B. DES DIFFICULTÉS IDENTIFIÉES ET LES RÉPONSES DÉJÀ MISES EN oeUVRE
1. Les difficultés clairement identifiées des PME à accéder à la commande publique
a) Les raisons économiques et financières
La taille des PME impacte directement leurs capacités financières, indépendamment de leurs facultés à dégager des résultats. Elles disposent le plus souvent de peu de réserves liquides, ce qui se traduit de deux manières. La première est une difficulté à emprunter dans de bonnes conditions auprès des établissements de crédit ou d'obtenir des garanties financières de leur part. La seconde est la vulnérabilité face à la longueur des délais de paiements ou l'absence d'avance sur paiement , faute de trésorerie suffisante pour faire « tampon » entre le paiement des charges qui incombent à la PME pour assurer la bonne exécution du marché et le paiement de ce marché par l'acheteur public.
Or, ces vulnérabilités structurelles se conjuguent mal avec certaines des caractéristiques de la commande publique. Même si elle connait des exceptions telles que la pratique d'avances de paiements (voir infra ), la règle du « paiement à service fait » impose au titulaire du marché de ne transmettre sa demande de paiement qu'après exécution de la prestation demandée ou livraison des travaux ou fournitures commandées. À cela vient ensuite s'ajouter les délais de paiement dont peuvent se prévaloir les acheteurs publics. Ces délais de paiement s'étalent de 30 à 60 jours. À titre de comparaison, les délais de paiement supplétifs fixés par l'article L. 441-10 du code de commerce sont de 30 jours.
Source : Portail sercice-public-pro.fr, rubrique
« paiement d'un marché public »,
mis à
jour le 24 mai 2019.
L'enjeu des délais de paiement a été clairement identifié lors des auditions conduites par votre rapporteur. L'Union des groupements d'achats publics (UGAP) 18 ( * ) précise ainsi avoir mis des solutions innovantes en oeuvre pour les diminuer afin de compter davantage de PME parmi ses fournisseurs : « En 2018, le délai de paiement moyen de l'UGAP est de 29 jours, prenant en charge sur sa propre trésorerie les retards de paiement de certains clients publics, ce qui constitue un soutien direct à la trésorière des PME fournisseurs de l'établissement. De plus, l'UGAP propose une solution d'affacturage collaboratif qui permet aux fournisseurs qui le souhaitent de réduire les délais de paiement à 5 jours (grâce à un marché financier conclu avec la Banque Postale, qui compte tenu du bon rating financier de l'UGAP, permet aux fournisseurs de bénéficier de frais financiers parmi les plus bas du marché) » 19 ( * ) .
b) La complexité des procédures
Selon une enquête transmise à votre rapporteur par la CPME 20 ( * ) , la complexité des procédures d'appels d'offre représente une part prépondérante des raisons invoquées par les PME pour ne pas soumissionner.
Les PME peuvent difficilement se permettre de disposer de personnels dédiés à la commande publique et ne peuvent donc pas s'appuyer sur des compétences dédiées. Les personnels qui prennent ponctuellement en charge l'élaboration de dossiers de candidature doivent également se consacrer à d'autres tâches. La contrainte que représente l'élaboration d'un dossier de candidature doit également être associée au caractère aléatoire de cette démarche, puisque la PME qui soumissionne n'a, par définition, aucune certitude sur le fait que sa candidature sera retenue ou non par l'acheteur.
2. Les réponses déjà apportées afin de mieux faire se rencontrer la demande des acheteurs publics et l'offre des PME
À l'exception des articles L. 2213-14 et R. 2213-4 du code de la commande publique relatifs aux marchés de partenariat, le droit de la commande publique ne prévoit pas de mesures explicitement favorables aux PME. En revanche, de nombreuses mesures de niveau législatif, réglementaire ou relevant de bonnes pratiques ont été mises en oeuvre pour faciliter effectivement leur accès à la commande publique. Certaines de ces mesures sont relativement récentes et entrent dans le champ de la réforme de la commande publique engagée par le Gouvernement au dernier semestre de l'année 2018 21 ( * ) .
a) Des marchés repensés pour ne plus exclure a priori les PME
Aux termes de la directive de 2014 relative aux marchés publics, le recours à des marchés publics allotis n'est qu'une simple option prévue (voir encadré). L'article 46 de ce texte dispose en ce sens que « les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider d'attribuer un marché sous la forme de lots distincts, dont ils peuvent déterminer la taille et l'objet » . Ce même article, en son paragraphe 4., ouvre toutefois la possibilité, pour les États membres, de « rend[re] obligatoire la passation de marchés sous la forme de lots distincts dans des conditions à définir conformément à leur droit national et dans le respect du droit de l'Union » . C'est cette option que le droit français a retenue.
