EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 14 novembre 2017 sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - qui porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles - est dotée de 19,4 milliards d'euros de crédits de paiement en 2018. Ces crédits progressent ainsi de 8,7 % par rapport à 2017, soit une augmentation d'un peu plus de 1,5 milliard d'euros.

Cette augmentation est principalement due au dynamisme des dépenses d'intervention, qui représentent 92 % des crédits de la mission. Cette hausse s'explique également par les revalorisations « exceptionnelles » de la prime d'activité (240 millions d'euros supplémentaires correspondant à l'augmentation de 20 euros par mois du montant forfaitaire de la prime à partir d'octobre 2018) et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) (40 millions d'euros supplémentaires correspondant à une hausse 50 euros par mois de l'allocation à taux plein à partir du 1 er novembre 2018). La hausse des crédits de la mission est également liée à des mesures positives de transfert et de périmètre.

Cette augmentation - comprenant la revalorisation de la prime d'activité et de l'AAH, que nous saluons - masque néanmoins des réformes paramétriques lourdes de conséquences pour des populations déjà fragilisées. Il s'agit d'une hausse en trompe-l'oeil, masquant des mesures d'économie qui visent directement les populations les plus fragiles, dont la grande majorité se situe déjà en dessous du seuil de pauvreté. Il semble que le Gouvernement, ne pouvant revenir sur les revalorisations promises de la prime d'activité et de l'AAH, ait ainsi trouvé dans des réformes paramétriques des moyens discrets d'économie budgétaire. Ces mesures d'économie sont d'autant plus regrettables qu'elles n'ont fait l'objet d'aucune concertation avec les acteurs concernés, que nous avons pu notamment entendre en audition.

Ces mesures d'économies concernent les trois dépenses sociales les plus importantes de la mission (prime d'activité, AAH, protection juridique de majeurs), qui représentent 80 % des crédits. Les effets des revalorisations de la prime d'activité et de l'AAH seront ainsi atténués, voire neutralisés pour certains bénéficiaires, par des réformes paramétriques, qui conduiront même à l'exclusion de certains.

Concernant la prime d'activité, il est ainsi envisagé d'exclure de son calcul, au 1 er janvier 2018, les rentes AT-MP et les pensions d'invalidité, en tant que revenus professionnels et de modifier les conditions de prise en compte de l'AAH comme revenu professionnel dans le calcul de la prime.

S'agissant de l'AAH, le Gouvernement propose le rapprochement des règles de prise en compte des revenus d'un couple à l'AAH sur celles d'un couple au RSA dès 2018 et à compter de 2019, la disparition d'un des deux compléments de ressources de l'AAH : le complément de ressources d'un montant de 179 euros par mois. Le Gouvernement fait ainsi le choix d'un alignement par le bas de l'AAH au nom de l'équité, ignorant les particularités d'une vie en situation de handicap. Mais nous souhaitons rappeler que l'AAH n'est pas un minimum social comme les autres.

Par ailleurs, est également prévue la mise en oeuvre, au 1 er avril 2018, d'une réforme du barème de participation des personnes protégées, augmentant la part financée par celles-ci.

Cette augmentation masque donc de discrets coups de rabots, qui risquent d'atténuer, voire de neutraliser, l'effet des revalorisations annoncées. Par ailleurs, malgré cette augmentation, le budget ne semble pas être à la hauteur des enjeux de la mission.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Les crédits prévus pour 2018 ne semblent effectivement pas à la hauteur des enjeux de la mission.

Si l'on relève un effort louable de sincérité des crédits, après des années de sous-budgétisation, identifiées dans les rapports précédents, il reste que cet effort de rebasage, notamment pour la prime d'activité et l'AAH, ne prend pas en compte la dynamique propre à 2018 et risque d'être insuffisant au vu de l'effet volume de ces prestations.

Autre insuffisance, la non-compensation de la perte des crédits issus de la réserve parlementaire, alors que 6,6 millions d'euros avaient été ouverts en 2017 à ce titre. Il s'agit d'un manque à gagner pour les associations d'aide alimentaire qui ont perçu l'année dernière plus 1,7 million d'euros : Les Restos du coeur avaient ainsi bénéficié de près de 700 000 euros et la banque alimentaire de près de 200 000 euros.

