TROISIÈME PARTIE - OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL THIERRY FOUCAUD

1. Un objectif de 55 000 créations de postes nécessaire mais insuffisant dans un contexte d'accroissement du nombre d'élèves et qui peine à être atteint en termes de postes effectivement pourvus

Votre rapporteur spécial considère que l'objectif de 55 000 créations de postes dans l'éducation constitue un minimum même si celui-ci rompt avec la logique qui prévalait sous le précédent quinquennat de réduction du nombre d'enseignants et qui s'était traduite par la suppression de 80 000 postes entre 2007 et 2012.

Ces créations de postes sont en effet indispensables pour permettre « d'absorber » la hausse significative des effectifs scolaires intervenue depuis 2011, tant dans le premier degré que dans le second degré .

Le nombre d'élèves scolarisés à la rentrée 2015 dans les établissements publics et privés du premier degré a ainsi augmenté de 16 700 par rapport à la rentrée 2014 et a atteint 6 805 200 élèves.

Par rapport à 2011, les effectifs d'élèves dans le premier degré ont crû de plus de 94 650 élèves (+ 1,4 %).

Les effectifs du second degré ont progressé de plus de 39 000 élèves entre 2014 et 2015 et de près de 121 000 élèves depuis 2012 (+ 2,2 %).

Évolution du nombre d'élèves
dans les premier et second degrés

constat

constat

Variation en

constat

Variation en

constat

Variation en

constat

Variation en

2011

2012

volume

pourcentage

2013

volume

pourcentage

2014

volume

pourcentage

2015

volume

pourcentage

1 er degré

6 710 590

6 718 902

8 312

0,1

6 760 644

41 742

0,6

6 788 580

27 936

0,4

6 805 243

16 663

0,2

2 nd degré

5 415 587

5 421 987

6 400

0,1

5 472 782

50 795

0,9

5 497 135

24 353

0,4

5 536 422

39 287

0,7

Champ : France métropolitaine + DOM y compris Mayotte
Source : réponse au questionnaire budgétaire

Ces postes supplémentaires doivent également permettre de renforcer certains dispositifs . La loi de refondation du 8 juillet 2013 12 ( * ) prévoit ainsi la création de 7 000 postes destinés au dispositif « plus de maîtres que de classes » et au renforcement des réseaux d'aide spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), qui avaient été mis à mal par le précédent Gouvernement.

Votre rapporteur spécial regrette cependant, comme il a été rappelé précédemment, que l'ensemble des postes ouverts ne soient pas pourvus .

Il considère que l'objectif de 55 000 postes supplémentaires constituait donc un effort nécessaire pour accompagner l'augmentation de la démographie scolaire et le renforcement de certains dispositifs mais très insuffisant pour réellement répondre aux importants besoins des établissements.

Le nombre élevé de postes vacants ou pourvus par des enseignants stagiaires dont l'activité ne correspond, dans les faits, qu'à un mi-temps, qui réduit la portée de ces créations de postes, contraint de nombreux établissements, souvent situés dans les académies les moins favorisées, à avoir recours à des enseignants contractuels qui ne sont généralement pas formés .

Une telle situation n'est évidemment pas acceptable alors que, comme il a été rappelé précédemment, le système scolaire français figure parmi les plus inégalitaires de l'OCDE .

Elle doit s'analyser au regard de la faible attractivité du métier d'enseignant liée à la dégradation des conditions de travail et de la condition matérielle des enseignants.

2. Une revalorisation des rémunérations et des carrières bienvenue mais tardive et qui ne devrait pas permettre d'améliorer de manière significative l'attractivité du métier d'enseignant, notamment en début de carrière

La mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations », dont le contenu a été rappelé précédemment, se traduira par une amélioration de la situation matérielle de l'ensemble des personnels. Cette mesure représente un effort significatif de l'État, de l'ordre de 787 millions d'euros dès 2017 , qu'il convient de saluer.

Pour autant, votre rapporteur spécial fait sienne l'analyse développée précédemment de l'insuffisance des mesures proposées pour lutter contre le déficit d'attractivité dont souffre la profession d'enseignant . En effet, l'effort prévu par le protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » se concentrera sur la fin de carrière. Il ne devrait donc pas permettre une amélioration significative de la condition matérielle des jeunes enseignants, alors que c'est en début de carrière que les écarts de rémunération avec leurs homologues de l'OCDE sont les plus importants .

D'autres mesures en faveur de certains personnels méritent en outre d'être rappelées telles que la professionnalisation des accompagnants des élèves en situation de handicap depuis 2014 .

