PREMIÈRE PARTIE : LA PREMIÈRE RELATION CONVENTIONNELLE ENTRE L'UE ET L'AFGHANISTAN

I. L'AFGHANISTAN, UN PAYS À L'ÉCONOMIE FRAGILE ET À LA SITUATION SÉCURITAIRE ET POLITIQUE DÉGRADÉE

1. Un pays parmi les moins avancés malgré un important soutien de la communauté internationale

L'Afghanistan est un pays d'Asie centrale d'une superficie d'un peu plus de 650 000 km 2 , dont 85 % de montagnes. Il compte 35,5 millions d'habitants et se compose de nombreux groupes ethniques (pachtounes, tadjikes, ouzbèkes, hazaras et turkmènes principalement), les pachtounes étant l'ethnie majoritaire. Il s'agit d'une population très jeune, dont 47 % ont moins de 15 ans.

L'indice de développement humain était de 0,479 en 2016, ce qui classe l'Afghanistan dans la catégorie des pays les moins avancés (169 e rang sur 188 pays évalués par le Programme des Nations unies pour le développement).

Selon le rapport du Secrétaire général de l'ONU de février 2018 sur la situation en Afghanistan, la croissance économique reste faible à cause du conflit, de l'incertitude entourant la réglementation et de la corruption généralisée. La croissance a légèrement augmenté, récemment, passant de 2,2 % en 2016 à 2,6 % en 2017, avant de retomber à 2,2 % en 2018, ce qui est insuffisant pour garantir la progression du revenu par habitant, d'autant que le taux de chômage des 15-25 ans est de 42 %.

L'Afghanistan demeure par ailleurs le premier producteur au monde d'opium et d'héroïne . La production continue d'augmenter, en dépit du plan d'action 2015-2019 contre la production et le trafic de drogue adopté par le gouvernement afghan. Le rapport sur l'Afghanistan publié en novembre 2017 par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC) estime que la production potentielle d'opium représenterait 9 000 tonnes et 1,4 milliard de dollars par an.

Depuis une quinzaine d'années, des progrès ont toutefois été accomplis dans l'accès à l'eau, à l'électricité, aux soins de santé et à l'éducation de base ainsi que dans l'autonomisation et la représentation des femmes. Les effectifs scolaires sont ainsi passés d'un million à 8,9 millions d'élèves (dont 42 % de filles) entre 2002 et 2017 mais le taux d'alphabétisation qui, selon l'Unesco, était de 38,17 % en 2015, reste faible. En revanche, les taux de mortalité infantile et maternelle ont baissé de 34 % par rapport à leur niveau de 2003.

De nouvelles difficultés sont cependant à craindre, car en octobre 2018, le coordinateur humanitaire des Nations unies dans les pays en guerre a annoncé qu'au moins 3 millions d'Afghans se trouvaient en situation d'urgence alimentaire absolue, suite à l'importante sécheresse de l'été dernier dans le Nord et l'Ouest du pays.

L'Afghanistan bénéficie pourtant d'un large soutien financier de la part de la communauté internationale, puisqu'il a reçu, depuis 15 ans, 150 milliards de dollars d'aides de la part des donateurs bilatéraux et multilatéraux.

À la Conférence ministérielle des donateurs sur l'Afghanistan du 4 et 5 octobre 2016 à Bruxelles, co-présidée par l'Union Européenne et l'Afghanistan, les donateurs (75 pays et 26 organisations internationales) ont approuvé, dans la continuité des conférences de Tokyo (2012) et de Londres (2014), le programme de réformes présenté par le gouvernement afghan et se sont engagés à apporter une aide financière internationale d'environ 13,6 milliards d'euros sur la période 2017-2020, avec l'objectif de soutenir l'Afghanistan pour qu'il poursuive sur la voie de la stabilité politique et économique ainsi que sur celle de la consolidation de l'Etat et du développement.

