II. ... MAIS UNE AUGMENTATION EN TROMPE-L'oeIL....

A. ...MASQUANT DES MESURES D'ÉCONOMIE IMPORTANTES AU DÉTRIMENT DES POPULATIONS LES PLUS FRAGILES

Parallèlement à ces mesures de revalorisation, les trois plus importantes dépenses sociales de la mission (prime d'activité, AAH, protection juridique des majeurs) font l'objet de discrets « coups de rabots », qui touchent de plein fouet les populations les plus fragiles . En effet, la revalorisation de la prime d'activité et de l'AAH masque en réalité des réformes paramétriques qui, au mieux, neutraliseront le bénéfice de ces augmentations, et au pire diminueront le montant de ces prestations pour les bénéficiaires.

Ces mesures d'économie sont d'autant plus regrettables qu'elles n'ont fait l'objet d'aucune concertation avec les acteurs concernés (associations, fédérations d'association et d'employeurs etc.), y compris avec le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCH) qui a même, par un communiqué de presse - fait rare -, alerté sur les conséquences de ces réformes.

Il semblerait que la mise en oeuvre de ces revalorisations - promesses de campagne du Président de la République - se soit heurtée à des réalités budgétaires non anticipées . Ne pouvant revenir sur les augmentations promises, le Gouvernement a trouvé dans ces réformes paramétriques des moyens discrets d'économies budgétaires.

Concernant la prime d'activité, est ainsi proposé, dans le cadre de l'article 63 du projet de loi de finances pour 2018, de modifier l'article L.842.3 du code de la sécurité sociale afin de supprimer la prise en compte, en tant que revenus professionnels, des rentes AT-MP et des pensions d'invalidité dans le calcul du droit à la prime au 1 er janvier 2018 ( cf. supra ). Cette modification procurerait une économie de 20 millions d'euros. Actuellement 10 000 personnes bénéficient de ce dispositif, mais potentiellement ce serait 250 000 personnes qui seraient éligibles à ce dispositif sous ces conditions. Par ailleurs, la rédaction proposée de l'article

précité laisse craindre la possible exclusion d'une partie des allocataires de l'AAH qui bénéficiaient de la prime d'activité , en modifiant les conditions de prise en compte de l'AAH comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d'activité.

Cette mesure d'économie n'est pas la seule prévue par le Gouvernement. Est également envisagée la baisse de l'abattement portant sur les revenus d'activité pris en compte dans le calcul de la prime (de 62 % à 61 %), permettant une économie de 70 millions d'euros.

S'agissant de l'AAH , la revalorisation prévue risque également d'être neutralisée, pour certains bénéficiaires, par deux réformes paramétriques dont la mise en oeuvre commencera dès 2018 :

- le rapprochement des règles de prise en compte des revenus d'un couple à l'AAH sur celles d'un couple au RSA dès 2018 . Le Gouvernement fait ainsi le choix d'un alignement par le bas de l'AAH au nom de l'équité , ignorant les particularités d'une vie en situation de handicap alors que l'égalité réelle voudrait que ces personnes soient soutenues de façon plus importante par l'État. Vos rapporteurs spéciaux tiennent à souligner que l'AAH n'est pas un minimum social comme les autres ;

- à compter de 2019, la disparition d'un des deux compléments de l'AAH existants pour les personnes handicapées qui ont un taux d'incapacité égal ou supérieur à 80 % et qui bénéficient d'une allocation à taux plein : le complément de ressources (CR) d'un montant de 179 euros mensuel ; une avancée pourtant permise par la loi du 11 février 2005, qui avait mis en place une garantie de ressources pour les personnes handicapées (AAH + CR, soit 989 euros par mois en 2017). Le CR est actuellement versé à près de 67 000 bénéficiaires 4 ( * ) , qui sont des personnes sévèrement handicapées qui seraient durablement pénalisées par la disparition de ce soutien à l'autonomie.

Concernant la protection juridique des majeurs , est prévue la mise en place, au 1 er avril 2018, d'une réforme de la participation des personnes protégées, augmentant la part des mesures de protection financée par les personnes protégées. Il s'agit là encore d'une économie budgétaire réalisée au détriment des personnes les plus fragiles , celles sous mesure de protection, alors que près de la moitié d'entre elles se situe déjà en dessous du seuil de pauvreté 5 ( * ) .


* 4 En décembre 2016 - chiffres communiqués par le DGCS.

* 5 D'après une étude conjointe de la DGCS et l'Ancreai de mai 2016.

Page mise à jour le

Partager cette page