La professionnalisation des fonctions d'accompagnant des élèves
en situation de handicap (AESH)

L'accompagnement des élèves en situation de handicap nécessitant des compétences spécifiques, l'article 124 de la loi de finances pour 2014 a créé un nouveau chapitre dans le code de l'éducation intitulé : « dispositions spécifiques relatives aux accompagnants des élèves en situation de handicap ». Les conditions de recrutement et d'emploi des AESH sont fixées par le décret n° 2014-724 du 27 juin 2014.

Les candidats aux fonctions d'AESH doivent être titulaires d'un diplôme professionnel dans le domaine de l'aide à la personne (diplôme d'État d'auxiliaire de vie sociale, diplôme d'État d'aide médico-psychologique ou mention complémentaire aide à domicile). Les personnes des personnes ayant exercé pendant au moins deux ans les fonctions d'aide à l'inclusion scolaire des élèves en situation de handicap peuvent cependant être dispensées de la condition de diplôme.

En application de l'arrêté du 27 juin 2014, la rémunération des AESH ne peut être inférieure au traitement indiciaire correspondant au SMIC, ni supérieure au traitement afférent à l'indice brut 400.

À l'issue de six années d'exercice effectif des fonctions, les AESH bénéficiant d'un contrat à durée déterminée ne peuvent être reconduits que par contrat à durée indéterminée. Ils sont alors rémunérés sur des crédits de titre 2 (dépenses de personnel).

En outre, les services d'AED-AVS (assistant d'éducation-auxiliaire de vie scolaire) sont assimilés à des services d'AESH. Par conséquent, dès la rentrée 2014 les AED-AVS ayant atteint les six années d'exercice ont pu se voir proposer un contrat à durée indéterminée. Il a également pu être proposé aux personnes qui avaient été AED-AVS et avaient atteint la limite de six ans au cours des années précédentes le bénéfice d'un contrat à durée indéterminée.

Votre rapporteur spécial considère en outre que le remplacement depuis la rentrée 2015 des emplois d'avenir professeurs (EAP) par les « étudiants apprentis professeurs » va dans le bon sens. En effet, cette mesure s'inscrit dans une logique de formation et de préparation des étudiants ayant choisi de se présenter aux concours de l'enseignement.

Il conviendrait cependant de pousser la logique jusqu'au bout en instaurant un véritable pré-recrutement proposant aux étudiants souhaitant s'orienter vers les carrières de l'enseignement un parcours professionnalisant.

Enfin, votre rapporteur spécial constate que, cette année encore, la masse salariale de la mission « Enseignement scolaire » ne reflètera pas l'intégralité des effectifs, les assistants d'éducation (hors accompagnants d'élèves en situation de handicap bénéficiant d'un contrat à durée indéterminée) continuant d'être rémunérés sur des crédits d'intervention ( 1,3 milliard d'euros en 2017, permettant de rémunérer une moyenne annuelle de 48 800 assistants d'éducation).

3. Le plan en faveur de la jeunesse : un effort budgétaire significatif pour l'accompagnement des jeunes mais dont les crédits ont été minorés à l'Assemblée nationale

L'an dernier, votre rapporteur spécial avait approuvé la réforme des bourses de lycée afin d'en renforcer la transparence et la simplicité.

La réforme des bourses nationales
du second degré

Lancée en 2015, la réforme des bourses nationales du second degré a plus spécifiquement concerné les bourses de lycée. Le décret n° 2016-328 du 16 mars 2016 relatif aux bourses nationales de collège et aux bourses nationales d'études du second degré de lycée, entré en vigueur à la rentrée scolaire 2016, prévoit la mise en place d'un nouveau dispositif pour lequel demeurent uniquement deux critères d'attribution :

- le nombre d'enfants mineurs ou handicapés et le nombre d'enfants majeurs célibataires tels qu'ils figurent sur l'avis d'impôt sur le revenu ;

- la justification des ressources par le revenu fiscal de référence de l'année (n-2) ou (n-1) en cas de modification substantielle de la situation familiale entraînant une diminution des ressources.

Les bourses se déclinent en six échelons . À titre d'exemples, le barème pour 2016-2017 est établi comme suit.

Plafond annuel de ressources à ne pas dépasser pour une bourse à l'échelon 1 :

- 19 037 euros pour une famille avec deux enfants à charge ;

- 28 556 euros pour une famille avec cinq enfants à charge.

Plafond annuel de ressources à ne pas dépasser pour une bourse à l'échelon 6 :

- 2 782 euros pour une famille avec deux enfants à charge ;

- 5 948 euros pour une famille avec cinq enfants à charge.

