EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 mars 2019, la commission a examiné le rapport de Mme Anne-Catherine Loisier et M. Henri Cabanel sur la proposition de loi n° 322 (2018-2019) de Mme Marie-Pierre Monier et les membres du groupe socialiste et républicain portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous passons à l'examen commun de deux propositions de loi. La première, celle de Marie-Pierre Monier et des membres du groupe socialiste, porte diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires. La seconde, celle de M. Gilbert Bouchet, tend à abroger la loi du 20 décembre 1957 interdisant la fabrication de vins mousseux autres que la « Clairette de Die » à l'intérieur de l'aire délimitée ayant droit à cette appellation d'origine contrôlée.

Avant l'examen de ces deux propositions de loi, je vous rappelle que, conformément au gentlemen's agreement conclu en 2009 entre les présidents de groupe et de commission et validé par la conférence des présidents, la commission ne peut en modifier le texte, sauf accord du groupe auteur de la demande d'inscription à l'ordre du jour de la séance publique. Nos rapporteurs eux-mêmes ont les mains liées : ils ne peuvent présenter à la commission pour discussion des amendements qui ont l'accord des auteurs des textes. L'esprit de cet accord est de faire en sorte que le texte de la proposition de loi qui est discuté en séance publique réservée aux groupes minoritaires soit le plus proche des intentions des auteurs et des groupes à l'initiative de la proposition de loi. En revanche, la commission retrouvera sa pleine liberté en séance publique, lors de laquelle nos rapporteurs défendront la position que nous aurons adoptée le 3 avril prochain. En dehors des amendements sur lesquels le groupe socialiste, et éventuellement notre collègue Bouchet, ont donné leur accord pour être discutés en commission, qui seront soumis à discussion, nous ne débattrons ni n'adopterons d'autres amendements. Nous pourrons éventuellement en discuter d'autres lors de notre réunion du 3 avril prochain lors de l'examen des amendements de séance.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - Comme vient de le rappeler Madame la Présidente, notre exercice est aujourd'hui régi par les termes du gentlemen's agreement .

Nous vous proposons la démarche suivante : après vous avoir présenté le contenu du texte, nous vous exposerons l'orientation de nos travaux que nous affinerons, par voie d'amendement, d'ici à la séance publique du 3 avril. Nous analyserons ensuite en commission les amendements dont la discussion a reçu l'accord du groupe ayant demandé l'inscription à l'ordre du jour de la séance.

Les deux propositions de loi de Marie-Pierre Monier et de Gilbert Bouchet ont un objet commun : rétablir un certain nombre d'articles adoptés par le Parlement dans la loi EGALIM, puis censurés par le Conseil constitutionnel faute d'un lien, même indirect, avec le texte initial du Gouvernement.

Lorsque nous rapportions cette loi en première lecture, Michel Raison et moi-même avions déploré l'adoption de ces très nombreux articles, qui avaient transformé une loi « agricole » en une loi « alimentaire ». De fait, le débat sur la question du revenu des agriculteurs s'est déporté vers un débat plus global relatif à l'alimentation ; les discussions ont donné le sentiment aux agriculteurs qu'ils étaient les « oubliés » de leur propre projet de loi.

D'un point de vue juridique, le Conseil constitutionnel a censuré vingt-trois articles. S'ils ne faisaient pas tous l'objet d'un consensus partagé entre l'Assemblée nationale et le Sénat, certains d'entre eux résultaient d'un travail approfondi et répondaient à des attentes tout à fait légitimes et justifiées.

La proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre Monier reprend l'esprit de quatre de ces articles. L'article 1 er vise de nouveau à autoriser l'étiquetage de certains fromages fermiers même s'ils ont été affinés en dehors de la ferme, pratique répandue qui ne peut plus être valorisée depuis un arrêt du Conseil d'État de 2015. L'article 2 tend à abroger la loi de 1957 qui empêche les vignerons du Diois de produire autre chose que de la Clairette de Die, notamment des vins mousseux effervescents. L'article 3 a pour objet de renforcer la transparence des étiquetages des mélanges de miels, constitués de miels originaires de pays tiers. Enfin, l'article 4 vise à lutter contre les pratiques trompeuses constatées sur certains étiquetages des vins, laissant penser que des vins sont français, alors qu'ils sont espagnols.