En outre, alors que l'égalité entre les femmes et les hommes a été érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat, la légère augmentation du programme masque cependant des situations contrastées, et notamment la baisse regrettable des crédits liés à la lutte contre la prostitution, portée par la loi du 13 avril 2016, qui n'est toujours pas mise en application. La commission départementale supposée se prononcer sur le versement de l'allocation de sortie de la prostitution n'est même pas mise en place dans bien des départements ! Nous saluons la volonté de faire de ce programme une priorité politique, mais il faut également qu'elle se traduise dans les actes, et notamment dans l'exécution budgétaire, puisque ce programme fait l'objet d'une sous-consommation récurrente depuis plusieurs années. Nous veillerons à la bonne exécution de ce programme, dont dépend la réussite des actions menées en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Par ailleurs, bien que des enveloppes « exceptionnelles » aient été prévues, elles paraissent insuffisantes à couvrir les dépenses engagées. Il en est ainsi du fonds d'appui aux politiques d'insertion, le FAPI, doté de 50 millions d'euros et surtout du financement exceptionnel de 66,8 millions d'euros alloué aux départements au titre du remboursement de 30 % des dépenses d'aide sociale à l'enfance pour les mineurs non accompagnés supplémentaires pris en charge entre le 31 décembre 2016 et 2017. Pour la prise en charge de ces mineurs après l'évaluation de leur minorité, nous n'avons pas trouvé trace des crédits correspondant à l'engagement du Premier ministre. Néanmoins, nous tenons à rappeler devant vous la difficulté - que vous connaissez - dans laquelle se trouvent les départements face à l'afflux croissants de mineurs isolés. Ils étaient 2500 fin 2014, leur nombre est estimé à 25 000 fin 2017. Nous estimons, comme l'a demandé l'assemblée des départements de France, que l'État doit prendre ses responsabilités et assumer ces dépenses qui relèvent, à notre sens, de la politique nationale d'immigration.

Les crédits du programme 124 - qui porte l'ensemble des crédits de soutien des politiques des ministères sociaux et la contribution de l'État au fonctionnement des agences régionales de santé (ARS) - diminuent, à périmètre constant, de près de 2 %, les ministères sociaux étant fortement touchés par les mesures d'économies budgétaire.

Ainsi, pour 2018, les dépenses de personnel (titre II) baissent de 9,3 millions d'euros en raison principalement de la poursuite de la réduction des effectifs et les dépenses « support » de 16,5 millions d'euros en crédits de paiement, en raison de gains d'efficience liés à la mutualisation des fonctions supports des ministères sociaux au sein du secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales. L'optimisation de la politique d'achat ainsi que la politique immobilière des ministères sociaux, qui vise au maintien des sites domaniaux actuels accompagné de la réduction du nombre d'immeubles locatifs privés sont, par ailleurs, des sources d'économie qu'il convient d'encourager. Par ailleurs, l'augmentation des dépenses de systèmes d'information nous semble cohérente avec l'ensemble de la démarche de rationalisation.

Par ailleurs, la dotation de fonctionnement des ARS, les agences régionales de santé versée par l'État baisse également de 604 à 595 millions d'euros, sous l'effet principalement de la poursuite d'économies en matière de dépenses de personnel.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Quelques mots, dès à présent, sur l'article 63 rattaché à la mission, qui vise d'une part à supprimer, à partir du 1 er janvier 2018, la prise en compte des pensions d'invalidité et des rentes d'accident du travail - maladie professionnelle (AT-MP), en tant que revenus professionnels, dans le calcul de la prime d'activité et d'autre part à modifier les conditions de prise en compte de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d'activité.

La loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi - qui avait instauré la prime d'activité au 1 er janvier 2016 - l'avait omis. La loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels est venue corriger le tir en ouvrant - sous l'impulsion des associations de personnes handicapées - la prime d'activité, à compter rétroactivement du 1 er janvier 2016, aux bénéficiaires de l'allocation adulte handicapé (AAH) qui travaillent en établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ou en milieu ordinaire et à compter du 1 er octobre 2016, aux bénéficiaires d'une pension d'invalidité ainsi qu'aux personnes bénéficiant d'une rente d'accident du travail-maladie professionnelle, exerçant une activité professionnelle rémunérée.

