III. ANALYSE DU PROGRAMME 334 « LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

1. Des opérations immobilières nombreuses et importantes en volume

Trois des quatre opérateurs du programme 334 « Livre et industries culturelles » mettent en oeuvre des programmes immobiliers de grande ampleur qui affectent notablement leur fonctionnement (fermeture de salles d'accueil du public, déménagement des collections et des personnels) et leurs finances.

La Bibliothèque nationale de France (BnF) est engagée depuis 2011 dans la rénovation du quadrilatère Richelieu, son site historique. En mai 2016, la phase 1 (la moitié du quadrilatère située le long de la rue Richelieu) a été achevée avec un retard de près 30 mois dû à des opérations de désamiantage et de déplombage qui n'avaient pu être anticipées. Le public sera de nouveau accueilli le 15 décembre 2016 dans la zone rénovée au 58 rue de Richelieu (départements des manuscrits, arts du spectacle, monnaies, médailles et antiques). La consultation des entreprises dans le cadre de la phase 2 est en cours pour une réalisation de 2017 à 2020.

Plan des travaux du Quadrilatère Richelieu

Source : réponse de la DGMIC au questionnaire du rapporteur spécial

Au fil du chantier, le programme a été plusieurs fois modifié pour intégrer divers travaux 37 ( * ) . Parallèlement, son coût s'est évidemment renchéri. Pour mémoire, la convention de mandat du 13 novembre 2006 faisait état d'un coût des travaux de 149,14 millions d'euros sur la base d'une actualisation des prix de 2,5 % par an. En 2012, le chantier représentait pour l'État « une charge globale de l'ordre de 212,82 millions d'euros » 38 ( * ) .

Le coût actualisé est désormais évalué à 232,4 millions d'euros, soit une augmentation de 9 %. Il présente toutefois une légère baisse par rapport à l'année dernière (232,9 millions d'euros). La BnF et l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC), à qui a été confiée la maîtrise d'ouvrage, semblent en effet avoir pris les mesures nécessaires pour contenir la dérive financière du chantier. Ils ont conduit un travail d'analyse et de recherches d'économies fin 2014. La BnF a également procédé, en concertation avec l'OPPIC, à l'estimation des ressources pouvant être mobilisées afin de financer les surcoûts relatifs à des modifications du programme initial. Certaines opérations (restaurations des façades, de certains décors ou de certains espaces) seront être réalisées sous réserve de l'obtention de mécénats.

La Bibliothèque publique d'information (Bpi), qui est associée au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, va également démarrer les travaux de rénovation de ses salles de lectures , ainsi que de son entrée, qui se fera de nouveau par la piazza Beaubourg, via la « Chenille » (c'est-à-dire les escaliers mécaniques en façade du bâtiment), et non plus rue Beaubourg, pour se conformer au projet originel des architectes . La maîtrise d'ouvrage a été confiée à l'OPPIC. Pour financer ces travaux, une dotation en fonds propres a été inscrite à hauteur de 10 millions d'euros, en autorisations d'engagement, dans la loi de finances pour 2015. En 2017, 2,8 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus pour financer les travaux de revêtement des sols et de réalisation de la nouvelle coursive d'entrée (« chenille »).

Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) s'est engagé dans un projet de regroupement de tous ses sites parisiens en un lieu unique et a sélectionné le siège d'Aéroport de Paris (ADP) situé boulevard Raspail, dans le 14 e arrondissement de Paris. L'acte authentique de vente a été signé le 25 mars 2015. Le transfert de propriété a eu lieu le 1 er juillet 2016 et le transfert de jouissance doit intervenir au 31 mars 2017 au plus tard, ce calendrier ayant été fixé en fonction du calendrier de construction du nouveau siège d'ADP à l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Le CNC doit ensuite engager des travaux de réhabilitation et de construction de salles de projection cinématographique.

Données clés de l'opération immobilière du CNC

Source : réponse du CNC au questionnaire du rapporteur spécial

L'acquisition et les différents travaux doivent être financés par la mobilisation de sa réserve immobilière (33,8 millions d'euros) et la vente des actifs du CNC. Ces derniers avaient été estimés de manière très prudente à 56 millions d'euros par le CNC et environ 71 millions d'euros par France Domaine. La commercialisation a finalement été confiée à des professionnels du secteur parisien, qui ont mis en concurrence des opérateurs internationaux. L'offre retenue s'élève à 91,5 millions d'euros , soit 30 % de plus que l'estimation de France Domaine. Cette opération est l'occasion d'un reversement de 30 millions d'euros dans le budget général de l'État .

Pour avoir une vision exhaustive des projets immobiliers en cours, il convient également de mentionner deux chantiers financés via le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » , la réhabilitation de la Maison de la Radio menée par Radio France, dont le coût non maîtrisé, qui a atteint 430,3 millions en euros courant, pèse sur l'entreprise (cf. infra ), et la réorganisation du site de Bry-sur-Marne de l'INA qui comprend la construction d'un bâtiment de 4 000 m 2 et la rénovation de deux bâtiments, pour un coût global de 25 millions d'euros.