Je précise que l'article unique de la proposition de loi de Gilbert Bouchet est en tout point identique à l'article 2 de la proposition de loi de Mme Monier, ce qui permet un examen commun des deux textes.

D'autres articles censurés mériteraient d'être repris : je pense notamment à l'obligation de déclaration de récolte ou au dispositif de compromis proposé par le Sénat afin de faciliter la commercialisation de certaines semences dans le respect des règles sanitaires. J'espère que prochainement une proposition de loi sera déposée sur ces sujets.

Ces deux propositions de loi sont un premier pas important. Permettez-moi ainsi de remercier la démarche et l'initiative de nos deux collègues.

Avec Henri Cabanel, nous avons travaillé de concert sur ces deux propositions de loi et avons procédé à huit auditions sur tous les articles concernés.

S'agissant de l'article 1 er sur les fromages fermiers, il est important de rappeler le contexte. L'article 9-1 du décret du 27 avril 2007 encadrant l'étiquetage des fromages précise que la mention « fromage fermier » ou « tout autre qualificatif laissant entendre une origine fermière » est réservée à un fromage fabriqué sous deux conditions : d'abord, le fromage doit être fabriqué selon des techniques traditionnelles ; ensuite, le producteur doit traiter exclusivement les laits de sa propre exploitation sur le lieu même de celle-ci. Il est donc exclu qu'un industriel puisse étiqueter un produit « fromager fermier », car il ne remplit de fait aucune de ces deux conditions.

Le décret prévoyait une dérogation pour certains petits producteurs qui ne pouvaient pas affiner chez eux ou pour certaines coopératives, à condition que l'étiquetage soit complété d'une mention obligatoire précisant que l'affinage avait été réalisé en dehors de l'exploitation agricole, et spécifiant le nom de l'affineur. En avril 2015, le Conseil d'État a censuré cette disposition. Pour que cette pratique d'affinage continue de s'appliquer, il faut donc qu'elle soit élevée au niveau de la loi.

Lors des débats sur la loi EGALIM, les deux assemblées s'étaient entendues sur une rédaction qui permettait à tous les fromages fermiers, dont le processus d'affinage était réalisé en dehors de la ferme en totale conformité avec les usages traditionnels, de bénéficier de la mention « fromage fermier ». Cette disposition permettait d'écarter le dévoiement de cette mention par l'industrie. En outre, l'information des consommateurs devait être assurée par le rappel explicite du fait que l'affinage avait bien été réalisé à l'extérieur de la ferme. Il était prévu que le pouvoir réglementaire précise les conditions de cet affichage. Cette rédaction consensuelle permettait de revenir à la situation qui prévalait avant 2015.

L'article 1 er retient toutefois une rédaction différente, puisqu'il réserve la mention « fromage fermier » aux seuls fromages sous signes d'identification de la qualité et de l'origine, ou SIQO. Ce dispositif revient à exclure certains petits producteurs, qui ne pourront pas valoriser leurs produits. En outre, elle crée une différence de traitement entre les producteurs. Pour les produits sous appellation d'origine contrôlée - AOC -, ou sous indication géographique protégée - IGP -, le cahier des charges encadre déjà les pratiques d'affinage. En revanche, pourquoi les producteurs de fromage bio auraient-ils le droit, contrairement aux autres, d'afficher la mention « fromage fermier » en cas d'affinage hors de la ferme ? Enfin, la rédaction supprime la référence aux « méthodes traditionnelles », qui était pourtant le seul moyen d'éviter que les industriels ne dévoient cette appellation.

Ce débat, nous l'aurons en séance publique. D'ici là, je pense qu'il serait préférable de revenir à la rédaction consensuelle issue de nos débats sur la loi EGALIM.

L'article 3 concerne l'étiquetage du miel. Comme vous le savez, il est possible aujourd'hui de n'afficher sur l'étiquette d'un mélange de miels que la mention « miels originaires de l'Union européenne », « miels non originaires de l'Union européenne » ou « miels originaires et non originaires de l'Union européenne ». Cette rédaction résulte d'une directive européenne de 2001, transposée dans le droit français au niveau réglementaire.