Les 27 et 28 novembre 2018, une conférence ministérielle sur l'Afghanistan, co-présidée par l'Afghanistan et les Nations unies, s'est tenue à Genève, en présence de 61 Etats. Cette « réunion de mi-parcours » a permis de dresser un premier bilan de la Conférence des donateurs de 2016 et de rappeler le soutien de la communauté internationale au processus de paix inclusif engagé par le gouvernement afghan (offre de négociation sans condition), d'appeler les Talibans à y participer, sans remettre en cause les acquis des dernières années en matière de droits de l'Homme, d'appeler les Etats de la région à oeuvrer pour la paix, de saluer la préparation de l'élection présidentielle de 2019, dans le respect de la Constitution, et de soutenir les réformes engagées pour la « décennie de la transformation 2015-2024 ». Les commentateurs ont souligné l'absence, lors de cette conférence, du secrétaire général des Nations unies, du secrétaire d'Etat américain ainsi que de l'ambassadeur américain Zalmay Khalizad, envoyé spécial pour la paix en Afghanistan, le Pakistan n'étant représenté que par un diplomate de troisième rang.

Durant cette conférence cependant, le commissaire européen à la Coopération internationale et au développement Neven Mimica a signé avec le ministre des Finances afghan Mohammad Humayon Qayoumi un paquet d'aides pour un montant total de 474 M€ (voir Infra ).

La prochaine conférence des donateurs est prévue en 2020.

Les services du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères, (MEAE) 1 ( * ) ont indiqué à votre rapporteur, qu'à l'occasion de cette conférence, les Américains, avec le soutien des Britanniques, ont demandé la séparation des deux voies dédiées respectivement aux élections et au processus de paix, tandis que les Russes appelaient à poursuivre leur processus (format de Moscou, voir Infra ) en lien notamment avec les Etats centrasiatiques.

2. Un pays à la situation sécuritaire dégradée et d'émigration vers l'Europe

Depuis plusieurs décennies, l'Afghanistan a été le théâtre de nombreux conflits armés : invasion soviétique à la fin des années 1970, établissement d'un régime islamique par les Talibans en 1996 et renversement de ce régime en novembre 2001 par la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis après les attentats du 11 septembre.

En décembre 2001 , le Conseil de sécurité de l'ONU a adopté une résolution 1386 autorisant le déploiement de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) à Kaboul et aux alentours, afin d'aider à stabiliser l'Afghanistan et à créer les conditions d'une paix durable. Entre août 2003 et décembre 2014, l'OTAN a pris la direction des opérations de la FIAS, plus longue opération jamais menée par elle puisqu'elle a compté jusqu'à 130 000 hommes provenant de 50 pays membres et partenaires. Entre 2001 et 2012, la France a compté jusqu'à 3 850 hommes au sein de la FIAS.

Au sommet de Lisbonne de 2010 , les dirigeants des pays de l'OTAN, en accord avec le Gouvernement afghan, ont décidé la restitution de la pleine responsabilité de la sécurité en Afghanistan aux forces afghanes , à la fin de l'année 2014. Ce transfert a été précédé d'une phase transitoire commençant en 2011 dans les régions relativement stables.

Le 1 er janvier 2015 , après la fin officielle de la FIAS le 28 décembre 2014, l'OTAN a lancé la mission Resolute Support (RSM), afin d'apporter formation, conseil et assistance aux forces de défense et de sécurité afghanes (ANDSF).

Lors du sommet de l'OTAN du 9 juillet 2016 à Varsovie, il a été décidé que la RSM serait maintenue au-delà de 2016, mais selon une nouvelle approche fondée sur l'évolution de l'environnement. Actuellement, la mission RSM regroupe environ 16 000 soldats de 39 pays et alliés. La France ne fournit pas d'effectifs mais contribue financièrement, à hauteur de 78,8 M€ pour la période 2017-2021.

