EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 7 février 2018 , sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de M. Hugues Saury sur le projet de loi n° 186 (2017-2018) autorisant la ratification de l'amendement au protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone.
M. Hugues Saury, rapporteur - Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le projet de loi autorisant l'approbation de l'amendement « dit de Kigali » au protocole de Montréal de 1987 relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone.
Le protocole de Montréal, entré en vigueur en 1989, est un accord multilatéral qui complète la convention de Vienne de 1985 sur la protection de la couche d'ozone. Il fait l'objet d'une ratification quasi universelle et compte 197 parties dont l'Union européenne. En 1985, les scientifiques ont mis en évidence l'existence d'un trou saisonnier dans la couche d'ozone au-dessus de l'Antarctique dû notamment à l'utilisation des chlorofluorocarbures (CFC), des hydrochlorofluorocarbures (HCFC) ou du tétrachlorure de carbone, des substances utilisées dans les secteurs de la réfrigération et de la climatisation, des aérosols, de la protection contre l'incendie et des mousses isolantes. Ces dégâts dans la couche d'ozone entraînent une exposition excessive aux rayons ultraviolets solaires et de graves dommages pour l'environnement et la santé humaine. Le protocole de Montréal vise donc à éliminer progressivement les substances appauvrissant la couche d'ozone (SAO). Très efficace, il a permis d'éliminer 98 % des substances qu'il réglemente et la couche d'ozone devrait se reconstituer en 2050 hors Antarctique et en 2065 au-dessus de l'Antarctique. Au total entre les premières constatations dans les années 1950 et la reconstitution de la couche d'ozone, il aura fallu un bon siècle. Ce protocole a fait l'objet de plusieurs amendements, tous ratifiés par les parties, dont le cinquième et dernier en date que nous examinons aujourd'hui.
L'amendement dit « de Kigali », adopté en 2016, après sept ans de négociation vise à éliminer progressivement les hydrofluorocarbures (HFC) qui ont été créés et utilisés comme solutions de remplacement de substances qui appauvrissent la couche d'ozone car ils sont de puissants gaz à effet de serre dotés d'un fort potentiel de réchauffement global (PRG). La grande majorité des HFC est produite en Chine et en Inde - principaux consommateurs - ainsi qu'au Brésil. La France ne compte qu'une seule entreprise productrice dont 95 % de la production sont exportés, mais il y a plus de 600 importateurs qui assurent l'approvisionnement d'opérateurs chargés de 3,7 millions d'équipements, hors climatisation des véhicules. La réduction progressive de la production et de la consommation de HFC devrait permettre d'éviter plus de 70 milliards de tonnes équivalent CO 2 d'ici 2050 - soit deux ans d'émissions de gaz à effet de serre au titre de la production d'énergie sous toutes ses formes - et d'obtenir une baisse de 0,5° C de réchauffement d'ici la fin du siècle, ce qui va dans le sens de l'Accord de Paris.
Cet instrument vise à intégrer les HFC - 18 pour être précis - dans la liste des substances contrôlées par le protocole de Montréal. Il met en place plusieurs calendriers obligatoires et différenciés de réduction de la production et de la consommation des HFC, sans toutefois prévoir une élimination totale. Pour les pays développés, la réduction est calculée en prenant comme niveaux de référence la moyenne de leur production et de leur consommation durant la période 2011-2013 augmentée de 15 %. La réduction exigée est de 10 % en 2019 pour atteindre par paliers 85 % en 2036. Des aménagements sous la forme d'un rythme de réduction plus lent et d'un niveau de référence plus favorable sont octroyés à la Biélorussie, au Kazakhstan, à l'Ouzbékistan et au Tadjikistan. Pour les pays en développement, les niveaux de référence retenus sont la moyenne de la production et de la consommation en 2020-2022 augmentée de 65 %. Leur consommation et production de HFC devront être gelées à 100 % du niveau de référence en 2024, puis réduites de 10 % en 2029 pour atteindre 80 % en 2045. Des aménagements sont prévus pour Bahreïn, l'Arabie Saoudite, l'Inde, l'Irak, l'Iran, Oman, le Pakistan et le Qatar qui gèleront leur consommation et leur production de HFC seulement en 2028 en prenant un niveau de référence calculé selon une formule identique mais sur la période 2024-2026. Pour ce sous-groupe, la première baisse de 10 % interviendra en 2032 pour atteindre 85 % en 2047. L'amendement de Kigali précise que le mécanisme de financement du Protocole de Montréal en faveur des pays en développement est modifié pour inclure les obligations relatives aux HFC. Le Fonds multilatéral (FM), qui est reconstitué tous les 3 ans, est financé par les pays développés selon un barème établi sur la base du barème des quotes-parts en vigueur à l'ONU. Le montant de la reconstitution pour 2015-2017 était de 500 millions de dollars et passe à 540 millions de dollars pour 2018-2020. La France, 4ème contributeur avait versé 33 millions de dollars sur le triennium précédent pour une quote-part de 7,75 % et devrait verser à l'avenir 34 millions de dollars alors même que sa quote-part diminue à 7,35 %. Comme le Fonds ne dispose pas d'une enveloppe dédiée à l'élimination des HFC, il est difficile d'estimer la part qui y sera consacrée - en restant prudent on peut dire que c'est de l'ordre de 30 %. Enfin, ce texte interdit le commerce de ces substances réglementées entre Etats parties et non parties au protocole et prévoit la destruction à partir de 2020 du HFC23, un coproduit synthétisé lors de la fabrication de certains HFC et HCFC doté d'un très fort potentiel de réchauffement global. La mise en oeuvre de l'amendement de Kigali reste souple. Sont ainsi prévues une dérogation pour températures ambiantes élevées ainsi que l'étude d'éventuelles dérogations temporaires lors de la réunion des Parties en 2029. Une évaluation périodique de l'efficacité des mesures à partir des données communiquées est organisée ainsi qu'une revue périodique des alternatives aux HFC en 2022, puis tous les cinq ans par le groupe d'évaluation technique et économique (GETE). L'amendement de Kigali entrera en vigueur le 1 er janvier 2019 dans la mesure où la condition de ratification d'au moins 20 parties est déjà remplie. 24 pays ont à ce jour ratifié l'amendement de Kigali dont 6 pays membres de l'Union Européenne (Finlande, Royaume-Uni, Allemagne, Luxembourg, Slovaquie et Suède).
En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. L'amendement de Kigali n'emportera aucune contrainte supplémentaire pour les entreprises françaises du secteur car le règlement européen de 2014 relatif aux gaz à effet de serre fluorés, d'application directe dans les Etats membres depuis le 1 er janvier 2015, prévoit déjà des exigences supérieures avec un programme contraignant de réduction de 79 % des HFC mises sur le marché d'ici 2030. De fait, des fluides de substitution des HFC existent déjà avec des coûts de production peu élevés mais leur méconnaissance par les détenteurs d'équipement est pour l'instant un frein à leur développement.
L'examen en séance publique est prévu le jeudi 15 février 2018, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.
À l'issue de cette présentation et suivant la proposition du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.
Conformément aux orientations du rapport d'information n° 204 (2014-2015) qu'elle a adopté le 18 décembre 2014, la commission a autorisé la publication du présent rapport synthétique.