Le Gouvernement souhaite ainsi revenir sur cette dernière mesure, en excluant les bénéficiaires des pensions d'invalidité et des rentes AT-MP de la prime d'activité. Cette modification produirait une économie de 20 millions d'euros, justifiée notamment, selon lui, par le faible nombre de bénéficiaires actuels, estimé à 10 000 personnes.

En réalité, ce ne sont pas 10 000 mais 250 000 personnes qui seraient potentiellement concernées par cette disposition. Le Gouvernement ne saurait ainsi justifier la suppression de cette mesure par le nombre restreint de bénéficiaires alors qu'aucune campagne d'information n'a été réalisée ni par lui ni par les caisses (Caisse primaire d'assurance maladie et Mutualité sociale agricole) et que ce dispositif n'existe que depuis le 1 er octobre 2016. Par ailleurs, cette économie de 20 millions d'euros est à mettre en regard du coût de la prime d'activité, de plus de 5 milliards d'euros.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Cet article 63 modifie en outre les conditions de prise en compte de l'AAH comme revenu professionnel dans le calcul de la prime d'activité. La nouvelle rédaction de l'article propose en effet que le montant de l'AAH pris en compte en tant que revenu professionnel soit fixé par décret alors que la loi du 8 août 2016 avait défini son montant, celui d'un salaire mensuel équivalent à 29 SMIC brut horaire. Ce montant avait été légitimement fixé afin de rendre effectif l'accès à la prime à des populations qui subissent majoritairement le sous-emploi et le travail à temps partiel. Cette modification laisse craindre une possible exclusion d'une partie des allocataires de l'AAH.

Au vu de ces observations, nous vous proposerons donc un amendement de suppression de l'article.

M. Vincent Éblé , président . - Je salue la présence parmi nous de Philippe Mouillier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Je rejoins les conclusions de mes collègues rapporteurs de la commission des finances. J'avais, l'année dernière, évoqué plus particulièrement le dispositif de la prime d'activité qui, malgré des intentions louables bien que certainement trop ambitieuses, souffrait déjà d'une sous-budgétisation dont il avait fallu rattraper les risques en urgence. Le même risque se présente à nous aujourd'hui, avec le chiffre de 4,99 milliards d'euros qu'annonce le projet de loi de finances pour 2018. Voilà qui devrait permettre la couverture d'un taux de recours financier d'environ 75,4 %. J'insiste sur le mot « financier », car les administrations sont très disertes sur le taux de recours « personnel », qui frôle les 70 %, mais ne disent pas grand-chose de ce même taux appliqué aux montants. Or je rappelle qu'il ne faut pas sous-estimer le recours de ceux, précisément, qui sont éligibles aux plus hauts niveaux de prime d'activité.

J'avais eu également l'occasion de m'interroger sur le double objectif assigné à la prime d'activité : lutte contre la pauvreté ou incitation financière au retour à l'emploi ? Son inscription aux crédits de la mission « Solidarité » ainsi que les hésitations du Gouvernement quant à son impact sur le chômage semblent confirmer qu'il s'agit en fait tout bonnement d'un nouveau minimum social aux allures améliorées. C'est donc à l'aune de ce constat qu'il nous faudra juger de la pertinence de ce dispositif.

Concernant les réformes de l'AAH, je ne peux que souscrire aux propos de mes collègues. Quatre grands risques doivent être identifiés.

D'abord, les conditions du cumul de deux AAH par un couple sont revues à la baisse : le plafond de leurs revenus de remplacement passe de 2 SMIC à 1,8 SMIC. Ensuite, les deux compléments de l'AAH 1 que sont le complément de ressources et la majoration pour la vie autonome seront fusionnés, conduisant là aussi à leur diminution. L'augmentation du niveau de l'AAH, pour réjouissante qu'aurait été cette mesure si elle ne s'était pas assortie de ces tempéraments, risque également d'avoir un impact négatif sur l'éligibilité de ces publics à la prime d'activité, ce qui serait tout de même un comble.