La situation est insatisfaisante au regard de l'information due au consommateur. Comment justifier qu'un miel constitué à 98 % de miel chinois ou hongrois soit étiqueté de la même manière qu'un miel composé à 98 % de miel français ? Dans un contexte où la production de miel en France a été divisée par deux en quinze ans, cela n'est plus tenable. C'est pourquoi l'article 3 rétablit l'obligation d'afficher l'ensemble des pays d'origine des miels contenus dans le pot. C'est un minimum.

La position du Sénat lors des débats sur la loi EGALIM était d'aller plus loin et de déclencher une négociation européenne pour favoriser l'affichage de la liste des pays d'origine par ordre décroissant d'importance. Le consommateur pourrait ainsi mieux distinguer le mélange provenant majoritairement d'un pays d'un autre mélange, sans pour autant que la mesure constitue un surcoût exorbitant pour les conditionneurs de miel. Cette position nous tenait à coeur, tant elle apparaissait plus opérationnelle et équilibrée.

Toutefois, de nouveaux éléments ont changé la donne depuis la promulgation de la loi EGALIM.

D'une part, les instances européennes nous ont indiqué qu'il faudrait modifier la directive de 2001 pour imposer un affichage de l'ordre décroissant des pays d'origine, mais pas pour tous les pays, dans la mesure où l'affichage « miel UE/hors UE » est une faculté laissée à chaque État membre. La France a en quelque sorte surtransposé cette directive au détriment de la bonne information de ses consommateurs.

La solution consistant à afficher les pays d'origine des miels, sans les classer par ordre d'importance, apparaît comme la solution juridique la plus fiable à très court terme ; elle devra cependant s'accompagner d'une négociation européenne pour que l'information soit à l'avenir plus complète : affichage des pays par ordre décroissant d'importance et, pourquoi pas, pourcentage que représente chaque miel dans le mélange final et affichage des noms complets des pays, le sigle « RPC » étant obscur pour les consommateurs. Aussi, il me semble essentiel d'interpeler le ministre sur la nécessité d'obtenir davantage au niveau européen.

D'autre part, la nouvelle interprofession du miel soutient l'affichage des pays d'origine, peu importe leur ordre d'importance. Je rappelle que cet accord doit être unanime au sein de l'interprofession, ce qui n'était pas acquis lors des débats sur la loi EGALIM.

Dès lors, je vous propose de conserver la rédaction de cet article, à la demande de l'interprofession apicole et dans un souci de sécurité juridique. Cela permettra de changer les étiquetages rapidement sans nécessiter de négocier au niveau européen. Je vous propose ensuite d'interpeler le ministre en séance publique afin que nous obtenions des engagements pour aller plus loin.

Mme Sophie Primas , présidente. - Merci Anne-Catherine. Je tenais également à remercier le groupe socialiste et républicain d'avoir accepté l'examen conjoint des deux propositions de loi aujourd'hui.

M. Henri Cabanel , rapporteur . - Nous travaillons toujours dans un esprit constructif au Sénat. Je tenais également à remercier nos collègues Bouchet et Monier pour leur travail.

En préambule, je souhaiterais rappeler que l'étiquetage des denrées alimentaires fait l'objet d'une harmonisation maximale dans l'Union européenne, à la suite notamment du règlement européen INCO de 2011. Les États membres peuvent compléter ce règlement dans des conditions très strictes, si bien que nous disposons de marges de manoeuvres étroites, notamment dans le domaine viticole.

Les propositions de loi que nous examinons traitent de viticulture. L'article 2 de la proposition de loi de Mme Monier et la proposition de loi de Gilbert Bouchet portent sur la « Clairette de Die » ; l'article 4 du texte de Mme Monier concerne l'étiquetage du vin.

L'article 2 de la proposition de loi de Mme Monier est en tout point identique à l'article unique du texte de M. Bouchet. Je suis sûr que M. Buis soutient cette disposition. Reste maintenant à convaincre le ministre, et nous aurons obtenu l'unanimité drômoise ! (Sourires.) Il vise à abroger une loi de 1957 qui interdit aux viticulteurs de produire d'autres vins mousseux que de la Clairette de Die au sein de l'AOC du même nom. Il reprend le principe voté par les deux assemblées dans la loi EGALIM.

