EXAMEN DES ARTICLES

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Article 3 (art. L. 123-5 et L. 123-6 [nouveaux] du code de la construction et de l'habitation) - Obligation d'installation d'un défibrillateur automatisé externe (DAE) dans certains établissements recevant du public (ERP)

Objet : Cet article tend à créer une obligation d'équipement en défibrillateurs cardiaques et de maintenance de ces appareils pour certains établissements recevant du public.

I. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Le présent article tend à créer, au sein du livre I er du code de la construction et de l'habitation, un nouveau chapitre III bis relatif à la sécurité des personnes et composé de deux articles.

• Un nouvel article L. 123-5 crée tout d'abord une obligation nouvelle d'équipement par un défibrillateur automatisé externe (DAE) pour certains types et catégories d'établissements recevant du public (ERP).

Cette obligation est définie de manière souple . En premier lieu, la détermination des ERP concernés ainsi que les modalités d'application de cette obligation sont renvoyées à un décret en Conseil d'État . En second lieu, une distinction est opérée entre les ERP et le site sur lequel ils se trouvent : plusieurs ERP implantés sur un même site peuvent y satisfaire par l'installation d'un DAE commun .

Il est par ailleurs précisé que les DAE ainsi installés devront être visibles et faciles d'accès.

• Un nouvel article L. 123-6 prévoit ensuite, de manière complémentaire, une obligation de maintenance des DAE ainsi installés.

Cette obligation, qui vise à la fois le défibrillateur lui-même et ses accessoires, incombera aux propriétaires des ERP visés par le décret en Conseil d'État.

Il est précisé que cette obligation s'entend dans le cadre fixé par l'article L. 5212-1 du code de la santé publique, qui prévoit une obligation générale de maintenance pour l'ensemble des dispositifs médicaux.

II. La position de la commission

Votre rapporteur se félicite des principes posés par cet article , qui permettent de définir enfin une obligation générale d'équipement et de maintenance en matière de DAE .

Le régime actuel repose en effet sur une forme d'asymétrie : alors que l'ensemble des citoyens ont depuis 2007 le droit d'utiliser un DAE, dans le but affiché d'améliorer le taux de survie après un arrêt cardiaque, il n'existe pas, en l'état actuel du droit, d'obligation générale d'équipement dans les lieux publics. Cette évolution législative permettra enfin aux politiques de prévention et de prise en charge des arrêts cardiaques d'avancer, si l'on peut dire, sur leurs deux jambes.

La rédaction de ces obligations appelle cependant plusieurs séries d'observations de la part de votre rapporteur.

• Il faut tout d'abord relever que le texte proposé pour le nouvel article L. 123-6, qui définit l'obligation de maintenance, fait référence aux propriétaires des ERP visés par le décret en Conseil d'État. L'article L. 5212-1 du code de la santé publique vise cependant les exploitants de dispositifs médicaux.

Dans la mesure où la chaîne de distribution et d'exploitation de DAE se caractérise par une forte complexité, la répartition des responsabilités en matière de maintenance devra faire l'objet d'une nette clarification par voie réglementaire.

• Il conviendra en second lieu de se montrer particulièrement vigilant quant au périmètre des ERP qui sera retenu dans le cadre du décret en Conseil d'État . Aucune orientation générale n'est en effet prévue par le texte, de sorte que l'inquiétude est permise quant à la généralisation véritable de l'obligation d'équipement en DAE.

Votre rapporteur souligne en particulier que certains lieux offrant un cadre propice à la survenue d'arrêts cardiaques devront impérativement figurer dans la liste retenue par le Conseil d'État , afin de garantir la pertinence et la portée de la politique de prévention des arrêts cardiaques.

Sont notamment concernés les équipements sportifs , comme les piscines et les stades - l'Académie nationale de médecine, dans son rapport de 2013 sur la mort subite au cours des activités physiques et sportives, préconisait en ce sens « que la présence d'un défibrillateur cardiaque externe soit rendue obligatoire dans les stades et les enceintes sportives ».

Pourraient également être visés les gares ou les aéroports, qui constituent des lieux facteurs de stress et où surviennent statistiquement davantage d'arrêts cardiaques qu'ailleurs.

Votre rapporteur estime indispensable que le gouvernement fournisse des précisions sur ce point lors de l'examen du texte en séance publique . Selon les informations données à ce stade par le cabinet de la ministre de la santé, un travail interministériel sera lancé sur ce point « dans un second temps », après l'adoption éventuelle de la présente proposition de loi.

• Votre rapporteur estime enfin que le coût représenté pour les collectivités par ces obligations nouvelles ne saurait constituer un frein à l'équipement du fait de son montant relativement modeste, qui plus est au regard du gain potentiel en termes de vies sauvées.

Consultée sur ce point, l'Assemblée des départements de France (ADF) s'est tout d'abord félicitée de ce que ces dispositions permettent de renforcer la diffusion « d'une indispensable culture de la prise en charge de l'accident de santé, et en particulier de l'arrêt cardiaque ».