Le 21 août 2017, le Président Trump a réaffirmé l'engagement des Etats-Unis en Afghanistan en soutien aux autorités afghanes sur les plans politique, économique et militaire, l'objectif poursuivi étant de parvenir à une négociation avec les Talibans souhaitant déposer les armes et à une réconciliation nationale. Cette déclaration américaine a été suivie par l'envoi de 3 000 combattants supplémentaires dans la mission RSM portant ainsi le contingent américain à 10 000 hommes, sans compter les 5 000 personnels déployés à titre national dans l'opération Freedom Sentinel.

Enfin, en juillet 2018, le sommet de Bruxelles a permis aux Alliés et à leurs partenaires opérationnels de réaffirmer leur détermination à inscrire leur engagement en Afghanistan dans la durée, que ce soit sur le plan opérationnel ou financier, afin de développer les conditions propices à la poursuite du processus de paix conduit par les Afghans. À cette occasion, les Etats-Unis ont appelé leurs Alliés à renforcer leurs effectifs dans la mission non combattante Resolute Support , notamment afin d'accompagner la stratégie américaine en Afghanistan. En réponse à cet appel, le Royaume-Uni a confirmé le déploiement de 440 militaires supplémentaires dans la région de Kaboul, tandis que le Qatar et les Emirats Arabes Unis ont annoncé leur souhait d'intégrer la coalition alliée en Afghanistan.

En décembre 2018, la presse américaine a évoqué un possible retrait de la moitié des troupes américaines stationnées en d'Afghanistan (environ 7 000 soldats sur les 14 000 qui y sont déployés), sans préciser davantage le calendrier.

Depuis le sommet de Varsovie de 2016, les dirigeants des pays de l'Alliance ont aussi pris l'engagement d'assurer, jusqu'à la fin 2020, le soutien financier (financement d'une partie des soldes) des forces de défense et de sécurité afghanes, dont les effectifs étaient de 308 693 personnels fin octobre 2018, via le fonds d'affectation spéciale de l'OTAN pour les forces armées afghanes ( ANA Trust Fund ), créé en 2012. Lors du sommet de Bruxelles de juillet 2018, les Alliés ont décidé de poursuivre leurs contributions à ce fonds au moins jusqu'en 2024. En mai 2018, il dépassait les deux milliards de dollars. Le gouvernement afghan s'est engagé, de son côté, à verser, à ce fonds, au moins 500 millions de dollars par an. La France n'alimente pas ce fonds.

On rappelle qu'il existe également un fonds d'affectation spéciale pour l'ordre public en Afghanistan (LOFTA) géré par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et l'Afghanistan Security Forces Fund (ASFF) des Etats-Unis.

En dépit des efforts de la communauté internationale et de l'élimination d'Oussama ben Laden le 2 mai 2011, la situation sécuritaire du pays reste dégradée. Selon les informations transmises par les services du MEAE 2 ( * ) , les forces armées afghanes ont échoué au cours des derniers mois à accroître leur emprise territoriale, sans pour autant reculer face aux insurgés .

À la fin 2018, l'emprise territoriale du gouvernement afghan reste d'environ 55,5 % du territoire mais il semblerait que les zones disputées soient de plus en plus étendues (70 % des districts selon les Talibans), ce qui ne permet pas d'entrevoir une victoire prochaine d'un camp ou d'un autre. Les observateurs constatent une forte activité des Talibans avec des combats de plus en plus meurtriers pour les forces de sécurité afghanes, les Talibans semblant disposer désormais d'un véritable commandement organisé, de leurs propres forces spéciales et d'équipements proches de ceux des armées conventionnelles. L'année 2018 aurait vu une hausse des tués et blessés parmi les forces de sécurité (il n'y a plus de comptabilisation depuis 2016). La période électorale , notamment, a été marquée par une recrudescence de violences de la part des Talibans (149 morts à Mastung en juillet dernier et attaque du 18 octobre dont a réchappé le commandant en chef des forces de l'OTAN en Afghanistan, le général Scott Miller).