Aujourd'hui, cette loi de 1957 comporte deux articles. Son article 1 er dispose que toute élaboration de vins mousseux, autres que des vins mousseux à appellation d'origine contrôlée « Clairette de Die », est interdite dans l'aire géographique de production concernée. L'article 3 inflige des sanctions en cas de méconnaissance de cette interdiction.

Dès lors, abroger la loi n'aura qu'un seul effet : permettre la production de vins mousseux autres que de la Clairette de Die dans cette zone. L'abrogation de la loi ne provoquera pas la disparition de l'AOC « Clairette de Die » ou le changement de son cahier des charges. Elle ne vise qu'à permettre aux producteurs concernés de se diversifier dans une autre production, les vins mousseux rosés notamment, afin d'améliorer leurs revenus. Toutefois, ils ne pourront pas nommer ce vin « Clairette de Die » dans la mesure où le cahier des charges de l'AOC ne le prévoit pas. Ce sera un vin mousseux rosé, produit dans la Drôme, qui pourrait bénéficier d'une IGP ou d'une appellation spécifique dans cinq, dix voire vingt ans.

Certes, le ministère de l'agriculture avait validé la modification du cahier des charges de l'AOC « Clairette de Die » en 2016, afin de reconnaître la Clairette de Die rosée. Mais, constatant l'absence d'antériorité suffisante, le Conseil d'État a annulé cet arrêté, c'est-à-dire qu'il est réputé n'avoir jamais existé. Concrètement, cela signifie deux choses. D'une part, le cahier des charges de l'AOC ne pourra pas prévoir l'appellation Clairette de Die rosée avant de nombreuses années. D'autre part, les bouteilles produites sous cette appellation entre l'arrêté du ministre en 2016 et la décision du Conseil d'État en 2018 sont illégales. Sauf à les détruire ou à imposer un nouvel étiquetage très coûteux, nous devons trouver une solution pour les producteurs concernés, car ils paient pour une erreur commise par l'État.

D'ici à la séance publique, je vous propose de travailler sur le sujet pour essayer de régler le problème. Pour le reste, je suis favorable à l'abrogation de la loi. Pourquoi les producteurs d'une zone pourraient faire du vin mousseux blanc ou rosé selon leur choix et pas les producteurs de la zone de Die ? En revanche, je le rappelle, les producteurs du Diois feront du vin mousseux rosé sans appellation et, comme aujourd'hui, de la Clairette de Die qui restera blanche ! J'espère avoir été clair ...

M. Michel Raison . - Sur le fond, le sujet n'était pas si « clairette » que cela ! (Sourires)

M. Henri Cabanel , rapporteur . - L'article 4 traite d'un problème qui me tient particulièrement à coeur. Aujourd'hui, en grande surface, surtout pour les bag in box , on laisse croire aux consommateurs que certains vins sont français en utilisant des imageries, un nom français, en mettant en valeur un cépage, alors que ces vins sont étrangers. Les cas de tromperie sont nombreux : la DGCCRF estime que l'arnaque a porté sur plus de 10 millions de bouteilles.

L'article 4 prévoit d'indiquer clairement le pays d'origine sur l'étiquetage du produit, reprenant un article adopté dans la loi EGALIM mais qui avait déjà à l'époque été refusé par le Sénat.

Anne-Catherine Loisier et moi-même avons auditionné les producteurs, les professionnels du négoce et l'interprofession nationale. Leur réaction a été quasi unanime : le droit existant est suffisant, mises à part les demandes de grossissement des caractères indiquant le pays, notamment sur les bag in box. Le droit européen, modifié d'ailleurs au tout début de l'année 2019, prévoit déjà que le pays d'origine doit obligatoirement figurer sur la bouteille à côté des autres mentions obligatoires, de sorte à être lisible simultanément, sans qu'il soit nécessaire de tourner le récipient. La taille des caractères est définie pour être suffisamment grande.

