CHAPITRE II
PROPAGANDE ET
OPÉRATIONS DE VOTE
Article 4
(art.
L. 47, L. 49 et L. 49-1 [abrogé], L. 330-6 du code
électoral)
Conditions d'organisation des réunions
électorales
L'article 4 de la proposition de loi vise à interdire la tenue des réunions électorales à partir de la veille du scrutin, zéro heure, par cohérence avec les autres moyens de propagande. Il concerne l'ensemble des élections 82 ( * ) .
1. Les réunions électorales, un moyen de propagande autorisé pendant le samedi qui précède le scrutin
Les réunions électorales sont libres et peuvent se tenir sans déclaration préalable en préfecture.
Le droit applicable aux réunions publiques Les réunions électorales sont régies, comme toutes les autres réunions publiques, par les lois du 30 juin 1881 83 ( * ) et du 28 mars 1907 84 ( * ) . Interdites sur la voie publique, elles peuvent être organisées dans un local du domaine public ou privé . Les communes peuvent mettre des salles de réunion à leur disposition, dans les conditions fixées par le maire 85 ( * ) . Théoriquement, les réunions publiques doivent respecter certains horaires. Elles ne « peuvent [pas] se prolonger au-delà de onze heures du soir ; cependant, dans les localités où la fermeture des établissements publics a lieu plus tard, elles pourront se prolonger jusqu'à l'heure fixée pour la fermeture de ces établissements » 86 ( * ) . En pratique, cette disposition ne fait l'objet d'aucun contrôle. Les réunions publiques doivent comporter un bureau d'au moins trois personnes, chargé de maintenir l'ordre sous le contrôle, le cas échéant, d'un fonctionnaire administratif ou judiciaire. |
Par rapport aux autres réunions publiques, les réunions électorales présentent trois spécificités .
En premier lieu, elles ont « pour but le choix ou l'audition de candidats à des fonctions publiques électives » . A contrario , ne sont pas des réunions électorales :
- le rassemblement de sympathisants le jour du scrutin pour attendre les résultats ;
- la participation à une mobilisation, plus large, pour défendre un hôpital local 87 ( * ) .
En deuxième lieu, seuls les électeurs la circonscription, les parlementaires, les candidats et leurs mandataires peuvent assister aux réunions électorales.
En dernier lieu, les réunions électorales doivent respecter des règles calendaires spécifiques .
Elles peuvent être organisées :
- en amont de la campagne électorale 88 ( * ) ;
- ou pendant la campagne et jusqu'à sa clôture, la veille du scrutin à minuit 89 ( * ) .
La veille de l'élection, les réunions électorales sont donc autorisées jusqu'à minuit 90 ( * ) . Elles sont seulement interdites le jour du scrutin.
2. Un défaut d'harmonisation avec les autres moyens de propagande
Les autres moyens de propagande sont interdits à compter de la veille du scrutin, zéro heure, ce qui exclut toute diffusion la veille et jour de l'élection.
Cette règle calendaire concerne :
- la diffusion de tracts, de circulaires et de messages électroniques, sous peine d'une amende de 3 750 euros 91 ( * ) . Le site Internet du candidat peut toutefois rester accessible jusqu'au jour du scrutin, dès lors qu'il n'est ni actualisé ni modifié 92 ( * ) ;
- la publication, la diffusion ou le commentaire de sondages d'opinion, sous peine d'une amende 75 000 euros 93 ( * ) ;
- les appels téléphoniques en série (« phoning ») réalisés par les équipes du candidat ou par un prestataire rémunéré à cet effet (aucune amende prévue).
Le Conseil constitutionnel a regretté ces divergences calendaires entre les réunions électorales et les autres moyens de propagande 94 ( * ) .
Le droit en vigueur soulève également des difficultés pratiques pour les candidats .
En effet, ces derniers peuvent organiser une réunion électorale le samedi qui précède le scrutin mais ont l'interdiction d'y distribuer des tracts ou des circulaires 95 ( * ) , ce qui peut porter à confusion.
En outre, ils ont l'interdiction de « porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que [les] adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale » 96 ( * ) .
En l'espèce, les adversaires peuvent difficilement répliquer à une réunion électorale organisée la veille du scrutin, notamment parce qu'ils ne peuvent plus mobiliser les autres moyens de propagande.
3. L'article 4 de la proposition de loi : un objectif d'harmonisation
Dans une « volonté de cohérence et d'équité » 97 ( * ) , l'article 4 de la proposition de loi vise à interdire l'organisation des réunions électorales à partir du samedi qui précède le scrutin, zéro heure .