Enfin, les crédits pour 2018 prévoient une hausse de 15 millions d'euros de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Son rôle est de venir en soutien des rémunérations assurées par les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) à leurs employés. Cette augmentation de la GRTH prétend neutraliser les effets de la hausse de la CSG. À ceci près qu'elle a un impact direct sur l'éligibilité du travailleur handicapé à l'AAH, cette dernière étant de nature différentielle : pour trois euros de GRTH en plus, ce sont deux euros d'AAH en moins qui sont versés. L'effet peut être doublement pénalisant. D'abord, la GRTH est imposable à la CSG, ce qui n'est pas le cas de l'AAH : c'est donc à une diminution nette de leurs revenus que sont exposés les travailleurs handicapés employés en ESAT. Ensuite, ce risque pourrait être aggravé par les nouveaux critères de cumul de l'AAH et de la prime d'activité !

Sur tous ces points, je serai amené à déposer des amendements devant la commission des affaires sociales.

M. Marc Laménie . - Je m'interroge, en écho à une préoccupation de terrain, sur le fonctionnement des MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées. S'est-il amélioré ? Quid du nombre de place en ESAT ? Qu'en est-il de la situation des départements frontaliers ? Je n'oublie pas que dans ceux qui bordent la Belgique, bien des ressortissants français n'ont d'autre choix que de rechercher un accueil de l'autre côté de la frontière. Comme membre de la délégation aux droits des femmes, enfin, je m'interroge sur la diminution des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes ». Il reste pourtant beaucoup à faire dans ce domaine. Sur quels montants peuvent compter les délégations départementales aux droits des femmes ? Même modestes, elles restent mal connues, voire inconnues, ce qui pose un vrai problème de terrain. Même interrogation pour ce qui concerne la lutte contre le harcèlement.

M. Antoine Lefèvre . - Je reviens sur la question des mineurs non accompagnés, et ses conséquences pour les finances des départements, au terme de la prise en charge des cinq premiers jours par l'État. Sans parler des autres difficultés : structures inadaptées, problèmes sanitaires, insécurité. Et l'on sait, de surcroît, qu'une majorité de ces jeunes sont issus de pays en paix, mais où sévissent des filières clandestines. Qu'en est-il des engagements pris pour accompagner les départements ? Un plan d'action a-t-il été élaboré ?

Autre préoccupation, par laquelle je rejoins Arnaud Bazin, le peu de priorité donné à la lutte contre la prostitution. Je pense en particulier aux aides aux associations, qui pâtissent du manque de crédit et de structures d'accueil. C'est le cas, dans les Hauts-de-France, d'une association comme Le Refuge, qui vient en aide aux jeunes homosexuels en errance, rejetés par leur famille. Quelles actions sont envisagées ?

M. Roger Karoutchi . - Alors que le nombre de mineurs isolés explose du fait des vagues migratoires récentes et que le Gouvernement précédent s'était engagé à prendre les crédits qui leur sont consacrés sur le budget « Immigration, asile et intégration », rien n'a encore été fait. Les départements ne peuvent plus faire face.

Deuxième préoccupation : l'échec total de la réinsertion dans les pays d'origine. Une aide avait été créée pour les travailleurs d'un certain âge qui pourraient être tentés de revenir vers leur pays d'origine. Les crédits passent de 10 millions d'euros à 1 million d'euros. Le fait est que le Gouvernement précédent évaluait le public concerné à 10 000 ou 15 000 personnes, et qu'il n'y en a pas eu, au final, plus de 800 ! L'échec est total. Il en va de même, dans une moindre mesure, des politiques de réinsertion à destination de publics moins âgés menées par l'Ofii, l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et d'autres organismes. Preuve que c'est bien la politique d'ensemble, sur ce sujet, qui demande à être repensée, dans la cohérence.

M. Thierry Carcenac . - Je partage les observations formulées dans ce rapport. Sur la politique immobilière, vous y relevez, la réduction du parc locatif privé et les efforts faits pour densifier le parc domanial. C'est une bonne voie, à mon sens, qui mérite d'être poursuivie.

