II. PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS SPÉCIAUX

1. Des dépenses d'exonérations de charges historiquement basses, dans un contexte de chômage accru

Le dispositif d'exonérations de charges sociales spécifique à l'outre-mer a été créé par la loi n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon et à Mayotte. Il vise à réduire le coût du travail afin de favoriser le développement de l'emploi dans ces territoires.

Ce dispositif (action 01 « Soutien aux entreprises » du programme 138), constitue un outil essentiel de la politique de l'État en faveur des outre-mer. Il représente 989 millions d'euros, contre plus d'un milliard d'euros en 2015. Les exonérations de charges sociales rassemblent plus de la moitié des crédits consommés au sein de la mission « Outre-mer » en 2016 et 78 % des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer ».

Il repose sur un mécanisme prenant en compte plusieurs facteurs : la taille de l'entreprise, son secteur d'activité et son éligibilité ou non au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et la rémunération du salarié.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016, a recentré le dispositif prioritairement sur les bas salaires en abaissant les seuils tout en conservant les mêmes cibles, c'est-à-dire les très petites entreprises (moins de onze salariés) et les entreprises des secteurs suivants : la recherche et le développement, les technologies de l'information et de la communication, le tourisme y compris les activités s'y rapportant, l'environnement, l'agronutrition, les énergies renouvelables.

Montant des exonérations de cotisations de charges patronales

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (d'après la Cour des comptes)

L'écart constaté, tant en AE qu'en CP, entre les crédits inscrits en loi de finances pour 2016 et les consommations effectives correspond essentiellement à une minoration des besoins des organismes de sécurité sociale, consécutive aux réformes entreprises sur ce dispositif en 2014 et 2016.

Impact des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale sur l'évolution des effectifs salariés dans les départements d'outre-mer

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Les entreprises exonérées bénéficient d'un taux de croissance de l'emploi inférieur de 0,3 point à celui de l'ensemble des entreprises ultramarines, ceci s'expliquant par un contexte économique globalement plus favorable aux secteurs des entreprises non exonérées .

L'augmentation de l'écart entre le taux de croissance de l'emploi salarié dans les entreprises d'outre-mer exonérées de cotisations sociales et le taux de croissance de l'emploi salarié dans les entreprises analogues de l'hexagone a augmenté en 2016. Les entreprises ultramarines bénéficiant d'exonérations de charges connaissent donc une situation de l'emploi moins défavorable que les entreprises des secteurs comparables de l'hexagone.

Eu égard à la situation de l'emploi dans les outre-mer, vos rapporteurs spéciaux renouvellent leurs interrogations sur le choix du gouvernement de réformer ce dispositif d'exonérations de charges sociales. Ce dernier a en effet été modifié à de nombreuses reprises entre 2007 et 2013 et a encore été recentré en loi de finances initiale pour 2017, alors qu'il conviendrait de le stabiliser afin de permettre aux entreprises de bénéficier d'une visibilité sur l'évolution de leur masse salariale et de ne pas décourager les décisions de recrutement.

2. Une montée en puissance progressive du SMA conforme aux prévisions

Les crédits consommés pour l'action 2 « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle » du programme 138 « Emploi outre-mer », qui couvrent les deux dispositifs d'insertion professionnelle (le service militaire adapté et l'activité de l'opérateur LADOM), s'élèvent en 2015 à 265 millions d'euros en AE et 269 millions d'euros en CP, soit une légère hausse par rapport à l'exercice 2014.

La gestion 2016 marque un palier dans la montée en puissance du Service militaire adapté (SMA) avec une stabilisation du plafond d'emplois fixé en loi de finances initiale à 5 309 ETPT, à l'instar de l'exercice précédent, dont 4 206 volontaires. Le plafond d'emplois a été consommé à 99,9 %, soit un taux équivalent à un volume de 5 301 ETPT annuels.

Effectifs du Service militaire adapté (réalisation)

(en ETPT)

2013

2014

2015

2016

PLF 2017

Effectif total du SMA

5 086

5 296

5 296

5 301

5 505

Volontaires

4 007

4 205

4 204

4 206

4 400

Personnel civil et militaire

1 079

1 091

1 092

1 095

1 105

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)

Le nombre de volontaires engagés a, quant à lui, été dépassé et l'objectif en emplois réalisé. En 2016, le nombre de bénéficiaires a augmenté de 196 ETPT (soit 5 847 personnels) en comparaison avec l'année passée. Ce résultat est cohérent avec la trajectoire fixée : 6 000 bénéficiaires pour 2017.

