Gouvernement, j'avais présenté un projet de loi relatif aux conditions d'exercice des mandats locaux, qui créait notamment un droit à la formation. Je m'étais battu pour que celle-ci soit dispensée par des établissements publics, contre l'avis des partis, qui voulaient, bien entendu, qu'elle le soit par leurs propres instituts de formation, qui pourraient ainsi convaincre les élus du bien-fondé de leurs positions... Une formation universitaire est pourtant beaucoup plus riche, car plus large. La loi qui en est issue créait également une retraite pour les élus. Beaucoup étaient pour la répartition en général, mais un consensus s'était dégagé, pour les élus, en faveur de la retraite par capitalisation. De nombreux textes ont amélioré cette première loi. Le dernier d'entre eux, la proposition de loi que j'ai déposé avec Jacqueline Gourault, comportait une vingtaine d'articles qui ont permis d'avancer sur les autorisations d'absence ou le congé individuel... C'est une oeuvre qui s'améliore dans le temps. C'est un droit en devenir, et c'est très bien ainsi.
M. Pierre-Yves Collombat . - Je m'attendais à ce qu'on dise que j'allais trop loin, mais pas que je n'allais pas assez loin : tout arrive ! Oui, mon texte est incomplet, mais je ne pouvais proposer un statut complet en un temps si restreint.
Je veux bien que ce statut soit en devenir. Mais un certain nombre de maires attendent des résultats. Monsieur le président nous dit qu'il est naturel que le Sénat soit à l'initiative ; et bien soit, qu'il le soit vraiment !
Les élus ne sont pas des employés de maison ou des fonctionnaires. C'est leur mode de désignation et leur précarité qui font leur spécificité. De même que le fait qu'ils ne travaillent pas pour faire tourner une usine, mais pour l'intérêt général.
En ces temps où le management est mis à toutes les sauces, on confond tout ! On en oublie l'essentiel, qui est de faire fonctionner notre démocratie représentative. Depuis la Révolution française, la commune, la démocratie locale sont inséparables de la démocratie nationale. Contrairement à ce qu'on peut lire, la commune est d'origine révolutionnaire : les paysans ont pris leurs dispositions bien avant que la Constituante ne s'en soucie. Certains des grands hommes qui en étaient membres, comme Condorcet, voyaient d'ailleurs plutôt d'un mauvais oeil cette efflorescence de petites communes ; quoi, donner du pouvoir à tous ces culs terreux ?
M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Monsieur Collombat, je partage votre vision des commissions et des délégations. Je n'ai pas jugé ce texte à la lueur de ce que fait la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Comme le dit Eric Kerrouche, certaines choses pourraient compléter ce texte sans nécessairement s'y opposer. Discuter des conditions d'exercice des mandats locaux nécessite d'aborder les mandats autres que municipaux.
Je suis en phase avec les propos de François Grosdidier. Aujourd'hui, les évolutions issues de la loi NOTRe sur les périmètres intercommunaux ont changé la nature de l'exercice des mandats locaux.
La question des indemnités mérite cependant un examen plus approfondi ; c'est pour cela - et pas seulement à cause de l'article 40 de la Constitution - qu'il est difficile d'avancer sur le sujet.
Monsieur Sueur, il vous plaira de savoir que des initiatives récentes tendent à créer des formations d'élus dispensées par le monde universitaire. C'est le cas de l'université de Bretagne...
Mme Françoise Gatel . - En effet !
M. Mathieu Darnaud . - ... qui a co-construit des formations avec des associations d'élus.
M. Jean-Pierre Sueur . - Je m'en réjouis.
M. Mathieu Darnaud , rapporteur . - Ironie du sort, un communiqué de l'AFP vient de tomber : le Gouvernement présentera le 15 juin un projet de loi tendant à effacer les « irritants » de la loi NOTRe, qui sera examiné en conseil des ministres en juillet et présenté au Sénat en septembre.
M. Pierre-Yves Collombat . - Il sera certainement révolutionnaire !
M. Jean-Pierre Sueur . - Hier à peine, la ministre Jacqueline Gourault me disait que la répartition des sièges dans les intercommunalités avant les élections figurerait dans ce projet de loi. Il sera cependant trop tard pour que cela soit pris en compte dès 2020, et les inégalités lourdes dans cette répartition dureront six ans de plus !