En matière d'informatique, la modernisation et la sécurisation des serveurs des ministères justifieraient une mission transversale, pour rechercher des économies, car les problématiques sont communes.

Comme Roger Karoutchi, enfin, j'estime que la question des mineurs isolés relève moins de l'aide sociale à l'enfance que des politiques migratoires. Ce sont bien souvent des jeunes à la limite des dix-huit ans, qui viennent pour des motifs économiques. Il faut faire tout un tas de test, coûteux, pour démontrer qu'ils sont majeurs.

Le rapport de nos collègues Elisabeth Doineau et Jean-Pierre Godefroy (« Mineurs non accompagnés, répondre à l'urgence qui s'installe ») était à mon sens très pertinent : il faut une prise en charge par l'État. Les départements n'ont pas les moyens d'accueillir à leurs frais ce type de population. Dans mon département du Tarn, il a fallu, en juillet, héberger plus de cinquante mineurs isolés dans des hôtels, faute de places en centres d'accueil. Il faut trouver des solutions : je partage pleinement les observations des rapporteurs.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je m'associe à l'hommage rendu à nos rapporteurs et partage également leurs observations. J'insiste, moi aussi, sur les mineurs isolés. C'est une question qui relève de la solidarité nationale, et d'autant plus qu'a été instauré un système de répartition administrative pour décharger certaines zones : dès lors que c'est le ministère de la justice qui décide d'une répartition, les départements sortent de leur vocation sociale pour assurer une sorte de régulation pour le compte de l'État.

Je reviens sur les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire. Le Gouvernement a fait voter un amendement sur la mission « Sport, jeunesse et vie associative » pour compenser la disparition de cette réserve parlementaire. Mais les crédits relatifs à l'aide alimentaire n'en font pas partie : il faudra régler ce problème, de même que pour les crédits relatifs à l'action extérieure de l'État. Il faudra également être vigilant sur le soutien à l'investissement locatif local lors de l'examen du projet de loi de finances.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Je laisserai à Arnaud Bazin, qui a une expérience départementale, le soin de répondre sur la question des mineurs non accompagnés, sur laquelle nous avons longuement échangé.

Les MDPH ne sont plus, Marc Laménie, dans le périmètre de la mission, mais la question a bien sûr été évoquée, car nous connaissons les difficultés, récurrentes, auxquelles se heurtent beaucoup de départements. La situation s'améliore un peu, les délais sont raccourcis, mais on constate encore de fortes disparités entre départements.

Sur les expatriations en Belgique qui était un sujet évoqué les années passées, on en reste, malheureusement, au statu quo : 6 500 personnes se trouvent actuellement en Belgique, en raison - dans la grande majorité des cas - d'un manque de places dans les établissements français.

En matière d'égalité entre les femmes et les hommes, relevons la création d'un numéro d'appel, le « 39.19 », qui n'est pas anecdotique, car il peut réellement aider. Le responsable de la brigade de gendarmerie de mon territoire, que j'ai rencontré, m'a ainsi appris que sur 2 000 interventions, 40 % concernaient des violences intrafamiliales. Il est également prévu de développer les accueils de jour - au nombre de 121 en 2016 - et les lieux d'écoute et d'orientation - au nombre de 206 à la même date.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Un complément sur les MDPH. La caisse nationale de solidarité (CNSA) pour l'autonomie souhaite faciliter les échanges entre les systèmes informatiques existants. L'un des problèmes auxquels on se heurte tient en effet à l'incomplétude des données, qui nuit à une bonne connaissance de la population concernée. On peut donc espérer un progrès dans les deux ans à venir. Étant entendu qu'il s'agit de tenir compte, ce faisant, des investissements déjà réalisés par les départements dans les systèmes d'information.

