III. LA RECHERCHE D'UNE PLUS GRANDE CRÉDIBILITÉ DANS LA PROGRAMMATION DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE
A. LE REFUS LÉGITIME DE DÉVOILER LE MONTANT DES OPÉRATIONS ENVISAGÉES PAR L'ETAT ACTIONNAIRE EST SUSCEPTIBLE DE PORTER ATTEINTE AU PRINCIPE DE CRÉDIBILITÉ BUDGÉTAIRE
1. Pour des raisons de confidentialité et d'opportunité parfaitement compréhensibles, le Gouvernement refuse de dévoiler le montant des cessions envisagées pour l'année à venir
Comme cela a été rappelé précédemment, la programmation du compte d'affectation spéciale a toujours présenté jusqu'au présent projet de loi de finances une double spécificité :
- les crédits inscrits à cette mission sont fixés à un niveau conventionnel , identique année après année (5 milliards d'euros depuis le projet de loi de finances pour 2007) et indépendant du montant des dépenses et des recettes réellement prévues ;
- le compte est par construction toujours présenté à l'équilibre dans le cadre du projet de loi de finances , si bien qu'il n'a, à ce stade de la procédure budgétaire, jamais d'impact sur la prévision du solde général d'exécution de la loi de finances.
Cette programmation atypique s'explique par le refus légitime du Gouvernement de dévoiler le montant des cessions envisagées pour l'année à venir, afin de préserver l'intérêt patrimonial de l'État . Comme chaque année, le projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances indique ainsi que « pour des raisons de confidentialité, inhérentes notamment à la réalisation de cessions de titres de sociétés cotées, il n'est pas possible au stade de l'élaboration du projet de loi de finances, de détailler la nature des cessions envisagées. La stratégie de cession dépend en effet très largement de la situation des marchés, très difficile à anticiper, des projets stratégiques des entreprises intéressées, de l'évolution de leurs alliances ainsi que des orientations industrielles retenues par le Gouvernement. Dans ce contexte, le responsable du programme évalue les opportunités, en ligne avec les lignes directrices de l'État actionnaire, et peut proposer au ministre de réaliser une opération » 60 ( * ) .
Toutefois, ce mode de programmation est susceptible de porter atteinte à la crédibilité du budget, de son élaboration à son exécution.
2. Le choix de fixer les crédits du compte à un niveau conventionnel est toutefois susceptible de fragiliser la crédibilité de la programmation et de l'exécution du budget
Tout d'abord, le fait que le compte soit systématiquement présenté à l'équilibre au stade du projet de loi de finances, et ce indépendamment du montant des dépenses et des recettes réellement prévues, est susceptible de fausser la prévision du solde d'exécution de la loi de finances.
Par ailleurs, le caractère formel de la programmation permet au Gouvernement, au cours de l'exécution budgétaire, de gager des dépenses nouvelles par des annulations sur le compte d'affectation spéciale qui ne constituent pas des économies réelles pour le budget de l'État .
Dans son avis sur le projet de décret d'avance notifié le 23 septembre 2016, votre commission des finances relevait ainsi « que les annulations en autorisations d'engagement sur le compte d'affectation spéciale `Participations financières de l'État' ne constituent pas des économies réelles sur le budget de l'État dans la mesure où les crédits inscrits à cette mission sont fixés à un niveau conventionnel, identique d'année en année et indépendant du montant des dépenses réellement prévues ; que les ouvertures qu'elles permettent se traduiront en revanche par une charge supplémentaire certaine sur le budget de l'État en 2016 et en 2017 » 61 ( * ) .
En l'espèce, les marges de manoeuvre du Gouvernement sont d'autant plus grandes que le niveau inscrit en recettes comme en dépenses depuis 2007 (5 milliards d'euros) est significativement plus élevé que les montants généralement constatés au stade de l'exécution.
Enfin, en raison du caractère formel de cette programmation, l'exécution ne saurait, comme pour les autres missions, être comparée à la prévision au moment de l'examen du projet de loi de règlement.
Or, la crédibilité de la programmation du compte pourrait être sensiblement améliorée sans pour autant forcer le Gouvernement à dévoiler le montant des cessions envisagées pour l'année à venir.
* 60 Projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances, p. 11.
* 61 Avis de la commission des finances du Sénat sur le projet de décret d'avance notifié le 23 septembre 2016, portant ouverture et annulation de 1 532 millions d'euros en autorisations d'engagement et 699 millions d'euros en crédits de paiement.