Le problème n'est donc pas le droit mais la pratique. Presque tous les acteurs auditionnés estiment que cette mesure n'apportera pas grand-chose et qu'elle pourrait créer un risque juridique pour les acteurs de la filière. La véritable solution réside dans les moyens alloués aux contrôles de la DGCCRF. Il s'agit d'un point essentiel, abordé chaque année lors de l'examen du projet de loi de finances dans notre assemblée. Ce sujet est en tout cas digne d'être débattu en séance publique. Je vous propose d'interpeller le ministre sur l'étiquetage des vins, ce qui implique de maintenir l'article dans la proposition de loi à ce stade.

Enfin, l'article 5 porte sur les dates d'entrée en vigueur des dispositifs relatifs aux étiquetages de produits pouvant se conserver, comme le vin ou le miel. Vous le savez, faire étiqueter de nouveau les bouteilles a un coût. L'article prévoit donc un délai d'entrée en vigueur différé au 1 er septembre 2020 pour l'étiquetage du miel et du vin, ce qui laissera le temps aux opérateurs de modifier leurs procédés. Je proposerai, en accord avec Marie-Pierre Monier, un amendement rédactionnel sur cet article.

En définitive, les chances de réussite de la proposition de loi résident dans sa concision. Les débats sur ce texte auront lieu en séance publique et devraient être nourris et constructifs.

D'ici là, avec Anne-Catherine, nous vous proposons de :

- valider le principe de l'abrogation de la loi de 1957 sur la Clairette de Die tout en essayant de trouver une solution pratique pour régler le problème du stock de bouteilles produites entre 2016 et 2017 ;

- maintenir la rédaction de la proposition de loi sur l'étiquetage du miel, rédaction qui je le rappelle est voulue par l'interprofession apicole pour régler rapidement le problème et qui est entièrement conforme avec le droit de l'Union européenne mais d'obtenir un engagement du ministre en séance pour l'amener à porter au niveau européen la position du Sénat sur l'étiquetage par ordre décroissant a minima ;

- étudier l'opportunité de la suppression de l'article 4 sur l'étiquetage du vin dans la mesure où les mesures sont déjà présentes dans le droit existant et profiter de cet article pour interpeler le ministre en séance sur le sujet des tromperies dont le consommateur et le producteur de vin français sont victimes afin qu'il prenne des engagements pour renforcer les contrôles.

Mme Marie-Pierre Monier . - Vous avez rappelé le contexte dans lequel ces textes ont été élaborés. À l'approche des élections européennes, nous avons l'opportunité de défendre notre vision de l'agriculture française, une agriculture qualitative, plus transparente et respectueuse des consommateurs et des producteurs. Les consommateurs sont de plus en plus sensibles à ces questions : ils ont envie d'authenticité et de saveurs nouvelles.

Les articles de ma proposition de loi concernent l'ensemble du territoire national, hormis l'article 2 qui porte sur la Clairette de Die, production emblématique du département de la Drôme. Il est important de trouver un consensus sur ce texte, très attendu sur le terrain.

M. Gilbert Bouchet . - La Clairette de Die est emblématique du patrimoine drômois. Pourquoi interdire la production de mousseux rosé dans cette zone, alors que nos amis espagnols et italiens ne nous attendent pas pour vendre du vin pétillant rosé ?

M. Daniel Laurent . - En tant que président du groupe d'études « Vigne et vin » et en tant que viticulteur, je propose la suppression de l'article 4 du texte de Mme Monier. Cette disposition, introduite à l'Assemblée nationale contre l'avis du Gouvernement, a en effet déjà été rejetée par le Sénat au motif qu'elle est déjà satisfaite par le droit européen. Notre arsenal législatif et réglementaire offre les outils nécessaires pour lutter efficacement contre les pratiques trompeuses en matière d'étiquetage d'origine. Il faut simplement que les services de l'État et la DGCCRF puissent mener leurs missions avec efficacité.

Si l'intention de défendre notre filière vitivinicole et le droit à l'information des consommateurs est louable, nous devons veiller à ne pas surcharger notre droit, car cela va à l'encontre de nos efforts de simplification normative. En outre, l'article 4 risque de créer un flou juridique et une discrimination à rebours, qui conduirait les distributeurs à s'approvisionner chez nos voisins de l'Union européenne.