C'est dommage, car nous l'avons voté depuis un mois et demi et cela faisait l'objet d'un accord total. Peut-être notre président pourrait-il alerter le Gouvernement ? La ministre m'a dit qu'elle était parfaitement d'accord avec ces dispositions de ma proposition de loi - elle avait même proposé la même chose quand elle était sénatrice. Il faut l'adopter définitivement avant le mois de septembre.
M. Philippe Bas , président . - Nous avons déjà demandé l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale : c'est la seule solution possible, avec une adoption conforme ou une CMP en juillet.
M. Jean-Pierre Sueur . - Nous pourrions accepter de n'adopter que la moitié consensuelle du texte.
M. Philippe Bas , président . - C'est très exactement la teneur de notre plaidoyer devant Sébastien Lecornu la semaine dernière.
M. Philippe Bas , président . - Il y a 15 amendements à ce texte, nous devons les examiner avant de nous prononcer sur la proposition de loi. Notre rapporteur propose par cohérence avec sa position sur l'ensemble du texte de les rejeter tous.
M. Jean-Pierre Sueur . - Notre groupe ne partage cette position. Cette proposition de loi apporte quelque chose et nous avons des amendements pour l'améliorer.
M. Philippe Bas , président . - Ils pourront être défendus en séance.
Les amendements au texte de la proposition de loi ne sont pas adoptés.
La proposition de loi n'est pas adoptée.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 2
|
|||
Corrections légistiques |
Rejeté |
||
Limitation à cinq jours du congé électif dans les communes de 500 à 999 habitants |
Rejeté |
||
Article 3
|
|||
Extension à toutes les communes de l'obligation de formation des élus ayant reçu délégation |
Irrecevable au titre de l'article 40
|
||
Article 4
|
|||
Revalorisation des indemnités des maires |
Rejeté |
||
Création d'une strate supplémentaire de population dans le barème d'indemnités de fonction des maires |
Irrecevable au titre de l'article 40
|
||
Rédactionnel |
Rejeté |
||
Possibilité de fixer une indemnité de fonction inférieure au maximum prévu par la loi |
Rejeté |
||
Majoration indemnitaire pour les maires des communes de plus de 3 500 habitants ayant cessé leur activité pour se consacrer à leur mandat, dans l'enveloppe indemnitaire globale |
Rejeté |
||
Suppression de l'extension de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux aux communes jusqu'à 10 000 habitants |
Rejeté |
||
Articles additionnels après l'article 4 |
|||
Création d'une strate supplémentaire de population dans le barème d'indemnités de fonction des adjoints au maire |
Irrecevable au titre de l'article 40
|
||
Revalorisation du taux maximal des indemnités des adjoints au maire |
Irrecevable au titre de l'article 40
|
||
Indemnisation des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et de syndicats mixtes |
Irrecevable au titre de l'article 40
|
||
Indemnisation des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et de syndicats mixtes |
Irrecevable au titre de l'article 40
|
||
Possibilité d'indemniser les conseillers communautaires dans les communautés d'agglomération et les communautés urbaines en dépassant l'enveloppe indemnitaire globale |
Irrecevable au titre de l'article 40
|
||
Attribution d'une indemnité de fonction aux maires non membres de l'exécutif dans les EPCI |
Irrecevable au titre de l'article 40
|
||
Indemnisation des présidents et vice-présidents des syndicats de communes et de syndicats mixtes |
Irrecevable au titre de l'article 40
|
||
Article 6
|
|||
Suppression de la disposition de l'article 6 indiquant que les crédits d'heures ne sont pas assimilables à une durée de travail effectif pour la détermination du droit à prestations sociales |
Rejeté |
||
Article 7
|
|||
Rédactionnel |
Rejeté |
||
Création d'un droit à intégration dans la fonction publique au bénéfice de certains maires |
Irrecevable au titre de l'article 40
|
||
Article 9
|
|||
Fréquence des séances de questions de l'opposition |
Rejeté |
||
Précision rédactionnelle |
Rejeté |
||
Préservation de la possibilité pour le règlement des conseils municipaux de prévoir des dispositions plus favorables à l'expression des conseillers d'opposition |
Rejeté |
||
Articles additionnels après l'article 9 |
|||
Présentation des actions réalisées par communes sur chaque compétence par les EPCI de plus de 50 000 habitants |
Rejeté |
||
Obligation de transmission dématérialisée du procès-verbal de l'organe délibérant de l'EPCI aux conseillers municipaux des communes membres |
Rejeté |
||
Publicité de l'état récapitulatif des demandes de subvention par les départements et les régions |
Rejeté |