Ainsi, en dehors des marchés globaux identifiés 22 ( * ) , le droit français fait de l'allotissement la règle normale de passation des marchés publics 23 ( * ) . Seules les exceptions prévues aux articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique permettent à l'acheteur de s'y soustraire. Le contrôle de l'obligation d'allotir a été renforcé par le Sénat, à l'initiative de votre rapporteur, par la loi dite « Sapin 2 », du 9 décembre 2016 24 ( * ) . Depuis lors « lorsqu'un acheteur décide de ne pas allotir le marché, il motive son choix en énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision » 25 ( * ) . Cette motivation fait l'objet d'un contrôle par le juge administratif 26 ( * ) .
Dans le même temps, la systématisation renforcée des marchés allotis a été conjuguée à la suppression des offres variables 27 ( * ) . Ce principe a également été mis en oeuvre par amendement à l'occasion de l'examen de la loi « Sapin 2 » sur la base des travaux antérieurement conduits par votre rapporteur lors de l'examen du projet de loi de ratification de l'ordonnance « marché publics » de 2015 28 ( * ) .
Ces deux mesures favorisent la compétitivité des PME face aux entreprises plus importantes. D'une part, elles permettent aux PME de présenter des candidatures sur des lots dont la taille est adaptée à leurs moyens de production . D'autre part, elles font obstacle à ce que les grandes entreprises puissent anticiper, au stade de l'offre, d'éventuelles économies d'échelle dans l'hypothèse où plusieurs lots leur seraient attribués.
Dans le même but, une expérimentation sur trois ans est en cours et permet la passation de gré à gré de marchés publics portant sur des achats innovants, sous un seuil de 100 000 euros 29 ( * ) . Ces contrats portent spécifiquement sur la mise en oeuvre « de nouveaux procédés de production ou de construction, d'une nouvelle méthode de commercialisation ou d'une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l'organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l'entreprise » 30 ( * ) et s'adressent donc particulièrement aux PME.
b) L'adaptation des modalités des marchés à la structure financière des PME
Afin de s'adapter aux besoins de trésorerie spécifiques des PME, un décret du 24 décembre 2018 31 ( * ) est venu augmenter la part des avances de paiement qui leur sont consenties dans le cadre de marchés publics passés par l'État. Ce taux est désormais de 20 % contre 5 % auparavant 32 ( * ) .
Les taux des retenues de garanties pratiquées envers les PME dans le cadre de marchés publics passés par l'État sont également passés de 5 % à 3 % 33 ( * ) . Pour rappel, « la retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves formulées à la réception des prestations du marché et, le cas échéant, celles formulées pendant le délai de garantie lorsque les malfaçons n'étaient pas apparentes ou que leurs conséquences n'étaient pas identifiables au moment de la réception » 34 ( * ) .
Ces mesures ont été unanimement reconnues comme des avancées lors des travaux conduits par votre rapporteur.
c) L'amélioration de la clarté du droit et de l'accessibilité des procédures
La codification du droit de la commande publique représente une étape majeure afin de favoriser la clarté et l'accessibilité du droit applicable. Le code de la commande publique est entré en vigueur au 1 er avril 2019 (voir encadré). Il a pour principal avantage de regrouper en son sein la majeure partie des règles applicables à la commande publique et de les présenter selon un plan qui reprend les étapes successives rencontrées par l'acheteur et le soumissionnaire dans leurs relations contractuelles.
La direction des affaires juridiques de Bercy édite également des guides et fiches techniques afin de permettre aux différents acteurs de se familiariser avec les règles applicables et les outils d'échange. Le dernier en date est une version actualisée du Guide très pratique de la dématérialisation, « version 4.0 ». Il se décline en deux versions : l'une à destination des opérateurs économiques, l'autre à destination des acheteurs. En effet, comme le rappelle ce guide, « depuis le 1 er octobre 2018 35 ( * ) , tous les acheteurs doivent être équipés d'un profil d'acheteur et publier sur cette plateforme les documents de la consultation pour les marchés publics (hors défense ou sécurité) dont la valeur du besoin estimé est égale ou supérieure à 25 000 € HT. Les acheteurs doivent en outre procéder a` la publication des données essentielles de ces marchés » .