Pour l'année scolaire 2016-2017 le montant varie de 432 euros pour l'échelon 1 à 918 euros pour l'échelon 6.

Un régime transitoire a cependant été mis en place. Les anciens boursiers de lycée qui continueront à bénéficier de l'ancien système des bourses, c'est un nombre de parts qui leur est attribué, entre 3 et 10 parts dans la majorité des situations. Pour l'année scolaire 2016-2017, le montant de la part est fixé à 49,86 euros. Les deux dispositifs des bourses de lycée cohabiteront donc jusqu'à la fin de l'année scolaire 2017-2018.

Dans le cadre de la simplification des démarches, un service en ligne pour la demande de bourse de collège est expérimenté dans 5 académies à la rentrée 2016 et sera généralisé à toutes les académies en 2017.

Un téléservice pour les demandes de bourse de lycée devrait être proposé, dès février 2017, pour la campagne de bourse de l'année scolaire 2017-2018.

Le site du ministère propose déjà un simulateur de bourse de collège et de lycée permettant aux familles d'obtenir une estimation personnalisée.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Votre rapporteur spécial estimait cependant nécessaire que cette réforme ne se traduise pas par une diminution du montant des bourses attribuées. L'augmentation de près de 10 % du montant des bourses de lycée inscrite dans le présent projet de loi de finances répond à cette inquiétude .

Leur montant moyen devrait ainsi augmenter de 63 euros, passant de 634 euros à 697 euros.

Au total, en tenant compte du coût de la mise en oeuvre du plan en faveur de la jeunesse, par rapport à la loi de finances pour 2016, les crédits consacrés à l'action sociale en faveur des élèves passeront de 652 millions d'euros (586,2 millions d'euros au titre des bourses et des fonds sociaux de l'enseignement public et 65,8 millions d'euros au titre des bourses et des fonds sociaux de l'enseignement privé) à 735 millions d'euros (dont 663,7 millions d'euros dans le public et 71,3 millions d'euros dans le privé).

Votre rapporteur spécial salue en outre l'augmentation des fonds sociaux qui seront portés à 65 millions d'euros en 2017, soit une progression de 11,4 millions d'euros par rapport à 2016. Les crédits supplémentaires permettront de faire face à l'accroissement du nombre de familles touchées par des difficultés économiques et de prendre en charge les changements de situations de familles en cours d'année scolaire, qui ne peuvent pas être traités par le dispositif des bourses.

La minoration des AE et des CP consacrés notamment aux dépenses de l'aide à la recherche d'un premier emploi et des bourses décrocheurs à hauteur de 47,5 millions d'euros prévue par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale en seconde délibération constitue néanmoins un choix contestable.

4. Une dotation en faveur de la formation continue des enseignants très en-deçà des besoins

Le présent projet de loi de finances prévoit un effort de 100 millions d'euros en faveur de la formation continue des enseignants hors dépenses de personnel , dont 23 millions d'euros au profit du premier degré public, 39,5 millions d'euros au profit du second degré public et 37,4 millions d'euros au profit de l'enseignement privé.

Le programme de formation 2016-2017 prévoit notamment la consolidation des actions menées l'année dernière pour l'accompagnement de la réforme du collège (8 journées par professeur). 26 séminaires sont ainsi prévus en 2016-2017 pour accompagner les cadres et responsables des formations en académie (près de 3 600 personnels) dans la mise en place de la réforme.

Dans le premier degré, un comité national d'orientation de la formation du premier degré a été mis en place le 7 mars 2016. Certaines de ses recommandations ont été mises en place pour l'année scolaire 2016-2017, telles que la mise en place, de septembre à novembre, de séminaires interacadémiques de formation centrés sur les cycles 2 (CP à CE2) et 3 (CM1 à 6 e ) ou encore l'enrichissement de l'offre de formations hybrides via la plateforme M@gistère notamment.

Les crédits consacrés à la formation continue, en diminution de près de 5 millions d'euros par rapport à 2016, constituent un minimum compte tenu de l'importance des réformes intervenues récemment, en particulier la réforme du collège ou encore la généralisation de l'usage du numérique dans les établissements.

Votre rapporteur spécial estime qu'un effort plus conséquent aurait pu être consenti alors que la formation des enseignants demeure très en deçà de leurs besoins.

Les organisations syndicales rencontrées par votre rapporteur spécial lui ont ainsi indiqué qu'un effort conséquent était nécessaire en matière de formation continue, dont les crédits avaient été considérablement réduits sous le précédent Gouvernement.


* 12 Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République.

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