Mes fonctions au bureau de l'ADF, l'Association des départements de France, m'ont conduit à m'occuper de la question des mineurs isolés. Nous interpellons les gouvernements sur ce sujet depuis trois ans, avec un succès très relatif. J'estime, pour ma part, que notre pays doit être capable de faire face à la demande de 25 000 mineurs étrangers isolés. Mais le système de l'aide sociale à l'enfance n'est pas adapté, et les budgets des départements n'en peuvent plus : l'ADF estime, fin 2017, la dépense à 1 milliard d'euros. Sans compter les problèmes de sécurité qui se posent. Les maisons d'enfant à caractère social, qui ont pour mission d'accueillir des enfants fragiles enlevés à leur famille par décision de justice, ne sont pas adaptées pour accueillir ces mineurs. N'oublions pas que les départements sont pénalement responsables de ce qui se passe dans ces établissements.

C'est une mission qui relève des pouvoirs régaliens de l'État et doit être mise en oeuvre par lui. Malgré l'annonce du Premier ministre de prendre en charge ces dépenses, aucun crédit n'a été inscrit dans le budget à ce titre pour 2018, ce qui ne laisse pas de nous inquiéter. Je reviens, enfin, sur la question des « filières » : autant il est naturel d'accueillir des mineurs en provenance de pays en guerre où leur existence est en danger, autant ceux qui viennent de « filières », dans une immigration d'origine économique - soit la majorité de ceux que nous rencontrons sur le terrain - relèvent d'une autre logique. Nous connaissons même les tarifs pratiqués dans ces « filières » - 4 000 à 7 000 euros selon les pays -, et la capacité d'adaptation de ces « filières » aux réponses que nous apportons. Cette dimension doit aussi être prise en compte.

Nous attendons donc, sur ce sujet des mineurs isolés, au-delà de la position de principe du Premier ministre, des réponses concrètes.

M. Éric Bocquet . - Nous avons rencontré les responsables des Restos du coeur, des banques alimentaires et du Secours populaire : les crédits de la réserve parlementaire, contre laquelle on a engagé un procès malsain, que j'ai toujours combattu, représentaient une somme importante pour eux : près de 200 000 euros pour la Banque alimentaire et 70 000 euros pour les Restos du coeur en 2017. Cela va poser une vraie difficulté, et le rapporteur général a raison de le souligner. Il va falloir trouver une solution.

M. Vincent Éblé , président . - Nous allons maintenant voter sur les amendements, les articles rattachés et les crédits de la mission.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - S'agissant de l'article 63 rattaché à la mission, nous avons déjà exposé les raisons de notre amendement qui propose la suppression de cet article.

L'amendement de suppression n° 1 de l'article 63 est adopté. La commission décide de proposer au Sénat de supprimer cet article.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial. - Dans la nuit, l'Assemblée a adopté un article additionnel rattaché à la mission, il s'agit de l'article 64. Il vise à compléter le document de politique transversale relatif à la politique de l'égalité entre les femmes et les hommes par le suivi de trois dispositifs visant à sanctionner des comportements contrevenant à l'égalité.

Nous vous proposons l'adoption de cet article sans modification.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption de l'article 64.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Mon amendement n° 2 tire les conséquences de l'amendement de suppression de l'article 63 rattaché à la mission. Il prévoit de compenser l'économie non réalisée sur la prime d'activité estimée à 20 millions d'euros, en diminuant, à même hauteur, les crédits relatifs aux dépenses de fonctionnement et d'immobilier des ministères sociaux, portées par le programme 124.

En effet, comme je vous l'ai indiqué, des gains de productivité et d'efficience sont attendus en 2018, s'agissant notamment de la politique d'achat et surtout de la politique immobilière. Par ailleurs, ce programme fait l'objet d'annulations régulières par le Gouvernement en gestion : le dernier décret d'avance de juillet 2017 avait procédé à une annulation de 59,1 millions d'euros en autorisations d'engagement et 69,7 millions d'euros en crédits de paiement.

L'amendement n°2 est adopté.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - C'est ici que nos chemins se séparent. J'ai voté contre cet amendement puisque je vous propose de rejeter les crédits de la mission.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Je vous en propose, au contraire, l'adoption de ces crédits, sous réserve des observations que j'ai présentées.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » tels que modifiés par l'amendement n° 2, qu'elle a adopté, la suppression de l'article 63 rattaché à la mission et l'adoption de l'article 64 rattaché à la mission.

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a confirmé sa position, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale .

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