Le profil acheteur est « une plateforme de dématérialisation permettant notamment aux acheteurs de mettre les documents de la consultation a` disposition des opérateurs économiques par voie électronique et de réceptionner les documents transmis par les candidats et les soumissionnaires » 37 ( * ) . L'utilisation systématique de cet outil de dialogue facilite grandement les échanges entre acheteurs et opérateurs électroniques et représente une avancée pour les PME qui voient leurs contraintes administratives allégées.
d) Des efforts prospectifs
Mis en place en 2016, l'Observatoire économique de la commande publique (OECP) est « placé auprès du ministre chargé de l'économie [, il] rassemble et analyse les données relatives aux aspects économiques et techniques de la commande publique. Il constitue une instance de concertation et d'échanges d'informations avec les opérateurs économiques, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices et contribue à la diffusion des bonnes pratiques » 38 ( * ) . L'OECP a également pour mission d'effectuer « chaque année, sur la base des informations transmises par les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices, un recensement économique des contrats de la commande publique » 39 ( * ) .
Les statistiques de l'année 2017 élaborées par l'OECP ont été présentées le 18 décembre 2018, lors de son quatrième comité d'orientation. Elles établissent des données spécifiques aux PME sur lesquelles votre rapporteur s'est appuyé pour l'élaboration du présent rapport.
L'OECP compte également un groupe de travail « accès des TPE/PME à la commande publique », qui regroupe acheteurs publics et fédérations professionnelles. Il est présenté comme ayant pour objet « de dégager des lignes directrices communes sur des thématiques importantes (ex : allotissement, critères de sélection, délais, exécution financière, sous-traitance...) dans un nouveau guide opérationnel axé sur les bonnes pratiques, à paraître avant l'été 2019 » 40 ( * ) .
Votre rapporteur compte sur la parution imminente de cet ouvrage pour faire un point efficace sur les pratiques à développer et les éventuelles modifications législatives et réglementaires à apporter.
* 18 L'UGAP est la seule centrale d'achat public généraliste, avec environ 4 milliards d'achats en 2018. Elle est à ce jour la seule centrale d'achat public labélisée RFAR (Relations Fournisseurs Achats Responsables), label décerné par la Médiation et basé sur la norme ISO 20.400, qui définit au niveau international les meilleures pratiques d'achat.
* 19 Extrait de la contribution écrite transmise par l'UGAP à la suite de son audition.
* 20 Enquête « Accès des PME à la commande publique », réalisée en 2018 par la Confédération des PME auprès de 172 dirigeants de PME.
* 21 À l'occasion d'un déplacement chez Maximilien, plateforme de marchés publics franciliens, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, Delphine Gény-Stephann, a présenté le 1 er octobre 2108 les grands axes de la stratégie du Gouvernement en matière de commande publique.
* 22 Le code de la commande publique prévoit la possibilité de recourir à des marchés globaux au travers des marchés de conception réalisation, des marchés globaux de performance et des marchés globaux sectoriels.
* 23 En revanche, l'allotissement est une faculté laissée à l'acheteur dans le cadre des marchés de défense ou de sécurité, en application de l'article L. 2313-5 du code de la commande publique.
* 24 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite loi « Sapin 2 ». Par voie d'amendement, votre rapporteur - alors rapporteur pour avis de ce texte au nom de votre commission - a intégré les évolutions suggérées par votre commission lors de l'examen du projet de loi de ratification de l'ordonnance « marchés publics » n° 2015-899 du 23 juillet 2015, déposé par le Gouvernement mais non inscrit à l'ordre du jour de la séance publique (rapport n° 477 (2015-2016) du 16 mars 2016).
* 25 Article L. 2113-11 du code de la commande publique, reprenant, en substance, les dispositions de l'article 32 de l'ordonnance « marchés publics » n° 2015-899 du 23 juillet 2015, modifié par la loi « Sapin 2 ».
* 26 Voir, par exemple, la décision du Conseil d'État du 25 mai 2018, n° 417428.
* 27 Il s'agit d'offres dont le prix ou les conditions dépendent du nombre de lots qui seraient attribués à l'entreprise qui présente sa candidature.
* 28 Rapport n° 477 (2015-2016) fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 mars 2016.
* 29 Articles 1 à 3 du décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique.
* 30 2° de l'article 25 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
* 31 Article 7 du décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique.
* 32 Article R. 2191-3 du code de la commande publique.
* 33 Article R. 2191-32 du code de la commande publique.
* 34 Article R. 2191-31 du code de la commande publique.
* 35 Article 39 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.
36 Article 7 du décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique.
* 37 Guide très pratique version 4.0 de la dématérialisation des marchés publics.
* 38 Article R. 2196-2 du code de la commande publique.
* 39 Article R. 2196-4 du code de la commande publique.
* 40 Le portail de l'Économie, des Finances, de l'Action et des Comptes publics, page dédiée à l'OECP.