Le régime des réunions électorales serait donc aligné sur celui des autres moyens de communication. Aucune forme de propagande ne serait autorisée pendant la journée du samedi .
En outre, les interdictions prévues à l'approche du scrutin seraient regroupées à l'article L. 49 du code électoral 98 ( * ) , à l'exception des sondages d'opinion qui resteraient régis par la loi du 19 juillet 1977.
De manière indirecte, cette rédaction permettrait de sanctionner d'une amende de 3 750 euros les candidats qui organisent des réunions publiques ou procèdent à des appels téléphoniques en série la veille ou le jour du scrutin 99 ( * ) .
4. L'ajout de votre commission : les réunions électorales organisées à l'étranger
Votre commission a souscrit à la volonté de cohérence de l'article 4 de la proposition de loi.
À l'initiative de son rapporteur, elle a étendu ses dispositions à l'organisation des réunions électorales dans les locaux que l'État met à la disposition des Français établis hors de France (amendement COM-49) .
Elle a également ouvert la possibilité aux Français de l'étranger de tenir des réunions électorales en amont des campagnes , reprenant ainsi une jurisprudence solidement enracinée pour les scrutins organisés sur le territoire national 100 ( * ) .
Votre commission a adopté l'article 4 ainsi modifié .
Article 5
(art.
L. 52-3 du code électoral)
Contenu des bulletins de vote
L'article 5 de la proposition de loi vise à mieux encadrer le contenu des bulletins de vote, notamment en interdisant l'apposition d'une photographie ou la représentation de toute personne.
Il concerne l'ensemble des élections 101 ( * ) .
1. Les règles de présentation des bulletins de vote
Chaque candidat est responsable de l'impression de ses bulletins de vote, qu'il remet ensuite à la commission de propagande 102 ( * ) . Il peut aussi les acheminer directement dans les bureaux de vote.
Le coût d'impression des bulletins de vote ne figure pas dans le compte de campagne. Il est pris en charge par l'État lorsque le candidat obtient au moins 5 % des suffrages exprimés.
Les bulletins de vote doivent respecter des règles formelles de présentation , définies par l'article R. 30 du code électoral.
Règles formelles de présentation des bulletins de vote
Règles |
|
Couleur du papier |
Blanc |
Couleur des écritures |
Une seule couleur |
Grammage |
70 grammes au mètre carré |
Format |
Paysage |
Taille maximale |
En fonction du nombre de candidats (exemple : 105 x 148 mm pour les bulletins comportant de un à quatre noms) |
Source : commission des lois du Sénat
2. Le contenu des bulletins de vote
• L'interdiction de mentionner le nom d'une tierce personne
Les bulletins de vote comportent le nom des candidats et, en caractères de moindres dimensions, celui de leur suppléant 103 ( * ) .
À l'inverse, les articles R. 30 et R. 30-1 du code électoral interdisent de mentionner « d'autres noms de personne que celui du ou des candidats ou de leurs remplaçants éventuels » . Comme l'a souligné le Conseil d'État, cette interdiction a « notamment pour objet d'éviter toute confusion dans l'esprit des électeurs sur l'identité et la qualité des candidats et sur les enjeux du scrutin » 104 ( * ) .
Le code électoral ne prévoit qu' une exception : les bulletins de vote peuvent comporter « le nom du candidat désigné comme devant présider l'organe délibérant de la collectivité territoriale concernée » .
Cette dérogation concerne notamment les communes divisées en secteurs ou en sections électorales : un candidat aux élections municipales de Paris peut préciser, sur son bulletin de vote, la personne qu'il soutient pour la présidence du Conseil de Paris.
Lorsque des bulletins de vote comportent le nom d'une personne tierce, les commissions de propagande électorale s'abstiennent de les diffuser. Comptabilisés comme nuls au moment du dépouillement, ils n'entrent pas dans le décompte des suffrages exprimés (articles R. 38 et R. 66-2 du code électoral).
Ces bulletins de vote irréguliers peuvent également justifier l'annulation du scrutin. Tel est le cas des bulletins de vote mentionnant le nom de l'ancien maire de la ville, inéligible le jour du scrutin 105 ( * ) .
Cette interdiction fait toutefois l'objet « d'une interprétation relativement libérale du juge de l'élection » 106 ( * ) : certaines irrégularités des bulletins de vote n'entraînent pas l'annulation du scrutin, notamment lorsqu'elles n'ont créé aucune confusion aux yeux des électeurs.
