B. L'AGENCE NATIONALE DE SÉCURITÉ SANITAIRE DE L'ALIMENTATION, DE L'ENVIRONNEMENT ET DU TRAVAIL A PUBLIÉ UNE NOTE NUANCÉE SUR L'EXISTENCE DE RISQUES SANITAIRES ET ENVIRONNEMENTAUX
Dans ce contexte, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) a été saisie le 21 février 2018 d'une demande d'expertise adressée conjointement par les cinq ministères de tutelle de l'agence 2 ( * ) auxquels s'est ajouté le ministère des sports. Cette saisine fait suite à une première demande adressée par l'association Robin des bois, représentée au sein du conseil d'administration, et à des contacts avec les villes de Nantes et de Paris.
Il s'agissait d'une demande d'appui scientifique et technique (AST) sur les éventuels risques liés à l'emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques et usages similaires. En réponse à cette saisine, l'ANSES a publié le 18 septembre 2018 une note d'appui scientifique et technique (note AST), qui apporte des premiers éléments de réponse et suggère des pistes complémentaires de recherche.
Comme le souligne l'agence en introduction de cette note, « l'appui scientifique et technique ne constitue pas une évaluation des risques sanitaires et ne vise donc pas à émettre une conclusion de l'agence sur l'existence ou l'absence de risques. Il vise à identifier et hiérarchiser les besoins de connaissance concernant les différentes situations d'exposition. Pour ce faire, il s'appuie sur l'analyse contextualisée des données publiées et recense les travaux en cours ». Compte tenu du contenu de la saisine et du délai imparti, la note produite par l'ANSES ne constitue donc pas une nouvelle étude sur le sujet, et ne modifie pas l'état des connaissances scientifiques.
1. Les études et expertises disponibles concluent à un risque peu préoccupant pour la santé, et évoquent des risques potentiels pour l'environnement
L'ANSES a recensé une cinquantaine d'études et expertises publiées au niveau international sur les risques liés aux terrains synthétiques, notamment par l'Agence européenne des risques chimiques (ECHA) et l'Institut néerlandais pour la santé et l'environnement (RIVM).
En matière de santé, l'agence constate que la majorité des études concluent à « un risque négligeable pour la santé » des sportifs, des enfants et des travailleurs impliqués dans la pose et l'entretien des terrains. En effet, les études ne mettent pas en évidence une augmentation du risque cancérogène associée à la fréquentation ou à la mise en place de terrains de sport synthétiques, en raison notamment des faibles concentrations de substances cancérogènes émises ou relarguées par les granulats de pneus.
L'étude du RIVM de 2017, menée à l'échelle des Pays-Bas sur 100 terrains de sport synthétiques, visait à caractériser la migration de substances depuis les granulats de pneus vers un simulant de sueur et un système reproduisant le système gastro-intestinal, à une température de 60°, pouvant être rapidement atteinte sur certains terrains exposés en plein soleil. Les résultats montrent que les risques leucémogènes (benzène, styrène) ou cancérogènes (HAP) sont négligeables, et aucun risque de migration n'est identifié concernant les phtalates.
L'étude de l' ECHA de 2017 a été produite sur la base de contributions scientifiques apportées par 10 États membres de l'Union européenne et par l'industrie, sur une centaine de terrains synthétiques, en prenant en compte plusieurs scenarii d'exposition pour les sportifs (enfants et adultes) et les professionnels chargés de la pose et de l'entretien des terrains. L'agence conclut que le risque cancérogène est négligeable et que l'exposition aux métaux lourds et aux phtalates est inférieure aux valeurs sanitaires de référence retenues par l'ECHA pour évaluer les risques. Elle relève toutefois que les composés organiques volatils émis en intérieur peuvent provoquer des irritations oculaires, respiratoires ou cutanées 3 ( * ) .
La note de l'ANSES analyse également plusieurs travaux épidémiologiques, qui ne mettent pas en évidence de lien statistique entre la survenance de cancer et la fréquentation de terrains de sport synthétiques. Elle cite notamment une étude de 2017 du Washington State Department of Health , menée sur la base du recensement effectué par l'entraîneuse Amy Griffin, ayant lancé précocement une alerte sur ce sujet. Cette étude conclut à l'absence d'une influence géographique du lieu de résidence des joueurs ou du type de terrain de sport fréquenté.
En matière d'environnement, l'agence constate que les données disponibles évoquent « l'existence de risques potentiels pour l'environnement », liés au transfert de substances chimiques via les sols, le ruissellement et les systèmes de drainage des eaux de pluie. Le principal risque provient du relargage de substances par lixiviation au contact de l'eau. Les principales substances relarguées et problématiques en termes d'écotoxicité sont le zinc, les phtalates et les phénols.
L'ANSES relève que dans des conditions réelles d'utilisation, la détermination de ce relargage s'avère complexe, car largement dépendante des modalités d'installation de chaque terrain et des disparités environnementales et climatiques. Toutefois, une étude de mars 2017 mentionnée par l'agence estime que la perte annuelle de granulats sur un terrain est comprises entre 1 et 4 % du volume, soit, pour 3 000 terrains en France, plusieurs milliers de tonnes dispersées par an dans l'environnement.
2. Ces travaux présentent des incertitudes liées à des limites méthodologiques ou à un manque de données
L'ANSES indique avoir relevé « certaines limites méthodologiques dans les données disponibles », en particulier un manque de prise en compte de la variabilité de la composition des terrains synthétiques et des risques liés aux émissions de composés volatils. Ces limites soulèvent ainsi des incertitudes quant à la représentativité des échantillons analysés dans certaines études. Par ailleurs, la présence de substances sous la forme de nanomatériaux (silice amorphe, noir de carbone, autres substances) suscite des interrogations spécifiques et très peu documentées.
L'agence relève également un manque de données concernant les utilisations spécifiques des granulats de pneus dans les aires de jeux , les niveaux d'exposition aux terrains synthétiques à l'intérieur des bâtiments , et le risque thermique de ces revêtements en milieu urbain (accumulation de chaleur).
* 2 Ministères de la transition écologique et solidaire, des solidarités et de la santé, de l'économie et des finances, du travail, de l'agriculture et de l'alimentation.
* 3 L'ECHA recommande ainsi aux gestionnaires de terrains en intérieur d'assurer une ventilation adéquate, et aux utilisateurs de terrains d'appliquer certaines mesures d'hygiène (se laver les mains après les matchs, nettoyer rapidement toute plaie ouverte, retirer son équipement sportif avant de pénétrer dans son logement).