Elle considère par ailleurs que l'obligation faite aux collectivités d'installer des appareils « existe déjà quasiment de fait », en raison de l'obligation faite par les textes 15 ( * ) aux élus locaux de pourvoir à toutes les mesures d'assistance et de secours sur le territoire de leur collectivité. Votre rapporteur souligne qu'il s'agit cependant d'une simple obligation de moyens, sans que les textes existants ne définissent les moyens à employer pour y pourvoir. Il ne peut donc être déduit de ceux-ci une obligation d'installer des défibrillateurs cardiaques à la disposition du public 16 ( * ) .

Selon l'ADF, les véritables questions qui se posent au regard du texte de la proposition de loi sont celles du nombre d'équipements à installer et de leur lieu d'implantation , renvoyées à la voie réglementaire. Il ne saurait en effet être « [envisagé] d'en installer partout, car, au-delà des questions de formation, ils nécessitent une maintenance non négligeable. Il faut donc décider des endroits où ils sont les plus utiles et où l'on trouve des personnels formés ».

Souscrivant à cette observation, votre rapporteur souligne que le décret prévu au présent article pour la détermination des modalités d'application de l'obligation d'équipement devra ménager des marges de souplesse afin de permettre aux élus locaux de prendre les mesures les plus appropriées en fonction de la configuration propre de leur territoire .

Il souligne enfin que, selon les informations fournies par la DGS, le coût associé à un équipement en DAE est somme toute relativement limité : il faudrait compter 1 000 à 1 500 euros pour l'acquisition d'un défibrillateur neuf, et 120 euros par an pour en assurer la maintenance.

Le développement des objets connectés devrait par ailleurs permettre de rationaliser ces coûts dans les prochaines années. De plus en plus d'équipements de défibrillation sont en effet équipés de systèmes permettant de s'autotester et d'alerter l'exploitant en cas de besoin.

Les dernières générations de défibrillateurs ont été conçues de manière à pouvoir fournir à distance des données de géolocalisation et relatives à leur état de fonctionnement.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 3 bis (art. L. 5233-1 [nouveau] du code de la santé publique) - Création d'une base nationale de données relatives aux défibrillateurs automatisés externes (DAE)

Objet : Cet article tend à créer une base de données nationale relative aux lieux d'implantation et à l'accessibilité des défibrillateurs automatisés externes (DAE) sur l'ensemble du territoire.

I. Le dispositif proposé par l'Assemblée nationale

Le présent article tend à introduire, au sein de la cinquième partie du code de la santé publique relative aux produits de santé, un nouveau chapitre III relatif aux défibrillateurs automatisés externes. Ce chapitre sera composé d'un unique article L. 5233-1 prévoyant la création d'une base de données nationale .

Aux termes de la rédaction proposée, cette base de données portera sur deux aspects : elle renseignera, outre les lieux d'implantation des DAE, les modalités de leur accessibilité .

Il reviendra aux exploitants de DAE de fournir ces informations . La nature des informations qui devront être transmises ainsi que les modalités de leur transmission sont renvoyées à un arrêté du ministre chargé de la santé.

La gestion, l'exploitation et la mise à disposition de ces données seront assurées par un organisme désigné par décret.

II. La position de la commission

Votre rapporteur se félicite de cette importante disposition, par laquelle les pouvoirs publics se saisissent enfin d'un enjeu depuis longtemps perçu et mis en oeuvre par de bonnes volontés privées , au premier rang desquelles l'association pour le recensement et la localisation des défibrillateurs cardiaques (Arlod). Il reste à espérer que la mise en place de cette obligation au niveau législatif permettra de parvenir enfin à un recensement exhaustif et actualisé des DAE présents sur notre territoire.

Selon les informations transmises à votre rapporteur par les services ministériels, les exploitants d'équipements de défibrillation se verront appliquer une obligation de déclaration en ligne de la localisation de leurs appareils. Le contenu de la base de données ainsi constituée sera ouvert et réutilisable par le public , ce qui permettra notamment d'alimenter des applications de géolocalisation.

Votre rapporteur souligne que cette base devra être le plus rapidement possible interconnectée avec les logiciels des Samu et des Sdis , afin que les opérateurs de régulation puissent indiquer aux appelants témoins d'un arrêt cardiaque l'éventuelle proximité d'un DAE - ce qui renforcera par ailleurs la pertinence et l'efficacité de cet outil de recensement.

La commission des affaires sociales a adopté cet article sans modification.


* 15 Le cadre général étant fixé par l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), qui fixe les pouvoirs de police du maire, et qui prévoit notamment qu'il lui revient « [de pourvoir] d'urgence à toutes les mesures d'assistance et de secours ».

* 16 Voir sur ce point la réponse parue au JO le 25 décembre 2012 à la question n° 108 853 publiée au JO le 17 mai 2011, posée par le député Jean-Louis Gagnaire à M. Xavier Bertrand, alors ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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