D. UNE CHARGE SUPPLÉMENTAIRE POUR LES COMMUNES SUSCEPTIBLE DE PORTER ATTEINTE À LEUR LIBRE ADMINISTRATION ?

Les communes qui disposent d'une salle communale adaptable seraient contraintes de la mettre à disposition sur demande, à titre gratuit. Elles devraient donc prendre à leur charge les coûts d'entretien afférents dont la compensation n'est pas prévue par le texte proposé. Il s'agit bien d'une nouvelle obligation sans compensation financière, qui serait financée par le contribuable local.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la nature de cette nouvelle obligation : s'agirait-il d'un transfert, d'une création ou d'une extension de compétence, justifiant une compensation financière par l'État au titre de l'article 72-2 de la Constitution 51 ( * ) ?

Le texte initial de la proposition de loi, examiné par la commission des lois de l'Assemblée nationale, prévoyait la compensation de ces nouvelles charges par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement. Le Gouvernement de l'époque a estimé que la mesure ne constituait ni un transfert, ni une création, ni une extension de compétence, et qu'il ne revenait donc pas à l'État de compenser ces nouvelles charges. Votre rapporteur s'interroge toutefois sur cette analyse puisque les dispositions de la proposition de loi conduisent bien à créer une nouvelle obligation pour les communes.

Lors des débats à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué qu'il « serait matériellement impossible d'établir un chiffrage juste et fiable pour toutes les communes » 52 ( * ) . La mise à disposition d'une salle adaptable pour l'organisation de funérailles républicaines n'en aurait pas moins un coût : elle mobiliserait du personnel pour l'aménagement, la surveillance et la remise en état de la salle.

L'attribution nouvelle de compétence aux officiers de l'état civil, dont le coût serait tout aussi difficile à estimer, ne pourrait quant à elle faire l'objet d'aucune compensation financière, dans la mesure où ces compétences seraient exercées au nom de l'État. En effet, l'article 72-2 de la Constitution ne s'applique qu'aux compétences exercées par les collectivités territoriales, comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel à l'occasion du transfert aux communes de l'enregistrement des pactes civils de solidarité et de changement de prénom 53 ( * ) .

E. PRÉFÉRER, À DROIT CONSTANT, L'INCITATION À LA CONTRAINTE

Interrogée par votre rapporteur, l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) « est strictement opposée à ce que la célébration de funérailles républicaines devienne une obligation supplémentaire à la charge de la commune ». Ainsi, d'une part, « la mise à disposition d'une salle, lorsque cela est possible, doit relever de la libre administration des communes et de la décision des élus. Elle peut s'effectuer dans la mesure des possibilités de la commune et des règles d'utilisation des salles communales édictées par le conseil municipal. Elle ne saurait par ailleurs être gratuite par principe » et, d'autre part, « concernant la sollicitation d'un officier de l'état civil pour procéder à une cérémonie civile, à la demande de la famille, la position est négative. L'AMF est totalement opposée à cette nouvelle obligation qui ne rentre pas dans les missions d'un officier de l'état civil ».

Tout en étant favorable au prêt de salles municipales dès lors que cela est possible pour la commune, votre rapporteur ne peut que rejoindre les réserves de l'AMF, eu égard à l'ensemble des écueils de la proposition de loi qui viennent d'être décrits.

Alors que le droit en vigueur permet déjà l'organisation d'obsèques civiles dans des locaux communaux, que le maire peut d'ores et déjà faire une allocution sans pour autant interférer dans la cérémonie d'obsèques elle-même, et que la pertinence de la création d'un nouveau droit opposable n'est attestée par aucun élément objectif, votre rapporteur estime qu'il n'est pas opportun de légiférer sur le sujet, et préconise d'en rester au droit en vigueur. Comme l'Association des maires ruraux de France l'a rappelé lors de son audition, les usages locaux sont très importants en matière d'obsèques, il s'agit donc de faire confiance aux élus et de s'en remettre à l'intelligence territoriale, de façon à ne pas méconnaître la libre administration des communes.

Une initiative du groupe de travail du Conseil national des opérations funéraires (CNOF) pourrait d'ailleurs leur être fort utile : il s'agit de l'élaboration d'un guide de bonnes pratiques relatif aux cérémonies funéraires, à l'attention des opérateurs funéraires et des élus, destiné à présenter un panorama des différents outils et possibilités existants à droit constant, pour répondre aux besoins des familles souhaitant procéder à un moment de recueillement juste avant l'inhumation ou la crémation.

À l'initiative de notre collègue Jean-Pierre Grand, votre commission a adopté un amendement COM-5 de suppression de l'article unique de la proposition de loi.

*

* *

Votre commission n'a pas adopté la proposition de loi n° 170 (2016-2017) instituant des funérailles républicaines.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance publique sur le texte de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.


* 51 « Tout transfert de compétences entre l'État et les collectivités territoriales s'accompagne de l'attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. »

* 52 Assemblée nationale, compte rendu intégral de la première séance du mercredi 30 novembre 2016. Ce compte rendu est accessible à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2016-2017/20170065.asp

* 53 Conseil constitutionnel, décision n° 2016-739 DC du 17 novembre 2016, loi de modernisation de la justice du XXI e siècle, considérants 27 à 31.

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