PREMIÈRE PARTIE : LE RENFORCEMENT DE LA COOPÉRATION BILATÉRALE DE DÉFENSE AVEC L'ALBANIE ET AVEC CHYPRE
I. L'ACCORD BILATÉRAL DE DÉFENSE AVEC L'ALBANIE
A. L'ALBANIE, UN DES PAYS LES PLUS PAUVRES DES BALKANS OCCIDENTAUX
1. Un pays encore pauvre mais stable, dont l'économie renoue avec la croissance
Bordée par la mer Adriatique, l'Albanie est un petit pays de 28 750 km 2 , qui a des frontières communes avec la Grèce, la Macédoine (ARYM), le Kosovo et le Monténégro. L'Albanie compte 2,9 millions d'habitants dont la majorité vit dans les six grandes villes du pays : Tirana, Durrës, Shkodra, Elbasan, Vlora et Korça. On estime que plus d'un million d'Albanais serait installé à l'étranger, ce qui s'explique par la jeunesse de la population - 40 % ont moins de 25 ans - et par les différentiels de salaire dans les pays voisins.
Parti d'un état de délabrement important à la fin de la dictature communiste, l'Albanie a entamé sa transition politique au début des années 1990. Sa situation politique est désormais stable en raison de la prépondérance sur l'échiquier politique du principal parti au pouvoir, le parti socialiste albanais. Son chef, Edi Rama, est devenu Premier ministre en 2013 et a été reconduit dans ses fonctions en 2017.
L'Albanie compte parmi les pays les plus pauvres d'Europe avec un PIB de 11,6 Mds d'euros en 2017, soit 4 000 euros par habitant. La dette publique dépasse 70 % du PIB depuis 2013, mais suite à l'aide financière accordée par le Fonds monétaire international (FMI) sur la période 2014-2017, le Gouvernement s'est engagé dans un programme de réduction du déficit et de baisse de la dette publique. En outre des réformes structurelles importantes ont été menées dans le secteur de l'électricité, des retraites et des collectivités territoriales.
L'économie albanaise est une des plus dynamiques de la région. Depuis 2015, la croissance est positive - +3,9 % en 2017 - en dépit d'un déficit commercial élevé (24 % du PIB) et d'un fort taux de chômage (14 %). L'économie albanaise est dominée par le secteur des services (tourisme) et par le secteur agricole qui contribuent à la valeur ajoutée brute respectivement à hauteur de 56 % et de 18,20 %. Les transferts d'argent de la diaspora albanaise représentent plus de 7 % du PIB.
L'Albanie, comme les autres pays des Balkans occidentaux, reste confrontée aux problèmes posés par les activités des réseaux criminels - notamment des réseaux de traite et d'exploitation des migrants - même si les dispositifs institutionnels ont été renforcés et les cadres légaux consolidés avec l'adoption des principales lois dans le domaine sécuritaire. La coopération policière internationale s'est intensifiée, des avancées ont été enregistrées, notamment en matière de lutte contre la culture de cannabis - l'Albanie a procédé à plusieurs opérations répressives qui ont conduit à la destruction de vastes cultures de cannabis - et en matière de lutte contre le trafic d'êtres humains.
Dans la région, la montée en puissance d'une menace terroriste issue d'un islam radical inquiète également, tout comme la question complexe des retours des combattants étrangers de la zone irako-syrienne. Pour lutter contre le terrorisme, les échanges de renseignements avec les services de la région se sont accentués et des actions de coopération se sont développées.
2. Un pays dont les relations de bon voisinage s'améliorent
Selon les informations transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) 3 ( * ) , l'Albanie est engagée dans l'amélioration des relations de bon voisinage avec l'ensemble des pays de la région. Malgré une divergence de fond sur le statut du Kosovo et la prégnance d'irritants récurrents entre les deux pays, l'Albanie et la Serbie ont amélioré leurs relations de manière sensible depuis quelques années : le Premier ministre albanais s'est ainsi rendu à Belgrade en novembre 2014 (première visite bilatérale de ce niveau depuis près de 70 ans) et en octobre 2016 tandis que le Premier ministre serbe a effectué une visite retour, en Albanie, elle aussi historique, en mai 2015. Les relations avec la Grèce connaissent une amélioration notable depuis novembre 2017 avec des pourparlers qualifiés d'« historiques » entre les ministres des affaires étrangères des deux pays pour le règlement des différends bilatéraux.
La présence de populations albanophones importantes dans les régions limitrophes des pays voisins - en Serbie, au Kosovo, au Monténégro et en Ancienne République yougoslave de Macédoine - influe de façon notable sur la politique étrangère de l'Albanie.
L'Albanie entretient des relations de défense avec la plupart des partenaires occidentaux. Selon le MEAE 4 ( * ) , le partenariat avec les États-Unis est fort, sans avoir le caractère quasi exclusif qu'on lui connaît dans d'autres Etats de la région. L'implantation historique de la Russie et de la Chine ne trouve pas en revanche de traduction en matière de coopération de défense.
Dans le souci de contribuer à la stabilisation durable des Balkans occidentaux, l'Albanie prend part à l'ensemble des initiatives de coopération régionale. En matière de défense, elle participe notamment à la Charte Adriatique, au South Eastern Defence Ministerial ou à l'initiative adriatique-ionienne (ADRION).