L'interdiction de mentionner le nom d'une tierce
personne :
Lors des élections législatives de 2007, le bulletin de vote d'un candidat comportait la mention : « Avec le soutien de Monsieur X., président départemental de l'UDF ». Bien qu'elle constitue une irrégularité formelle, cette mention n'a pas altéré le résultat du scrutin : les électeurs n'ont pas été induits en erreur car le candidat a bien été investi par l'UDF 107 ( * ) . De même, le bulletin de vote d'une liste de candidats aux élections régionales de 2015 mentionnait le nom du président du parti, candidat dans une autre région. En l'espèce, « une telle mention irrégulière n'a pu [...] induire les électeurs en erreur quant à l'identité des candidats se présentant sur la liste » 108 ( * ) . |
• La possibilité d'insérer un emblème et une photographie
À l'inverse, les bulletins de vote peuvent comporter un emblème (article L. 52-3 du code électoral), à l'instar de l'armoirie d'une ville 109 ( * ) ou du logotype d'un parti.
Une photographie peut également y figurer, même lorsqu'elle représente une personne tierce. À titre d'exemple, la photographie d'un maire d'une commune, ancien député de la circonscription, peut être apposée sur le bulletin de vote d'un candidat aux élections législatives 110 ( * ) .
3. La proposition de loi : préciser le contenu des bulletins de vote
Dans ses observations sur les élections législatives de 2017, le Conseil constitutionnel s'étonne qu'aucun texte « n'interdise qu'un bulletin comporte la photographie d'une personne autre que le candidat ou son suppléant » 111 ( * ) .
S'inspirant de ses préconisations, l'article 5 de la proposition de loi tend à interdire l'apposition sur les bulletins de vote de la photographie ou de la représentation de toute personne, y compris du candidat ou de son suppléant .
D'après les auteurs de la proposition de loi, il s'agit de « garantir la sincérité du scrutin et d'éviter tout détournement d'image » 112 ( * ) .
En outre, l'article 5 vise à consacrer, au niveau législatif, l'interdiction de faire figurer sur les bulletins de vote d'autres noms de personne que celui des candidats ou de leurs remplaçants éventuels 113 ( * ) .
À titre dérogatoire, les candidats pourraient toujours mentionner le nom d'un candidat d'une autre circonscription, pressenti pour présider l'organe délibérant.
Le juge électoral resterait compétent pour apprécier, au cas par cas, l'éventuelle irrégularité des bulletins de vote et ses conséquences sur le résultat du scrutin.
Votre commission a adopté l'article 5 sans modification .
Article 5 bis (nouveau) (art. L. 306 du code électoral)Clarification des règles de propagande pour les élections sénatoriales
L'article 5 bis de la proposition de loi vise à clarifier les règles de propagande pour les élections sénatoriales.
Il résulte de l'adoption de l'amendement COM-50 de votre rapporteur .
Pour ce scrutin, les règles de propagande sont fixées par les articles L. 306 à L. 308-1 du code électoral, qui prévoient notamment l'application de la loi du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion et de la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information.
Ces règles restent toutefois lacunaires . À titre d'exemple, aucune disposition n'interdit, dans les six mois qui précèdent les élections sénatoriales, d'acheter une publicité commerciale dans la presse.
Ces lacunes s'expliquent par une absence de renvois dans le code électoral, non par une volonté clairement affichée du législateur . Elles constituent, en outre, une source d'incertitude et un risque de contentieux pour les candidats aux élections sénatoriales.
Dès lors, votre commission a souhaité préciser les règles de propagande des élections sénatoriales , en renvoyant aux dispositions applicables aux autres scrutins.
Règles de propagande applicables aux élections sénatoriales
(texte de la commission)
Mesures qui seraient appliquées aux élections sénatoriales |
Articles du code électoral auxquels il serait renvoyé |
Application des interdictions et restrictions du code
électoral aux messages diffusés par voie
électronique
|
L. 48-1 |
Interdiction de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n'aient pas la possibilité d'y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale |
L. 48-2 |
Interdiction de diffuser des tracts ou d'organiser
|
L. 49 |
Interdiction pour un agent de l'autorité publique
|
L. 50 |
Interdiction, dans les six mois qui précèdent
l'élection,
|
L. 50-1 |
Interdiction, dans les six mois qui précèdent l'élection, d'acheter une publicité commerciale dans la presse |
L. 52-1 |
Intégration des « bilans de mandat » dans les dépenses électorales (dépenses déjà prises en compte par la CNCCFP) |
|
Interdiction de diffuser des résultats de l'élection avant la fermeture du dernier bureau de vote |
L. 52-2 |
Interdiction de faire figurer une photographie sur son bulletin de vote ou le nom d'une tierce personne |
L. 52-3 |
Source : commission des lois du Sénat
Les spécificités des élections sénatoriales seraient toutefois conservées . À titre d'exemple, il n'a pas été envisagé d'imposer aux communes de prévoir des emplacements spécifiques pour apposer les affiches des candidats.