2. Des moyens consacrés au livre et à la lecture préservés

Les crédits du programme 334 « Livre et industries » sont consommés à hauteur de 94 % par l'action 01 « Livre et lecture » dont 80 % des crédits sont consacrés à la Bibliothèque nationale de France (BnF), hors chantier du Quadrilatère Richelieu.

Répartition et évolution des crédits
de l'action 01 « Livre et lecture » entre 2016 et 2017

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les projets annuels de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexés aux projets de lois de finances pour 2016 et 2017

Répartition par nature des crédits de paiement
de l'action 01 « Livre et lecture » en PLF 2017

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexés aux projets de loi de finances pour 2017

75 % des crédits de paiement de l'action 01 « Livre et lecture » sont constitués de dépenses de fonctionnement. Il s'agit pour la quasi-intégralité de dépenses de fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (BnF) et de la Bibliothèque publique d'information (Bpi) couvertes par les subventions pour charges de service public qui leur sont versées. Seul 0,4 % de ces dépenses correspondent à des dépenses autres : participation du ministère de la culture et de la communication à divers salons (dont le Salon du livre de Paris) ou opérations de communication.

Les dépenses d'intervention, qui s'élèvent à 33,6 millions d'euros et sont en légère hausse par rapport à 2016 39 ( * ) , sont consacrées :

- aux actions en faveur du développement de la lecture et des collections pour 13,5 millions d'euros dont 89 % sont des crédits déconcentrés, délégués aux DRAC . C'est dans ce cadre que sont versés les crédits consacrés aux contrats territoire-lecture dont l'enveloppe est à nouveau renforcée cette année (+ 0,5 million d'euros) pour atteindre 2,7 millions d'euros ;

- aux actions en faveur de l'édition, la librairie et les professions du livre pour 20,1 millions, dont 85 % sont des crédits centraux mobilisés. Ces crédits sont en légère hausse par rapport à 2016 (+ 1,4 million d'euros), ce qui permettra de financer la présence de la France comme invitée d'honneur à la Foire du livre de Francfort en 2017 .

Pour mémoire, l'essentiel des interventions économiques en faveur du livre sont portées par le Centre national du Livre (CNL) qui, à partir de ses ressources assises sur deux taxes affectées (cf. supra ), finance 31 dispositifs d'aide développés par métier, au bénéfice des auteurs, des traducteurs, des éditeurs, des libraires, des bibliothécaires et des organisateurs de manifestations littéraires. Le CNL a redistribué en 2015 26,3 millions d'euros sous la forme de prêts ou de subventions dans le cadre de ses missions statutaires.

3. Des crédits en faveur de la musique et de l'Hadopi renforcés

Les crédits consacrés aux industries culturelles, qui comprennent les soutiens dans le domaine de la musique enregistrée et du cinéma, et la dotation dévolue à la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), sont en augmentation de 6,3 % pour s'établir à 16,9 millions d'euros (+ 0,4 million d'euros pour la musique enregistrée et + 0,5 million d'euros pour l'Hadopi).

L'Hadopi recevra ainsi en 2017 une dotation de 9 millions d'euros , ce qui la place encore à un niveau inférieur de ressources par rapport à 2012. Pour mémoire, de 2013 à 2015, sa subvention avait été fixée à un niveau inférieur à ses besoins budgétaires réels, ce qui l'avait obligée à opérer des prélèvements sur son fonds de roulement.

Évolution de la dotation allouée à l'Hadopi depuis sa création

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les rapports annuels de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexés aux projets de loi de règlement de 2010 à 2015 et les projets annuels de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexés aux projets de loi de finances pour 2016 et 2017 (en pointillés)

L'augmentation de 0,5 million d'euros est destinée à couvrir les compensations dues aux fournisseurs d'accès à Internet (FAI) pour les identifications réalisées dans le cadre de la procédure de réponse graduée, comme le prévoit l'article L. 34-1 du code des postes et communications électroniques depuis son origine.

Ces surcoûts ne sont jusqu'à présent pas compensés faute de décret d'application , ce qui contraint les opérateurs à répondre à leurs frais aux demandes de l'Hadopi. Une décision du Conseil d'État du 23 décembre 2015 40 ( * ) a enjoint le Premier ministre de prendre les mesures réglementaires d'application. Le décret n'a toujours pas été publié, mais les crédits alloués à l'Hadopi anticipent cette publication.

L'Hadopi a adressé plus de 18 millions de demandes d'identification aux FAI depuis la mise en place de la réponse graduée en septembre 2010. Son système d'information est actuellement capable d'envoyer 50 000 demandes d'identification par jour 41 ( * ) . Le taux global d'identification des adresses par les FAI est de 87 %.


* 37 Notamment liés à la rénovation des façades, l'aménagement muséographique, l'installation de l'École nationale des chartes ou encore aux travaux de désamiantage et de déplombage. Sept avenants ont ainsi été signés entre juillet 2011 et juillet 2015.

* 38 Cf. Réponse au questionnaire budgétaire dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2013.

* 39 31,5 millions d'euros inscrits en PLF 2016 (AE = CP) .

* 40 Arrêt CE n° 383110 du 23 décembre 2015 (Société Bouygues Télécom)

* 41 Source : rapport d'activité Hadopi 2014-2015

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