En 2017, la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) a rapporté 3 438 morts et 7 015 blessés, dont 65 % attribués aux forces anti-gouvernementales (45 % aux Talibans, 10 % à l'Ei-K et 13 % à des groupes indéterminés) ; dont 20 % aux forces pro-gouvernementales et 15 % à différentes causes.

En janvier 2019, le Président Ashraf Ghani a indiqué que 45 000 membres des forces de sécurité afghanes avaient été tués depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2014.

L'Etat Islamique au Khorasan (EI-K) - la branche régionale de Daech, dont l'existence a officiellement été annoncée en janvier 2015 - est toujours à l'origine d'attaques terroristes contre la communauté chiite et les institutions afghanes , particulièrement à Jalalabad, même si elle a essuyé, dans son bastion du Nord, une lourde défaite face aux Talibans à la fin du printemps et a perdu son émir afghan suite à une opération aéroterrestre le 25 août 2018. En 2016, on estimait que l'Ei-K représentait environ 8 000 hommes. Les Talibans et l'EI-K se livrent des combats importants , comme au mois de juillet dans le district de Darzab.

Dans ce contexte de dégradation de la situation sécuritaire, les Afghans sont nombreux à prendre la route de l'exil . Les migrants afghans représentent, après les Syriens, le deuxième flux d'entrées dans l'Union européenne et le premier groupe de mineurs non accompagnés depuis 2015. Les demandes d'asile afghanes auprès de l'UE étaient de 196 255 demandes en 2015 et de 190 250 demandes en 2016. En 2017, elles ont chuté pour s'établir à 49 280 demandes. Sur les six premiers mois de 2018, 19 706 demandes d'asile afghanes ont été présentées dans l'UE.

La relation entre l'UE et l'Afghanistan dans le domaine migratoire est désormais régie par un accord politique conclu le 2 octobre 2016 à Kaboul, le « projet d'action conjointe pour le futur sur les questions migratoires UE-Afghanistan » (« Joint Way Forward on Migration Issues »). Cet accord, bien que juridiquement non contraignant, permet cependant de clarifier les procédures et les délais en matière de réadmission. Il se révèle efficace et l'on observe une augmentation des retours forcés depuis l'UE (Voir Infra ).

En France, la demande d'asile afghane a fortement augmenté à partir de la fin de l'année 2015 : de 2 122 premières demandes en 2015, elle est passée à 5 646 en 2016 et à 6 062 en 2017. En 2018, l'OFPRA a enregistré 9 439 demandes. Ces chiffres placent l'Afghanistan au deuxième rang des nationalités de primo-demandeurs, en France, en 2017 et au premier rang en 2018 (voir Infra ).

3. Un pays à la situation politique fragile, où plusieurs processus de paix sont en cours

Dans ce contexte de détérioration de la situation sécuritaire, les institutions politiques restent faibles . De plus, le reflux d'Afghans en provenance des pays voisins - de l'Iran pour des raisons économiques notamment liées à la dépréciation de la monnaie iranienne ainsi que du Pakistan - complique la situation sociale.

Le gouvernement d'unité nationale d'Ashraf Ghani, qui a succédé à Hamid Karzai 3 ( * ) en 2014, est affaibli en raison de nombreuses dissensions internes - divergences notamment entre le Président Ghani et le chef de l'exécutif Abdullah Abdullah -, de nombreux reports des échéances électorales, de l'incapacité à lutter contre les attentats meurtriers et de la corruption des élites.

Les élections présidentielles, initialement prévues le 20 avril 2019, viennent d'être reportées au 20 juillet 2019. Elles suscitent de nombreuses inquiétudes, compte tenu du climat de violence dans lequel se sont déroulées les élections législatives des 20 et 21 octobre 2018, reportées depuis 2015 - plus de 80 morts dont 10 candidats pendant la campagne électorale. Au 22 janvier 2019, 16 candidats se sont officiellement déclarés, parmi lesquels, le Président Ghani, le chef de l'exécutif Abdhullah Abdhulla et l'ancien conseiller de la sécurité nationale du Président Ghani, Hanif Atmar font figure de favoris.

