CHAPITRE III BIS - QUALIFICATION DE CERTAINS APPAREILS ET DISPOSITIFS TECHNIQUES
Article 22 - (Article L. 2371-2 du code de la défense) - Essais des appareils et dispositifs techniques permettant la mise en oeuvre de techniques ou mesures de renseignement
L'article 22 du présent projet de loi tend à compléter l'article L. 2371-2 du code de la défense, afin de permettre aux personnels de la direction générale de l'armement (DGA) et aux militaires de certaines unités des forces armées définies par arrêté de procéder aux essais d'appareils ou de dispositifs permettant la mise en oeuvre de techniques et mesures de renseignement.
I - Le droit en vigueur
En l'état du droit, et en application d'une disposition introduite par l'article 18 de la récente loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, de tels essais ne sont autorisés que pour tester les appareils et dispositifs nécessaires à la mise en oeuvre de la seule technique, prévue à l'article L. 855-1 A du code de la sécurité intérieure 97 ( * ) , qui permet de réaliser des mesures de surveillance de communications dans le domaine hertzien « ouvert ». Ne peuvent être réalisées que des mesures d'interception. L'exploitation des renseignements recueillis dans le cadre de ces essais est expressément exclue.
II - Les modifications proposées par le projet de loi
L'évolution des missions sur les théâtres d'opérations se traduit par un développement accru des activités de renseignement au soutien des forces armées. La maîtrise de l'ensemble du spectre en matière de renseignement électromagnétique, y compris lorsque sont concernés des réseaux d'opérateurs de communications électroniques ou des réseaux privatifs utilisés en dehors du territoire national est devenue indispensable aux armées, compte tenu de l'évolution observée dans les nouvelles formes de conflits armés, plus asymétriques, de la nature des émetteurs d'intérêt militaire employés, conduisant à l'émergence de nouveaux besoins.
En vertu des articles R. 226-7 à R. 226-9 du code pénal, le ministère des armées est autorisé à acquérir et détenir des appareils ou dispositifs techniques en matière de renseignement visés au 1° de l'article L. 226-3 dudit code à des fins de qualification de ces matériels. En revanche, hormis le cas de la technique visée à l'article 855-1-A précité, aucune disposition législative ou réglementaire ne l'autorise à réaliser des opérations de qualification des essais sous peine de poursuites pénales.
Bien que des moyens de communication plastrons soient utilisés pour ces essais, ces opérations restent potentiellement attentatoires à la vie privée. Des communications privées peuvent être, de manière résiduelle ou fortuite, interceptées, même si ces communications ne sont, en tout état de cause, pas exploitées. L'utilisation de ces appareils ou dispositifs techniques susceptibles de capter, enregistrer ou transmettre, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel (art. 226-1 du code pénal) ou d'intercepter des correspondances émises, transmises ou reçues par la voie électronique (art. 226-15), voire leur simple installation, (art. 226-15) peut être réprimée pénalement.
Le ministère des armées souhaite donc sécuriser les conditions dans lesquelles il peut être procédé à des campagnes de qualification de ce système d'arme et donc étendre à cette fin, les dispositions de l'article L. 2371-2 du code de la défense, aux techniques mentionnées aux articles suivants du code de la sécurité intérieure :
• L. 851-6, notamment pour les essais intégrant des moyens de recueil de données techniques de connexion permettant l'identification d'un équipement terminal ou du numéro d'abonnement de son utilisateur ainsi que des données relatives à la localisation des équipement terminaux utilisés ;
• L. 852-1 II, notamment pour les essais intégrant des moyens d'interception des correspondances émises ou reçues par un équipement terminal ;
• L. 852-2, notamment pour les essais intégrant des moyens d'interception de correspondances échangées au sein d'un réseau de communications électroniques empruntant exclusivement la voie hertzienne et n'impliquant pas l'intervention d'un opérateur de communications électroniques lorsque ce réseau est conçu pour une utilisation privative par une personne ou un groupe fermé d'utilisateurs (réseau dit « fermé ») ;
• et L. 854-1, notamment pour intégrer des moyens de surveillance des communications qui sont émises ou reçues à l'étranger.
L'article 22 du projet de loi propose en conséquence une réécriture complète de l'article L. 2371-2 du code de la défense.
Outre son extension aux techniques susvisées, la nouvelle rédaction proposée en renforce le cadre de mise en oeuvre en prévoyant des conditions et garanties supplémentaires impliquant la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) requise en application de l'article L. 833-1 du code de la sécurité intérieure, et dont le champ d'intervention n'est pas limité aux seuls acteurs appréhendés par ce code, mais peut s'étendre à ceux relevant du code de la défense dès lors qu'ils ont recours aux techniques de renseignement, il prévoit :
• le maintien de l'interdiction absolue d'exploitation des données recueillies (alinéa 2),
• la déclaration préalable de chaque campagne d'essai à la CNCTR, (alinéa 2), ce qui lui permettra de s'assurer que l'autorisation légale octroyée n'est pas utilisée à d'autres fins que celles assignées par la loi et que les données recueillies n'ont pas fait l'objet d'une exploitation,
• la réalisation des essais par des personnels individuellement désignés et habilités par leur autorité hiérarchique (alinéa 2),
• la limitation de la durée de conservation des données recueillies à la durée des essais et destruction à l'issue de la campagne de tests (alinéa 2),
• l'information de la CNCTR du champ et de la nature des essais effectués et mise à sa disposition d'un registre recensant les opérations réalisées dans le cadre de ces campagnes de qualification (alinéa 3),
• la fixation des conditions d'application de cet article en précisant notamment le contenu et les mentions de la déclaration préalable prévues à l'alinéa 2, par un décret en Conseil d'Etat pris après avis de la CNCTR (alinéa 4) .
III - La position de l'Assemblée nationale
L'Assemblée nationale a modifié en commission l'article 22 du projet de loi pour préciser que le registre recensant les opérations réalisées dans le cadre de ces campagnes de qualification serait communiqué « à sa demande » à la CNCTR, alors que l'étude d'impact annexée au projet de loi envisageait une communication trimestrielle ou semestrielle.
IV - La position de votre commission
Ni le Conseil d'Etat dans son avis sur le projet de loi dans sa version initiale, ni la CNCTR consultée sur le texte issu de l'Assemblée nationale, n'ont émis de réserves.
Votre commission a adopté un amendement de la commission des lois saisie pour avis permettant à la CNCTR de se faire présenter sur place les capacités d'interception ayant fait l'objet d'un test et un amendement de M. Alain Richard et les membres du groupe La République En Marche prévoyant de fixer les conditions d'application de l'article 22 par arrêté du ministre de la défense pris après avis de la CNCTR.
Votre commission a adopté l'article 22 ainsi modifié.
* 97 Voir le rapport pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (Avis n° 636 (2016-2017) de M. Michel Boutant ) http://www.senat.fr/rap/a16-636/a16-6364.html#toc99 et le rapport de la commission des lois (R apport n° 629 (2016-2017) de M. Michel Mercier) http://www.senat.fr/rap/l16-629/l16-6296.html#toc114