Objectifs annuels du SMA

(en nombre de volontaires engagés)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Places de stages ouvertes dans l'année

2 900

3 000

4 100

4 850

5 300

5 500

5 700

5 800

6000

Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents annexés au PLF 2017)

La performance du SMA demeure satisfaisante. Depuis 2013, l'insertion des volontaires stagiaires se maintient au-dessus de la cible des 76 %, et passe à 77 % en 2016. Le taux de sorties anticipées du dispositif sans insertion professionnelle, en 2016, est de 12,8 % soit - 1,7 point par rapport à la moyenne des années précédentes (2010-2014). Vos rapporteurs spéciaux craignent toutefois que la baisse régulière du taux d'encadrement du SMA, dans un contexte d'augmentation du nombre de volontaires (+ 83 volontaires par rapport à 2015) issus de publics plus fragiles et nécessitant plus d'attention nuise à sa performance à terme.

Ce dispositif vise une population particulièrement fragile, puisque la moitié des ultramarins âgés de 18 à 25 ans sont au chômage. À ce titre, l'exercice 2016 s'avère conforme aux objectifs fixés et permettra l'atteinte de l'objectif « SMA 6000 » en 2017. Ce succès ne devra pas masquer la nécessaire poursuite efforts budgétaires dans le domaine de l'insertion des jeunes ultramarins sur le marché de l'emploi.

3. Une poursuite de la baisse des crédits de l'aide à la continuité territoriale regrettable

Aux termes de l'article L. 1803-1 du code des transports, la politique nationale de continuité territoriale doit tendre « à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».

Les crédits de l'action 03 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sont principalement destinés à abonder le fonds de continuité territoriale (FCT), qui est notamment chargé de financer :

- l'aide à la continuité territoriale (ACT) pour tous publics ;

- le passeport-mobilité études (PME) pour les étudiants et les lycéens ;

- le passeport-mobilité formation professionnelle (PMFP) pour les personnes ayant un projet d'insertion professionnelle.

Les critères d'éligibilité de l'aide à la continuité territoriale ont fait l'objet d'une importante réforme entrée en vigueur en février 2015, avec la mise en place d'un délai d'au moins trois années entre le versement de deux aides et la division de leurs montants par deux pour les foyers dont le quotient familial annuel est supérieur à 6 000 euros.

Ces changements avaient entraîné une réduction de 80 % du nombre de bénéficiaires et du coût du dispositif entre 2014 et 2015. Cette tendance se confirme en 2016 puisque les dépenses du dispositif ont atteint 29,6 millions d'euros en AE/CP soit une diminution de 17,3 % par rapport à l'enveloppe consommée en 2015. Le nombre de bénéficiaires (hors volet transport dans le cadre de la formation professionnelle) s'élève à 19 516 en 2016 soit - 5,2 % par rapport à 2015.

Parallèlement à cette réforme, le conseil régional de la Réunion a renforcé son propre dispositif (initié en 2010, fortement renforcé en 2016). Plus favorable que l'aide de l'État (l'aide régionale est attribuée une fois par an sous conditions de ressources) et non cumulable avec celle-ci, qui a donc capté les Réunionnais qui étaient les principaux bénéficiaires de l'aide de l'État.

Vos rapporteurs spéciaux expriment leurs doutes quant à l'impact de cette réforme, qui traduit le retrait de l'État dans l'effort de désenclavement des collectivités ultramarines.

4. Une exécution des crédits de la LBU en hausse, conformément à la priorité affichée d'aide au logement

La majeure partie des crédits du programme 123 sont constitués de la ligne budgétaire unique (LBU), dont les crédits consommés s'élèvent à 197,8 millions d'euros en AE et 216,4 millions d'euros en CP, soit une augmentation 6,4 % en AE et 9,2 % en CP par rapport à 2015.

Alors que leur consommation avait baissé entre l'exercice 2015 et 2014, cette augmentation est cohérente avec la priorité affichée à la politique d'aide au logement dans le cadre du « Plan logement outre-mer 2015-2020 » qui fixe pour objectif de produire et réhabiliter au minimum 10 000 logements sociaux par an (locatifs ou en accession).

Vos rapporteurs regrettent néanmoins qu'aucun dispositif de suivi de l'exécution de ce plan n'existe dans les documents budgétaires, rendant impossible une réelle évaluation des actions menée en vue de le mettre en oeuvre.

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