Les élections législatives, qui se sont déroulées dans la plupart des provinces afghanes, ont en outre été entachées d'irrégularités et de fraudes (12 000 plaintes déposées devant la commission des recours). Au total, la communauté internationale y a contribué à hauteur de 100 millions de dollars dont 20 millions versés par l'UE. Les résultats ont été proclamés le 14 janvier 2019 et le nouveau parlement devrait être intronisé dans les semaines qui viennent - 68 des 250 sièges sont réservés aux femmes. La mission électorale de l'UE a jugé peu crédible le chiffre de participation de 4 millions sur 8,8 millions et les observateurs ont constaté de nombreux cas de fraude et de corruption.

Il faut rappeler cependant l'existence de la mission d'assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA) , mise en place par la résolution 1401 du Conseil de sécurité du 28 mars 2002 et renouvelée depuis, chaque année, au mois de mars, dont le mandat est d'apporter une aide sous forme de bons offices au processus de paix afghan, un appui aux élections, la surveillance de la situation des droits de l'Homme et la promotion de la gouvernance et de la coopération régionale.

Pour apporter une réponse à cette situation complexe, plusieurs processus de paix sont en cours, sans qu'aucun résultat décisif n'ait pu être obtenu à ce jour.

Un processus inter-afghan, appelé « processus de Kaboul » a été lancé en juin 2017 par le Président Ghani. L'envoyé spécial de l'UE pour l'Afghanistan a participé activement à la deuxième session de ce processus qui s'est tenue le 28 février 2018. Toutefois, après avoir accepté un cessez-le-feu de trois jours en juin, les Talibans ont rejeté, le 19 août 2018, l'offre d'un second cessez-le-feu.

L'UE soutient ce processus de paix « Afghan-led et Afghan-owned » , (conduit et pris en charge par les Afghans). Actuellement des réflexions sont en cours quant au soutien que pourrait apporter la France au processus de paix inter-afghan dans le cadre d'une éventuelle initiative européenne de médiation entre le gouvernement afghan et les Talibans.

Il existe une initiative américaine , qui est soutenue par l'Arabie saoudite et les Emirats arabes unis. Le représentant spécial américain de la Maison blanche pour la réconciliation en Afghanistan, Zalmay Khalilzad - le Président Trump lui a donné six mois pour boucler le dossier - s'est ainsi entretenu avec la représentation talibane installé à Doha (Qatar) - non reconnue par les autorités afghanes - du 14 au 16 novembre 2018 après un premier entretien en octobre. Depuis juillet 2018, La nouvelle approche américaine est plus ouverte à des discussions directes avec l'insurrection. Les médias afghans ont récemment évoqué l'existence d'un projet d'accord de paix américain préparé par un think Tank proche de Washington, sans que les autorités afghanes y étaient associées 4 ( * ) et prenant en compte l'essentiel des exigences des Talibans. Lundi 28 janvier 2019, Zalmay Khalilzad a annoncé être parvenu « à une ébauche d'accord de paix » avec le principal mouvement insurgé. Selon lui, les Talibans se sont engagés à empêcher que leur territoire ne serve de base arrière à des mouvements terroristes mais continuent en revanche de refuser de parler avec le gouvernement de Kaboul. Ce même jour, le Président Ghani a rappelé qu'une telle négociation ne pouvait se faire sans le gouvernement afghan et dans la précipitation.

Face à l'initiative américaine, il existe une initiative russe . Le 9 novembre 2018, la Russie a ainsi organisé une troisième conférence sur l'Afghanistan , après celles des 15 février et 14 avril 2017, pour permettre un dialogue entre instances officielles afghanes (Haut Conseil pour la paix) et Talibans, représentés par une délégation de Doha, en présence des puissances régionales, notamment de l'Inde, de la Chine, de l'Iran, du Pakistan ainsi que des Etats-Unis (représentation au niveau Premier ou troisième secrétaire).