Votre commission a adopté l'article 5 bis ainsi rédigé .
* 82 Voir l'article 5 bis pour les élections sénatoriales, qui sont régies par un régime spécifique.
* 83 Loi sur la liberté de réunion.
* 84 Loi relative aux réunions publiques.
* 85 Article L. 2144-3 du code général des collectivités territoriales.
* 86 Article 6 de la loi du 30 juin 1881 précitée.
* 87 Conseil d'État, 10 juin 2015, Élections municipales de Chilly-Mazarin , affaire n° 386062, et Conseil constitutionnel, 8 janvier 2009, Élections sénatoriales en Ardèche , décision n° 2008-4518 SEN.
* 88 Conseil constitutionnel, 8 juin 1967, Élections législatives dans la troisième circonscription de la Haute-Savoie , décision n° 67-371 AN et Conseil d'État, 5 décembre 2008, Élections municipales de Montpezat , affaire n° 317382.
* 89 Article R. 26 du code électoral.
* 90 Conseil constitutionnel, 1 er décembre 2017, Élections législatives dans la cinquième circonscription des Alpes-Maritimes , décision n° 2017-5008/5040/5053 AN.
* 91 Article L. 89 du code électoral.
* 92 Conseil constitutionnel, 20 janvier 2003, Élections législatives dans la première circonscription de Paris , décision n° 2002-2690 AN.
* 93 Articles 11 et 12 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d'opinion.
* 94 Conseil constitutionnel, 21 février 2019, Observations relatives aux élections législatives de 2017 , décision n° 2019-28 ELEC.
* 95 Conseil d'État, 10 juin 2015, Élections municipales de Chilly-Mazarin , affaire n° 386062.
* 96 Article L. 48-2 du code électoral.
* 97 Source : exposé des motifs de la proposition de loi.
* 98 L'article L. 49-1 du code électoral, qui concerne les appels téléphoniques en série, serait abrogé en conséquence.
* 99 L'article L. 89 du code électoral, qui prévoit cette sanction pénale, renvoyant à l'article L. 49 du même code, dans lequel seraient regroupées les interdictions prévues à l'approche du scrutin.
* 100 Conseil d'État, 5 décembre 2008, Élections municipales de Montpezat , affaire n° 317382.
* 101 Voir l'article 5 bis pour les élections sénatoriales, qui sont régies par un régime spécifique.
* 102 Composée d'un magistrat, d'un fonctionnaire et d'un représentant de l'opérateur chargé de l'envoi de la propagande, cette commission est chargée de diffuser les documents de propagande aux électeurs et de les acheminer jusqu'aux bureaux de vote. Ses frais de fonctionnement sont pris en charge par l'État.
* 103 Voir, par exemple, l'article R. 103 du code électoral pour les élections législatives.
* 104 Conseil d'État, 22 septembre 2010, Élections municipales de Corbeil-Essonnes , affaire n° 338956.
* 105 Conseil d'État, 22 septembre 2010, affaire n° 338956 précitée.
* 106 Source : exposé des motifs de la proposition de loi.
* 107 Conseil constitutionnel, 12 juillet 2007, Élections législatives dans la sixième circonscription des Alpes-Maritimes , décision n° 2007-3448.
* 108 Conseil d'État, 11 mai 2016, Élections régionales en Île-de-France , affaire n° 395546.
* 109 Conseil d'État, 7 mars 1990, Élections municipales de Givet , affaire n° 109050 et 27 février 2015, Élections municipales de Bras-Panon , affaire n° 385677.
* 110 Conseil constitutionnel, 1 er décembre 2017, Élections législatives dans la cinquième circonscription des Alpes-Maritimes , décision n° 2017-5008 AN.
* 111 Conseil constitutionnel, 21 février 2019, Observations relatives aux élections législatives de 2017 , décision n° 2019-28 ELEC.
* 112 Source : exposé des motifs de la proposition de loi.
* 113 Cette interdiction étant aujourd'hui prévue par les articles R. 30 et R. 30-1 du code électoral.