PROPOSITION DE RÉSOLUTION
ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Conseil de l'Union européenne COM (2018) 147 établissant les règles d'imposition des sociétés ayant une présence numérique significative du 21 mars 2018,

Vu la proposition de directive du Conseil de l'Union européenne COM (2018) 148 concernant le système commun de taxe sur les services numériques applicable aux produits tirés de la fourniture de certains services numériques du 21 mars 2018,

Vu la recommandation de la Commission européenne C (2018) 1650 relative à l'imposition des sociétés ayant une présence numérique significative du 21 mars 2018,

Vu la proposition de directive du Conseil de l'Union européenne COM (2016) 683 concernant une assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (ACCIS) du 26 octobre 2016,

Vu la proposition de directive du Conseil de l'Union européenne COM (2016) 685 concernant une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés du 26 octobre 2016,

Vu les conclusions de la réunion du Conseil européen du 19 octobre 2017 (doc. EUCO 14/17),

Vu les conclusions du Conseil de l'Union européenne du 5 décembre 2017 « Relever les défis que pose l'imposition des bénéfices dans l'économie numérique » (FISC 346 ECOFIN 1092),

Vu le rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) « Relever les défis fiscaux posés par l'économie numérique, Action 1 - Rapport final 2015 » du 4 mai 2017 dans le cadre du Projet OCDE/G20 sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (BEPS),

Vu le rapport de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) « Les défis fiscaux soulevés par la numérisation de l'économie - Rapport intérimaire 2018 » du 16 mars 2018,

Sur la nécessité d'adapter les règles fiscales au développement de l'économie numérique

Considérant que les règles internationales relatives à l'imposition des bénéfices des entreprises sont fondées sur le principe selon lequel ceux-ci doivent être taxés là où la valeur est créée ;

Considérant, toutefois, que les règles actuelles, conçues pour l'économie traditionnelle et fondées sur un critère de présence physique, ne sont pas adaptées aux spécificités de l'économie numérique ;

Considérant qu'il en résulte, d'une part, une distorsion fiscale entre les entreprises numériques, dont le taux d'imposition effectif moyen est de 9,5 %, et les entreprises traditionnelles, dont le taux d'imposition effectif moyen est de 23,2 %, et d'autre part, une attrition des recettes fiscales des États ;

Salue l'initiative commune du 8 septembre 2017 de la France, de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Espagne appelant la Commission européenne à proposer rapidement des solutions à ce problème, y compris par des mesures temporaires de court terme ;

Se félicite des propositions de la Commission européenne du 21 mars 2018, qui visent à garantir la juste imposition des activités numériques au sein de l'Union européenne ;

Sur l'approche graduée et l'opportunité d'une taxe transitoire sur le chiffre d'affaires dans l'attente de la réforme des règles de l'imposition des bénéfices des sociétés

Considérant que la Commission européenne propose, d'une part, de réformer les règles d'assiette relatives à l'imposition des bénéfices des sociétés en complétant la notion d'établissement stable par un critère de « présence numérique significative » (proposition de directive COM (2018) 147), et d'autre part, d'instituer à titre provisoire une taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires tiré de certains services numériques (proposition de directive COM (2018) 148) ;

Estime que la réforme des règles fiscales internationales prévue par la proposition de directive COM (2018) 147, s'agissant en particulier de la notion d'établissement stable et des modalités de détermination des prix de transfert, constitue un objectif de long terme indispensable ;

Estime, toutefois, qu'une telle réforme ne pourra être efficace qu'à la condition d'être également menée au niveau international, dans le cadre du G20 et de l'OCDE ;

Considère, dès lors, que l'absence actuelle de consensus rend peu probable la conclusion à court terme d'un accord sur le partage des droits d'imposer les bénéfices tirés des activités numériques au niveau européen et a fortiori au niveau international ;

Soutient, par conséquent, la création d'une « taxe égalisatrice » sur le chiffre d'affaires de certaines activités numériques qui échappent aujourd'hui à l'impôt sur les bénéfices, tout en reconnaissant le caractère imparfait et nécessairement transitoire d'une telle solution ;

Sur les caractéristiques de la taxe sur les services numériques

Considérant, d'une part, que la taxe sur les services numériques serait assise sur le produit tiré d'activités pour lesquelles la création de valeur par les utilisateurs a une place essentielle, y compris en l'absence de transaction, c'est-à-dire : (a) la vente d'espaces publicitaires en ligne ; (b) l'intermédiation en vue de faciliter les transactions entre des utilisateurs ; (c) la vente de données issues d'informations fournies par les utilisateurs ;

Considérant, d'autre part, qu'elle serait applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaires total est supérieur à 750 millions d'euros au niveau mondial, et dont le chiffre d'affaires tiré des activités imposables est supérieur à 50 millions d'euros au sein de l'Union européenne ;

Relève que la taxe ne pèserait pas sur certaines des plus grandes entreprises numériques multinationales, dont le modèle d'affaires ne repose pas sur la contribution des utilisateurs mais sur la vente directe de biens matériels ou la fourniture de services numériques, notamment par abonnement ;

S'inquiète de l'impact de cette taxe sur certaines entreprises, notamment françaises ou européennes, dont les bénéfices sont d'ores et déjà imposés dans les États membres où la valeur est créée, et qui seraient alors soumises à une double taxation qui aggraverait les distorsions fiscales actuelles ;

Rappelle que la taxe sur les services numériques a pour objet de compenser la non-imposition dans l'Union européenne de profits qui y trouvent pourtant leur origine, et qu'elle ne saurait avoir pour effet d'aboutir à une double imposition dans le cas où ceux-ci seraient déjà effectivement soumis à l'impôt sur les sociétés ;

Souligne que la possibilité ouverte par la Commission européenne de déduire la taxe sur les services numériques en tant que charge de l'assiette de l'impôt sur les sociétés ne permet pas de neutraliser entièrement la double imposition ;

Sur la nécessité de rendre la taxe sur les services numériques entièrement déductible de l'impôt sur les sociétés pour éliminer les doubles impositions

Considérant que les conventions fiscales internationales signées avec des pays non membres de l'Union européenne font en principe obstacle à ce que la taxe sur les services numériques prévue par la directive COM (2018) 148 soit entièrement déductible de l'impôt sur les sociétés ;

Considérant, toutefois, que la majorité des entreprises susceptibles d'être soumises à la taxe sur les services numériques sont établies dans au moins un État membre de l'Union européenne ;

Relevant, par ailleurs, que la proposition de directive COM (2018) 147 relative à la « présence numérique significative » prévoit des règles incompatibles avec les conventions fiscales internationales, et que cela ne fait nullement obstacle à sa pleine application au sein de l'Union européenne ;

Souligne en outre que la possibilité de déduire la taxe sur les services numériques du montant de l'impôt sur les sociétés ne serait contraire ni au principe de non-discrimination entre résidents et non-résidents, ni aux règles de l'Union européenne en matière d'aides d'État ;

Estime, dès lors, que rien ne fait obstacle à ce que le risque de double imposition soit éliminé par la possibilité de déduire la taxe sur les services numériques du montant de l'impôt sur les sociétés au sein de l'Union européenne ;

Demande par conséquent à ce que la directive qui sera adoptée au terme du trilogue institutionnel prévoie que la taxe sur les services numériques soit déductible de l'impôt sur les sociétés dû dans le même État membre, sous la forme d'une réduction d'impôt, ou qu'elle permette à défaut d'autres mesures de portée équivalente ;

Demande au Gouvernement de défendre et de faire valoir ces orientations auprès des institutions européennes.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page