M. Daniel Gremillet . - Je serai bref, puisque le débat se déroulera pour l'essentiel en séance publique. Le travail de nos rapporteurs sur la loi EGALIM ayant déjà permis de trouver un compromis sur les points clés du texte, je souhaite vraiment que nous nous en tenions à une rédaction consensuelle de l'article 1er, qui permette de ne pas exclure certains producteurs de fromages fermiers, tout en garantissant la pleine information des consommateurs.

Mme Noëlle Rauscent . - La proposition de loi de notre collègue Marie-Pierre Monier comporte des dispositions censurées par le Conseil constitutionnel. Elle va surtout dans le sens de la traçabilité des produits alimentaires que souhaitent les consommateurs aujourd'hui. Mon groupe est favorable à ce texte et le votera en l'état.

M. Laurent Duplomb . - Les deux propositions de loi vont dans le bon sens. Les articles 2 à 5 du texte de Mme Monier apportent des réponses aux difficultés rencontrées sur le terrain, en particulier par la filière apicole française. On assiste à un imbroglio phénoménal sur l'étiquetage du miel. J'ajoute que ce n'est pas en laissant s'installer n'importe qui n'importe comment que l'on arrive à faire un produit de qualité répondant aux attentes du consommateur.

En revanche, l'article 1 er pose question : limiter la mention « fromage fermier » aux seuls fromages de qualité montre une méconnaissance totale de l'agriculture française. Faute d'argent, certains agriculteurs sont contraints de s'associer au sein d'une coopérative pour fabriquer leur fromage, ce qui les exclut de fait du dispositif. L'article méconnaît aussi la multitude des fromages hors SIQO, comme le fromage aux artisons produit dans mon département. J'envisage par conséquent de déposer un amendement en séance publique.

M. Pierre Louault . - Nous avons en Touraine, avec le Sainte-Maure, la première AOC de France. Tout un chacun peut en produire ailleurs, sans bénéficier toutefois de l'appellation. Il me semble essentiel de préserver les coutumes et, dans ce cadre, le rôle des affineurs. Que la loi permette d'associer un producteur à un affineur apportera de la clarté sur l'origine du fromage et permettra de conserver les traditions locales de partenariat.

M. Bernard Buis . - Je remercie nos collègues Marie-Pierre Monier et Gilbert Bouchet de leur initiative qui autorisera la production de rosé pétillant dans le Diois. Je viens du pays de Die et je peux vous affirmer que cette interdiction pèse sur notre territoire. En 2016, nous avions espéré un assouplissement de la réglementation et produit de la Clairette rosée. Nous avons, hélas, été déçus par la décision du Conseil d'État et, plus récemment, par la censure de la loi EGALIM. Depuis, 4,5 millions de bouteilles sont stockées, sans compter la dernière production encore en cuve, sans qu'il soit possible de les commercialiser alors que les vins effervescents rosés étrangers sont autorisés. Je soutiendrai la proposition de loi pour offrir une nécessaire bouffée d'oxygène à nos viticulteurs.

M. Roland Courteau . - Je remercie à mon tour les auteurs des propositions de loi. Sur l'article 4, je comprends la position de notre rapporteur Henri Cabanel. Les tromperies à l'égard des consommateurs continuent ! Dans mon département, des bouteilles identiques sont vendues en supermarché, qu'elles contiennent du vin du pays d'Oc ou du vin espagnol. Il faut regarder à la loupe pour apercevoir la discrète mention de l'origine du produit ! Quel dommage que la loi EGALIM ait souffert des changements de cap du Gouvernement et d'une censure du Conseil constitutionnel... L'intensification des contrôles est indispensable, mais les services déconcentrés de la DGCCRF, notamment dans les départements de l'Aude et de l'Hérault, manquent de personnels pour les réaliser. L'objectif de 5 % de contrôle ne peut, dès lors, être atteint. Par ailleurs, certains négociants préfèrent payer une amende plutôt que de se conformer à la réglementation. Il faut donc sans tarder saisir le Gouvernement sur la nécessité de renforcer les contrôles et, à cet effet, augmenter les effectifs de la DGCCRF.