3. Un pays, membre de l'OTAN depuis 2009
Ce pays est devenu membre de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) en 2009, au terme d'un processus entamé dix ans plus tôt. Pendant cette décennie, l'Albanie n'a cessé de manifester sa volonté d'adhérer à l'OTAN, en dépit d'importantes difficultés internes - crime organisé, corruption, crise économique.
Aujourd'hui, l'Albanie se présente comme un allié aux faibles ressources budgétaires et capacitaires, qui peine à satisfaire les engagements pris dans le cadre de l'OTAN.
Selon les informations transmises par le MEAE5 ( * ), l'Albanie consacre environ 1,1 % de son PIB à son budget de la défense, dont 7 % sont dédiés à la recherche et au développement ainsi qu'aux équipements majeurs.
L'OTAN a fixé, à l'Albanie, deux priorités de développement capacitaire à l'horizon 2023 : celui d'un bataillon d'infanterie légère et celui de systèmes d'information et de communication statiques, déployables et dotés de capacités de cyberdéfense.
Lors de la dernière revue capacitaire de 2018, l'OTAN s'est montrée assez déçue des efforts albanais d'un point de vue budgétaire. L'Alliance a conseillé à l'Albanie de rééquilibrer ses dépenses de défense en faveur des équipements majeurs, représentant 7 % de son budget de défense, au détriment de la masse salariale (70%). En 2020, le budget de défense de l'Albanie ne devrait plus représenter que 0,96 % du PIB. L'Albanie s'est toutefois publiquement engagée à honorer le critère des 2 % adopté par les Alliés en 2014 dans le cadre du Defence Investment Pledge. La question de la crédibilité des efforts budgétaires et de planification de l'Albanie se pose.
Par ailleurs, l'état des équipements albanais, vieillissant et mal entretenu, apparaît préoccupant. La majeure partie des matériels d'origine soviétique et chinoise sont obsolètes et non-interopérables. L'OTAN soupçonne l'Albanie d'annoncer la mise en place prochaine de programmes ambitieux devant répondre aux priorités capacitaires assignées par l'OTAN, sans prévoir de plans de financement.
En revanche, s'agissant des engagements opérationnels de l'Albanie, sa participation aux opérations de l'OTAN est plutôt bien perçue, eu égard à la taille de ses forces armées (voir infra ).
Le MEAE 6 ( * ) a fait savoir à votre rapporteur que l'Albanie engage actuellement des moyens dans plusieurs missions et opérations en mer Méditerranée - déploiement d'un patrouilleur sous financement national en marge de l'opération Sea Guardian -, en Afghanistan - opération Resolute Support sous commandement turc et italien -, en Lettonie, dans le cadre du dispositif de présence avancée renforcée (eFP) ou encore au Kosovo au sein de la Force pour le Kosovo (KFOR).
En outre, aux termes des engagements pris lors du sommet de l'OTAN de juillet 2018, l'Albanie devrait également déployer une vingtaine de personnels au sein de la mission de formation de l'OTAN en Irak ( NATO Training and Capacity Building Activity in Iraq - NTCB-I).
Pour mémoire, l'Albanie a déployé une centaine de soldats dans les opérations de l'Alliance en 2017.
4. Un pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne depuis 2014
Comme les autres pays des Balkans occidentaux, l'Albanie s'est vue reconnaître une « perspective européenne » lors des Sommets de Zagreb en 2000 et de Thessalonique en 2003. Elle a conclu un accord de stabilisation et d'association (ASA) avec l'Union européenne (UE) en 2006, qui est entré en vigueur le 1 er avril 2009.
Après avoir déposé une demande d'adhésion en 2009, l'Albanie a obtenu le statut officiel de pays candidat en 2014 et bénéficie, à ce titre, des fonds de l'Instrument d'aide de préadhésion (IPA), à hauteur de 650 M€ pour la période 2014-2020.
Si le Conseil de l'UE a conditionné l'ouverture des négociations d'adhésion à des progrès substantiels dans cinq « priorités-clés » : la réforme de la justice, la lutte contre la corruption, la lutte contre le crime organisé, la réforme de l'administration publique et les droits fondamentaux, la Commission a, depuis, - « Paquet élargissement » du 17 avril 2018 - recommandé l'ouverture non conditionnée des négociations d'adhésion.
En outre, les conclusions adoptées par le Conseil (Affaires générales) du 26 juin dernier envisagent la possibilité d'une décision d'ouverture des négociations d'adhésion en juin 2019, sur la base d'un rapport annuel de la Commission européenne et, sous réserve des progrès attendus, notamment sur la réforme de la justice et la lutte contre la corruption.
En outre, les autorités albanaises manifestent un certain intérêt pour la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), comme le montre le déploiement de contingents symboliques dans le cadre des missions EUFOR Althea en Bosnie-Herzégovine et de la mission de formation de l'UE au Mali (EUTM Mali) aux côtés de forces françaises.
* 3 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.
* 4 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.
* 5 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.
* 6 Réponses du Gouvernement aux questions de la commission.