Enfin, il faut également signaler une initiative ouzbèke . Une conférence a ainsi eu lieu à Tachkent, le 27 mars 2018, pour la construction d'un consensus régional et une intégration économique de l'Afghanistan en Asie centrale.

4. Un pays, source d'inquiétudes dans la région et au-delà

Selon les informations transmises par les services du MEAE 5 ( * ) à votre rapporteur, la dégradation des conditions de sécurité en Afghanistan fait courir un risque de déstabilisation aux pays d'Asie centrale .

Trois des cinq Etats de cette partie du monde ont une frontière avec l'Afghanistan, plus ou moins facile à surveiller, selon leur topographie : le Tadjikistan (1340 km), le Turkménistan (744 km) et l' Ouzbékistan (134 km). Les importantes minorités tadjikes (25 à 32% de la population), ouzbèkes (6 à 9%) et turkmènes (1 à 3%) résidant en Afghanistan contribuent à la fois au commerce local et aux migrations transfrontalières. La porosité des frontières alimente les craintes d'infiltration de terroristes en Asie centrale, en particulier de groupes porteurs d'un agenda global (Etat islamique, Mouvement Islamique d'Ouzbékistan). Enfin, l'Asie centrale est l'une des principales routes de transit de la production afghane d'opiacés (9 000 tonnes en 2017, contre 4 800 en 2016).

Quant à la relation entre l'Afghanistan et le Pakistan , elle continue de souffrir d'un déficit de confiance mutuel . Des contacts bilatéraux ont néanmoins repris depuis quelques mois, à l'initiative d'Islamabad (visite du chef d'état-major des armées pakistanais à Kaboul en octobre 2017, visite du Premier ministre pakistanais à Kaboul début avril 2018) et un cadre de dialogue, centré autour de groupes de travail, a été mis en place ( Afghanistan Pakistan Action Plan for Peace and Solidarity , APAPPS, une conférence des oulémas pakistanais et afghans dans le but d'adopter une fatwa condamnant le recours à la violence et aux attentats suicides contre les civils est prévue prochainement dans ce cadre).

Comme tous les acteurs régionaux, le Pakistan a été appelé à soutenir la stratégie américaine pour l'Asie du Sud, initiée en août 2017. La pression exercée par les Etats-Unis sur le Pakistan s'est fortement accrue ces derniers mois.

La Chine , quant à elle, voit dans la dégradation de la situation en Afghanistan une menace sécuritaire directe pour son territoire, car elle considère que les territoires de part et d'autre de la frontière afghano-pakistanaise peuvent jouer le rôle de base arrière pour des mouvements islamistes ou séparatistes Ouïghours au Xinjiang. Elle s'investit de plus en plus en Afghanistan, afin de développer ses projets économiques continentaux et d'agir contre les groupes associés à l'EI-K à ses frontières (annonce fin janvier 2017 de l'établissement d'une base militaire chinoise au Nord-Est de l'Afghanistan, inauguration d'un corridor commercial aérien sino-afghan le 6 novembre 2018).

L'Inde redoute l'effondrement du système politique afghan au profit du Pakistan. Elle exclut toute intervention de même qu'une coopération militaire trop affichée, tout en maintenant un engagement civil fort.

Il faut également noter que la Russie et l'Iran se sont réinvestis ces derniers mois dans le conflit afghan, en apportant un soutien aux Talibans , perçus comme un rempart contre l'implantation de l'EI-K.


* 1 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.

* 2 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.

* 3 Le Président Hamid Karzai fut élu aux élections présidentielles de 2004 et de 2009.

* 4 Source : Le Monde du mardi 15 janvier 2019.

* 5 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.

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