M. Joël Labbé . - Ces propositions de loi représentent une excellente initiative de nos collègues. Le fromage fermier n'écarte certes pas les autres productions de fromages, mais sa labellisation doit demeurer exigeante. L'Association nationale des producteurs de laitiers fermier défend les produits fermiers, mais plusieurs affineurs ont été rachetés par de grands groupes comme Lactalis, dès lors en mesure de bénéficier de l'appellation. Il convient donc de resserrer les conditions de son obtention. S'agissant du miel, il faudrait interdire les mélanges. À défaut, les consommateurs doivent être informés des pourcentages et des pays d'origine des miels ayant servi à la fabrication du produit. Je présenterai enfin en séance un amendement relatif à l'étiquetage des huitres. Je signale que, dans les dégustations, les huîtres traditionnelles ont été les premières à être terminées...

M. Jean-Claude Tissot . - J'adresse mes félicitations à nos deux rapporteurs pour le travail réalisé. Le miel est fabriqué par les abeilles, que nous devons protéger des pesticides comme du frelon asiatique, même s'il est plus difficile d'avoir prise sur ce second danger.

M. Michel Raison . - Je m'associe aux propos de Joël Labbé sur le miel. Les magouilles en matière de production, d'importation et de vente entachent le secteur du miel. Il me semble incroyable qu'un lobby ait pu obtenir de Bruxelles une réglementation si souple ! Mais j'ajoute que la profession apparaît peu organisée, ce qui ne favorise pas les producteurs dans la négociation et ce qui conduit également à la raréfaction des abeilles dans la mesure où de nombreux petits producteurs ne suivent pas la prophylaxie avec suffisamment d'exigence.

EXAMEN DES ARTICLES

Mme Sophie Primas , présidente .  - Nous débutons donc l'examen du texte ainsi que des amendements déposés dont la discussion a reçu l'accord du groupe socialiste et républicain. Pour les auteurs des autres amendements, je vous invite à les redéposer dans la perspective de la séance publique et nous les examinerons naturellement le 3 avril en commission et en séance. Je vous propose donc de les rejeter en application du gentlemen's agreement. Est-ce que cela vous convient ?

Les amendements COM-9 , COM-13 , COM-4 , COM-1 , COM-7 rect ., COM-3 , COM-8 , COM-15 , COM-2 et COM-5 ne sont pas adoptés.

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure. - L'amendement COM-10 prévoit un affichage des pays d'origine du miel par ordre décroissant en indiquant la part de chacun de la composition du produit. Compte tenu des échanges que nous venons d'avoir, et malgré la prise de conscience qui émerge au niveau européen sur cette problématique, comme l'illustre la position espagnole, mon avis est défavorable. Mais nous attirerons l'attention du ministre sur l'étiquetage du miel en séance publique. Pour les raisons évoquées à l'amendement précédent, je suis également défavorable aux amendements COM-14 et COM-6 . Je vous propose en conséquence de ne pas les adopter.

M. Laurent Duplomb . - Notre commission, si elle souhaite interpeller le ministre plus efficacement, devrait adopter l'amendement. Certes, on n'ira pas au bout car on sait que la Commission européenne est contre mais donner un avis défavorable cela envoie un mauvais signal.

Mme Sophie Primas , présidente. - Si nous adoptons l'amendement maintenant, cela modifierait tout de suite le texte. Cela n'empêche pas que ces amendements pourront être redéposés afin que nous ayons un débat en séance publique.

Les amendements COM-10 , COM-14 et COM-6 ne sont pas adoptés.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure . - L'amendement COM-12 renvoie à un arrêté des ministres de la consommation et de l'agriculture la définition des modalités de l'affichage du miel. L'adoption de la proposition de loi entraînera une modification de l'arrêté donc l'amendement est déjà satisfait. Avis défavorable.

L'amendement COM-12 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

M. Henri Cabanel , rapporteur. - Notre amendement COM-16 clarifie les dates d'entrée en vigueur des dispositions du titre II relatives au vin et au miel. Il est rédactionnel.

L'amendement COM-16 est adopté.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure. - L'amendement COM-11 limite la dérogation aux obligations d'étiquetage pour les miels. Il complexifie inutilement la procédure, d'autant qu'il semble peu probable que les dispositions de l'article 5 conduisent à une quelconque surproduction. Mon avis est donc défavorable.

L'amendement COM-11 n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté ainsi amendé.

La proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux mentions et signes de la qualité et de l'origine valorisant les produits agricoles ou alimentaires est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

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